Photo-graphies et un peu plus…

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Mes yeux me disent qu’ils sont fatigués de trop d’écran, je vais les écouter et m’en éloigner un peu. Entre l’écriture quotidienne de ces textes, le suivi d’Objectif3280 – dont la 6e édition se termine demain en fin de journée –, le travail sur mes photos, la lecture des infos et des petites séances ciné, j’y passe le plus clair de mes journées. Pour une heure dehors au mieux donc. Les proportions se sont littéralement inversées par rapport à mes trois premiers mois de cette année 2020. Il est grand temps de rééquilibrer tout ça !

Ce matin, en découvrant la liste des 44 stations du métro parisien qui resteront fermées lundi, à l’heure du déconfinement, je lis que c’est le cas de République. Cela me semble presque ironique, voire cynique que République soit interdite d’accès pour un temps indéfini encore, parce que des personnes venant de divers horizons (les autres lignes de métro) y convergent… Dans les faits, et pour limiter les flux et les croisements de voyageurs, toutes les stations avec correspondances, hormis les gares, sont closes. Cela peut s’entendre et en même temps, à une autre échelle, rompre les connexions possibles est tellement symbolique…

Au rayon « nouvelles du monde », il y a celle-ci aussi, en direct de Singapour (1) avec les images de Spot, un chien robot tout droit sorti des laboratoires américains de Boston Dynamics –l’un des plus avancés en la matière et dont on voit régulièrement les créations accomplir des exploits, ce qui fait naître un double sentiment de frayeur et de fascination car on perçoit derrière le mignon petit saut réussi tout le potentiel pour les armées et divers services d’ordre d’ici et là. Spot patrouille nonchalamment dans un parc de la ville-pays pour rappeler aux badauds qu’ils doivent respecter les distances de sécurité entre eux. Un chien qui parle donc. Ce n’est pas un Disney pourtant ! Ce serait même plutôt (ah ah !) un de ces épisodes visionnaires de la série Black Mirror… « Ils » lui ont d’ailleurs attribué une voix de femme. Outre le fait que c’est le genre privilégié par les sociétés technologiques pour des raisons historiques et sociologiques (2), on peut aussi y voir la volonté de compenser le caractère agressif lié à sa nature métallique – ces robots-là, nous y sommes habitués dans les films, pas dans la réalité ! La voix d’une femme et non d’un homme – les robots devraient-ils avoir un genre ? – pour associer le message véhiculé à la douceur, au prendre soin, à l’attention de la mère de « famille » et non à l’autorité… Rien n’est évidemment laissé au hasard. Pour l’heure, les caméras qui équipent Spot « ne pourront pas suivre ou reconnaître des individus spécifiques, ni collecter de données personnelles » (1). Mais pour combien de temps encore ? J’évoque Singapour mais à Nice, donc tout près d’ici, les drones redresseurs de torts sont déjà dehors – avec une voix d’homme d’ailleurs –, à sillonner la ville avec leur bzzzz de gros moustique parasite, répètent les règles du confinement et, si besoin, envoient des policiers sur place pour vérifier les attestations dérogatoires des dangereux individus suspectés de vouloir se baigner, marcher sur la plage ou restant un peu trop statiques (3)… « Je n’ai pas envie de cette société là » se désole un père auquel le droneur a envoyé des policiers en chair et en os, à qui il a dû expliquer qu’il restait au même endroit pour permettre à ses filles de faire du vélo sur la place (cela n’était pas clair sur la vidéo ?). Qui veut de cette société-là en fait ? Oui, je sais, sans doute plus de monde que je ne l’imagine.

Ainsi, si nous avons été surpris par la vitesse à laquelle notre monde s’est arrêté, paralysant les économies de centaines de pays en un temps record, nous intimant l’ordre de ralentir également, nous pouvons l’être tout autant par le coup d’accélérateur donné aux méthodes de surveillance organisées des populations qui n’en demandaient pas tant. J’ai hâte de voir débarquer les petites araignées mouchard de Minority Report pour vérifier que je suis bien qui je suis ! C’est incroyable à quel point un unique événement peut concentrer autant de questionnements et de perspectives, pour certains vertigineux ! Reste que cela a quand même des allures de boîte de Pandore… J’ai longtemps eu une idée édulcorée de cette expression, croyant naïvement qu’elle ne contenait que des surprises, qu’elles soient bonnes ou mauvaises… Déjà, la boîte est en réalité une jarre, mais la « Jarre de Pandore » sonnait moins bien. Pour que les choses soient claires, je me permets donc de rappeler qu’en ouvrant la boîte-jarre, Pandore, première femme terrestre déjà bien trop curieuse, libéra tous les maux de l’humanité – maladie, vieillesse, guerre, vice, folie, passion (un mal ??)… –, l’espérance, un peu plus lente, ne réussissant à s’échapper que dans un second temps (ou pas, selon certains). L’ouvrir, c’est donc s’exposer aux pires catastrophes…

Si je voulais être schématique, je dirais, sans que cela soit totalement grossier pour autant, que les différentes routes que j’ai empruntées jusqu’à présent – scientifique, journalistique, sociologique, artistique, « voyagique » – n’avaient (et n’ont) qu’un seul objectif : me permettre de comprendre un peu mieux – et sous différents prismes donc – le monde dans lequel nous vivons. Depuis la soupe primordiale à la naissance d’une émotion forte en passant par les raisons qui poussent telle ou telle personne à agir de telle ou telle sorte. Bien sûr, je ne comprends pas tout. Je devrais même dire qu’il y a beaucoup de choses qui m’échappent. Malheureusement. Et heureusement, car cette incompréhension face à certains événements de la vie, loin de me rendre fataliste, m’invite à chercher encore plus, à rester éveillée et alerte, prête à cueillir des réponses, même infimes, même instables, le tout, sans perdre de vue mon optimisme. Optimisme que je garde intact à l’échelle personnelle car j’ai mes solutions en tête, mais, qui, à une échelle plus collective, me paraît un peu égratigné ces derniers jours, au fur et à mesure que nous nous rapprochons du monde d’après, qui, pour le moment, concrètement, malgré les manifestes et appels à une (r)évolution radicale dans nos façons de penser le monde, n’est décidé que par les instances gouvernementales ! Ce serait presque là un aveu de dissonance cognitive. En outre, j’avais précédemment écrit qu’il ne fallait pas chercher à comprendre les enchaînements de décisions pris en ce moment. La posture est in(sou)tenable à long terme !
Bref, c’est le moment d’écouter France Gall ! « Si on t’organise une vie bien dirigée – Où tu t’oublieras vite – Si on te fait danser sur une musique sans âme – Comme un amour qu’on quitte – Si tu réalises que la vie n’est pas là – Que le matin tu te lèves sans savoir où tu vas – Résiste – Prouve que tu existes – Cherche ton bonheur partout, va – Refuse ce monde égoïste – Yeah, yeah, yeah, résiste – Suis ton cœur qui insiste ». J’aime beaucoup l’idée de citer Edgar Morin et Michel Berger dans un même exercice de pensées et d’écriture… L’un et l’autre ne s’adressant pas au même endroit du corps et de l’esprit, ils sont également utiles pour préserver notre équilibre (en tout cas, le mien ; je vous laisse évidemment libres de trouver vos références) ! Or, l’équilibre, c’est la vie !

  1. https://www.courrierinternational.com/article/deconfinement-dans-un-parc-de-singapour-un-chien-robot-pour-faire-respecter-la-distanciation
  2. https://www.franceculture.fr/emissions/la-vie-numerique/pourquoi-faudrait-il-que-les-machines-aient-des-voix-dhomme-ou-de-femme
  3. Sur la page Facebook de l’émission 7 à 8 https://www.facebook.com/watch/?v=2651048311806337

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Dans les dystopies ou films (post-)apocalyptiques, la météo est toujours exécrable. Pas là. Deux possibilités : soit tout va vite s’arranger – j’ai annoncé le contraire hier –, soit les auteurs de ces histoires ont un peu trop forcé le trait – qu’il fasse grand beau alors que le monde vacille serait pourtant particulièrement cruel, cynique et contre-intuitif. Imaginez un film comme Blade Runneren plein soleil, Rick Deckard et Roy Batty sans cette pluie continue et magnifique qui leur tombe dessus comme le poids de tous les malheurs du monde, cela ne ressemblerait strictement à rien ! Et Vangelis devrait revoir sa partition ! Ceci dit, ce que nous vivons n’est ni une dystopie ni un film hollywoodien, c’est la réalité.

Enfin, une certaine réalité. Car la réalité, c’est un peu comme les tirages en photographie, il en existe une infinité même si nous partageons le même fait (le négatif, si je poursuis la comparaison avec le médium, qui, dans le cas présent, est incarné par le virus…). Ma réalité n’a en effet rien à voir avec celle de mes voisins du premier qui doivent gérer leurs jeunes enfants et télétravailler, ou de ces familles de Seine Saint Denis qui n’ont plus de quoi se nourrir, ou encore de ces amis en Ardèche qui cultivent paisiblement leur jardin, ou de celle-ci qui a compris a posteriori qu’elle avait été infectée, ou de ces femmes victimes de violences conjugales encore plus fragilisées par le confinement, ou de cette amie coincée au Pérou alors qu’il n’y a plus d’avion, ou de cette autre amie travaillant en ehpad en province, ou de celle-ci dont le mari est plongé dans le coma depuis 30 jours, ou de cet ami à Taïwan qui n’est pas confiné, ou encore de ma sœur qui a dû fermer son tout jeune B&B en Ecosse pour une durée indéterminée avant même que la saison touristique ne commence (je vous donnerai l’adresse en temps utile si vous cherchez un petit coin de paradis pas trop loin), où de cette autre amie dont le mari, étranger et en voyage dans sa famille au moment où les frontières ont été précipitamment fermées, ne peut pas rentrer car il n’est pas français, ou encore de celle ci qui, avec son association, a cousu 8000 masques en 34 jours… Face au même événement, nous vivons tous les choses différemment. Comme d’habitude. Le même fait aura fait trembler des familles, créé des vocations, révélé des personnalités, généré l’effroi, prolongé des vacances, séparé des êtres chers, généré des drames, et parfois, il n’aura rien bousculé du tout ou si peu.

Concrètement, depuis que j’ai reposé les pieds sur le sol français, il y a un peu moins d’une semaine, j’ai l’impression d’être à Paris en plein mois d’août, allez juillet, plutôt qu’en confinement pour cause de pandémie globalisée, alors qu’il serait l’un des plus stricts au monde. Je peux même affirmer que je me sentais plus confinée à Wellington qu’ici alors que je pouvais me promener plus librement.

Les fenêtres de mon appartement sont ouvertes. Moi qui pensais être au calme jusqu’au 11 mai, j’entends la ville s’agiter comme avant, la sirène d’une voiture de police, le bus qui redémarre après avoir marqué son arrêt, le 15 tonnes qui freine au feu en couinant, les voitures qui circulent en continu, les motos qui accélèrent, le camion qui nettoie le trottoir… J’entends une scie circulaire, des coups de marteau. Un homme aussi qui tousse et se racle la gorge si fort que je me dis qu’il le fait exprès. Qu’en des temps anciens, je n’y aurais peut-être pas prêté attention. D’ailleurs, dès que j’entends une personne tousser plus d’une fois, et pas éternuer, ma pensée dérive et je m’interroge. Pourtant, je ne suis pas angoissée. Un autre crie « enc.. de ta… » – non, je ne peux même pas l’écrire, c’est trop vulgaire – probablement pour une priorité refusée ou un clignotant oublié. Enfin, un de ces trucs importants, vous voyez.

Je suis sortie chaque jour faire une heure (et quelque) de promenade, me tenant ma propre laisse pour n’aller ni trop vite ni trop loin, arpentant les rues de mon quartier comme s’il y avait quelque trésor à y découvrir. Certes, certains portent des masques et/ou des gants. Et il faut parfois faire la queue pour entrer dans certains magasins mais il y a aussi beaucoup de monde dans les rues – plus que je ne me le figurais, même si j’ai bien conscience que c’est mathématique, compte tenu de la densité de population en région parisienne – ; beaucoup d’enfants qui jouent ensemble autour du kiosque à musique ; beaucoup de personnes regroupées sans, a priori, partager la même bubble… C’est assez étonnant, un peu déconcertant aussi. Enfin, je ne m’imaginais pas le confinement ainsi. Je suis à la fois rassurée et perplexe. Il souffle quelque chose de très futile sur un moment qui me semble tout de même emprunt d’une certaine gravité.

Et puis, je commence aussi à avoir la sensation d’être un 31 décembre ou à la fin de vacances pendant lesquelles j’aurais eu un mode de vie différent. Vous savez, ces moments particuliers où nous sommes tentés de prendre de nouvelles résolutions pour la suite. Sauf qu’il ne s’agit pas de passer à 2021 avec 8 mois d’avance, mais de se projeter sur une après pandémie. Ce n’est pas comme s’il en survenait tous les ans… « Je vais sûrement démissionner », « j’ai décidé de devenir végétarien », « je veux m’occuper de mes enfants à temps plein », « j’ai décidé de prendre ma part de charge mentale », « nous allons sûrement quitter la ville pour vivre dans un lieu autogéré », « je suis prête à quitter mon métier-passion pour aller vivre à la campagne » peut-on ainsi lire dans un article récent de France Info (1). Je me reconnais dans deux moitiés de ces résolutions, que j’inscris noir sur blanc ici pour ne pas l’oublier et en faire une sorte d’engagement : « nous allons sûrement quitter la ville pour aller vivre à la campagne ». Et vous, avez-vous pensé à changer quelque chose dans votre vie prochaine ?

(1) https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/etapres-demenager-demissionner-changer-d-alimentation-vous-nous-avez-raconte-vos-envies-de-changement-apres-la-crise-du-coronavirus_3928675.html

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  • avant le petit déjeuner, alors que le jour n’est pas encore là ici et que la nuit arrive en France, faire une dernière relance pour que la 6egénération d’Objectif3280 soit la plus joliment pleine possible, quasi du porte à porte électronique… j’ai toujours l’impression de déranger mais le projet est plus fort que ma gêne, alors, je le fais
  • petit déjeuner
  • se doucher
  • nettoyer la salle de bain (le reste a été fait hier)
  • poster mes deux échos et retrouver, sur google street view, en refaisant la route New Plymouth – Wellington, où j’ai pris cette photo de cimetière que j’ai choisie de déposer sur l’arbre ; je m’autorise à re-participer à Objectif3280 à partir de la G6
  • rassembler tout ce qui est dispersé dans l’appartement au même endroit, ou presque
  • sortir toutes les affaires des sacs
    • « Il est où mon couteau suisse ? Je ne retrouve pas mon couteau suisse ! » « Ne t’inquiète pas, il est forcément quelque part ! » « Oui, forcément, il est quelque part. Mais ici, ce serait bien ! » (…) « Ah, le voilà ! » « Tu vois ! » « Oui, je vois ! »
  • replier toutes nos affaires de façon optimale et faire correctement nos sacs
    • « Il te reste de la place ? » « Un peu… »
  • recompter les kilomètres, à vol d’oiseau
    • Wellington – Christchurch 306 km ; Christchurch – Perth 5055 km ; Perth – Doha 9335 km ; Doha – Paris 4971 km soit 19 667 km !
    • « Elle est à quelle altitude la station spatiale internationale déjà ? » « 406 km » « Tu imagines, ce n’est pas si loin finalement ! » « La prochaine fois, on ira dans l’espace ! » « Chiche ! »
  • faire le point de ce qui reste dans les placards pour imaginer les frichti du jour : c’est comme si tout avait été calculé pour un départ demain matin… parfait !
  • aller acheter des masques et des gants à la pharmacie
    • ouf, il y en a ! nous voilà équipées !
    • « zut, je suis sortie sans mon appareil ! C’est bien la première fois ! » « Et moi qui voulais faire des photos pour répondre à Muriel ! » « De toute manière, on va aller faire un dernier tour en forêt… On repasse à l’appartement, on prend l’appareil… Et j’aimerais bien retourner en ville aussi, pour faire un « carrefour » » « Tu te souviens que le soleil se couche dans un peu plus d’une heure ? » « Oui, oui, on aura le temps ! » (la valise temporelle est de retour !)
  • déposer les masques, prendre une bouteille d’eau, des barres de céréales, mon appareil photo… et la carte SD (heureusement que j’ai vérifié !)
  • s’arrêter en chemin pour que Coralie prenne quelques photos à poster sur Objectif3280
  • dire au-revoir à « mon » arbre, mon grand pin qui m’a accueillie, écoutée et faite vibrer tous les jours depuis le 25 mars. C’est comme si je quittais un ami… En fait, je quitte un ami ! Je ne m’étais jamais autant attachée à un arbre…
  • dire au-revoir à la forêt, sentir une dernière fois les effluves d’eucalyptus, écouter une dernière fois les tuis, emprunter une dernière fois les sentiers traversés par des racines-tentacules, s’écarter une dernière fois de 2m des autres marcheurs ou coureurs ou mountainbikers en lançant Hey’…
  • apprendre que le confinement est prolongé jusqu’à lundi prochain – 3 jours de plus que la date initialement prévue – et qu’il sera suivi de deux semaines au niveau d’alerte 3, un brin moins restrictif
  • dire au-revoir à Wellington, d’en haut
  • se serrer dans les bras
  • faire les clowns pour une photo avec nos ombres et des arbres
  • entamer la descente vers la ville
  • s’arrêter en chemin car il y a des lenticulaires roses dans le ciel : c’est magnifique les lenticulaires, même si ceux ci sont modestes…
  • admirer encore et encore
  • longer la baie, filer vers le centre
  • se demander si un jour, nous reviendrons
  • se dire que nous avons l’intuition que nous ne voyagerons plus de la même manière, après
  • se dire que, peut-être, nous ne reviendrons pas… nous allons rarement deux fois au même endroit, mais là, alors même que nous ne sommes pas encore de retour, nous avons déjà envie ou nous aurions eu envie, c’est sûr
  • sentir que cela nous serre la gorge et nous pique les yeux
  • trouver un carrefour, se mettre en plein milieu et prendre les 4 axes en photo : je fais ça partout où je vais, j’ai une belle petite collection, mais j’ai rarement eu l’occasion de pouvoir me mettre au cœur d’un carrefour de 3 voies de chaque côté…
  • prendre la ville en photo comme si j’allais y être encore demain et après-demain et après-après-demain
  • réaliser que non
  • prendre Coralie en photo, avec son bonnet bleu marine, le long d’un mur de briques rouges éclairé par un néon blanc sur fond de ciel bleu nuit et de feux tricolores orange
  • retourner calmement à l’appartement
  • éditer les photos de Coralie pour qu’elle puisse les poster
  • faire le point sur la 6egénération d’Objectif3280 ; reposter un message ; espérer un réveil en trombe ; saluer les derniers échos ; il ne manquait pas grand chose… 12 échos et elle était pleine, comme l’an passé ; ce n’est pas grave, 231 échos postés par 145 personnes vivant dans 16 pays, c’est déjà fabuleux ! Mais, ce n’est pas encore cette année que nous atteindrons l’objectif 3280. Ceci dit, j’ai toujours pensé que le chemin était plus intéressant, alors tout va bien ! Même mon nom le clame !
  • simultanément, préparer le dîner / répondre à des messages amicaux / refaire des visuels pour le lancement de la 7egénération
  • lancer la G7
  • dîner
  • attendre les premiers échos
  • écrire ce texte
  • finir ce texte
  • choisir la photo
  • poster l’ensemble
  • et faire tout le reste…
  • ah oui, dire « bonne journée les amis et à bientôt de l’autre côté du monde » !

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Aujourd’hui, j’ai envie de nous emmener au sommet ! Au sommet du Mount Victoria, à côté duquel nous avons la chance de vivre ce confinement. Cette colline arborée aux multiples sentiers est notre respiration quotidienne. Sauf hier. Pour cause de pluie abondante, de froid et enfin de lancement – ignition three two one zero ! – de la 6e édition d’Objectif3280, que j’évoquais l’autre jour et qui a commencé sur les chapeaux de roue !

De ce fait, ce matin, après le petit-déjeuner, le soleil étant de retour, la température extérieure plus engageante, et avant de nous engouffrer, tête baissée mais bouillonnante, dans nos mondes binaires respectifs, nous sommes parties à l’assaut du lookout et de son panorama à 360°. En français, cela donne quelque chose d’ambigu : « point de vue », qui pourrait être compris comme une absence de vue, alors que c’est tout le contraire ; un paradoxe linguistique que porte aussi le mot « personne » par exemple. J’ai toujours trouvé fou que le même mot désigne à la fois l’absence et la présence…
Toujours est-il que de là-haut – pas si haut non plus, à peine 200 mètres ; mais tout de même, c’est 70 de plus que Montmartre à Paris –, l’on peut embrasser du regard la magnifique baie de Wellington, le centre-ville en contrebas, les quartiers perchés sur les autres collines, le port, l’aéroport, les chaînes de montagne alentour et parfois même, les côtes les plus septentrionales de l’île du Sud. En février, lors de notre premier passage à la capitale, l’été encore rayonnant, la vie y grouillait de partout. La promenade le long de la mer était pleine de marcheurs enjoués et de cyclistes prudents ; à la surface, naviguaient des vedettes et autres voiliers chargés de passagers tout sauf clandestins ; sur les terrasses, tintaient des cocktails colorés ; dans l’eau, barbotaient petits et grands ; sur les routes, se croisaient bus et automobiles… Même d’en haut, la rumeur de la vie d’en bas s’entendait. Tout cela faisait évidemment un bruit certain, et même un certain bruit, un bruit de fonds diffus, un ronronnement constant et continu, pas franchement agressif, mais permanent, donc agressif à la longue – ce n’est pas propre à Wellington, c’est l’une des signatures de toute ville.

Tout cela a disparu depuis le confinement. Quel réconfort pour nos oreilles sensibles ! La ville n’émet presque plus aucun son. Certes, de temps en temps, la sirène d’une ambulance ou d’une voiture de police vient fendre le silence, mais globalement, la ville ne fait plus que murmurer… De là-haut, du lookout, on a pourtant l’impression que rien n’a changé, que tout est comme avant, la ville est toujours là, au pied de la colline, le musée Te Papa, les immeubles du CBD, mais on a beau chercher, plus personne n’arpente le front de mer, plus personne ne dérive sur un bateau, plus personne ne trinque, les parkings sont vides, les routes désertes et les avions cloués au tarmac. De l’extérieur, la ville est immobile. Sa vie est suspendue. C’est aussi pour cela que les confinés montent, courent, pédalent, marchent, jusqu’au lookout, sommet triomphant, pour voir leur ville coupée dans son élan.

Inévitablement, j’ai pensé à Detroit, Michigan, où j’étais en août 2013, juste après que sa banqueroute soit prononcée (1). Bien sûr, c’est excessif, mais j’avais eu l’occasion, alors, de monter au sommet du Detroit Marriott au Renaissance Center, propriété et siège social de General Motors. De la haut, j’avais pu voir ce qui m’échappait partiellement les pieds à terre, l’étendue de cette ville abîmée, vide, silencieuse, résiliente et pourtant que j’avais trouvé sublime. Là s’arrête l’écho. Mais ce n’est pas si courant de croiser une ville à l’arrêt. C’est presque un contresens, un oxymore, d’ailleurs. C’est émouvant même… Mais ce qui l’est peut-être encore plus, c’est de pouvoir l’observer et en être témoin depuis une poche de nature, où la vie, elle, ne s’est pas arrêtée une seule seconde…

(1) Voir éventuellement le travail que j’avais réalisé à cette occasion avec « Why Detroit? » : https://issuu.com/lou_camino/docs/whydetroit_loucamino

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Finalement, faute de chocolat avant le prochain ravitaillement, nous avons fait des crêpes ! La Bretagne est dans la place ! Sans drapeau. D’ailleurs, la Nouvelle Zélande a failli être le seul pays visité ces dernières années sans que nous ne tombions sur un Gwenn ha Du flottant au vent, accroché à une fenêtre, cousu à une tente, scotché à un pare-brise ou encore porté comme coupe-vent… C’est un peu une private joke entre nous, mais cette propension des Bretons à annoncer la couleur – noir et blanc hein – partout où ils passent me fait invariablement sourire.

Il nous a donc fallu aller jusqu’à Akaroa, à côté de Christchurch, sur l’île du sud, pour en voir un. Présence légèrement biaisée car Akaroa, village niché au creux d’un volcan érodé de la Péninsule de Banks, est le dernier et unique bastion français du pays – nous y avons même trouvé une vraie baguette, c’est dire ! Car, à l’instar de nombreux territoires et îles sur cette planète, la Nouvelle Zélande – Aotearoa – « Le pays au long nuage blanc » a été colonisée. Son histoire connue reste d’ailleurs étonnamment récente ! Les Māoris, arrivant de Polynésie (les historiens ne savent pas d’où précisément même s’ils ont des pistes) à bord de wakas (pirogues), grâce à une maîtrise de la navigation qui force l’admiration encore aujourd’hui, sont les premiers êtres humains à y poser le pied, a priori entre 1000 et 1200 après J.-C. Cela fait encore débat. Le premier contact avec les Européens, et plus précisément le néerlandais Abel Tasman – nom attribué aujourd’hui à un magnifique parc naturel au nord de l’île du Sud, que nous nous réservions pour la fin et que nous n’avons pas pu parcourir car il nous a fallu traverser le Detroit de Cook (un autre des grands explorateurs de ces temps anciens où la planète n’était pas cartographiée au millimètre près) en urgence pour rallier Wellington – date de 1642. Mais le gaillard repart dare dare avec ses deux navires, la rencontre avec les Māoris, pleine d’incompréhension mutuelle, ne se passant pas très bien (pour preuve, le nom de Murderers Bay que Tasman donne au lieu de rencontre). Plus personne ne s’aventure aussi loin avant 1769 et la mission scientifique de James Cook. Le débarquement des Européens ne s’arrête plus, la Nouvelle Zélande devient une colonie britannique en 1840, sur fond de traité – celui de Waitangi – signé par plus de 500 chef Māoris (et refusé par autant). Malheureusement, ce traité signe aussi leur déclin : la traduction en māori qui en est faite ne reflète en effet pas clairement le texte original, certains mots ou certaines notions en anglais – la propriété foncière, la souveraineté, la gouvernance entre autres… – n’ayant pas d’équivalent dans la culture Māori. En particulier, les Māoris – pour lesquels, dans la tradition ancestrale, tout est lié, les personnes, la nature, les objets animés comme inanimés – se perçoivent comme des gardiens de la Terre et en aucun cas des propriétaires. Une posture humble qui résonne étrangement aujourd’hui.

Et voilà une bien longue digression pour expliquer que les Français sont arrivés trop tard en Nouvelle Zélande et ont dû se contenter du port d’Akaroa ! En même temps, c’est important l’Histoire, et on l’oublie trop souvent… Dire que tout cela a commencé avec une histoire de pénurie de farine… Ce n’est pas ce que je pensais aborder aujourd’hui. Les pensées vont où elles veulent, les mots les suivent. Après mes réflexions d’hier, j’avais en tête quelque chose de plus léger, de factuel, sur le confinement à la mode Nouvelle-Zélande. Je ne citerai que cette initiative locale observée ces derniers jours au gré de nos pérégrinations circulaires dans le quartier : des ours en peluche, tous orientés vers la rue, ont fait leur apparition aux fenêtres des maisons et des appartements. Comme ça, sans un mot, sans une bulle, des petits, des grands, des blancs, des verts, des rayés… Chaque jour un peu plus, et rapidement rejoints par des poupées, des lapins, des ânes, des girafes, des lions, bref, l’arche de Noé, comme si les habitants avaient été remplacés par ces artefacts aux vies imaginées. Une rapide recherche sur les journaux du coin a apporté la réponse à ce déballage trop prématuré pour faire penser à Noël : il s’agit bien d’un appel à la population, pas d’un mimétisme collectif, l’intention étant d’occuper les enfants pendant leur balade quotidienne en leur proposant une chasse à l’ours pacifique. Mais, dans les faits, je n’ai vu que des adultes les prendre en photo… D’ailleurs, je ne sais pas où sont passés les enfants : nous n’entendons guère plus que l’horloge de la cuisine dont les secondes semblent plus pressées que d’habitude, la hache du voisin, la scie circulaire d’un autre, une sirène de police par ci par là et quelques tuis (des oiseaux d’ici 😉 ) a qui se demandent peut-être quelle mouche nous a piqués…

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« L’échelle ! » me lance-t-elle, légèrement agacée. « Si tu ne mets pas un élément de comparaison ordinaire dans ton cadre, impossible de se représenter la dimension exacte de ce que tu montres, a fortiori, de comprendre ton message. » « Mon message, mon message, comme tu y vas. Je voulais simplement dire qu’à Taichung, on ne badine pas avec la pub… »

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L'injustice visuelle

L’autre jour, une étrange pensée m’a traversé l’esprit : sauf pathologie ophtalmique particulière, les êtres humains ont tous – modulo quelques degrés – le même champ visuel horizontal. 180 degrés au maximum en vision binoculaire. Presque rien ne devrait nous échapper… Enfin, si, tout ce qui se passe derrière… Bref, à cet égard, ce champ de vision fait donc partie des constantes intrinsèques du corps humain, avec, dans le meilleur des cas, deux bras, deux jambes, une tête, deux yeux, deux oreilles, un nez, une bouche… vous voyez le topo !

Une autre pensée étrange est alors venue s’immiscer dans mon fil interrogatif : pourquoi le champ visuel ne serait-il pas corrélé à l’ouverture d’esprit des gens ? Cela pose évidemment une troisième question : comment se mesure objectivement l’ouverture d’esprit de quelqu’un ? Car, en l’espèce, il n’y a pas réellement de référentiel universel. Nous naviguons dans le subjectif, à comparer des ODE relativement à la nôtre ou à celles de personnes que nous connaissons, et que nous avons de toute manière tendance à comparer à la nôtre. Mais, mettons cette question d’échelle d’objectivité de côté pour le moment. Elle n’empêche en effet pas de continuer à s’interroger théoriquement. Aussi, si je vais au bout de l’idée sous-jacente de cette deuxième question, pourquoi donc une personne étroite d’esprit voit-elle à 180 degrés alors que, manifestement, cela ne lui sert pas à grand chose ? Pourquoi n’a-t-elle pas physiquement un champ visuel restreint, l’obligeant à tourner la tête pour embrasser le reste du panorama ? Parce qu’il y a toujours de l’espoir ? Parce qu’un champ visuel réduit la conforterait assurément dans sa vision partielle du monde (ce qui est finalement assez logique) ? Ou tout simplement parce que le cahier des charges était déjà suffisamment complexe pour, en plus, introduire ce genre de paramètres ? Evidemment, aucune réponse sensée à ces questions spéculatives… Quoiqu’il en soit, cela reste toujours moins désagréable et moins frustrant de ne pas avoir de réponses à des questions qui n’ont pas à se poser !

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Hallucination collective

Savez-vous ce que je me suis dit en passant au dessus de la Staromestská à Bratislava et en regardant à gauche ? « Oh, on dirait une soucoupe volante ! » Peut-être avez-vous eu exactement le même réflexe d’ailleurs ! La remarque pourrait sembler totalement anodine. En réalité, elle est loin de l’être car en se faisant cette réflexion, nous affirmons que nous reconnaissons ici, dans cette forme particulière, à cette altitude là même si cela ne lévite pas, quelque chose que pourtant la quasi totalité d’entre nous – j’intègre l’humanité entière – n’a jamais vu et dont nous – en particulier la communauté scientifique – ne sommes même pas certains de l’existence… N’est-ce pas étrange d’avoir une idée préconçue de ce à quoi ressemble ce qui  n’a pourtant jamais été observé ?

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La ville se couche

Il faut presque côtoyer les nuages pour pouvoir être témoin de cet étrange spectacle où les géants de verre des cités modernes, plutôt discrets par nature malgré leur taille, tirent leur révérence, troquent la verticalité pour l’horizontalité et se détendent de tout leur long quelques heures durant avant de se remettre au garde à vous…

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Je n'aurais jamais dû commencer...

… à utiliser le numérique ! Cela s’est passé à Malte, à La Valette plus précisément, il y a 8 ans exactement, modulo quelques jours, je m’en souviens comme de la première cigarette que je n’ai jamais fumée… Je baptisais mon reflex numérique de seconde main amicale fraîchement acquis, j’errais dans les rues blondes de la cité et déclenchais fièrement. Je regardais mon écran, je les trouvais plus belles, mes photos. L’illusion, voire le miroir aux alouettes, de l’immédiateté peut-être ?

A cette époque, je ne pouvais imaginer à quel point ce glissement matériel allait complètement révolutionner ma pratique photographique jusqu’à lors majoritairement argentique. D’abord quantitativement puisque j’ai réalisé plus de 100 000 clichés digitaux depuis – enfin, bien plus puisque ceux que j’ai effacés ne sont pas comptabilisés -. Une quantité indécente qui, aujourd’hui, pose d’ailleurs de sérieuses questions d’organisation, de classement et de mémoration. Fort heureusement, la révolution a aussi été qualitative, ce que je perçois comme une conséquence directe de la possibilité de multiplier les prises sans que les coûts suivent la même courbe ascendante. Cette facilité déconcertante à faire et à refaire à l’infini – et donc à s’approcher par dichotomie du but à atteindre – est totalement désinhibante donc salutaire, même si elle ne suffit évidemment pas. Ce seront en effet toujours les yeux – en connexion directe avec le coeur et le corps – qui prendront une photo et non l’appareil vissé devant. Et ceux-là doivent continuellement apprendre à voir et à voir autrement… Finalement, je reviens sur mon titre tapageur et provocateur, car non, rien de rien, non, je ne regrette rien ! Ni le numérique ni cette clope que je n’ai jamais grillée !

 

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