J’ai beau savoir que je suis l’auteur de cette photographie, et donc que cette scène a vraiment existé, je ne me fais absolument pas à ce tableau ! On dirait même un mauvais montage de deux bouts de photographies prises à des endroits diamétralement opposés du monde. Enfin, pas totalement opposés… D’un côté, le bateau à roues à aubes, que l’on imagine plutôt naviguer sur le Mississippi, crachant sa vapeur blanche dans un ciel bien bleu, Mark Twain, Tom Sawyer et une nature luxuriante compris. De l’autre, une micro-portion de l’immense Port de Hambourg, le troisième européen par la taille, au charme industriel intrinsèque indéniable, ne se mariant malheureusement absolument pas à l’univers dans lequel l’on se projette en voyant l’embarcation… Esthétiquement, c’est une faute de goût difficilement rattrapable !
Le négatif a, curieusement, une âme de vampire : il vénère l’ombre de sa cartouche opaque et le dos bien hermétique d’un appareil photo ; en toute logique, il ne supporte pas la lumière, directe ou pas, et se consume irréversiblement à son contact… Aussi, lorsque, par accident ou mégarde – une erreur de manipulation, un choc brutal… -, celle-ci réussit à se faufiler jusqu’à lui à une vitesse telle que toute réaction humaine est malheureusement vaine, toutes les formes, toutes les histoires, tous les regards, tous les événements qu’il a au préalable pu capter – de la lumière, pourtant – se teintent d’un rouge-orange vif avant de disparaître pour toujours comme s’ils n’avaient jamais existé et que le monde s’arrêtait là, net…
C’est l’histoire – courte – d’une goutte d’eau unique, monumentale – 20 mètres -, joliment galbée, sur le point de s’écraser dans un fracas proportionnel à sa taille sur le sol de la Bon Voyage Plaza pour se noyer dans la pellicule d’eau qui la recouvre et disparaître à jamais. Vibrant hommage à la nature pour ses créateurs, cette élégante goutte de 800 000 $ n’a pas échappé à la controverse, certains Vancouverois n’appréciant guère le coût de la boutade aqueuse dans cette ville parfois appelée Raincouver tant il y pleut. Comme s’ils avaient besoin ou envie qu’on leur rappelle ce qui est devenu l’emblème de leur ville ! En réalité, ils ont échappé au pire. Imaginez un peu ce qu’une telle commande artistique donnerait à Paris où déjections canines, mégots de cigarettes et autres épanchements urinaires sont de vraies plaies : une immense crotte délicatement déposée à Concorde, une montagne de mégots installée au Trocadéro et un jet jaune luminescent figé à Opéra…
Les plus attentifs d’entre vous noteront une ressemblance manifeste et symbolique avec la photo publiée hier dans Faites vos jeux ! Une ambiance verte, des marches, un piège et une vague théorie sur la gestion du risque que je pourrais également développer ici, mais de façon plus poétique. C’est totalement fortuit. Du moins, cette juxtaposition. Le sujet l’est sûrement un peu moins puisque, dans les deux cas, je suis l’auteur de la photo. Devrais-je pour autant en déduire que mon inconscient cherche à communiquer avec moi par l’intermédiaire de mon appareil photo ? Laissons ce sujet majeur de côté pour l’instant car j’ai prévu autre chose pour ce soir. Oui, ce soir, c’est le grand déballage ! Photographique, rassurez-vous… Même si, comme nous venons de le voir, une photo n’est jamais simplement une photo…
Pas de déménagement cette fois-ci, ni de stand de bric-à-brac à installer dans un quelconque vide-grenier, mais un grand besoin de faire le vide. Ce qui revient un peu au même. C’est bientôt le printemps, la saison officielle du nettoyage, ça tombe bien ! Naïvement, je me dis que prendre un nouveau départ s’accompagne forcément d’une remise à zéro des compteurs. Idéalement, je me débarrasserais bien des piles de vieux magazines qui traînent à gauche et à droite (mais je ne les ai pas encore triés), ou je rangerais bien mon bureau (mais je n’y retrouverais plus rien), ou j’apporterais bien ce sac de vêtements végétant dans un coin depuis plusieurs mois à l’association du coin (un autre : que de coins, je suis d’accord !). Arrêtons de fantasmer : je vais me contenter de faire le vide dans mes dossiers. Sur mon ordi. C’est une grande satisfaction que de réussir à le faire. Malheureusement, supprimer 1 ou 1000 fichiers de votre ordinateur ne change absolument rien à l’état de votre appartement ! Ou les désavantages du virtuel…
Ceci n’est pas tout à fait correct. Je ne vais pas les supprimer, je vais vous les montrer. Pour mieux m’en débarrasser et faire d’autres choix donc, puisque j’ai décidé d’écrire à nouveau sous/sur ces images. Ces images que je traîne dans le dossier des photos potentielles de la semaine, dans lequel je pioche parfois, et que je transvase dans un nouveau dossier si je ne l’ai pas diffusée. Je vous les livre d’un coup, d’abord pour la raison évoquée juste au dessus, et aussi parce que, comme pour les piles de vieux magazines, je suis fatiguée de les voir chaque semaine dans ce fameux dossier. Si elles pouvaient prendre la poussière, on ne les verrait déjà plus. Donc, les voilà, dans leur désordre naturel, sans autre lien les unes avec les autres que ceux que vous pourrez imaginer en les découvrant.
En pratique, toutes les photos figurant sur ce site sont en vente. N'hésitez pas à me contacter pour plus de renseignements !
Un tour du Soleil en duos : 6e année en cours
Pour (re)découvrir en un clin d’œil et sur une seule page les micro-histoires photographiques publiées en ces lieux virtuels :
- entre le 22/02/2010 et le 22/02/2011, voici Un tour du Soleil en duos…