Photo-graphies et un peu plus…

La douce heure de l'éveil

Il est 5h, le réveil sonne. Cela ne fait pourtant pas longtemps que le marchand de sable est passé. Le réveil sonne. Il fait déjà très chaud. J’ai encore du sommeil dans les yeux. La chaleur agite mes nuits. Pourquoi déjà ? Pourquoi ai-je décidé de le régler à cette heure-ci ? Le réveil sonne. Vraiment ? Faut-il vraiment sortir du lit, si tôt, là, maintenant ? Le réveil sonne. J’ai encore envie de dormir. Si je n’y vais pas, cela ne changera pas grand-chose. Il sera au rendez-vous demain aussi. Le réveil sonne. Mais si, quand même, lève toi. Ça va être beau. Forcément. Crépuscule. Il est toujours temps. Le réveil ne sonne plus. J’enfile un short, un T-shirt, un casque ; j’enfourche un scooter. Il est 5 heures (un peu plus), Cu Daï s’éveille… Beach. Le soleil va bientôt s’extraire de l’horizon. Derrière les Iles Cham. Ai-je déjà dit qu’il faisait déjà très chaud et très humide ? La plage a sa faune aurorale, en quête de fraîcheur, les sportifs, les marcheurs, les nageurs, les méditants, les footballeurs, les baigneurs, tous des habitués. Il est 5h30, le monde vit déjà. Il vit même des moments magnifiques. Et l’on ne s’en réellement compte qu’en vivant avec et en même temps que lui…

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Cette photo est visible en papier et en encres à l’édition 2018 de Photo Doc., la foire de la photographie documentaire, qui se tient du 4 au 6 mai à la Halle des Blancs Manteaux à Paris et à laquelle je participe avec mon collectif Les 4 Saisons. Il s’agit d’une expo-vente, au cours de laquelle je proposerai également des livrets sur Hong Kong, sur Hoï An, sur Hiroshima et sur Jiufen à Taiwan.

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Un jour, il y a quelques années, j’ai croisé un de mes amis Facebook dans un lieu public. Enfin, croisé… Je l’ai reconnu surtout, au loin. Enfin, il était juste devant moi. Dans une file à attendre son tour. Un photographe dont j’aimais assez la poésie et la démarche. Il sautait plutôt, ou s’élevait, c’est plus juste. Un pas de danse suspendu dans des endroits parfois incongrus. On ne s’était jamais vus. Cela arrive tout le temps de nos jours. On communiquait exclusivement par pouces levés, dans un sens plutôt que dans l’autre d’ailleurs (c’était avant les j’adore, je suis triste, je suis en colère, je suis waouh,  je me marre…). Et puis, il ne savait pas à quoi je ressemblais. De fait, la reconnaissance était-elle à sens unique. C’est bête, mais, sur le moment, je n’ai absolument pas eu envie d’émettre cette phrase ridicule : « Bonjour ! Nous sommes amis sur FB ! ». Ne trouvez-vous pas que cela n’a absolument aucun sens ? D’associer ainsi une notion qui sous-entend une grande proximité et même une certaine intimité entre deux personnes, a fortiori, une relation physique IRL – in real life comme on a fini par qualifier cet espace-temps solide dans lequel nous dormons, mangeons, déféquons, agissons, aimons, pensons, mourons – au plus virtuel des réseaux dont on dit – et expérimente chaque jour chacun à sa manière – qu’il a ruiné les relations humaines, les vraies.

« Ami Facebook », c’est un oxymore, éminemment stratégique, qui alimente cette douce illusion que nous ne sommes pas seuls, que des personnes ne nous connaissant pas réellement, et vivant parfois à des endroits que nous ne pourrions même pas pointer sur une carte, peuvent quand même s’intéresser à nous ou à ce que nous faisons, que les amis de nos amis sont nos amis et même que les amis des amis de nos amis sont aussi nos amis. Cette forme avancée de consanguinité numérique a secoué la théorie des 6 degrés de séparation émise pour la première fois en 1929 par Frigyes Karinthy, stipulant que « toute personne sur le globe [peut] être reliée à n’importe quelle autre, au travers d’une chaîne de relations individuelles comprenant au plus cinq autres maillons » alors que 2,07 milliards de personnes vivaient sur Terre à cette époque. Grâce au réseau bleu et avec une population mondiale 3,5 fois supérieure, le 6 est tombé à 3,5 (chiffres 2016). Le monde rétrécit à vue d’œil mais là aussi, c’est une illusion : celle que nous connaissons les personnes qui évoluent dans nos univers virtuels car nous échangeons des informations, des commentaires, nous réagissons à ce qu’elles écrivent et réciproquement, nous « rions » ensemble, nous savons ce qu’elles font, ce qu’elles écoutent, ce qui les énervent, les rend heureuses, parfois même ce qu’elles mangent, si elles sont insomniaques, si elles ont des voisins bruyants… Tout un faisceau de données qui font que lorsque nous nous présentons devant une telle personne pour la première fois, nous savons une myriade de choses sur elle sans qu’elle nous les ai apprises personnellement. Rien de nouveau sous la neige, mais cette temporalité inversée – je sais avant que tu ne me dises – est à la fois stupéfiante et déstabilisante. Et incite encore plus à passer de l’autre côté du miroir pour en avoir le cœur net et remettre les choses dans l’ordre ! Je dois d’ailleurs concéder que de belles et réelles amitiés sont nées de relations initiées dans le monde virtuel… Reste à trouver la formule de présentation adéquate… « Bonjour ! Je vous suis sur FB ! » Non, non, pas vraiment mieux sauf si vous voulez passer pour un psychopathe…

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Rêve de petite fille

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Lorsque vous habitez Paris, que vous aimez le cinéma et que, vous avez la chance d’avoir des amis, l’envie de se faire une toile ensemble – somme toute, assez légitime – existe. Sauf que, plutôt que de vous inciter à vous jeter sur le programme de la semaine, cette envie lance un court interrogatoire…

– Tu as la carte ?

Je traduis : As-tu un abonnement mensuel à un cinéma ?

Vous avez le choix de répondre entre « oui » ou « non ». Jusque là, c’est facile. Le « non », pour une fois, facilite la suite de la soirée. Car, dans ce cas, vous êtes libre, n’avez aucune attache et n’avez juré fidélité à aucune salle obscure-jusqu’à-ce-que-la-mort-vous-sépare. Sourire de satisfaction du questionneur même si lui-même, non encarté. Là réside toute la subtilité de la question initiale. Evidemment, vous me voyez venir, il se peut également que vous répondiez « oui » à cette question. Une réponse qui entraîne une deuxième question :

– UGC ou Gaumont ?

Je traduis : Tu as le pass UGC-Mk2 ou le pass Gaumont-Pathé ?

C’est une question qui devrait presque faire son apparition dans les profils déposés sur les sites de rencontre tant cela conditionne la suite… Si les deux parties ont le même pass, tout va bien dans le meilleur des mondes et vous pouvez ouvrir le programme en quête de la séance idéale. Ceci dit, une fois sur place, dans la salle, l’un se retournera forcément vers l’autre pour lui demander :

– Devant ou derrière ?

Je traduis : tu préfères t’asseoir aux premiers rangs ou tout au fond ?

Le milieu peut s’avérer un bon compromis…

Maintenant, abordons le cas le plus complexe. Les deux parties ont des cartes différentes. Et là, c’est plutôt le drame…

– T’es Gaumont ?

– Et oui ! Il n’y a que ça autour de chez moi…

Car on a l’impression qu’il faut toujours se justifier quand on a des cartes différentes.

– Oui mais quand même, Mk2, c’est mieux !

– J’étais Gaumont-Mk2 avant que je ne déménage…

Je traduis car il y a trop d’informations d’un coup. Quand les pass sont nés, Gaumont et Mk2 se sont unis l’un à l’autre. Pour le meilleur et pour le pire. De telle sorte qu’il y avait une sorte de Pass à caution cinéphile ou presque, et un autre – UGC donc – à tendance bourrin car programmation plus massivement tournée vers le blockbuster. A cette époque, lorsque vous posiez la question : UGC ou Mk2 ?, selon la réponse, vous saviez donc tout de suite à quel cinéphage vous aviez à faire. Aujourd’hui, les cartes sont brouillées. Comme un couple sur deux à Paris, le duo Gaumont-Mk2 a donc divorcé. Pour une vulgaire question immobilière, l’un voulant le cinéma que l’autre convoitait. Comme quoi, les principes de bases du mariage n’avaient pas été réellement compris. Bref, cette lutte de pouvoir a fait des orphelins et imposé des choix difficiles.

Voici les faits : vous souhaitez aller au cinéma avec vos amis mais vous avez des pass différents. Là s’arrête, non pas votre amitié, mais, plus sobrement, votre tentative de ciné collective. Car personne ne voudra payer sa place de cinéma au prix fort alors qu’il a déjà un pass mensuel.

– Bon, et bien, tant pis, nous n’irons pas au ciné ensemble…

Mais c’est sans compter sur les plus prévoyants qui sortiront de leur chapeau la liste des cinémas prenant les deux cartes. Car ils existent ! Et même si leur motivation est probablement financière, histoire de ne pas se couper de clients n’ayant pas envie de débourser plus en bonheur immatériel, ils ne réalisent peut-être pas à quel point ils sont aussi des réconciliateurs, des garants de la pérennité des sorties amicales, tous bords confondus…

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Je profite de ne pas être en vacances avec des amis pour écrire quelques mots sur les vacances entre amis. Ainsi, personne ne se sentira visé ! Donc, les vacances entre amis peuvent être pleines de surprises, de bonnes comme de mauvaises. En théorie, tout est super. Vous savez que vous vous entendez bien puisque vous êtes amis, et puis vous avez choisi la destination ensemble, éventuellement la maison ou le gîte, enfin le toit qui vous couvrira pendant cette période festive. En pratique, c’est un peu plus complexe. Car, par définition, vos amis, vous ne vivez pas avec eux.

De fait, même si vous vous connaissez depuis de nombreuses années, vous ne savez pas tout d’eux (la réciproque n’est pas forcément vraie non plus ceci dit, mais ça aide…) et ces périodes de relaxe peuvent s’apparenter à de vrais révélateurs de personnalités. Même si vous êtes amis, vous pouvez, par exemple, avoir des conceptions totalement différentes des vacances : les uns préféreront l’option farniente – c’est les vacances, je me re-po-se ! -,  quand les autres voudront parcourir la région élue en long en large et en travers – donc, ce matin, en se levant à 6h, on peut voir le lever du soleil depuis le sommet de la montagne, descendre au village pour le marché et aller visiter le musée de la marmotte… ah, et je crois qu’il y a une randonnée qui en part et qui va jusqu’au lac, tu sais, celui des cartes postales… – ; les uns seront matinaux – t’as entendu le coq ce matin ? – quand les autres auront tendance à émerger en début d’après-midi en claironnant – bon, qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui ? ; les uns voudront tout faire ensemble – on est partis entre amis quand même ! -, quand les autres seront partisans du chacun fait ce qu’il veut – ce n’est pas parce qu’on est partis ensemble que l’on doit tout faire ensemble ! -, les uns auront des enfants – 2, 3, 5, 6 et 12 ans – quand les autres n’en auront pas  – je ne comprends pas pourquoi on doit demander à Léo si on peut aller faire du canoë cet après-midi ! – tu comprends, il faut qu’ils s’amusent un peu aussi ; les uns préféreront faire la cuisine – c’est quand même plus sympa, entre amis, allez, un atelier maki ! -, quand les autres ne voudront pas s’embêter avec ça et préféreront aller au resto – quand bien même leurs amis leur ont avoué plus tôt être un peu serrés financièrement – ; les uns feront le ménage – on est 12 dans cette maison,  faut bien que quelqu’un s’en occupe -, quand les autres les regarderont faire – je me tape le ménage chez moi pendant tout l’année, je suis en vacances, je me re-po-se… j’ai déjà lu ça quelque part…  – ; les uns parleront beaucoup trop politique quand les autres n’en auront que faire ; les uns seront aussi bruyants que les autres seront calmes, surtout Pascal qui ronfle vraiment énormément et Stéphanie qui crie à travers la maison pour appeler son chat (elle a peur qu’il se perde dans cet immense jardin qu’il ne connaît pas), car oui, les uns viendront avec leurs bêtes à poils quand les autres ne supporteront pas les animaux…

Alors, au bout d’un moment, malgré la bonne volonté de chacun – ou pas d’ailleurs – toutes ces divergences entre amis pourront créer des frictions, des tensions, des remises en question… Cela n’altèrera pas forcément votre amitié, mais vous saurez à quoi vous en tenir pour la conserver : ne plus jamais partir en vacances ensemble ! Bien sûr, cela peut aussi très bien se passer. Mais, il paraît que les histoires simples, ça n’intéresse personne ! Cela donnerait : on est partis entre amis cet été en vacances ! C’était super ! On a déjà réservé pour l’année prochaine. Voilà. C’est fini. C’est quand même plus drôle quand ce n’est pas aussi rose, non ?

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