Photo-graphies et un peu plus…

Brutale extraction

Cela m’a fait l’effet d’un puissant flash de lumière blanche, aveuglant et soudain qui, en une fraction de seconde, a fait disparaître ces scènes vaporeuses qui s’enchaînaient naturellement en moi, que j’observais inconsciemment avec bienveillance et dont j’attendais la suite avec une impatience incroyablement réelle : j’allais enfin savoir si c’était vraiment une baleine qui s’était échouée là sur la plage et allaient-ils réussir à la remettre à l’eau ? Mais non, le maître du temps en a décidé autrement : une sonnerie forte et répétitive m’a brutalement extraite de cet univers ouaté qui ne m’avait pas encore livré tous ses mystères. Quelle étrangeté d’ailleurs que le mot réveil commence par « rêve » alors même qu’il les interrompt sans pitié ! J’ai eu beau essayer de m’y replonger, le choc avait été si brutal que tout s’était littéralement évanoui en un clin d’œil ! Je déteste jubjoter* ! D’ailleurs, réveil et rêve devraient se concerter et cohabiter en bonne intelligence pour que le second ne commence jamais s’il y a un risque que le premier se mette à carillonner avant sa fin ! Croyez-vous qu’il existe un endroit, quelque part, en nous ou ailleurs, où les rêves inachevés se terminent ?

* Jubjoter : émerger d’un rêve sans avoir la fin et tenter d’y retourner pour connaître la suite ; in Le Baleinié, dictionnaire des tracas, Christine Murillo et Jean-Claude Leguay

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La caverne inespérée

Souvent, on grimpe aux arbres. Ou aux branches. Ou tout du moins, on essaye. Mais il n’arrive que très rarement que l’on puisse entrer dedans…

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A bonne distance

Allez hop, je vous emmène en voyage mais je vous préviens, c’est une histoire triste à laquelle j’ai cherché une issue plus légère ! Donc, nous y allons. Très haut. Dans le grand nord. A plus de 69°. Nous sommes en décembre, le 31 plus précisément. Oui, c’est le réveillon. Il fait nuit. Ce qui n’est pas un réel indice car à cette période de l’année, c’est le cas 20 heures par jour. Cela ne signifie pas pour autant qu’il fasse jour les 4 autres heures. Non, ce serait trop, toute cette lumière… Donc, il fait nuit noire et c’est le soir. Il fait nuit noire, c’est le soir, et je suis à table dans un restaurant typiquement norvégien à manger un plat typiquement norvégien dont je serais bien incapable de vous donner le nom quand mon oreille se met à traîner vers la table d’à côté. Heureusement, elle est discrète, ce qui lui permet de tout écouter sans se faire remarquer.

C’est une bien sombre histoire que narre la jeune serveuse à des clients anglophones qui lui demandent si les elfes existent – non visiblement, mais manifestement, une proportion non négligeable de la population croit le contraire – et si l’on peut voir des ours polaires sur le continent voire, ici, dans les environs de Tromsø. Lumière tamisée dans l’auberge toute de bois vêtue, la tonalité des confidences et des histoires qui font peur. Cessez de trembler, il n’y a pas d’ours polaire à Tromsø. En revanche, au Svalbard, cet archipel aux confins du monde d’en haut, il y en a encore un certain nombre. La serveuse prend alors une voix caverneuse pour raconter l’histoire de ces deux jeunes parties marcher seules, un peu naïvement, hors des zones habitées. Elles se sont retrouvées face à un énorme ours polaire – forcément, avec un « petit » ours polaire, le récit est instantanément moins percutant – et n’ont pas réussi à fuir. Une seule a survécu à l’attaque*… Inutile de vous préciser que cela a jeté un froid glacial dans le maigre auditoire fort impressionnable. Dès lors, sans savoir si ce récit était authentique, j’ai décidé de me contenter d’une rencontre avec la version plastique inoffensive – sauf pour le poteau de balisage – prête à prendre place au musée polaire de la ville…

* Depuis j’ai vérifié les faits car la mémoire – celle de la serveuse peut-être encline à diffuser des mythes ; la mienne, très imparfaite – peut jouer des tours : la réalité était légèrement différente – pas dans l’issue malheureusement – et tout est .

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Ponctuelle

La ponctualité est une question de distance. Certains voudront me corriger et me diront, de temps plutôt. Certes. Mais nous ne parlons pas de la même chose. La preuve avec cette image : plus vous vous en approchez – oui, oui, n’ayez pas peur, approchez votre tête de l’écran, ou si vous êtes sur une machine portative, approchez là de votre tête, un peu comme la cuiller de soupe quand vous étiez enfant… – plus vous vous en approchez donc, plus vous pouvez apprécier sa composition ponctuelle et franchement indéfinie. Avec un peu de patience, vous pourriez presque compter les points un à un an. A cette distance, vous faites simplement face à des tâches claires ou sombres ou plus ou moins claires ou sombres sans réelles significations.

A contrario, si vous vous éloignez de l’écran (ou l’éloignez de vous), c’est une toute autre affaire. Et même si l’image reste nettement floue, les points disparaissent peu à peu pour se muer en courbes délicates et vous êtes désormais en (dé)mesure de donner un nom précis à ces tâches, des yeux, une ébauche de nez, une bouche, un cou, des cheveux… Un visage sans aucun doute… Auquel vous pourriez presque donner un âge approximatif. Et que vous pourriez même identifier facilement si vous connaissiez cette personne en pointillés pourtant éthérée, quasi immatérielle. Et c’est sans doute le plus fascinant…

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Décidément, la lettre M a du succès côté néophotologisme… Celui-ci est simplissime. Voyez plutôt : la marionnetriste est une marionnettiste qui fait raconter une histoire triste à l’extension qu’elle manipule, et qui, par empathie, ou capillarité, ce qui revient un peu au même, dégage elle-même une certaine tristesse.

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Henri

Regarder cette image provoque en moi la même réaction qu’entendre ou lire le nom de Henri Poincaré. Pas Raymond, bien que, dans les faits, cela revienne au même. Question de culture et d’affinités personnelles. Et en réalité, Raymond ou Henri, peu importe. C’est Poincaré qui m’interpelle. A ce détail de taille près qu’Henri était mathématicien – et physicien, et philosophe et ingénieur également selon la devise dix-neuviémiste vaguement célèbre : qui peut le plus peut plus encore – et que Poincaré pour un mathématicien, c’est cocasse cocasse, cocasse au carré donc. Un peu comme un ophtalmologiste qui s’appellerait Le Borgne par exemple. Il se peut d’ailleurs que ce patronyme sibyllin soit en partie à l’origine de sa vocation. Personnellement, cela aurait titillé ma curiosité.

Toujours est-il que je ne peux pas m’empêcher d’essayer, en vain, de dessiner un point carré dès lors que j’entends ou lis ce nom. Or, c’est impossible. Testez pour voir : prenez votre plus belle plume, votre crayon HB ou votre stylet et dessinez-moi un point ? Alors ? Il est rond, n’est-ce pas ? Un point est naturellement rond, d’où le rond point, expression tautologique par excellence communément utilisée lorsque l’on est au volant : « Vous prenez le point, vous prenez le rond, vous prenez le rond-point ! ». Poincaré est-il un oxymore fusionnel pour autant ?

Et quid, alors, de ce « Sammelpunkt », « Point de rassemblement » pour nous ? Et pourquoi se retrouve-t-il dans un panneau carré ? Il n’y a absolument aucune logique dans ce choix. Et si ce panneau semble indiquer un endroit où se réunir, en l’état, point de rassemblement en effet. Nada, que dalle, nichts. Personne ! (Mot trouble brandi à la fois pour signaler la présence d’êtres humains – il y a 13 personnes à table – mais aussi leur absence – il n’y a personne à table. Bref, personne donc. Les nouvelles vont bien vite, s’exclamerait le chat de Geluck tandis que celui de Schrödinger chercherait encore à donner au point une double forme ronde et carrée simultanément…

Que faut-il comprendre alors ? Que les rassemblements sont interdits au pied de ce panneau ? « Point de rassemblement ici ! » Ou, au contraire, qu’ils y sont attendus. Se pose alors la question de la pertinence du recours au mot « point » quand on sait que c’est « le plus petit élément constitutif de l’espace géométrique, c’est-à-dire un lieu au sein duquel on ne peut distinguer aucun autre lieu que lui-même ». Il n’a donc aucune largeur ni épaisseur ni longueur ni dimension. Un point est un point, un point c’est tout, même si tout le reste – les ronds, les carrés, les sphères, les polyèdres réguliers, les pentadécagones, les érables, les pâquerettes, les briques, les huttes, les chèvres, les araignées, les clémentines, les biscuits et même les vieillards – n’est finalement qu’un ensemble de points agglomérés et collés les uns à côté des autres. Comment donc des personnes – celles de la présence -, même schématiquement incarnées, pourraient-elles se retrouver sur un unique point, fût-il de rassemblement ? Ce modeste panneau est bien plus énigmatique qu’il n’y paraît…

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L'attente

L’an passé ou plus loin encore, faute de clone compréhensif ou plutôt de clone tout court, je me suis mise à scanner, plus ou moins méthodiquement, les négatifs de mes années argentiques. Au bout du 4 487e scan, je me suis sentie un peu lasse… La répétition sans doute. J’ai donc stoppé là, temporairement j’espère, ma mission de préservation et de réactivation de ma mémoire. En quelques semaines, j’avais ainsi vu défiler plusieurs années de ma vie, essentiellement la partie composée de voyages et d’évasions, celle des moments forts.

J’avais parcouru des dizaines de milliers de kilomètres, du désert du Namib au Machu Picchu en passant par les plages de Californie ; j’avais arpenté New York, Monbasa et Istanbul ; j’avais croisé des manchots, des girafes et même des dromadaires ; j’avais siroté du thé marocain, savouré des pasteis de nata portugaises et dévoré des burgers canadiens le tout arrosé de cappuccinos italiens ; j’avais revu des amis, de la famille et des inconnus, dont certains sont toujours là et d’autres plus… J’avais parcouru tout cela et beaucoup d’autres choses encore sans trop me voir finalement. Ce qui m’avait fait repenser au titre d’un film d’Isabel Coixet, « Ma vie sans moi », même si cela n’avait rien à voir. Ma vie sans moi donc car je n’y apparaissais pas formellement, mais ma vie à moi puisqu’il s’agissait bien là de ce que j’avais vécu et voulu enregistrer de ce que j’avais vu sachant que j’allais certainement l’oublier, un jour prochain, tout du moins dans les détails. C’est une étrange sensation…

A cette époque là, je ne savais pas que la photographie allait prendre autant de place dans ma vie. J’en suis toujours étonnée d’ailleurs (même si cela me paraît tout à fait logique finalement). Ce qui m’a fait poser un regard d’un autre type sur ces images extraites du passé au moment même où je les scannais assez machinalement, me refusant à faire un tri drastique entre les « bonnes » photos ou les « mauvaises » photos. Car une mauvaise photo peut rappeler un très bon souvenir. Au-delà de cette montagne de réminiscences, donc, j’avais devant moi des années de recherche inconsciente, j’avais l’évolution de ma photographie, son cheminement, ses tâtonnements, ses errances, ses ratés (très nombreux a posteriori), ses approximations, ses systématismes, ses retours en arrière, ses réflexions, ses codes, ses leitmotivs, ses déclics et parfois ses fulgurances… Parmi elles, j’ai une vraie tendresse pour cette image. Fin des années 1990. Sri Lanka. Sud. Je suis juste dans la jeep devant. Je ne me cache pas pour prendre cette photo. Aujourd’hui, le trio de tête m’interpelle étrangement. Alors qu’ils sont ensemble, dans cette même unité de lieu motorisée et cahotante, il me semble évident qu’ils sont tous trois ailleurs, chacun sur sa planète, chacun dans son monde, chacun dégageant une atmosphère particulière, chacun avec une relation singulière à ce monde dans lequel, techniquement, nous vivons tous et où nous sommes à la recherche d’éléphants…

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Bullit

Pour l’heure, le plus difficile n’est pas forcément d’en sortir, mais plutôt d’y entrer… J’ai beau tourner autour, je cherche toujours !

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Bandes de copines

Certaines prennent vraiment très au sérieux l’expression : « sortir en bandes » !

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Aux abois

La nuit, je déambule dans leurs rues, où qu’elles soient, et je ne peux m’empêcher de laisser traîner mon regard ça et là, de l’autre côté de ces parois éclairées où se débattent les vivants, absents et présents en même temps, un peu comme la lumière, à la fois onde et corpuscule. La nuit, ce sont les murs qui me font des confidences, parfois étranges, comme ici. J’imagine un fauteuil, ou mieux, un canapé. Il est en velours. Ambré. Et face au mur. Je l’imagine, elle ou lui, assis ou assise, à lire ou feuilleter un magazine. Et je me demande comment elle ou lui réussit à faire abstraction de cette présence animale inoffensive et tronquée qui la ou le fixe sans se lasser avec ses yeux de verre ouverts de jour comme de nuit, et qui rappelle à chaque instant que sa vie faite de nature et de liberté, celles-là même qui venaient s’imprimer à l’envers sur ses rétines, a été outrageusement écourtée pour qu’elle ou lui puisse faire le paon dans son salon…

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