Photo-graphies et un peu plus…

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J’ai mis les pieds dedans par curiosité avec Henry V, on pourrait commencer comme ça et voilà qu’un an et demi après, ils y sont encore… Où ? Dans l’aire de la compagnie du Bouc sur le Toit. Cet été, Le Bouc sur Toit a pu, dans les locaux de Confluences, se poser pour avancer sur son projet en cours : « Les putains se perdent à être peintes ». Trois pièces – Noces, Sei et Tentative de Saisine d’une amazone un peu vulgaire – écrites respectivement par Laura Tirandaz, Caroline Dumas de Rauly et Virginie Berthier, par ailleurs metteur en scène du trio. Trois pièces, trois rencontres avec trois femmes singulières de trois époques différentes : Sei Shônagon, dame de compagnie de l’Impératrice du Japon en l’an 1000 ; Marguerite de Valois, Reine de Navarre en 1572 et Théroigne de Méricourt, révolutionnaire en 1789.

Toujours fascinée par le processus de création, je me suis donc invitée à quelques séances de travail de la Compagnie, qui, cette fois-ci, progressait en petits comités, les pièces étant écrites pour 2 ou 3 personnages. J’ai donc à nouveau été le témoin de cette phase de recherche, plus ou moins avancée selon les pièces, faite d’essais, d’errances, d’échanges, de pas en avant, de projection, d’idées, d’abandons, d’attente, de confirmations, d’interrogations, de déplacements, de bricolage un peu aussi, tout comme d’appropriation des mots, des rythmes, des personnages, des espaces… Tout se met en place, tout est plus ou moins provisoire, un travail en gestation où se définit au jour le jour. Au final, ce sera peut-être différent. Mais cet été, « Les putains se perdent à être peintes », c’était un peu cette ambiance-là

 

Parfois présentes sur les images sans être sur scène pour autant : la scénographe Juliette Morel et la VJ Zita Cochet, chargée de l’installation vidéo de Sei, pièce sur laquelle j’avais déjà présenté quelques photos de répétitions.

 

Le triptyque sera présenté au public pour la première fois au Tricycle à Grenoble en avril 2014.

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La démocratisation du voyage, que la diversification des modes de transport, leur efficacité (assimilée à leur rapidité pour notre époque) et la baisse des prix de l’aérien ont favorisé, a du bon : nous sommes plus nombreux à pouvoir découvrir des ailleurs, qu’ils soient proches ou lointains, et c’est une véritable chance car ces sorties hors de nos frontières habituelles nous enrichissent et les souvenirs accumulés au fil de ces évasions sont sans conteste ceux que nous emporterons avec nous, plus que la commode en marbre. La démocratisation de la photographie, à laquelle l’apparition du numérique et la métamorphose des téléphones portables en boîte à images hyper-perfectionnées ont massivement contribué, est aussi une bonne chose : nous sommes plus nombreux à déployer nos talents créatifs, quels qu’ils soient, et c’est toujours un moment agréable que de pouvoir partager ses impressions avec d’autres ou se de replonger dans ses errances passées, images à l’appui.

La combinaison des deux – il y a de plus en plus de voyageurs, ou touristes, et ils prennent de plus en plus de photos – n’est pas une très bonne nouvelle pour autant car elle a fait naître une tendance voire un besoin assez déconcertant : celui de toucher, tâter, palper ce que l’on est venu voir et immortaliser cet instant avec autant de fierté que si l’on avait été le premier homme à marcher sur la Lune. De telle sorte que la ville, le monument, la sculpture ou le parc pour lequel nous avons fait tous ces kilomètres en espérant pouvoir profiter de chacun dans de bonnes conditions, c’est-à-dire, un peu naïvement, dans l’intimité d’une relation à deux, disparaît progressivement et inéluctablement derrière des essaims d’humains se remplaçant les uns les autres dans un cycle continu ne s’interrompant qu’à la nuit tombée et encore… Essaims qui s’agglutinent donc à nos souvenirs et à nos cartes mémoire comme des éléments constitutifs, inattendus et un brin incongrus du voyage.

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Moi qui croyais presque passer inaperçue derrière mon viseur… Que d’illusions perdues ! C’est un peu comme l’autruche qui plonge sa tête dans le sable en pensant – même si imaginer qu’une autruche puisse penser peut sembler étonnant – qu’ainsi, on ne la remarquera pas. Sauf que cette idée, qui les fait par ailleurs passer pour de stupides animaux depuis Pline l’Ancien, est fausse. Si elles enfoncent bien leur tête dans la terre, c’est surtout pour aller y puiser quelques vers et autres friandises protéinées, voire se protéger des tempêtes de sable… Logique imparable !

De fait, si je cale mon œil derrière le viseur de mon appareil, ce n’est pas pour disparaître aux yeux de mes prédateurs potentiels mais bien pour prendre une photo. Parfois en tentant d’être discrète face à des inconnus, comme ici. Et en échouant, comme ici aussi. Ceci dit, cet échec-là a du bon. Car en saisissant mon intention de l’extraire de ce miroir à facettes et en me fixant ainsi avec ce regard démultiplié à la fois interrogateur et bienveillant lançant des « je t’ai vu, je t’ai vu, je t’ai vu me regarder » à l’envie, Pierre – appelons-le Pierre, il a une tête de Pierre non ? – m’a offert une composition inespérée : un ricochet d’œillades que Virginie – oui, appelons-là Virginie, elle a une tête de Virginie non ? – est venue compléter non sans une certaine méfiance, lui lançant, à lui, une salve de « je t’ai vu, je t’ai vu, je t’ai vu la regarder »… A posteriori, c’est-à-dire maintenant, j’en suis toute ébaubie !

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D’en haut, nous ne voyons pas la même chose que d’en bas. Pardonnez cette évidence qui n’est en réalité que le reflet de ma naïveté… D’en bas, par exemple, je n’aurais pas vu cet arbre, sur la droite là, dans la direction de la Philharmonie, celui au feuillage légèrement plus clair que ses voisins. Sa taille, apparemment gigantesque, c’est ce qui a accroché mon regard alors que je faisais la vigie au sommet de la Colonne de la Victoire. Il fallait absolument que j’aille le voir de plus près, le toucher ! Une urgence du moment en quelque sorte.

Ainsi, j’ai donc dévalé les 285 marches étroites de la tour en laissant malgré tout passer enfants et mères-grand, tout en essayant de dépasser le 1/25e de seconde de ma persistance rétienne. Sans boussole ni GPS intégré, je me suis donc courageusement enfoncée dans ce poumon vert en quête de ce mastodonte certainement plus que centenaire. Plutôt confiante, malgré ma propension à me perdre dans ces espaces aux repères bien plus subtils – « bah c’est un arbre quoi ! » – que les nombreux indices familiers laissés par les artères des villes – « après la pharmacie à l’angle et l’épicerie au coin ».

J’avançais donc le bras tendu vers la direction supposée, pour ne pas la perdre du regard, en tentant, vainement (un anagramme de naïvement au passage !), de reconnaître, d’en bas, les troncs des arbres dont j’avais découvert la cime, d’en haut… C’est à ce moment précis que j’ai réalisé que ce n’était pas parce que je voyais le crâne de quelqu’un que je pouvais dire pour autant s’il avait les jambes arquées ou pas. La révélation vaut aussi pour les arbres. Ainsi, après avoir erré dans les allées du parc en maintenant le cap, après m’être approchée frénétiquement de certains spécimens croyant avoir enfin mis la main dessus, j’ai dû me rendre à l’évidence : il me serait impossible de retrouver mon phare à chlorophylle, au même titre que l’on ne trouve jamais de trésor au pied d’un arc en ciel

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De façon générale et quasi universelle, les panneaux de signalisation ont, par définition, pour fonction d’indiquer, je dirais même plus, de signaler, la proximité ou l’entrée d’un site : une ville, un parc, une aire d’autoroute, une gare, une forêt, un musée, un hôpital, une grotte, un département, une réserve naturelle… En somme, quelque chose de concret, de solide, de palpable, de réel. Pourvu d’un contenu, des immeubles des gens, des arbres des fleurs, des voitures des toilettes, des trains des passagers, des arbres des animaux, des tableaux des gardiens, des malades des soignants, des insectes des stalactites, des villes des champs, des girafes des éléphants… Je trouve donc plutôt réjouissant et puissant que, une fois n’est pas coutume, un tel panneau se fasse non pas l’écho de ce qui existe mais de ce qui n’existe pas : une ligne purement imaginaire, située dans un désert qui plus est ! Prenons-en de la graine et allons planter, dans nos contrées un peu trop conventionnelles, les marques de nos rêves et utopies !

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On a l’habitude de dire « Qui se ressemble, s’assemble ! » (c’est même prouvé scientifiquement, c’est dire !) mais je ne pensais pas que cet adage était aussi un critère de choix, inconscient a priori, du banc sur lequel s’asseoir pour sa pause déjeuner. Cela ne vous échappera pas – en tout cas, cela m’a sauté aux yeux quand ils ont dérivé dans leur direction -, ces deux femmes portent des vêtements aux couleurs strictement identiques, chaussures comprises. Elles seraient en jean des pieds à la tête, comme beaucoup de gens aujourd’hui, je n’aurais même pas sorti mon appareil photo. Mais là, avouez que cette association bleu marine / vert empire n’est pas des plus fréquentes et méritait donc son déclenchement ! Le fait qu’elles se soient assises chacune à une extrémité du banc me fait penser, d’une part, qu’elles ne se connaissent pas – si c’était le cas, elles seraient plus proches l’une de l’autre et en train de disserter sur leur télépathie vestimentaire à grands coups d’éclats de rire -, et, d’autre part, qu’elles ne se sont pas regardées du tout avant de s’asseoir – sinon, l’une au moins aurait opté pour un autre siège en remarquant cette étrangeté… Il s’agit donc là d’une extraordinaire coïncidence comme on en croise peu, de celles qui chatouillent toujours un peu l’imaginaire…

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Je suis toujours étonnée – malgré les récurrences – par les chemins qu’emprunte notre mémoire pour nous faire nous remémorer ce que nous avons parfois oublié ou alors vainement cherché à nous rappeler. Voici un cas typique de ce que l’on pourrait appeler la « mémoire pop up » car elle s’ouvre comme ça, sans prévenir, donc de façon assez soudaine, dans un petit coin certes mais en couleurs, en musique, en scintillant, de telle sorte que l’on ne peut pas l’occulter. Cela n’aurait d’ailleurs aucun intérêt car cette mémoire pop up nous rend un grand service en mettant fin à une quête à durée indéterminée, ce qui, dans ce contexte, n’est pas toujours de bon augure.

Ainsi ce paysage est-il typique des îles Kerguelen, qui compte de nombreuses espèces endémiques du fait de son isolement. Comme ces petits monticules verts parsemant ce sol rocailleux et sur lesquels il ne fallait absolument pas marcher puisque cela entraînait leur mort à coup sûr. Je vous laisse imaginer les zig-zag à concéder face à un tel parterre… Tout ça pour respecter la Nature ! Bref. Après n’avoir connu qu’eux, j’ai donc totalement oublié leur nom. J’ai eu beau sonder mes souvenirs à plusieurs reprises, rien ne venait. Il aurait certainement suffi de quelques minutes de surf pour trouver la réponse, mais cet oubli n’a jamais constitué ni une angoisse ni une urgence.

Et voilà que ce soir, en discutant avec quelques photos pour statuer sur mon choix nocturne, je tombe sur celle-ci. J’avais au préalable l’idée d’écrire sur ces endroits, rares pour les urbains, où l’on pouvait aisément penser que l’on était sûrement les premiers à les parcourir. Avec une image des îles de la Désolation, le risque d’erreur était faible. Sauf qu’en découvrant la photographie et en posant mes yeux sur ces tas de mousse verte, le mot « azorelle » m’a sauté à l’esprit telle une formule magique qui allait m’ouvrir mille portes. Azorelle, ce mot que j’avais complètement oublié, qui revenait comme ça, totalement naturellement, comme si je l’avais employé la veille, au seul contact de mes yeux avec elles…

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category: Actus
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Parfois je me plais à croire que sans les battements d’ailes ininterrompus de dizaines voire de centaines d’oiseaux, les nuages nous tomberaient sur la tête…

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