Je pense à plusieurs choses en même temps mais je ne peux en écrire qu’une à la fois… Avez-vous déjà réalisé que lorsque l’on vit dans l’hémisphère sud, mieux vaut avoir sa maison au nord plutôt qu’au sud si l’on souhaite qu’elle soit arrosée de soleil, a minima réchauffée par lui ? Ou encore que les quartiers de Lune sont inversés – ainsi la Lune montante semble-t-elle descendre par rapport à notre référentiel nordiste ?
Cela n’a rien à voir, mais je pense aussi aux cinémathèques, musées, bibliothèques, salles de spectacles, radios, artistes et diffuseurs du monde entier – n’en déplaise à ma prof de français de 2nde qui détestait cette expression, « parce que si c’est le monde, il est forcément entier », bref – qui ouvrent exceptionnellement – et gratuitement – les vannes de leurs trésors respectifs désormais physiquement inaccessibles, et espère secrètement (plus maintenant…) que le confinement sera allongé pour pouvoir en profiter ! Le temps risque en effet de faire défaut avec toutes ces merveilles à portée de clics alors que je suis déjà ceinture noire de tsundoku, numérique ou pas !
Et puis, sur Facebook, où l’on rit, où l’on pleure, je viens de voir la photo Confinement-J9 d’une collègue photographe (Zeu Leny ;-)) : une boîte de conserve d’un pâté maison du Lot. Neurones miroirs activés, j’en salive presque. Je bascule immédiatement dans mon appartement, resté en France lui, et pense à nos bons pâtés venant tout droit du Périgord, confinés, eux-aussi, au fin fond de l’étagère du bas du meuble juste à droite de l’inductionnière. Il doit en rester 3 ou 4 boîtes. On en mangerait bien aussi…
Est-ce étrange d’être ainsi à 18 990,91 km de chez soi pendant cette phase de confinement et plus globalement de bouleversement planétaire ? Oui, je sais, c’est très précis, mais c’est distance.to qui le dit. Donc ? Loin de son propre lit, de ses livres, de ses vêtements (avec des pulls supplémentaires donc – cf mot d’un jour précédent pour l’écho), de cette latte de plancher qui craque après 22h43 quand on lui marche dessus, de ses tableaux accrochés aux murs, de son unique plante qui, peut-être, vit des heures terribles, de ses habitudes, de son cocon, de son monde à soi, de son univers… Et bien, oui et non. Oui parce qu’un nid est un nid. Nous aimons le nôtre et réciproquement. Non, parce que l’essentiel, nous l’avons et le portons en nous. J’ai toujours pensé ainsi et ce n’est évidemment pas aujourd’hui que cela va changer. Notre intérieur est bien plus vaste que le plus grand des appartements. Alors, plutôt que de chercher à retrouver mon chez-moi le plus tôt possible – Qatar Airways propose de nouveaux vols qui atteignent des sommes vraiment indécentes – et, j’ai l’impression, une certaine forme de chaos, il me semble plus judicieux et utile de choyer mon intérieur hic et nunc… Car, à l’intérieur, se trouvent tous mes souvenirs, toutes mes évasions, tous mes rêves, toutes mes élucubrations et tout ce dont je n’ai pas encore conscience, et que, c’est de là que naîtra demain.
Ce moment de la journée, cet endroit du monde, ce point sur le sentier, où tout d’un coup, on a l’impression que le soleil s’est mis à écrire avec ses (c)rayons… Se ferait-il photo-graphe ?
La nature n’est pas bien faite… Enfin, si, la nature est bien faite, mais quand même, pourquoi a-t-il fallu que la vitesse de la lumière – 299 792 458 m/s plus précisément – soit à ce point supérieure à celle du son – seulement 340 m/s à 15°c et au niveau de la mer ? La lumière, elle, se moque de la température et de l’altitude puisqu’elle est capable de se déplacer dans le vide quand bien même elle ralentit un chouia lorsqu’elle a à se propager dans l’air. Et d’ailleurs, même si nous vivions sous l’eau où le son se déplace plus de 4 fois plus vite que dans l’air, le ratio serait encore largement en sa défaveur. Bref, le son ne fait pas le poids devant la lumière.
Et si dans nos petites vies quotidiennes d’êtres humains vivant sur Terre à une vitesse normale – quel que soit notre perception personnelle du temps qui passe -, nous ne nous en rendons généralement pas compte, il est une situation extra-ordinaire, lumineuse et tonitruante à la fois qui nous place face à cette terrible injustice : l’orage ! Un orage avec éclairs et tonnerres donc, sinon, c’est un peu comme des profiteroles sans amandes effilées grillées à la poêle jetées nonchalamment sur le chocolat fondant, il manque quelque chose d’essentiel pour que l’ensemble soit parfait ! Je fais donc partie de ces personnes que l’orage fascine. C’est simple, j’ai des étincelles dans les yeux, j’applaudis après des coups de tonnerre si assourdissants qu’ils donnent l’impression que la planète se fend en deux, je crie littéralement de joie et d’émerveillement lorsque de multiples éclairs viennent fendre le ciel et éclairer le monde de leur surpuissante lumière !
Evidemment, je cherche à prendre des photos et c’est à ce moment précis, après plusieurs essais infructueux – « pourquoi as-tu photographié l’immeuble d’en face ? » – que j’aimerais que le tonnerre soit celui qui annonce l’éclair et non l’inverse… Cela donnerait au moins un indice quant à leur survenue, alors que dans cette configuration décidée par les lois universelles de la physique – et qui ont tout de même fait du bon travail jusqu’à présent : nous existons… encore que je ne sois pas sûre que nous n’aurions pas existé si la vitesse du son avait été supérieure à celle de la lumière -, impossible de savoir d’où va partir le prochain éclair. Et évidemment, à cette vitesse, inutile de chercher à le rattraper ! Cela relève du coup de chance. Il ne reste alors plus qu’une chose à faire : se poser quelque part, lever la tête, scruter le ciel, attendre, vibrer, tressaillir, admirer et avoir le coup de foudre !
Cette nuit-là, j’ai cru que j’étais dans un rêve. Le mien qui plus est. Etaient réunis en une même unité de lieu une bonne partie des ingrédients qui captent mon regard et font chavirer mon âme à la fois instantanément et mystérieusement. Car on ne sait pas toujours pourquoi certains scènes nous attirent comme des aimants. Pour ma part, il y a donc la brume, les perspectives, la lumière diffuse, la silhouette – essentielle et même primordiale – qui, idéalement, s’éloigne de moi comme si j’assistais au départ de quelqu’un, sans réellement savoir si je connais cette personne ou pas. Cette nuit-là, à Jiufen, dans le nord de Taiwan, j’avais tout cela en même temps. Et j’aurais voulu que la nuit dure toujours…
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J’exposerai une quinzaine de photographies issues de cette série – « Dans la brume électrique » – avec mon collectif Les 4 Saisons, dans le cadre de l’édition 2018 de Photo Doc., la foire de la photographie documentaire, qui se tient du 4 au 6 mai à la Halle des Blancs Manteaux à Paris. Il s’agit d’une expo-vente, au cours de laquelle je proposerai également des livrets sur Hong Kong, sur Hoï An et sur Hiroshima (en plus de celui sur cette série là).
La lumière était blanche, et même éclatante. Il y avait un escalier au milieu de mon champ visuel, un très long escalier étroit s’enfonçant à l’infini que je découvrais depuis la plus haute marche. Au bout de quelques secondes, mes yeux s’étaient acclimatés à cette vive luminosité et j’avais fini par voir une silhouette monter tranquillement les marches. Elle était si petite que j’ai cru qu’elle n’arriverait jamais au sommet. Et plus elle montait, plus j’avais l’impression qu’il s’agissait là de mon double. J’aurais même presque pu penser que c’était moi, ce que je n’ai pas tout de suite admis puisque j’étais déjà ailleurs. A observer toute la scène. L’intuition n’était pas mauvaise pourtant…
Sans m’être jamais vue de l’extérieur, a fortiori monter un escalier, je reconnaissais cette silhouette. Au pire, ce visage. C’était bien le mien. C’était donc bien moi qui revenais des profondeurs. J’étais d’un calme olympien. Il ne me restait plus qu’une poignée de marches à franchir pour atteindre le sommet quand j’ai amorcé une sorte de travelling arrière. Je suis à nouveau redevenue petite et là, alors même que j’étais sur la toute première marche de l’escalier, j’ai vu mon oeil droit apparaître. Je venais en fait d’arriver au bord de ma propre pupille…
Le lundi, c’est un peu comme le 1er janvier, on peut décider de prendre de bonnes résolutions pour les semaines à venir, idéalement les mois voire les années. Ainsi, si comme moi, face aux piles de papier noircies entassées en pagaille sur votre bureau, aux idées de projets griffonnées sur des carnets ou notées dans des mémos électroniques, et à celles qui vous traversent l’esprit au moment même où vous écrivez, auxquelles s’ajoutent des todolist en tous genres, vous ne savez pas vraiment par quel bout commencer, de telle sorte que souvent, pour éluder la problématique sous-jacente – votre incapacité à faire des choix – vous vous lancez dans quelque chose d’autre, d’imprévu, ou plutôt de non prévu, alors, ce duo est fait pour vous. (On m’a récemment dit que mes phrases étaient complexes, un peu alambiquées et parfois longues, j’ai failli m’en offusquer avant de réaliser que c’était sûrement un peu vrai, même vrai, ce qu’illustre parfaitement la phrase précédente ! )
Un matin brumeux, alors que, quasi désespérée, je m’apprêtais à nouveau à faire quelque chose d’imprévu pour éviter d’avancer sur quelque chose de prévu, une voix m’a lancé :
– Un grand maître m’a un jour donné la recette de l’organisation optimale. Aujourd’hui, je te la transmets (car vraiment tu fais n’importe quoi !). Es-tu prête ?
– Oui, bien sûr !, vous pensez, la recette de l’organisation, comment passer à côté ?
– Très bien, alors, c’est extrêmement simple ! Tout ce que tu as à faire, tu dois le répartir selon quatre catégories : le urgent et important, le urgent et pas important, le pas urgent et important, le pas urgent et pas important. Si tu préfères le mot « vital » à celui d' »important », remplaces. L’important est que ce mot te parle et incarne le moteur de ton action. Comme tu le sais, tout est une question d’équilibre dans la vie : si tu passes tes journées à faire des choses pas urgentes et pas importantes, tu vas vite te lasser et avoir l’impression de ne pas avancer (en plus de te leurrer) ; si tu passes tes journées à ne faire que de l’urgent mais pas important, comme peut l’être la gestion du quotidien par exemple, kif kif. Donc, écoute bien ce que je vais te dire : tu dois évidemment commencer par ce qui est urgent et important, et enchaîner avec ce qui est urgent et pas important, mais, pour ne pas avoir l’impression de te laisser emporter par une vie dont tu ne maîtrises ni le rythme ni le contenu, il faut que tu t’autorises à glisser entre ces deux catégories du « pas urgent et important » – des projets personnels à moyen ou long terme par exemple – : c’est absolument essentiel même si, sur le moment, tu penses que ça n’est pas le moment !
J’ai évidemment tout pris en note, pensant voir poindre mon salut prochain, quand tout à coup, une ombre est venue m’assommer :
– Ok, urgent et important, urgent et pas important, pas urgent et important, pas urgent et pas important, j’ai bien saisi, c’est très clair. Mais comment fait-on pour déterminer dans quelle catégorie entre tel ou tel projet quand on a l’impression qu’ils sont tous urgents et importants ?
Sur cette question à double tranchant, la voix, non sans avoir toussoté quelques secondes, m’a alors répondu : « Et bien cela, toi seule peut le savoir ! »
Autant vous dire que je me suis lancée dans un autre projet. Imprévu bien entendu…
L’autre nuit, je me suis réveillée en sueur et sursaut ! Un cauchemar ! C’est rare pourtant ! Vous allez rire mais j’étais piégée dans un centre commercial. Le paradis pour certains. Je déteste les centres commerciaux. En fait, j’étais même coincée dans un centre commercial de Hong Kong. Donc grand. Et de luxe. C’était en fin de journée, il faisait nuit, mais on ne pouvait pas vraiment le savoir car il n’y avait évidemment aucune fenêtre ou baie vers l’extérieur, tout baignant dans une lumière artificielle blanche et froide en permanence destinée à plonger le consommateur dans une bulle hors du temps. J’avais naïvement pensé que traverser le Mall plutôt que le contourner me ferait gagner du temps. Toutes les boutiques étaient fermées (ce qui n’est pas la raison pour laquelle je qualifie cette expérience de cauchemar), il n’y avait quasiment plus personne, hormis ceux qui filaient prendre le métro dans les sous-sols, et cela faisait bien une demi-heure que je tournais en rond dans les allées, passant jusqu’à trois fois devant les mêmes mannequins narquois, dédaigneux et propres sur eux, à chercher une sortie piétonne pour m’extraire de ce monde factice. Je n’arrêtais pas de me répéter : « mais bon sang, ce n’est pas possible qu’il n’aient pas prévu de simple sortie vers l’extérieur dans ce fichu centre ! » C’est une phrase longue à ressasser, c’est vrai, et à un moment, elle s’est résumée à la répétition d’un gros mot commençant par p et se terminant par n. Flûte flûte flûte ! Voilà, c’est ça… Je commençais à avoir des sueurs froides, je m’imaginais forcer une sortie de secours et déclencher une foule d’alarmes tonitruantes, je cherchais par où j’étais entrée mais ne trouvais plus mon chemin, je pestais contre le capitalisme, le consumérisme à outrance, l’aveuglement collectif, j’accélérais le pas, je tentais de repérer une signalétique compatissante, j’avais de plus en plus chaud, je me suis réveillée en nage ! J’y suis retournée tout de suite ! Il était hors de question que je finisse mon cauchemar enfermée dans un centre commercial ! Je me suis mise en quête du parking, pensant, à juste titre, qu’ils avaient forcément prévu une sortie pour les voitures ! Qu’ils ne pensent pas aux piétons, c’est une chose, mais aux voitures, impossible ! Et en effet, après un bain forcé et prolongé dans le monoxyde de carbone et quelques pas hasardeux entre des Tesla, et donc 45′ d’errances inutiles, j’ai enfin réussi à me faufiler hors de ce temple maudit (mais sans les gâteaux secs)… Le plus drôle a posteriori dans cette histoire ? Le cauchemar était éveillé puisque tout cela est vrai ! Méfiez-vous des centres commerciaux si vous allez à Hong Kong, eux seuls ont réussi à me faire sortir de mes « gongs » !
En cherchant et choisissant ce titre, je pense soudainement à Stephen Hawking, décédé aujourd’hui, et dont La brève histoire du temps – d’abord le livre puis le documentaire – a marqué ma fin d’adolescence et les années qui ont suivi, mais aussi contribué à mon rêve d’alors de devenir astrophysicienne. Ce dernier n’a, d’un commun accord, pas survécu au monde réel, ce qui, fort heureusement, ne m’a jamais empêché d’avoir la tête dans les étoiles. Je me souviens en particulier être ressortie de cette salle de cinéma sur les Champs Elysées avec une question en tête, posée dans le film : qui de l’oeuf ou de la poule est arrivé en premier ? Bien des années après, j’ai d’ailleurs pu illustrer photographiquement et fortuitement cette question légitime et sans réponse en descendant les marches d’un escalier de Portland, Oregon.
Mais ceci n’est qu’une digression. Pas encore du détournement d’attention car je n’ai rien à vous vendre ni à vous cacher. Ceci dit, cette digression a de la suite dans les idées et le titre du best-seller du physicien lui fait curieusement écho. J’allais en effet écrire une énième fois que le temps passe vite, et que là, quoi que l’on en dise, était manifestement sa nature. J’en veux pour preuve scientifique que personne n’a jamais entendu quelqu’un lancer : « Par les temps qui marchent » ou encore « Par les temps qui traînent ». En revanche, « par les temps qui courent » est passé dans le langage… courant… Nous sommes bien d’accord ! Ce qui nous conduit à cette image, que je perçois aujourd’hui comme un étrange paradoxe. Voyez plutôt : ne trouvez-vous pas étonnant que pour montrer que le temps passe vite, en somme qu’il file comme l’éclair, il faille justement prendre son temps et faire une pose longue ?
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Share on FacebookHier soir et une bonne partie de la nuit, le ciel s’est déchaîné ici, à Paris. Un orage incroyable, des pluies diluviennes, des lames d’eau même, de puissantes rafales de vent, de vibrants coups de tonnerre et des éclairs – des fulmineux, des ramifiés, des sinueux – si puissants et nombreux qu’ils donnaient la sensation […]
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