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Le plus impressionnant face à une belle cylindrée n’est pas tant la voiture elle-même que le cirque qui se met rapidement en place autour d’elle dès que son heureux, riche et frimeur propriétaire s’en éloigne. En quelques secondes seulement, la belle capricieuse est en effet cernée de toutes parts par des mâles en extase ne sachant plus où donner de la tête et de l’objectif. Face à cet amusant spectacle reposant la question de l’inné et de l’acquis, on imagine alors encore plus aisément l’explosion hormono-neuronale que peut produire la combinaison de la sportive de luxe et de la sylphide décorative…
Typiquement, une photo de route. Non, de train. Non, de route. Je ne sais plus. Je ne me souviens plus que de cette sensation éprouvée d’un équilibre naturel formé par ce trio : l’arbre, fragile mais résistant, sur la crête d’une colline désertée sauf par la broussaille ; un nuage tentaculaire et temporairement protecteur ; un astre solaire irradiant, à la fois menaçant et salutaire, autour duquel nous tournons en pensant que c’est lui qui tourne en rond… Le dialogue entre ces trois éléments me saute aux yeux. Comme une évidence.
Et c’est sur cette évidence que j’achève ce deuxième Tour du soleil en duos. Deux ans donc que je poste quotidiennement quelque chose. Ce qui commence à faire un paquet de choses. Et comme avec tout paquet de choses, deux options se présentent : soit on les oublie en les mettant dans un coin (et un coin virtuel ne prend pas beaucoup de place contrairement aux cartons), soit on essaye d’en faire quelque chose… La première est plus facile, mais invite à se poser une question : à quoi bon cette discipline quotidienne si ce n’est pour aboutir à « quelque chose » ? C’est une vraie question : ce que l’on fait doit-il avoir un but autre que celui de le faire, sur le moment, sans se projeter plus loin ? Par exemple, si je n’essayais pas de sélectionner quelques duos sur les 730 présents sur ce site et d’en faire un livre, par exemple, serait-ce ne pas aller au bout de la démarche initiée il y a deux ans ? Je ne sais pas. Mais j’ai envie d’essayer. J’entends souvent : « Qui ne tente rien n’a rien ! » ou « Tu (un « tu » général) n’as rien à perdre ». C’est totalement vrai, et pourtant, ça n’aide pas toujours.
Ce qui m’aide à rêver ? Le fait qu’il y ait vraisemblablement (c’est les stats qui le disent) une moyenne de 300-350 visites par jour sur ces pages, avec des pics rarement compréhensibles et des bas tout aussi obscurs… Cela a donc peut-être un sens de rêver et j’en profite pour vivement remercier cet auditoire en grande partie invisible. Alors, voilà, c’est décidé, je vais faire un tri. Et le tri prend du temps. Et ces duos prennent du temps. Et en même temps, je n’arrive pas à me résoudre à arrêter. Donc, je ne sais pas ce qui va se passer dans les prochains jours. Peut-être des photos et une légende bien sentie. Quelque chose de non systématique. J’ai plein de choses en rayon : un carnet de bord phototextuel réalisé sur un mois de préavis, une série de photos sur l’engagement social et politique des citoyens de Berkeley par l’intermédiaire de leurs fenêtres, des traversées continentales où tout finit par se mélanger… Ce sont rarement les projets qui manquent. Mais le temps. Or pour avoir du temps, il faut donc savoir s’arrêter, pour pouvoir le remplir avec autre chose. C’est très subtil le temps. Il faut sûrement une vie entière pour commencer à comprendre comment il fonctionne. Avant la fin, on ne fait que tâtonner, se laisser balloter… Et après, et bien, c’est trop tard !
En attendant, j’ai donc fait un double nœud. Mes chaussures sont bien attachées. Je peux avancer sereinement. Notamment vers un projet que je co-mène avec Kristophe Noël depuis novembre : Médyn. Le premier numéro de ce magazine de créations contemporaines devrait bientôt être diffusé sur la toile et trouver un écho écho sur ce site.
Bon allez, à demain ! Ou après-demain après tout !
PS : le premier Tour du soleil en duos est toujours visible ! Le deuxième arrive bientôt sous la même forme.
Cet arbre n’existe plus. Avec ses voisins, ils ont été coupés et remplacés par de frêles arbustes qui ont probablement eu froid cet hiver. Je me demande bien ce qu’il a pu devenir. Si cela n’avait tenu qu’à moi, je l’aurais gardé. Car, malgré les apparences, cet arbre n’est pas le fruit d’un montage numérique… Il était non seulement réel, mais aussi bien vivant ! J’ai tout envisagé : de la colle à bois, une bonne blague des jardiniers de la ville de Paris, les expériences farfelues d’un généticien branché sylviculture chimérique… Pourtant, je ne comprends toujours pas comment cette greffe a pu être possible, permettant à ce spécimen d’arborer chaque printemps de beaux bourgeons et chaque été, d’épaisses feuilles vertes… S’il existait un cirque des arbres, je suis sûre que celui-ci, au charme indéniable, en serait et que les visiteurs se presseraient pour lui murmurer quelques secrets à l’écorce avec l’espoir qu’il leur livre le sien !
– Dis, Lou, c’est quoi cette boîte de sardines ?
Lou (moi donc) ne lève même pas la tête et continue à chercher une photo.
L’autre, un peu plus insistant :
– Dis, Lou ! C’est qu-oi cet-te boî-te de sar-di-nes ?
Lou, toujours plongée dans ses fichiers…
L’autre, malin :
– Lou, comment on devient artiste ?
Lou lâche instantanément sa souris, se redresse et commence :
– Alors, cette boîte de sardines, c’est une métaphore…
Point d’interrogation en face…
– … une image, si tu préfères… une façon de parler de quelque chose en le comparant à autre chose…
Léger éclaircissement dans la mine.
– Comment sont les sardines dans cette boîte ? lui dis-je.
– A l’huile !
– Oui, mais encore ?
– Elles n’ont plus de têtes !
– Effectivement, mais quoi encore ? Regarde bien… Il n’y a pas quelque chose qui te saute aux yeux ?
Le petit, très concentré…
– Elles sont serrées ! lâche-t-il, persuadé d’avoir mis le doigt sur la réponse attendue.
– Oui, c’est ça ! D’où l’expression « être serré comme des sardines ». Donc, cette boîte de sardines, en fait, c’est ce à quoi me fait spontanément penser le métro que je dois prendre le matin pour aller au travail. Le métro, c’est la boîte ; les sardines, c’est nous… Et je peux t’assurer que la vie de sardine en boîte est loin d’être appréciable. Vois-tu, les retards récurrents, les problèmes techniques à répétition, l’alternance des rames entre les deux directions, font que ces rames sont systématiquement bondées, en particulier en heures de pointe (d’où leur nom d’ailleurs). Mais quand je dis « bondées », c’est presque trop gentil, elles sont surpeuplées. De vraies bétaillères ! Et encore, je suis sûre qu’il existe désormais des lois européennes pour interdire de mettre trop d’animaux dans une surface donnée ! Il faut vraiment le voir pour le croire… Imagine-toi sur le quai. Comme ça, de l’extérieur, le wagon semble plein. Les faces sont plaquées contre les vitres des portes, les mines sont totalement défaites, implorant la pitié : non, ne rentrez pas… De l’intérieur, il l’est, je te l’assure. Sauf que ceux qui attendent impatiemment sur le quai ne sont pas de cet avis, ils n’ont que faire de la compassion, il faut qu’ils pointent à leur poste ! Et là se trouve la magie du métro matinal : pour le voyageur qui a l’impression de revivre chaque jour le même cauchemar et qui n’espère plus avoir une réelle place dans la rame, l’objectif est d’y entrer coûte que coûte. En poussant un peu par ci, un peu par là, entraînant des micro-mouvements de foule à l’intérieur, en laissant à peine ceux qui veulent s’échapper du pressoir de sortir… Tout le monde peste, un peu dans sa barbe. C’est le dépit. C’est horrible ce dépit-là. C’est comme une visite chez le dentiste. Un mauvais moment à passer mais il faut bien le faire… Et puis, sans t’en rendre compte, tu as un pied à gauche, un autre de l’autre côté de la jambe droite de ton voisin que tu pourrais chatouiller sous les bras si tu étais bien disposé (et lui aussi) et le reste du corps vrillé vers le haut de la rame pour capter un peu d’air. Preuve de la plasticité à toute épreuve de notre corps… Heureusement, la densité humaine est telle qu’une position totalement déséquilibrée n’est pas synonyme de chute pour autant. Voilà donc que l’on se « repose » sur des bouts d’êtres, que nous sommes tous là, avec notre bulle de sécurité percée de toutes parts, à vivre une intimité non désirée avec de parfaits inconnus. Qu’un sorte et le mikado s’effondre… Parfois, il est difficile à certains de réfréner certaines poussées belliqueuses. Cela se comprend. Heureusement, les bras étant bloqués en position basse, les agressions sont majoritairement verbales. Le pire entendu : rame bondée, on pousse, on pousse, on pousse… Une jeune femme avec un paquet fragile entre les mains dans le sas principal. Quelle idée aussi, pourrait-on penser, de prendre le métro à cette heure-ci avec un paquet fragile ? Il y a aussi des gens qui partent en vacances avec leur grosse valise ou sac à dos qui prennent le volume de trois personnes, ou des poussettes dépliées avec marmaille inside – 4 personnes… On leur en veut et en même temps, faut bien continuer à vivre ! Bref, la donzelle avec sa boîte fragile… Voilà qu’elle lance un « Ta gueule ! » à une vieille dame qui avait dû manquer sa dernière séance de PNL et n’avait donc pas su capter les micro-signaux que lui envoyait la jeune femme bien sous tous rapports apparents depuis quelques secondes : « Pas le matin ! » « Pas le matin ! » « Pas le matin ! »… Comprendre : « Ne pas me prendre la tête dès le matin ! »… Et la dame, insistante, « Oui, mais, quand même vous pourriez faire attention… » « Ta gueule ! » donc. Effroi dans l’assemblée. Quand même… Oui, quand même… Cette ligne transporte des gens dans des conditions inacceptables, mais quand même, un peu de respect pour les aînés. Oui, moi, je suis comme ça. Bref. Elle finit par s’excuser… Non, pas d’excuse… par se justifier quelques minutes après… le métro est arrêté entre deux stations, ça laisse le temps de penser à ce que l’on vient de dire, à se rappeler du chapitre sur la maîtrise de soi parcouru la veille, à se convaincre que ce n’est pas grave… « Oui, quand même, ça ne se fait pas ! » finissent par dire les gens collés à la jeune-à-la-boîte-fragile-et-aux-joues-rouges… Ce qui ouvre une courte lamentation sur cette ligne maudite qui énerve tout le monde, les salariés, les employeurs, les recteurs d’université aussi, et en premier lieu les passagers, les sardines quoi… Evidemment, face à cette fatalité, je ne peux m’empêcher de me demander si les choses auraient été différentes si cette ligne ne s’était pas appelé 13 mais 15… La RATP aurait dû faire comme dans les compagnies aériennes américaines, supprimer la rangée 13 de leurs avions, forcément capteur de tous les dysfonctionnements connus sur les différentes lignes de son réseau !
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