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Le voyage n’est pas seulement un plaisir pour les yeux. Il l’est aussi pour les oreilles. Il y a la langue, bien sûr, parfois différente de celle que l’on maîtrise, et à laquelle on ne comprend rien, nous plongeant alors dans des abysses d’incompréhension indéniablement envoûtants. Mais, avant la langue elle-même – j’entends, les phrases, les conversations – il y a les mots. Pris un à un. Et notamment les noms de villes.
Se plonger dans une carte géographique, au hasard, de la Namibie, est ainsi un voyage en soi : Swakopmund, Lüderitz, Windhoek, Sossusvlei, Twifelfontein, Keetmanshoop… Des sonorités à faire phosphorer l’imaginaire ! Quels paysages peut réserver une ville comme Twifelfontein ? La question est stupide mais je pense à une chute d’eau dont le flot prendrait la forme de la Tour Eiffel ou serait rétro-éclairé… Mes hypothèses sont tout aussi stupides. Evidemment, nul doute que Charleville-Mézières ou Morlaix suscite la même sensation d’exotisme pour une oreille namibienne.
Après ces cités dont on apprend tant bien que mal à prononcer le nom sans les écorcher, de nouvelles découvertes verbales, tout aussi enthousiasmantes, viennent rythmer les journées. Elles accompagnent en particulier celles d’espèces endémiques aux lieux explorés. Ainsi, quand on les voit se détacher à l’horizon de l’erg avec leur large tronc asséché en décomposition et leurs branches montées comme des palmiers, des oursins ou des étoiles scintillantes, on a déjà un petit pic au cœur. Et lorsque l’on nous apprend leur nom, on tombe instantanément sous le charme. Kokerboom !
« Le temps passe trop vite », « les journées sont trop courtes », « comment ? j’ai déjà 42 ans ! »… De courtes phrases qui sonnent comme l’écho au fond du Fish River Canyon namibien (c’est le 2e plus profond au monde ; simplement pour préciser qu’il y a encore de la marge). J’en connais des gens qui accepteraient de manifester contre ce temps qui file, brandissant des pancartes appelant à la grève pour une durée indéterminée tant que celui-ci n’aurait pas ralenti son rythme ! D’autres vendraient même leur âme à l’horloge parlante pour quelques heures de plus par jour…
Une petite heure, comme ça, ce ne serait pas une grande révolution pour le gouvernetemps, inflexible depuis des millénaires malgré les remaniements ministellaires. Pourtant, génération après génération, jamais il n’a plié. Car le temps… Ah, ah… Bref. Enfin, c’est ce que je croyais jusqu’à ce que je ne tombe œil à objectif sur cette vitrine. Il semblerait qu’il y ait des privilégiés à certains endroits de la planète et qu’ils ne soient pas pressés de le faire savoir ! Fermeture de la boutique à 25h le vendredi et le samedi ! Oui, oui, vous avez bien lu. J’hésite à divulguer où se trouve ce paradis de l’insatisfait chronique de peur de voir, moi-même, débarquer une faune que la ville n’est pas encore prête à accueillir. Encore trois journées classiques à attendre avant de vivre cette 25e heure. J’ai hâte ! J’espère que ça va passer vite ! Mais que vais-je bien pouvoir en faire, de cette heure supplémentaire ? Et surtout, à quel moment de la journée est-elle ajoutée, cette heure ?
On en a tous croisés, des êtres humains déguisés en statue de la liberté, en tour Eiffel, en Charlot ou autre, faisant le pied de grue, parfois sur leurs deux pattes, en des lieux de passage prisés des touristes. Même si je conçois que c’est une façon comme une autre de boucler sa journée, je ne peux m’empêcher de me demander ce qui pousse ces personnes à se figer dans des positions parfois inconfortables, dans des costumes souvent encombrants, sous des couches de maquillage assez épaisses. En somme, à se torturer volontairement des heures durant.
Ce spécimen madrilène n’échappe pas à la règle. S’il a décidé de s’assoir, et donc de se préserver quelque peu, il a aussi choisi de s’enduire de terre mouillée et de se mettre en plein soleil. Le défi : ne pas craquer, même si la terre finit par le faire pour lui sous l’effet de la chaleur, même si, minute après minute, elle lui tire la peau un peu plus. Les badauds s’arrêtent et puis repartent, finalement peu impressionnés par cette performance terrestre. Il y en a d’autres à quelques pas de là… Entre ces deux instants, de solitude et de show, le terrien n’a pas cillé. Même sérénité en sommeil sur le visage, même écart entre le pouce, l’index et le majeur de la main droite à peine posée sur le genou, même relâchement des épaules… C’en est presque effrayant. Mais qu’espère-t-il voir récompensé en fait ? Sa ténacité face à la douleur croissante (est-ce vraiment un signe de bonne santé mentale ?), son appel à l’immobilisation (dans un monde qui n’a de cesse de bouger), son imagination (je n’avais jamais vu de bonhomme de terre auparavant) ? Les questions restent en suspens…
J’arrive après le drame. Il en est un qui a en effet dû passer un mauvais moment même si le forfait ne semble pas avoir été sanglant. Une pauvre bête a probablement été attrapée par surprise par l’un des grands corbeaux se chamaillant le ciel canadien. Elle goûtait tranquillement à la poudreuse quand une masse noire aux ailes déployées s’est abattue sur elle, s’approchant si près et si vigoureusement de la surface du sol qu’elle y a laissé l’empreinte de ses plumes.
Et au cœur, une percée dans la neige légère. Une ombre. Presque une tombe. On le voit d’ici, ce sombre volatile arriver en trombe, poussant son cri rauque à l’instant fatal, les serres en avant pour agripper sa proie dès le premier passage. Un corbeau, de mauvaise augure dans certaines parties de l’ancien monde, à la symbolique autrement plus positive pour les peuples des premières nations puisque certains mythes en font le créateur du monde et de l’homme. Autant dire que ce dernier n’a qu’à bien se tenir…
Face à cette image et ce qu’elle représente, la question à se poser n’est pas : « Mais que fait-elle avec un appareil photo aux toilettes ? » mais plutôt : « Pourquoi ces espaces intimes sont-ils à ce point ouverts ? ». C’est un des grands étonnements, pas des plus confortables il faut l’admettre, des européens venant rendre visite à leurs voisins nord-américains. Au-delà de ces parois commençant à 30 cm de hauteur, il y a aussi ces portes qui se ferment en laissant un interstice de plusieurs millimètres parfois, suffisamment large pour permettre à chaque partie d’entre-apercevoir ce qui se passe de l’autre côté. Evidemment, personne ne regarde vraiment, mais, pour le (« la » serait plus juste) novice, le doute s’installe rapidement. Et tétanise. Les yeux rivés sur les pieds d’à côté, la voilà qui regrette tout aussi vite les toilettes bien fermées de l’ancien monde, où les cloisons vont du sol au plafond, les portes sont lourdes et se ferment derrière elle en la nous coupant du monde extérieur. Etrangement, cette différence culturelle – motivée par des contraintes de sécurité peut-être ? – me renvoie à la question de la mort et aux cimetières d’ici et d’ailleurs, en particulier nord-américains. Ouverts sur le monde, sans tabou, sans barrière, comme s’il n’y avait rien à cacher car, au final, rien n’est plus naturel que mourir ou … ! Est-ce vraiment comparable ?
Pendant quelques secondes, j’ai bien cru qu’un seul et unique architecte était à l’origine de cet immeuble hybride où se côtoient cariatides et colonnades faussement anciennes et balcons bétonnés flanqués de quelques traces de patriotisme réellement récents. Heureusement – car l’ensemble ne me semble pas très heureux -, il s’agit de deux bâtiments différents, même si l’on a l’étrange impression que le clair s’est intercalé entre la route, son arrêt d’autobus et la barre, comme une enveloppe glissée dans une boîte aux lettres.
Ceci dit, le soulagement est de bien courte durée : qui a bien pu autoriser cette juxtaposition et proximité entre ces deux édifices aux styles si opposés ? Opposés vraiment ? L’un comme l’autre fonctionne en effet par la symétrie et la répétition d’un même motif : un triptyque balcon, fenêtre et porte-fenêtre pour le plus récent, un triptyque de fenêtres intercalées de sculptures ou de colonnes pour le plus ancien. Et entre ces motifs, des montants de pierre lisse découpant les façades en parties égales. Ainsi, même si emprunts d’époques différentes dotées de ses propres codes, ces deux-là sont bien plus proches que l’on voudrait le croire au premier regard… Ce n’est pas une raison suffisante pour en faire des voisins. Mais est un exemple parmi tant d’autres dans cette ville de Winnipeg, centre géographique du Canada, où les belles constructions érigées en des temps plus prospères sont tristement abandonnées aux caprices du temps et doivent coexister avec une architecture plus modeste…
Hier, de passage chez un disquaire-libraire de masse, à l’entrée même, sur ces étals présentant les nouveautés, la couverture d’un CD m’attire. Noir, rouge, une forme. Je le prends. Pour l’image. J’ai même oublié de quel groupe il s’agissait… L’ai-je lu ? Bref. Dans cette forme, je reconnais un pont. Je m’apprête à reposer le […]
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