Photo-graphies et un peu plus…

Trouble de la personnalité

Même les objets ressentent parfois un décalage entre ce qu’ils sont, ce que les autres croient qu’ils sont, ce qu’ils pensent être et ce qu’ils aimeraient être… Si la tâche n’est pas facile, certains réussissent malgré tout à se rapprocher de cet ultime objectif. J’en veux pour preuve ce panneau de signalisation qui s’est toujours rêvé gardien du temps et qui réussit, dans certaines circonstances angulaires, à se faire passer pour une horloge moderne ! Peu importe qu’elle soit figée à 10h23 ad vitam aeternam, l’essentiel, c’est d’y croire ! Alors, les autres suivront.

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La double vie

Les habitants de cet immeuble ont une drôle de vie : après avoir traversé son immense hall d’entrée aux murs recouverts de miroirs, ils sont invités à s’arrêter dans un petit sas vitré où ils se scindent littéralement en quatre. Comme des cellules dans une boîte de Pétri. Chaque quart, une entité à part entière, dont le corps est la copie conforme de celui qui est entré dans le sas, emprunte alors l’un des quatre ascenseurs du bâtiment, disposés face à face.

Si les tous premiers mois à ce régime sont logiquement difficiles et déboussolants, les locataires finissent pratiquement tous par s’y habituer et s’installent dans quatre appartements similaires mais pas identiques pour les 3 ans et 10 mois maximum autorisés. Les rares qui abandonnent le navire précocément sont remplacés quasi instantanément tant la liste des postulants est longue.

Avoir l’opportunité de vivre, même seulement quelques heures par jour, quatre facettes de notre personnalité sans que l’une paralyse ou phagocyte l’autre, est en effet plus qu’exceptionnel. Et c’est toujours avec une joie et une sérénité palpables qu’au moment de s’extraire de cet univers singulier, les quatre quarts d’une même personne se retrouvent, en choeur, dans le même sas vitré qu’en entrant pour refusionner et n’en laisser sortir qu’une, nourrie de ces expressions de vie et de soi complémentaires…

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Direction le sous-sol sombre comme il faut d’un petit musée à l’abri des rayons du soleil (ah, ah, ah !), et pour cause, on y expose des mots. Des lettres, des équations, des partitions, des décrets, des annonciations, des dessins, des déclarations, des brouillons, des idées fabuleuses, des hypothèses brillantes, des ébauches de chef d’œuvre qui ne connaissent pas encore leur valeur… Des traces laissées par d’illustres défunts sur lesquelles on se recueille comme sur une tombe et se penche avec déférence. Si la tombe ne dit rien de la personne qui y repose, il en est autrement de ces mots attrapés au vol… Ecrits à la main. A la plume même. Là est l’essentiel… L’écriture, cet acte vital qui transforme la pensée intime en signaux – courbes, traits et ponctuations – accessibles à tous et qui dévoile, par sa seule forme, son rythme, son allure, sa géométrie, un bout de la personnalité de celle ou celui qui tient la mine. Albert Einstein, Romain Gary, Hector Berlioz. Rigueur, clarté et régularité parfaite pour le physicien relatif ; rondeur, précipitation et doute pour l’écrivain aux deux visages ; respiration, ouverture et liberté pour le musicien romantique. Comme ça, à vue d’œil, une première esquisse de caractères…

Profitons-en, car, dans vingt, trente ans, peut-être un peu plus, nous devrons nous contenter de polices de caractère ! Quel avenir, en effet, pour un musée des lettres et des manuscrits au 21e siècle, à l’heure où tout passe par de l’arial narrow, du times new roman ou de l’helvetica neue ? Viendrons-nous nous extasier devant les fichiers des futurs auteurs, scientifiques, artistes et politiques, en y cherchant quelque vérité humaine ? Ou nous moquer de ces ancêtres qui étaient encore obligés d’utiliser leur main pour écrire, à l’image de ceux qui entrechoquaient des silex pour faire du feu ? Nous n’écrivons déjà plus à la main, ou nettement moins. C’est désormais sur nos claviers voire nos écrans, directement, que nous tapotons pour remplir nos « feuilles blanches », rédiger nos thèses, faire nos devoirs. Nous nous envoyons des courriels et non plus des lettres. Heureusement, un rituel fait de la résistance : celui de la carte postale de vacances, qui n’a pas encore cédé à cette lame de font* dévastatrice…

* police de caractère, en anglais

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Je profite de ne pas être en vacances avec des amis pour écrire quelques mots sur les vacances entre amis. Ainsi, personne ne se sentira visé ! Donc, les vacances entre amis peuvent être pleines de surprises, de bonnes comme de mauvaises. En théorie, tout est super. Vous savez que vous vous entendez bien puisque vous êtes amis, et puis vous avez choisi la destination ensemble, éventuellement la maison ou le gîte, enfin le toit qui vous couvrira pendant cette période festive. En pratique, c’est un peu plus complexe. Car, par définition, vos amis, vous ne vivez pas avec eux.

De fait, même si vous vous connaissez depuis de nombreuses années, vous ne savez pas tout d’eux (la réciproque n’est pas forcément vraie non plus ceci dit, mais ça aide…) et ces périodes de relaxe peuvent s’apparenter à de vrais révélateurs de personnalités. Même si vous êtes amis, vous pouvez, par exemple, avoir des conceptions totalement différentes des vacances : les uns préféreront l’option farniente – c’est les vacances, je me re-po-se ! -,  quand les autres voudront parcourir la région élue en long en large et en travers – donc, ce matin, en se levant à 6h, on peut voir le lever du soleil depuis le sommet de la montagne, descendre au village pour le marché et aller visiter le musée de la marmotte… ah, et je crois qu’il y a une randonnée qui en part et qui va jusqu’au lac, tu sais, celui des cartes postales… – ; les uns seront matinaux – t’as entendu le coq ce matin ? – quand les autres auront tendance à émerger en début d’après-midi en claironnant – bon, qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui ? ; les uns voudront tout faire ensemble – on est partis entre amis quand même ! -, quand les autres seront partisans du chacun fait ce qu’il veut – ce n’est pas parce qu’on est partis ensemble que l’on doit tout faire ensemble ! -, les uns auront des enfants – 2, 3, 5, 6 et 12 ans – quand les autres n’en auront pas  – je ne comprends pas pourquoi on doit demander à Léo si on peut aller faire du canoë cet après-midi ! – tu comprends, il faut qu’ils s’amusent un peu aussi ; les uns préféreront faire la cuisine – c’est quand même plus sympa, entre amis, allez, un atelier maki ! -, quand les autres ne voudront pas s’embêter avec ça et préféreront aller au resto – quand bien même leurs amis leur ont avoué plus tôt être un peu serrés financièrement – ; les uns feront le ménage – on est 12 dans cette maison,  faut bien que quelqu’un s’en occupe -, quand les autres les regarderont faire – je me tape le ménage chez moi pendant tout l’année, je suis en vacances, je me re-po-se… j’ai déjà lu ça quelque part…  – ; les uns parleront beaucoup trop politique quand les autres n’en auront que faire ; les uns seront aussi bruyants que les autres seront calmes, surtout Pascal qui ronfle vraiment énormément et Stéphanie qui crie à travers la maison pour appeler son chat (elle a peur qu’il se perde dans cet immense jardin qu’il ne connaît pas), car oui, les uns viendront avec leurs bêtes à poils quand les autres ne supporteront pas les animaux…

Alors, au bout d’un moment, malgré la bonne volonté de chacun – ou pas d’ailleurs – toutes ces divergences entre amis pourront créer des frictions, des tensions, des remises en question… Cela n’altèrera pas forcément votre amitié, mais vous saurez à quoi vous en tenir pour la conserver : ne plus jamais partir en vacances ensemble ! Bien sûr, cela peut aussi très bien se passer. Mais, il paraît que les histoires simples, ça n’intéresse personne ! Cela donnerait : on est partis entre amis cet été en vacances ! C’était super ! On a déjà réservé pour l’année prochaine. Voilà. C’est fini. C’est quand même plus drôle quand ce n’est pas aussi rose, non ?

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