Photo-graphies et un peu plus…

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J’ai dû adapter mon titre pour coller à mon actualité géographique… Pour être tout à fait exacte, il faudra d’ailleurs que je modifie les 28 précédents en spécifiant « en Nouvelle Zélande » avant « confinement ». Je ne sais combien de personnes dans le monde auront eu la chance de le vivre dans deux pays différents et si différents l’un de l’autre à tous points de vue, mais voilà qui me fait sentir un peu spéciale aujourd’hui.

Dans quelques années, au coin du feu de ma maison en bois nichée au cœur de la forêt, je pourrai raconter aux oiseaux de passage que j’ai traversé Le Grand Confinement d’abord en Nouvelle Zélande, où le virus a été éliminé en un bon mois, pour le finir en France, où il a circulé des années durant, avec et sans masque… The Great Lockdown, voici donc le nom qui a été choisi pour qualifier cette période particulière, qui signe, selon l’historien Jérôme Baschet, le vrai début du 21esiècle (1), au même titre que la 1reguerre mondiale avait, a posteriori, lancé le 20esiècle. Si je comprends bien la logique, un nouveau siècle doit commencer par une catastrophe planétaire. Voilà qui est encourageant ! Notons qu’entre ces deux événements majeurs, les 100 années sont presque respectées. Est-ce à dire que les bouleversements à l’échelle mondiale surviennent à une fréquence régulière ? Et si oui, qu’ils sont donc prévisibles ?

Etrangement, « Le Grand Confinement », expression inventée par le FMI pour faire écho à La Grande Dépression des années 1930 et à La Grande Récession post-crise financière de 2008, ne renvoie pas à la situation sanitaire mondiale mais à la crise économique sans précédent qui découle de cette pandémie de coronavirus. C’est une façon très anglée, très partielle et, en même temps, très révélatrice de notre époque et de « nos » priorités d’aborder cette situation touchant des milliards de personnes, et dont les conséquences sont loin de n’être qu’économiques.

Toutefois, mon premier réflexe en apprenant l’existence de cette dénomination a plutôt été de penser, à nouveau, aux films d’anticipation. En particulier aux dystopies que j’affectionne depuis de nombreuses années pour leurs vertus visionnaire et pédagogique. Ces films nous plongent dans le chaos dès leurs premières minutes, mettent en scène des mondes totalitaires et sclérosés dans lesquels toute personne sensée ne voudrait pas mettre ne serait-ce que le petit orteil gauche. Figure récurrente de ces fictions dont il fait régulièrement l’introduction, un montage vidéo d’images d’archives – sans doute en partie réelles – montrant, comment, progressivement, la situation – économique, sociale, politique, sanitaire, écologique dans tel pays, sur tel continent, dans le monde entier même si ça ne se dit pas selon l’une de mes anciennes prof de français de lycée – a irréversiblement dégénéré, devenant, au bout d’un temps plus ou moins long, totalement incontrôlable. Un magma d’images saccadées, de déchaînement de haine, de montée des inégalités… devant expliquer, si ce n’est justifier, a posteriori – car au présent, on ne voit pas ou on ne veut pas voir, on ne connecte pas les faits entre eux ou si, mais sans y croire –, l’origine du chaos liminaire présenté, dès lors, comme un état de fait.

Il me semble que nous pourrions, dès aujourd’hui et sur la base d’images glanées ça et là dans le monde au cours de ces quatre derniers mois, produire de tels montages, qui, dans ces univers fictionnels, sont rarement suivis d’une embellie. De fait, parfois, nourrie par cette mythologie-là – qui ne l’est que faussement –, je m’imagine que ce que nous vivons actuellement n’est en fait que le premier épisode d’une série que nous avons déjà vue mille fois. Le deuxième épisode ne se profile déjà t-il pas à l’horizon ? Il a même un nom : « La deuxième vague ».

En attendant, je découvre la subtilité des règles du confinement à la française, et dans le même temps, saisis mieux le désarroi évoqué par certains ces dernières semaines, en comprenant, par exemple, que mes promenades quotidiennes – mon « activité physique » – ne sont autorisées que dans un rayon d’un kilomètre au départ de mon domicile et pendant 1h, mais que, paradoxalement ou bizarrement, je peux aller faire des courses – alimentaires, j’ai bien compris ; de toute façon, en temps normal, je n’achète presque rien d’autre – bien au-delà de ce territoire restreint et sur une durée pouvant dépasser l’heure… Que je peux même cocher ces deux cases sur une même dérogation tout en étant en règle. Tout d’un coup, j’ai l’impression que le monde s’ouvre un peu plus. Et aussi que tout cela n’est pas très logique ni cohérent, mais ça, c’est encore autre chose, et je crois en avoir fait le deuil temporairement suite à notre expérience néo-zélandaise – où, pour le coup, le pragmatisme primait – et à ce qu’elle nous a permis d’apprendre en vivant cet événement depuis un autre point de vue… Anyway, il ne me reste plus qu’à trouver une poissonnerie à 5 kilomètres !

 

(1) https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/02/jerome-baschet-le-xxie-siecle-a-commence-en-2020-avec-l-entree-en-scene-du-covid-19_6035303_3232.html

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  • avant le petit déjeuner, alors que le jour n’est pas encore là ici et que la nuit arrive en France, faire une dernière relance pour que la 6egénération d’Objectif3280 soit la plus joliment pleine possible, quasi du porte à porte électronique… j’ai toujours l’impression de déranger mais le projet est plus fort que ma gêne, alors, je le fais
  • petit déjeuner
  • se doucher
  • nettoyer la salle de bain (le reste a été fait hier)
  • poster mes deux échos et retrouver, sur google street view, en refaisant la route New Plymouth – Wellington, où j’ai pris cette photo de cimetière que j’ai choisie de déposer sur l’arbre ; je m’autorise à re-participer à Objectif3280 à partir de la G6
  • rassembler tout ce qui est dispersé dans l’appartement au même endroit, ou presque
  • sortir toutes les affaires des sacs
    • « Il est où mon couteau suisse ? Je ne retrouve pas mon couteau suisse ! » « Ne t’inquiète pas, il est forcément quelque part ! » « Oui, forcément, il est quelque part. Mais ici, ce serait bien ! » (…) « Ah, le voilà ! » « Tu vois ! » « Oui, je vois ! »
  • replier toutes nos affaires de façon optimale et faire correctement nos sacs
    • « Il te reste de la place ? » « Un peu… »
  • recompter les kilomètres, à vol d’oiseau
    • Wellington – Christchurch 306 km ; Christchurch – Perth 5055 km ; Perth – Doha 9335 km ; Doha – Paris 4971 km soit 19 667 km !
    • « Elle est à quelle altitude la station spatiale internationale déjà ? » « 406 km » « Tu imagines, ce n’est pas si loin finalement ! » « La prochaine fois, on ira dans l’espace ! » « Chiche ! »
  • faire le point de ce qui reste dans les placards pour imaginer les frichti du jour : c’est comme si tout avait été calculé pour un départ demain matin… parfait !
  • aller acheter des masques et des gants à la pharmacie
    • ouf, il y en a ! nous voilà équipées !
    • « zut, je suis sortie sans mon appareil ! C’est bien la première fois ! » « Et moi qui voulais faire des photos pour répondre à Muriel ! » « De toute manière, on va aller faire un dernier tour en forêt… On repasse à l’appartement, on prend l’appareil… Et j’aimerais bien retourner en ville aussi, pour faire un « carrefour » » « Tu te souviens que le soleil se couche dans un peu plus d’une heure ? » « Oui, oui, on aura le temps ! » (la valise temporelle est de retour !)
  • déposer les masques, prendre une bouteille d’eau, des barres de céréales, mon appareil photo… et la carte SD (heureusement que j’ai vérifié !)
  • s’arrêter en chemin pour que Coralie prenne quelques photos à poster sur Objectif3280
  • dire au-revoir à « mon » arbre, mon grand pin qui m’a accueillie, écoutée et faite vibrer tous les jours depuis le 25 mars. C’est comme si je quittais un ami… En fait, je quitte un ami ! Je ne m’étais jamais autant attachée à un arbre…
  • dire au-revoir à la forêt, sentir une dernière fois les effluves d’eucalyptus, écouter une dernière fois les tuis, emprunter une dernière fois les sentiers traversés par des racines-tentacules, s’écarter une dernière fois de 2m des autres marcheurs ou coureurs ou mountainbikers en lançant Hey’…
  • apprendre que le confinement est prolongé jusqu’à lundi prochain – 3 jours de plus que la date initialement prévue – et qu’il sera suivi de deux semaines au niveau d’alerte 3, un brin moins restrictif
  • dire au-revoir à Wellington, d’en haut
  • se serrer dans les bras
  • faire les clowns pour une photo avec nos ombres et des arbres
  • entamer la descente vers la ville
  • s’arrêter en chemin car il y a des lenticulaires roses dans le ciel : c’est magnifique les lenticulaires, même si ceux ci sont modestes…
  • admirer encore et encore
  • longer la baie, filer vers le centre
  • se demander si un jour, nous reviendrons
  • se dire que nous avons l’intuition que nous ne voyagerons plus de la même manière, après
  • se dire que, peut-être, nous ne reviendrons pas… nous allons rarement deux fois au même endroit, mais là, alors même que nous ne sommes pas encore de retour, nous avons déjà envie ou nous aurions eu envie, c’est sûr
  • sentir que cela nous serre la gorge et nous pique les yeux
  • trouver un carrefour, se mettre en plein milieu et prendre les 4 axes en photo : je fais ça partout où je vais, j’ai une belle petite collection, mais j’ai rarement eu l’occasion de pouvoir me mettre au cœur d’un carrefour de 3 voies de chaque côté…
  • prendre la ville en photo comme si j’allais y être encore demain et après-demain et après-après-demain
  • réaliser que non
  • prendre Coralie en photo, avec son bonnet bleu marine, le long d’un mur de briques rouges éclairé par un néon blanc sur fond de ciel bleu nuit et de feux tricolores orange
  • retourner calmement à l’appartement
  • éditer les photos de Coralie pour qu’elle puisse les poster
  • faire le point sur la 6egénération d’Objectif3280 ; reposter un message ; espérer un réveil en trombe ; saluer les derniers échos ; il ne manquait pas grand chose… 12 échos et elle était pleine, comme l’an passé ; ce n’est pas grave, 231 échos postés par 145 personnes vivant dans 16 pays, c’est déjà fabuleux ! Mais, ce n’est pas encore cette année que nous atteindrons l’objectif 3280. Ceci dit, j’ai toujours pensé que le chemin était plus intéressant, alors tout va bien ! Même mon nom le clame !
  • simultanément, préparer le dîner / répondre à des messages amicaux / refaire des visuels pour le lancement de la 7egénération
  • lancer la G7
  • dîner
  • attendre les premiers échos
  • écrire ce texte
  • finir ce texte
  • choisir la photo
  • poster l’ensemble
  • et faire tout le reste…
  • ah oui, dire « bonne journée les amis et à bientôt de l’autre côté du monde » !

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La vie s’organise simplement ici, à Wellington. Très simplement. Beaucoup plus simplement que ce que nous pouvons lire, entendre, voir par ailleurs. Et plus particulièrement en France où nous pourrions être et d’où nous parviennent vos échos, personnels ou collectifs, privés ou publics, chaleureux, optimistes, motivés, angoissés, exaspérés ou désabusés. J’utilise le conditionnel parce que, quelque part dans ma petite tête, même si cela soulève de vertigineuses interrogations, je me dis que si nous sommes là, c’est que nous devons ou devions être là.

Comme si, dans ce chaos qui prend l’humanité de court, tout en ayant été annoncé depuis longtemps par des observateurs éclairés attachés à faire le lien entre toutes choses – actions, choix, comportements… – que d’autres ont préféré penser déconnectées pour ne pas avoir à s’interroger sur leurs conséquences, tout était déjà prévu, planifié, orchestré 3, 2, 1, c’est parti ! Par qui, par quoi, pourquoi ? Forcément, ce sont les questions qui se posent logiquement après une telle phrase. Je n’ai pas de réponse.

En revanche, je sais que j’ai passé une partie de l’année 2019 à revoir et à travailler ma propre perception des notions de hasard, de liberté, de déterminisme, d’humanité, tant à l’échelle individuelle que collective, à me familiariser avec celui que l’on appelle le « monde invisible » – une gageure pour le produit de Descartes que je suis en partie mais une évidence dès lors que l’on s’ouvre à l’existence d’autres grilles de lecture – et, si je suis honnête et cohérente avec moi-même, je dois aborder ces circonstances inédites à travers ce prisme bien plus large, qui m’échappe. Et accepter, peut-être, que si je suis là, à vivre sereinement cette situation absolument dramatique pour certains, ce n’est donc pas un hasard. Mais alors, pour quoi ? Je n’ai pas plus de réponse pour le moment.

Je me souviens aussi avoir passé une partie de l’année 2019 à répéter que tout était connecté. Je pensais alors à l’infiniment grand l’infiniment petit, le près le lointain, le passé le présent le futur, la vie la mort, les souvenirs, le réel la fiction, l’homme la nature, le visible l’invisible… Ce sentiment – loin d’être nouveau pour moi, même si je le vis plus intensément désormais – a irrigué mes dernières créations, mes dernières pensées, mes dernières errances…

Je ne pensais évidemment pas à ce virus qui nous prouve à quel point, concrètement, dans ce monde qui est le nôtre, ce que nous faisons, chacun et ensemble, peut avoir des répercussions à une échelle difficile à appréhender. Car, dans les faits, tout ce que nous traversons actuellement n’est-il pas parti d’une seule et unique personne – le fameux patient 0 ? Cela aussi, c’est absolument vertigineux !

C’est effrayant et en même temps, c’est stimulant. Car si une seule personne peut être à l’origine d’un tel bouleversement à l’échelle planétaire, à l’inverse, et selon cette même logique implacable que tout est relié, nous pouvons imaginer qu’une seule personne insufflant, au choix, l’espoir, l’optimisme, le respect, la solidarité, la bienveillance, la considération, la solidarité, l’empathie, l’amour est, elle aussi, capable de toucher des milliards de personnes… Or, il suffit de se pencher sur les news quelques minutes pour réaliser qu’il n’y a pas une personne à l’œuvre en ce moment avec cet objectif mais des centaines voire des milliers de personnes partout dans le monde. Des milliers d’êtres humains qui accueillent, qui cousent, qui offrent, qui soignent, qui chantent, qui dansent, qui partagent, qui cuisinent, qui écoutent, qui veillent, qui restent chez elles, qui accompagnent, qui aiment, qui tendent la main, le cœur et l’âme… Alors, quelque part au fond de moi, je me dis que c’est déjà gagné…

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Ceci est (encore) mon corps

Je ne suis pas épilée ! C’est bizarrement l’une des premières choses à laquelle je pense en comprenant que je vais être hospitalisée. Le poil, cet ennemi intime de la femme (et de plus en plus de l’homme). Comme si un corps lisse, imberbe était plus beau, plus propre, plus pur, moins… animal. Et qu’a fortiori, le poil – pourtant essentiel à bien des égards pour notre bonne santé – incarne la négligence, le laisser-aller. Ce rapport au poil est culturel, sociétal et évolue de façon cyclique même si, a priori, les yeti n’auront jamais la cote.

Ceci étant dit, une fois sur mon brancard et shootée, je zappe naturellement ce détail de mon anatomie. Ce n’est pas comme s’il y avait des alternatives. Je zappe donc quand une infirmière m’aide à me déshabiller pour revêtir ma blouse bleue fesses à l’air ; je zappe aussi quand, 1h30 avant l’opération, une aide soignante me rase le pubis – « vous pouvez écarter un peu s’il vous plaît ? » – ; je zappe encore quand, les trois premières nuits, des infirmières viennent, à ma demande car je ne peux me lever, placer la bassine urinaire sous mon bassin puis la récupérer ; je zappe à nouveau lorsqu’une autre infirmière me fait partiellement ma toilette le lendemain de l’opération et m’aide à m’habiller ; je zappe que des inconnues me touchent ; je finis par zapper le fait qu’à chaque fois, ayant mes règles cette semaine-là donc, toutes ces personnes défilant dans ma chambre – équipe de jour, équipe de nuit – sont aussi confrontées à une serviette hygiénique imprégnée de mon sang… En quelques heures, j’oublie que je suis aussi un corps et même un corps plutôt pudique. J’accepte que mon corps se mue en enveloppe universelle, deux bras – l’un pour la perfusion, l’autre pour les prises de sang un jour sur deux -, deux jambes, une tête, un tronc. J’accepte de ne pas savoir exactement ce qui s’est passé avec mon corps pendant l’opération : on m’incise en plusieurs points, on me gonfle le ventre avec du gaz carbonique, on fait passer une caméra, des ciseaux, des pinces, un système d’irrigation-lavage-aspiration, on me glisse deux drains de Redon dans les entrailles pour continuer à évacuer l’infection après l’opération, on m’agrafe, on me panse, on me « strippe », on me relie à des récipients, des antibiotiques, des antidouleurs… Bon, j’en sais déjà beaucoup finalement. 

J’accepte ainsi que mon corps soit abordé comme un « objet » même si tout le monde est très prévenant avec lui et très respectueux de mon intimité. Je repense aux deux fois où j’ai posé nue pour un photographe (le même) – dont une fois entièrement recouverte de maquillage – et où j’avais été très étonnée de me sentir aussi à l’aise. Je repense aussi à la fois où j’ai refusé de poser nue pour un peintre car je trouvais ambigu le regard qu’il posait sur mon corps alors habillé. Tout est une question de regard justement. Et celui que portent les soignants sur les corps des patients dont ils prennent soin est évidemment – et heureusement – distancié, « désentimentalisé ». Il n’empêche, cette sensation, même temporaire, que mon corps ne m’appartient plus totalement, que je n’en suis pas vraiment maître, est très étrange et un brin perturbante. 

Une autre sensation fait son apparition après l’opération, parallèlement à la réappropriation progressive de mon corps, et avec elle, le retour d’une certaine pudeur. Celle d’être un corps machine. Aujourd’hui, je dirais l’inverse, de machine corps, simplement pour une question de chronologie. Le corps ne précède-t-il pas la machine ? Bref. Dès le mercredi après-midi, encore dans la brume de mon cocktail anesthésique qui me réservera quelques surprises la nuit venue et alors qu’une infirmière me fait passer de la salle de réanimation à ma chambre, mon corps, soigné donc, doit se remettre en marche. Certaines étapes physiologiques sont à respecter avant de pouvoir passer aux suivantes. En l’occurrence, pour boire puis manger à nouveau – mon dernier vrai repas remonte à dimanche soir -, mon transit doit retrouver son chemin habituel. Concrètement, je dois expulser le reste d’air que l’on m’a injecté pendant l’opération. C’est pourquoi, dès lors, chaque passage d’infirmière se conclut par cette question devenue gimmick : « avez-vous eu des gaz ? ». Je comprends donc que mon salut « gastronomique » dépend désormais de ma capacité à péter. Que cette information-là est même précieuse. Et que, à l’instar des poils, je ne dois pas la cacher. J’attends donc avec une certaine fébrilité que mon corps estime qu’il est grand temps de se relâcher et fasse le nécessaire. Je chéris presque mes douleurs intestinales, signes qu’il se trame quelque chose en mon for intérieur. Et, en cette fin de jeudi, à 20h03, après de nombreuses fausses alertes-joies pendant la journée, alors que je suis seule dans ma chambre, enfin, je pète. Non pas une, ni deux, ni trois fois mais cinq fois ! Je suis allongée dans mon lit d’hôpital, je viens de péter, je me marre toute seule, je suis une femme heureuse. Tellement que j’en informe ma famille par pigeon voyageur et qu’en retour, l’on me félicite même. C’est de fait avec une certaine fierté que j’annonce à l’infirmière qui vient prendre mes constantes en début de soirée que j’ai eu des gaz, que je l’entends me confirmer que c’est une bonne nouvelle qu’elle va inscrire dans mon dossier – vous rendez vous compte : ces premiers pets libérateurs figurent dans mon dossier médical ! -. Imaginez ma satisfaction en en informant une autre, un peu plus tard, que je suis également allée à la selle (on ne dit évidemment pas « caca » entre adultes)… 

Récompense ultime de ce retour du transit : à 7h45 pétantes, au petit déjeuner, vendredi, j’ai droit à un thé ; à 11h45 pétantes, au déjeuner, vendredi, j’ai droit à un bouillon ; à 17h45 pétantes, au dîner, vendredi, j’ai droit à une tranche de jambon, une endive amère, deux biscottes, une confiture pomme-coings et un morceau de fromage. Bref, le luxe ! Nous sommes décidément bien peu de choses. Je le savais mais ne l’avais pas encore expérimenté de cette façon…

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L'illumination

Ce moment de la journée, cet endroit du monde, ce point sur le sentier, où tout d’un coup, on a l’impression que le soleil s’est mis à écrire avec ses (c)rayons… Se ferait-il photo-graphe ?

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The show must go on

Ces derniers jours, j’ai fait un voyage un peu inhabituel en Tatatalité ! La Tatatalité est un drôle de pays que je connais plus par temps vacancier que scolaire. C’est nettement moins contraignant. J’ai de fait été confrontée à des situations totalement inédites, certainement très banales en réalité. Par exemple, ce matin, à 8h22 exactement, peut-être 23, une maman s’avance vers la maîtresse et lui lance : « Ah ! On a eu un accident de T-Shirt ce matin ! »… Personne ne m’avait dit que l’on pouvait avoir des accidents de T-Shirt ! En même temps, c’est assez logique, les parents ont des accidents de trottinette, des accidents de cigarette, des accidents de voiture, des accidents de la vie. Les enfants, eux, ont des accidents de T-Shirt ! Chaque drame a son échelle. Sauf qu’aujourd’hui n’était pas réellement le jour à avoir un accident de T-Shirt. D’ailleurs, j’imagine qu’en temps normal, la maman n’en aurait pas fait mention et lui en aurait simplement mis un autre. C’est vrai qu’un chocolat chaud est si vite renversé au petit matin, les yeux encore endormis… Non, aujourd’hui, c’était le pestacle de fin d’année ! Et il fallait arborer une tenue spéciale, victime d’un irréparable accident donc. Je me permets de fait de conseiller le petit-déjeuner en pyjama, les dégâts collatéraux sont moindres…

Revenons à nos moutons… Assister à un spectacle de fin d’année de classes de maternelle est assurément une autre aventure rocambolesque non dénuée d’un certain charme et bien sûr émotionnellement forte. Evidemment, en tant que papa, mama, tata, papi, mami, on n’a d’yeux que pour la chair de sa chair, ou la chair de la chair de sa propre chair, ou la chair de la chair de sa fratrie. Honnêtement, les autres enfants, on les regarde à peine, sauf s’ils font n’importe quoi, ce qui peut avoir des vertus très rassurantes en tant que parents… Et puis, on a beau se contorsionner sur son petit siège, souvent, on ne le voit même pas son propre enfant, parce que, par définition, il est petit, parce qu’il y a plein d’autres enfants, petits aussi, et qu’ils se télescopent de telle sorte qu’il y en a toujours un ou deux pile poil dans l’axe visuel. Enfin, alors même que la fenêtre s’ouvre et que le champ est enfin libre pour accompagner ses moindres faits et gestes d’un regard plein de douceur, de fierté et d’amour, c’est déjà la fin. 6’32 », vraiment ? J’ai à peine pu faire une photo et trois vidéos (ouais, je suis une groupie !) ! Les enfants quittent la scène et sont remplacés par d’autres enfants, puis par d’autres, et encore d’autres, et d’autres encore – ah oui, le vôtre est passé en premier, pas de bol ! – et là, le temps semble se dilater… Alors, vous finissez par les regarder, les enfants des autres (l’issue de secours est bloquée) – celui qui cherche ses parents depuis qu’il est sur scène et oublie qu’il est là pour chanter et danser, celle qui connaît tout parfaitement par coeur et ne fait pas un faux pas, celui qui s’est trompé de groupe, celle qui sanglote un peu, celui qui ne peut pas s’empêcher de bailler, celui qui a le rythme dans la peau, celle qui fait coucou de la main vers ses parents au fond qui lui renvoie son coucou et qui ne s’arrête pas… -, et aussi les maîtresses, à genou (quelle abnégation !), qui chantent et font tous les mouvements depuis le côté de la scène pour pallier les amnésies partielles de leurs petits élèves (ce qui a aussi pour conséquence immédiate de faire dériver leurs regards vers jardin). Le spectacle change de camp… Et puis, c’est le final, une explosion de couleurs, de cris, de joie, de sauts, et les voilà qui chantent en choeur : « C’est quoi l’amoouuurrrrr ? Chai pas ! Chai pas ! C’est quoi l’amooooouuuurrrrr ? Chai pas ! Chai pas ! ». Bon, moi, je sais. Un peu. Un peu !

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La bonne excuse

Malheureusement, et même si je m’améliore, je fais partie de ce groupe de personnes plus souvent en retard aux rendez-vous qu’on lui a donnés – voire à ceux que j’ai moi-même fixés – qu’à l’heure. Bien sûr, je suis ponctuelle dès lors qu’il s’agit d’un rendez-vous professionnel ou d’une séance de cinéma. Les retards, je les réserve aux personnes qui me sont proches. Ce qui, au même titre que la dualité onde-corpuscule en mécanique quantique, est à la fois logique et illogique, même si compréhensible. Le retardataire – jamais plus d’un quart d’heure me concernant, certains en parlent même comme du quart d’heure de politesse, ce qui me pousse à m’interroger sur l’intérêt de mon aveu liminaire – compte en effet inconsciemment sur la tolérance des seconds à l’égard de son forfait, ce qui ne signifie pas qu’elle les respecte moins que les premiers. Cela se joue à un autre niveau et ce n’est pas l’objet de ce duo. En revanche, tolérance ou pas, le retardataire de mauvaise foi cherchera toujours à se justifier et il trouvera toujours quelqu’un d’autre à incriminer. Car, par principe, le retardataire de mauvaise foi n’admettra pas qu’il est parti trop tard de chez lui, et, en tout cas, qu’il est le seul responsable de son décalage horaire. Il est plutôt drôle en fait car personne n’est dupe.

Ceci étant dit, les retardataires le sont parfois par erreur ou malgré eux. J’entends par là qu’ils mettent toutes les chances de leur côté pour partir à l’heure, ce qu’ils font en effet, mais, sur le chemin, ils tombent sur un hic qui contrecarre leurs bonnes intentions. Comme une photo par exemple. Il m’arrive régulièrement de tomber sur des photos lors de mes déplacements. Je ne croise pas littéralement le chemin de bouts de papier avec des images. A ce stade, elles n’existent même pas. Je ne fais que les visualiser, les imaginer et me projeter suffisamment sur ce qu’elles pourraient être pour décider de m’arrêter quelques instants et de les attendre malgré la forte contrainte temporelle. Comme ici, au pays du soleil levant, dans cet axe du soleil couchant, à coup sûr, quelqu’un allait passer et singulièrement donner vie à ce pan de mur banal. Oui, mais quand ? Cela, j’avais déjà oublié que c’était important…

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Que l’on atteigne le bout d’une rue, le sommet d’une montagne ou le palier d’un 5e étage, une seule question se pose : qu’y-a-t-il de l’autre côté ? Si ce que l’on a traversé auparavant peut nous donner des indications, personne n’est à l’abri d’une surprise. Ainsi, après plusieurs heures de marche dans le grand blanc, cernée par une nature toute puissante et monochrome, je ne m’attendais absolument pas, en m’approchant fébrilement du bord instable de la falaise, à découvrir, en contrebas, cet imposant pylône électrique. Je n’ai pas pu m’empêcher de le trouver déplacé, de le percevoir comme un intrus dans ce paysage immaculé. Le stigmate de la présence de l’homme et de sa colonisation excessive de son propre habitat quand bien même ces fils sont évidemment salutaires pour ceux qui peuplent ces hauteurs…

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