Photo-graphies et un peu plus…

Lorsque vous habitez Paris, que vous aimez le cinéma et que, vous avez la chance d’avoir des amis, l’envie de se faire une toile ensemble – somme toute, assez légitime – existe. Sauf que, plutôt que de vous inciter à vous jeter sur le programme de la semaine, cette envie lance un court interrogatoire…

– Tu as la carte ?

Je traduis : As-tu un abonnement mensuel à un cinéma ?

Vous avez le choix de répondre entre « oui » ou « non ». Jusque là, c’est facile. Le « non », pour une fois, facilite la suite de la soirée. Car, dans ce cas, vous êtes libre, n’avez aucune attache et n’avez juré fidélité à aucune salle obscure-jusqu’à-ce-que-la-mort-vous-sépare. Sourire de satisfaction du questionneur même si lui-même, non encarté. Là réside toute la subtilité de la question initiale. Evidemment, vous me voyez venir, il se peut également que vous répondiez « oui » à cette question. Une réponse qui entraîne une deuxième question :

– UGC ou Gaumont ?

Je traduis : Tu as le pass UGC-Mk2 ou le pass Gaumont-Pathé ?

C’est une question qui devrait presque faire son apparition dans les profils déposés sur les sites de rencontre tant cela conditionne la suite… Si les deux parties ont le même pass, tout va bien dans le meilleur des mondes et vous pouvez ouvrir le programme en quête de la séance idéale. Ceci dit, une fois sur place, dans la salle, l’un se retournera forcément vers l’autre pour lui demander :

– Devant ou derrière ?

Je traduis : tu préfères t’asseoir aux premiers rangs ou tout au fond ?

Le milieu peut s’avérer un bon compromis…

Maintenant, abordons le cas le plus complexe. Les deux parties ont des cartes différentes. Et là, c’est plutôt le drame…

– T’es Gaumont ?

– Et oui ! Il n’y a que ça autour de chez moi…

Car on a l’impression qu’il faut toujours se justifier quand on a des cartes différentes.

– Oui mais quand même, Mk2, c’est mieux !

– J’étais Gaumont-Mk2 avant que je ne déménage…

Je traduis car il y a trop d’informations d’un coup. Quand les pass sont nés, Gaumont et Mk2 se sont unis l’un à l’autre. Pour le meilleur et pour le pire. De telle sorte qu’il y avait une sorte de Pass à caution cinéphile ou presque, et un autre – UGC donc – à tendance bourrin car programmation plus massivement tournée vers le blockbuster. A cette époque, lorsque vous posiez la question : UGC ou Mk2 ?, selon la réponse, vous saviez donc tout de suite à quel cinéphage vous aviez à faire. Aujourd’hui, les cartes sont brouillées. Comme un couple sur deux à Paris, le duo Gaumont-Mk2 a donc divorcé. Pour une vulgaire question immobilière, l’un voulant le cinéma que l’autre convoitait. Comme quoi, les principes de bases du mariage n’avaient pas été réellement compris. Bref, cette lutte de pouvoir a fait des orphelins et imposé des choix difficiles.

Voici les faits : vous souhaitez aller au cinéma avec vos amis mais vous avez des pass différents. Là s’arrête, non pas votre amitié, mais, plus sobrement, votre tentative de ciné collective. Car personne ne voudra payer sa place de cinéma au prix fort alors qu’il a déjà un pass mensuel.

– Bon, et bien, tant pis, nous n’irons pas au ciné ensemble…

Mais c’est sans compter sur les plus prévoyants qui sortiront de leur chapeau la liste des cinémas prenant les deux cartes. Car ils existent ! Et même si leur motivation est probablement financière, histoire de ne pas se couper de clients n’ayant pas envie de débourser plus en bonheur immatériel, ils ne réalisent peut-être pas à quel point ils sont aussi des réconciliateurs, des garants de la pérennité des sorties amicales, tous bords confondus…

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Retranscrire un bruit en lettres n’est pas évident… Enfin, si j’écris : gggrrrrr ggrrrr, rrronnnpschiiittt, cratch cratch, rrronnnpschit, rrronnnpschiiitttttttt, cratch cratch cratch, vous comprenez tout de suite que j’évoque un chien qui grogne tout en ronflant et en mangeant des chips ! Mais ce n’est toujours aussi simple comme vous allez bientôt pouvoir le constater. Un exemple précis : « pffft », un son sec donc, bref, s’arrêtant net, un peu comme comme ces pétards-fusées que la marmaille lance vers les étoiles du 13 au 15 juillet (tolérance légale de fête nationale modulo un jour). Mon pffft venait d’ailleurs, de beaucoup plus haut, de bien plus loin encore même. Mon pffft était 100% naturel garanti sans paraben sans phtalate sans conservateur sans silicone sans éthoxylation et non testé sur animaux ! Toutefois, même en l’ayant réellement entendu, j’ai du mal à croire en son existence. Car mon pffft a été émis par une étoile filante… Là, j’en vois certains qui sourient… Une étoile filante qui ferait du bruit, ce serait bien une première. Sachez que je suis tout aussi incrédule, mais j’ai bien entendu.

Allez, je vous y emmène. Imaginez-vous allongé sur un transat, les yeux rivés vers un ciel étoilé si pur qu’il vous laisse admirer notre galaxie, la bien-nommée voie lactée (parce qu’elle ressemble à un nuage de lait dans un café noir céleste ?). Vous regardez un peu partout, élargissez votre zone d’observation au-delà de la constellation de Persée d’où doit provenir la pluie d’étoiles filantes promises… Poète comme vous pouvez le devenir en vacances, vous imaginez que le ciel va être strié par une myriade de météorites enflammées se dirigeant vers vous, un peu comme dans les publicités avant un film en 3D où on vous envoie des fraises Tagada au visage et que tout le monde s’esclaffe, ou bien, quand vous levez les yeux alors qu’il pleut et que vous observez la pluie filer. J’entends par là, qu’il pleut beaucoup, des cordes presque. Dans la pratique, cette seconde comparaison ne tient pas très longtemps : il est en effet extrêmement difficile de garder les yeux ouverts alors que de l’eau tombe dedans ou dessus (mais comment font les oiseaux ?). J’ai essayé récemment avec un jet d’eau dans une piscine et ai pu constater que mes yeux n’étaient définitivement pas amphibie !

Scruter le ciel avec assiduité finit par payer : une première étoile filante passe dans votre champ visuel. « Là ! Tu vois ? » lancez-vous instantanément en montrant du doigt la traînée en feu et déjà disparue. La première est toujours la plus délicate. On ne sait pas combien de temps on va l’attendre ni combien de temps on est prêt à l’attendre. Mais une fois celle-ci passée, l’espoir domine. D’en voir deux, trois, dix… Après tout, c’est la nuit des étoiles filantes ! Alors, vous vous recalez correctement sur votre transat car vous avez glissé en dix minutes et reprenez votre guet. Quelques minutes passent et la deuxième étoile filante fait son entrée : en haut, là, à gauche, juste au dessus des arbres… Sauf que cette fois-ci, et d’ailleurs pour la première fois dans votre vie, alors que vous n’êtes tout de même pas né de la dernière pluie (même d’étoiles filantes !), elle est accompagnée d’un son assez discret, bref et sec, une sorte de pffft, comme ces pétards-fusées que la marmaille lance vers les étoiles du 13 au 15 juillet (tolérance légale de fête nationale modulo un jour)… Evidemment, comme vous ne savez pas que les étoiles filantes peuvent émettre des sons, vous n’associez pas ces deux événements pourtant quasi simultanés – le filet de lumière rayant le ciel noir, le pffft venant de la même direction – jusqu’à ce qu’un :

– T’as entendu ? vous arrive à l’oreille.

– Euh, oui, j’ai entendu un pffft, bref et sec, comme ces pétards-fusées que la marmaille… Je vous épargne la suite que vous vous êtes déjà dite intérieurement…

– C’était l’étoile filante !

– Cela ne fait pas de bruit une étoile filante ! lâchez-vous un peu, sale môme.

Vous avez pourtant bien entendu, mais votre raison travaille pour vous (qui êtes en vacances, sur un transat, ne l’oubliez pas). La météoroïde entre dans l’atmosphère, très très haut donc ; elle se consume au contact de ce mélange d’azote, d’oxygène et de gaz rares qui nous permet de vivre ; c’est beau, vous êtes émerveillé mais vous ne pensez pas une seconde pouvoir l’entendre car si c’était le cas, vous entendriez aussi le vol du moustique (bbzzzzz) au bord de l’oreille droite d’une petite fille vivant à 5 km d’ici qui dormira bien malgré tout car à cet âge – elle vient d’avoir 6 ans – on ne se laisse pas réveiller par une simple bestiole ou même la musique répétitive du club de vacances voisin (non, ils n’écoutent pas du Steve Reich, mais le même CD matin, midi et soir depuis 10 jours ; et d’ailleurs, celle-là, vous l’entendez). Bref, le pffft de l’étoile filante, vous n’y croyez pas vraiment. Mais un voyage intersidéral sur la Toile vous confirmera que oui, les étoiles filantes peuvent émettre des sons, que c’est un phénomène rare et surtout mal compris (pour ne pas dire, inexpliqué)… La vérité est donc ailleurs mais ce pffft n’était pas une hallucination auditive… Alors, vous me croyez maintenant ?

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– Dis, Lou, c’est quoi cette boîte de sardines ?

Lou (moi donc) ne lève même pas la tête et continue à chercher une photo.

L’autre, un peu plus insistant :

– Dis, Lou ! C’est qu-oi cet-te boî-te de sar-di-nes ?

Lou, toujours plongée dans ses fichiers…

L’autre, malin :

– Lou, comment on devient artiste ?

Lou lâche instantanément sa souris, se redresse et commence :

– Alors, cette boîte de sardines, c’est une métaphore…

Point d’interrogation en face…

– … une image, si tu préfères… une façon de parler de quelque chose en le comparant à autre chose…

Léger éclaircissement dans la mine.

– Comment sont les sardines dans cette boîte ? lui dis-je.

– A l’huile !

– Oui, mais encore ?

– Elles n’ont plus de têtes !

– Effectivement, mais quoi encore ? Regarde bien… Il n’y a pas quelque chose qui te saute aux yeux ?

Le petit, très concentré…

– Elles sont serrées ! lâche-t-il, persuadé d’avoir mis le doigt sur la réponse attendue.

– Oui, c’est ça ! D’où l’expression « être serré comme des sardines ». Donc, cette boîte de sardines, en fait, c’est ce à quoi me fait spontanément penser le métro que je dois prendre le matin  pour aller au travail. Le métro, c’est la boîte ; les sardines, c’est nous… Et je peux t’assurer que la vie de sardine en boîte est loin d’être appréciable. Vois-tu, les retards récurrents, les problèmes techniques à répétition, l’alternance des rames entre les deux directions, font que ces rames sont systématiquement bondées, en particulier en heures de pointe (d’où leur nom d’ailleurs). Mais quand je dis « bondées », c’est presque trop gentil, elles sont surpeuplées. De vraies bétaillères ! Et encore, je suis sûre qu’il existe désormais des lois européennes pour interdire de mettre trop d’animaux dans une surface donnée ! Il faut vraiment le voir pour le croire… Imagine-toi sur le quai. Comme ça, de l’extérieur, le wagon semble plein. Les faces sont plaquées contre les vitres des portes, les mines sont totalement défaites, implorant la pitié : non, ne rentrez pas… De l’intérieur, il l’est, je te l’assure. Sauf que ceux qui attendent impatiemment sur le quai ne sont pas de cet avis, ils n’ont que faire de la compassion, il faut qu’ils pointent à leur poste ! Et là se trouve la magie du métro matinal : pour le voyageur qui a l’impression de revivre chaque jour le même cauchemar et qui n’espère plus avoir une réelle place dans la rame, l’objectif est d’y entrer coûte que coûte. En poussant un peu par ci, un peu par là, entraînant des micro-mouvements de foule à l’intérieur, en laissant à peine ceux qui veulent s’échapper du pressoir de sortir… Tout le monde peste, un peu dans sa barbe. C’est le dépit. C’est horrible ce dépit-là. C’est comme une visite chez le dentiste. Un mauvais moment à passer mais il faut bien le faire… Et puis, sans t’en rendre compte, tu as un pied à gauche, un autre de l’autre côté de la jambe droite de ton voisin que tu pourrais chatouiller sous les bras si tu étais bien disposé (et lui aussi) et le reste du corps vrillé vers le haut de la rame pour capter un peu d’air. Preuve de la plasticité à toute épreuve de notre corps… Heureusement, la densité humaine est telle qu’une position totalement déséquilibrée n’est pas synonyme de chute pour autant. Voilà donc que l’on se « repose » sur des bouts d’êtres, que nous sommes tous là, avec notre bulle de sécurité percée de toutes parts, à vivre une intimité non désirée avec de parfaits inconnus. Qu’un sorte et le mikado s’effondre… Parfois, il est difficile à certains de réfréner certaines poussées belliqueuses. Cela se comprend. Heureusement, les bras étant bloqués en position basse, les agressions sont majoritairement verbales. Le pire entendu : rame bondée, on pousse, on pousse, on pousse… Une jeune femme avec un paquet fragile entre les mains dans le sas principal. Quelle idée aussi, pourrait-on penser, de prendre le métro à cette heure-ci avec un paquet fragile ? Il y a aussi des gens qui partent en vacances avec leur grosse valise ou sac à dos qui prennent le volume de trois personnes, ou des poussettes dépliées avec marmaille inside – 4 personnes… On leur en veut et en même temps, faut bien continuer à vivre ! Bref, la donzelle avec sa boîte fragile… Voilà qu’elle lance un « Ta gueule ! » à une vieille dame qui avait dû manquer sa dernière séance de PNL et n’avait donc pas su capter les micro-signaux que lui envoyait la jeune femme bien sous tous rapports apparents depuis quelques secondes : « Pas le matin ! » « Pas le matin ! » « Pas le matin ! »… Comprendre : « Ne pas me prendre la tête dès le matin ! »… Et la dame, insistante, « Oui, mais, quand même vous pourriez faire attention… » « Ta gueule ! » donc. Effroi dans l’assemblée. Quand même… Oui, quand même… Cette ligne transporte des gens dans des conditions inacceptables, mais quand même, un peu de respect pour les aînés. Oui, moi, je suis comme ça. Bref. Elle finit par s’excuser… Non, pas d’excuse… par se justifier quelques minutes après… le métro est arrêté entre deux stations, ça laisse le temps de penser à ce que l’on vient de dire, à se rappeler du chapitre sur la maîtrise de soi parcouru la veille, à se convaincre que ce n’est pas grave… « Oui, quand même, ça ne se fait pas ! » finissent par dire les gens collés à la jeune-à-la-boîte-fragile-et-aux-joues-rouges… Ce qui ouvre une courte lamentation sur cette ligne maudite qui énerve tout le monde, les salariés, les employeurs, les recteurs d’université aussi, et en premier lieu les passagers, les sardines quoi… Evidemment, face à cette fatalité, je ne peux m’empêcher de me demander si les choses auraient été différentes si cette ligne ne s’était pas appelé 13 mais 15… La RATP aurait dû faire comme dans les compagnies aériennes américaines, supprimer la rangée 13 de leurs avions, forcément capteur de tous les dysfonctionnements connus sur les différentes lignes de son réseau !

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Une journée n’est jamais vraiment finie avant d’être réellement finie, c’est-à-dire, une fois que l’on est bien au chaud sous la couette voire endormi pour une nuit sans sursaut. Hier soir, vers 23h40, je lâche une de mes trivialités préférées dont la maîtrise m’échappe totalement :

– J’ai pas vu la semaine passer, on est déjà vendredi !

– Pas encore ! me rétorque-t-on avec optimisme…

Je pense :

– En même temps, étant donnée l’heure, il ne va plus se passer grand chose maintenant…

Je le pense mais ne dis à voix haute que les premiers mots – « En même temps, étant… » avant de m’autocensurer et de garder la suite pour moi. De crainte, étrange certes, de voir « quelque chose » se produire si j’officialise ma pensée.

Le voyage en métro se passe bien, en compagnie de gens aux petits yeux, pressés de se mettre au lit… Le voyage en métro se passe bien, jusqu’à un certain point. Un point où, alors que la rame entre en station, tout s’arrête. Coupure de courant. Nette. Il est peut-être 00h15, peut-être un peu plus. Et dans l’instant, une ombre se faufile dans l’interstice entre deux wagons, se hisse à hauteur de la porte et entre dans la dernière voiture, sous le regard médusé voire légèrement effrayé des personnes assises dans le sas, pour aller se poser tranquillement sur un siège et se fondre dans la masse comme si tout était normal. Quelques secondes après, le microphone éructe son crachin :

– Le courant a été coupé sur toute la ligne. Il y a une personne sur les voies.

Mais nous sommes un certain nombre – ceux du dernier wagon et une poignée de l’avant-dernier – à savoir que la personne en question n’est déjà plus sur les voies. Cinq minutes passent dans le silence. Puis cinq autres. Les questions intérieures prennent une nouvelle voie…

– C’est normal qu’on s’arrête comme ça ? s’inquiète un type chargé d’un sac à dos et d’une valise.

– Comment ils font pour vérifier qu’il n’y a plus personne sur les voies ? Ont-ils des caméras dans les tunnels ? s’enquiert une jeune femme.

Puis les soupirs se font plus forts même si contenus. Cinq autres minutes passent pendant lesquelles la voix off répète que le courant est arrêté car il y a quelqu’un sur les voies. Oui, mais non ! Il n’y a priori plus rien sur les voies, la personne étant montée dans le train dès le début… Nous attendons donc pour rien et aucun moyen de prévenir le conducteur. La situation est totalement absurde. Je pense bien à écrire la chose sur un papier, pour le montrer à la voiture d’avant etc, mais range mon carnet sûre que tout va rentrer dans l’ordre rapidement maintenant… Quelques minutes passent à nouveau, toujours dans le calme, voire le dépit consécutif à une longue semaine qui a pompé l’énergie de tout le monde. Et puis voilà que cela s’affole dans le wagon mitoyen. Celui où se trouve l’homme. Un voyageur a écrit sur une grande feuille de papier : « La personne est montée dans le train ». J’ai déjà « vu » ça quelque part… Ils nous font de grands signes pour que nous transmettions le message à la voiture 3. Du coup, je ressors mon petit carnet, retranscris la même phrase, traverse le wagon amorphe pour en atteindre le bout. Et colle ma feuille sur la vitre en essayant d’attirer l’attention des passagers de la voiture 3. Une dame me voit, ainsi que mon papier, mais n’a pas l’idée de s’approcher de la porte… Vraiment pas, ce qui me laisse un peu sans voix… Me voyant incrédule, elle se met à parloter à ses voisins, pas bien vifs non plus, qui s’approchent malgré tout… Mon trait est probablement trop clair et peu lisible, même à 40 cm… Ils ne comprennent pas. Une dame vient à mon secours.

– Si certains veulent passer leur nuit là, ça les regarde, mais pas moi !

Nous nous mettons en quête d’un feutre.

– Quelqu’un a-t-il un feutre ?

La question peut en effet paraître bizarre, à cette heure-ci, dans ces circonstances. Mais personne ne fouille dans son sac ! Pour une fois que tout le monde sait ce qu’il a dedans ! En revanche, un monsieur, bien assis sur son strapontin les jambes écartées, dit qu’il suffit de tirer la sonnette d’alarme pour parler au chauffeur. Chose qu’il n’a pas faite et qu’à vrai dire, pour une raison obscure, personne ne fait. Mais, de l’autre côté, le message semble avoir été finalement saisi. Une femme déchire une feuille de papier. Je ne vérifie pas ce qu’elle y inscrit mais j’imagine qu’elle ne va pas communiquer sa recette de la mousse au chocolat à la voiture 2. Je retourne à mon siège en répondant à une interrogation au passage.

– C’était quoi ça ?

– Quoi, le papier ?

– Oui !

J’explique.

– Ah, ok ! dit la dame en jetant un œil au wagon de queue.

Quelques minutes passent encore et un mouvement vague se produit dans la voiture 3. Tous les voyageurs se dirigent vers l’avant. Après 25 -30 bonnes minutes (et pas 1h comme j’ai pu le lire sur un blog) d’immobilisme forcé mais serein (et pas dans le noir et dans l’angoisse comme c’est indiqué sur ce même site) et d’interruption de trafic sur toute la ligne, le métro est évacué par les agents de sécurité. Voiture après voiture, ils font sortir les gens, restés placides du début à la fin, jusqu’au quai qu’avait atteint le wagon de tête. Le téléphone arabe version papier a-t-il fonctionné ? Ou est-on arrivé au bout de la procédure à suivre dans un tel contexte ? Au fur et à mesure que nous remontons les wagons en faisant bien attention au vide, d’autres agents font le chemin inverse. Certains avec des chiens… Allez, une petite dizaine de personnes au bas mot, l’air bien remonté, pour aller cueillir le perturbateur. Difficile d’anticiper une réaction a priori aussi démesurée. Que s’est-il ensuite passé dans cette voiture 5 quand ils en ont ouvert la porte ? Comment ont-ils fait pour savoir qui était le responsable de cette pagaïe de fin de journée ? Comment ont réagi les passagers ? Et l’homme, dont nous n’avions vu que le dos, qu’a-t-il fait ? Autant de questions emportées par le froid en sortant du métro pour une promenade nocturne, histoire de bien finir la journée… Réellement.

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Je lui dis, un peu prétentieuse :

– Ici, ce n’est vraiment pas pratique et instinctif de s’orienter sur les routes quand on n’est pas du coin !

J’argumente ma critique en rappelant – ce qu’il sait déjà puisque c’est son pays – que le nom des villes par lesquelles passent les routes n’est pas indiqué sur les panneaux de signalisation, ce qui est le cas en France notamment. Et qu’il faut donc, un peu comme à la bataille navale, croiser numéros d’autoroutes et spécifications cardinales – nord, est, sud, ouest – pour trouver son chemin. Autant dire, avoir une boussole dans la boîte à gants à défaut d’un douloureux compas dans l’œil ! D’autant que l’approche n’est pas sans faille : il arrive en effet que la route dénommée ouest par exemple, aille, en réalité, vers l’est… Ces pièges sont rares, certes, mais ils existent. Et même sans aller jusqu’à ces extrémités, les villes nord-américaines, puisque c’est d’elles dont il s’agit, même si globalement pensées sous forme d’un parfait quadrillage, ne sont pas toutes alignées les unes aux autres suivant ces quatre pôles emblématiques. Certaines sont plutôt au nord-ouest, d’autres au sud-est… Bref, pas simple quand on ne sait pas où l’on va. Je suis convaincue de la justesse de mon argumentation et m’attends naturellement à un « C’est vrai, tu as raison ! ».

Mais il ne capitule pas. Et me lâche, aussi fier que j’ai pu l’être quelques minutes auparavant :

– Et bien moi, je m’y perds sur les routes françaises car si l’on ne sait pas, par exemple, qu’Angoulême, où l’on se rend, est avant Bordeaux, la ville notée sur les panneaux, et bien, on n’est pas plus avancé !

La parade est fatale. Et il a autant raison que moi ! Chacun de notre côté, nous avons appris, depuis notre toute première auto à pédales, à nous repérer dans l’espace en nous appuyant sur deux systèmes de représentation totalement différents, qui conditionnent notre façon d’appréhender le monde. D’une façon un peu binaire, voire mathématique, sans que ce soit péjoratif, ou, d’une façon plus littéraire, à travers les mots et leurs mystères… Et tout cela à cause, ou grâce à, de banals panneaux directionnels… Heureusement, tous les chemins mènent à Rome !

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Dans quelques semaines, nous allons tous, plus ou moins, devoir répondre à cette simple et anodine question, enfin d’apparence simple et anodine…

– Alors, c’était bien tes vacances ?

Il ne faut pas se leurrer, certains d’entre nous répondront, un brin amer :

– Tu parles, on a eu un temps pourri ! Il a plu pendant les 3/4 du séjour !

– Ah oui, c’est dommage…

– Ouais, j’ai 3 semaines de vacances par an, c’est pas pour les passer sous la pluie ! Au final, je suis aussi crevé qu’avant de partir !

Comme si une entité supérieure devait savoir que Robert est en vacances pour 3 semaines et de fait, régler le bouton météo sur « grand beau fixe » pendant toute la période. Car des vacances sous la pluie, c’est sûr, c’est gâché. On se dit que l’on aurait mieux fait de rester chez soi. La pluie pendant les vacances, ça sape l’ambiance. D’abord, on pense que c’est passager, on le prend bien, on sort les jeux de société – ça faisait longtemps que je n’avais pas joué au Monopoly tiens, on devrait faire ça plus souvent (ouais, ouais, ne rigole pas trop avec ça)…. Et quand le passager s’installe, la tension commence à monter… On râle – j’en ai marre de ce jeu, c’est nul ! Je veux sortir ! -, on finit par en vouloir à tout le monde – range tes affaires, ça traîne partout, on ne peut plus passer dans cette chambre ! -, en particulier à ceux qui nous accompagnent – bon, bah, qu’est ce qu’on fait, y a pas un endroit où il fait beau dans ce pays ? t’as regardé dans le guide où il y avait des microclimats ? -, en oubliant qu’ils n’ont pas la météocommande non plus, jusqu’à accuser toutes ces industries qui polluent et qui sont évidemment responsables du dérèglement climatique. Total, la pluie pendant les vacances, c’est la plaie.

– Tu étais où déjà ?

– En Bretagne…

Mais non, c’est une blague, tout le monde sait qu’en Bretagne, il ne pleut jamais, ou alors que sur les parisiens ou, comme le dit le dicton, sur les cons, ce qui, pour certains, revient un peu au même… Robert, il était à Lisbonne.

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