Photo-graphies et un peu plus…

Paradoxe temporel

On ne sait pas trop par quel bout la prendre, cette photographie… Il y a des signes – des gens essentiellement, beaucoup même – et des indices – l’environnement dans lequel ils évoluent, leurs postures – en pagaille. Mais je l’aime ce fouillis pictural, cette atmosphère éthérée à la fois festive, mystérieuse, peut-être angoissante un peu aussi.

Malgré tout, je me dis, c’est dommage. C’est dommage de ne pas avoir déclenché une seconde plus tôt. Une seconde plus tôt, le lutin rouge à casquette actuellement au milieu de l’image se serait glissé dans la seule zone vide d’humain de la composition. Il aurait été entier ; la petite fille du premier plan n’aurait pas eu n fond perturbant le regard, et l’homme central en polo vert et lunette de soleil (qui, je n’ai pas encore compris pourquoi, me fait penser au T1000 de Terminator 2), n’aurait pas été tronqué lui non plus. Le regard serait passé d’une silhouette à l’autre sans s’arrêter.

Mais, qui peut réellement savoir ce qui se serait passé une seconde plus tôt pour les autres… La main de la femme au T-Shirt blanc aurait-elle été levée, comme ça, se démarquant nettement dans la fumée ? Le père du premier plan aurait-il eu la tête tournée, en tout cas suffisamment pour nous laisser deviner un sourire, et faire comprendre, par la même occasion, que ce qui se trame ici n’est certainement pas un drame ? L’homme à droite aurait-il eu son appareil photo ainsi levé et dirigé dans la direction opposée à celle vers laquelle les regards semblent se concentrer, accroissant encore un peu plus le mystère : pourquoi regarde-t-il dans cette direction alors que tout semble se passer de l’autre côté ? En fait, une seconde avant, la photo aurait peut-être été complètement différente et beaucoup moins intrigante…

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Pardonnés 1

Parfois, comme aujourd’hui, ils nous gâchent le spectacle, alors même que nous sommes fin prêts, que nous avons appris par coeur la trajectoire de l’éclipse partiellement totale, tout retourné pour retrouver, in extremis, les lunettes opaques de celle de 1999 et que, pour couronner le tout, nous avons décidé de braver courageusement les mentions « usage unique » et « à ne pas utiliser après l’an 2000 » malicieusement apposées dessus. Et parfois, ce sont eux qui assurent un spectacle dont il est difficile de décrocher. Alors, sans racune les nuages, et à la prochaine !

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Le hasard au placard

Lapalissade liminaire : aujourd’hui, il y a des Applis pour tout. Inutile donc de les lister. Le propre de certaines est d’être pratique, sachant que de nos jours, est décrété « pratique » ce qui nous permet de gagner du temps – car, comme chacun sait, ce dernier passe très (trop) vite et il est, de fait, ridicule d’en perdre inutilement si des alternatives existent – mais également ce qui nous évite de réfléchir par nous-mêmes – une activité jugée hautement dangereuse par certains esprits manipulateurs. Les deux – temps et réflexion – étant, par ailleurs, intimement liés.

Conçues pour nous fournir des certitudes, donc nous rassurer, ces Applis me semblent surtout gober à la fois hasard et/ou magie. Tout dépend de la manière dont vous abordez les choses de la vie. Un exemple concret et trivial de ce désenchantement du monde – très bien, de mon monde – inhérent à ces serviciels ? Je suis une fervente utilisatrice des Velib’ parisiens. Par chance (hasard, magie ?), il y a deux stations à côté de chez moi dont une vraiment très proche, jusqu’à laquelle je préfère bien sûr aller (un peu comme en mer avec la bouée…). Si vous aussi fréquentez ces vélocipèdes au cœur lourd, vous savez à quel point il est rageant d’arriver à une station pleine, qui plus est, sur le chemin du retour chez soi, et de devoir repartir en quête d’une place ailleurs, donc potentiellement ajouter un peu de marche à l’exercice physique du moment…

De fait, jusqu’à l’an dernier, j’avais arrêté une sorte de code ou de règle pour décider, sans hésiter, si je tentais la station la plus proche de chez moi ou si je m’arrêtais à la seconde, un peu plus loin donc. Ainsi, si le feu du carrefour à proximité de la station la plus lointaine était vert, alors, cela signifiait – et je pèse mes mots – qu’il y avait de la place à la station proche de chez moi. Par conséquent, s’il était rouge, c’était le signe qu’elle était pleine et qu’il fallait que je me gare à la première. Je ne me posais même pas la question, persuadée d’avoir réussi à établir une communication privilégiée entre les feux tricolores et les stations Vélib’. Sentiment d’autant plus tenace que cette règle avait toujours fonctionné ! Et à vrai dire, j’en étais à chaque fois surprise et émerveillée !

Et un jour, je ne sais plus pourquoi exactement, j’ai installé une Appli « pratique » sur mon smartphone. M’informant en une seconde de la disponibilité en vélos, donc en places, à telle ou telle station. A fortiori, celle à côté de chez moi. Du jour au lendemain, j’ai ainsi snobé la couleur du feu tricolore au carrefour, qui ne m’avait pourtant jamais trompée, pour mater mon écran de téléphone, et vérifier qu’il restait des places près de chez moi avant de m’y aventurer. Et ainsi, en deux glissements de pouce sur un écran tactile, l’ennui de la certitude a remplacé la magie de l’incertitude…

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Dans la vie...

Dans la vie, il faut choisir entre se déshabiller à 6h du matin alors qu’il fait 3°C dehors pour se glisser 4 minutes chrono dans une eau à 32°C avant de se sécher (et de se changer) rapidement et partiellement en plein air ou, rester emmitouflé dans son blouson et se satisfaire de prendre cette première catégorie de courageuses personnes en photo.

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Mort à Venise

C’est un peu comme le nez au milieu de la figure… Il a beau être au milieu donc, très présent forcément, voire plutôt imposant (le relief principal de notre visage, jusqu’à parfois se transformer, pour certains, en véritable péninsule), il arrive que nous passions à côté, tout absorbés que nous sommes par ses satellites gravitant autour avec harmonie – la gondole (à Venise, oui), le vaporetto, le motoscafo, le traghetto, le taxi bateau ou encore la barge – ou bien si peu préparés à le voir là, à cet instant précis, qu’en effet, nous ne le voyons pas.

Et au milieu donc, il y a un énorme paquebot rempli de fiers croisiéristes qui glisse sur les eaux peu profondes de la lagune et auquel personne ne semble faire attention. Logique, me direz-vous, tout le monde lui tourne le dos. C’est que le traître ne fait quasiment pas de bruit ! Mais quelle surprise quand les yeux tombent dessus en balayant naïvement l’horizon à la découverte des innombrables splendeurs architecturales de la Sérénissime ! Et quelle aberration que ces monstres qui convergent régulièrement vers le bassin Saint-Marc via le canal de la Giudecca.

Aberration écologique évidemment : ces bâtiments flottants de près de 100 000 tonnes, de plus de 300 mètres de long (presque deux fois plus que la place Saint-Marc elle-même) et quasi 40 de large, hauts comme de grands immeubles, provoquent des remous qui fragilisent dangereusement les fondations, donc les millions de pilotis sur lesquels repose la Cité des Doges depuis des siècles. Humaine forcément : comment les passagers peuvent-ils ainsi parader sur le pont supérieur pour admirer une ville qu’ils contribuent à détruire ? A croire qu’ils ne voient pas plus loin que le bout de leur … (hum, trop facile) ! Bien sûr, lobbies et riverains s’écharpent depuis des années, des voies alternatives sont étudiées. Mais pour l’heure, les premiers ont la main. Et en attendant la prochaine bataille navale, ce nez-là continue malheureusement de défigurer affreusement le paysage !

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Défaut de conception

Comme moi, vous avez sûrement entendu, dans votre prime jeunesse, qu’il était méchant de se moquer du physique de vos petits camarades d’école ou de jeu. Car ce n’était pas la faute de Pierre si la nature l’avait doté de grandes oreilles (et peut-être un peu son père aussi, qui devenait indirectement la cible collatérale de la moquerie) ni celle de Nora si elle louchait un peu (ce qui la faisait immanquablement ressembler à votre chat complètement fêlé). A l’époque, vous n’étiez qu’un enfant et vous appreniez juste le pouvoir des mots. Or, pour apprendre, il fallait tester donc se moquer. Vous aviez ensuite appris à tourner sept fois votre langue dans votre bouche avant de lancer des sentences susceptibles de blesser vos interlocuteurs et aviez tranquillement poursuivi votre vie sans subir ni créer de traumatisme inoubliable…

Jusqu’à ce que vous ne tombiez sur cet éléphant à la réserve d’Etosha en Namibie. Franchement, c’est quoi cette trompe ? Vous en avez déjà vu, vous, des trompes qui traînent à ce point par terre ? C’est comme si vos bras touchaient le sol ! Je vous assure, c’est loin d’être pratique au quotidien (est-ce de cette éventualité que vient l’expression « avoir le bras long » ?) Et cela nécessite une logistique que l’on a peine à imaginer. Combien de fois, dans la précipitation, cet éléphant a-t-il marché dessus, puis trébuché, devenant la risée du plan d’eau de récréation dès son plus jeune âge ? Et à quoi est-ce dû : un problème de coordination de la croissance de la trompe et de celle du reste du corps ? « Ach, zut, elle a poussé trop vite » remarque l’ingénieur en chef du rayon éléphant. « Trop tard ! Et puis, on peut bien vivre avec un petit défaut » lui répond laconiquement le sous-chef en sortant néanmoins la bête de la chaîne pour lui éviter la sauvage élimination par l’intraitable responsable du contrôle qualité qu’ils entendent d’ici : « combien de fois devrais-je vous répéter d’arrêter la trompe à 30 centimètres du sol ? Ça vous plairait, à vous, d’avoir les bras qui ratissent le sol ? (Vous voyez !) Et en plus, vous l’avez fait sur le petit aussi ! Allez, aux lions ! » En fait, là, spontanément, vous lui trouvez quand même un avantage à cette trompe anormalement longue : celui de pouvoir l’enrouler autour du cou en hiver, telle une écharpe intégrée ! Oui, je sais, ce n’est pas gentil de se moquer…

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Empathie du soir

J’aime cette heure tardive et sans nuage de la journée où la vie devient bidimensionnelle et où même notre ombre semble si fatiguée qu’elle s’étale de tout son long sur un macadam transformé en immense divan collectif.

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A partir de là...

… les rues ne sont plus indiquées donc demandez votre chemin ! Une évidence bien entendu ! En pratique, tout dépend de l’endroit où vous êtes. Où que vous soyez dans le monde, vous avez en effet deux façons de découvrir une ville que vous ne connaissez pas. Bien entendu, il y en a bien plus que deux, mais c’est parfois reposant d’aborder la vie avec une âme binaire ! La première : partir à l’aventure sans plan ni objectif précis en tête quitte à passer juste à côté de l’incontournable. La seconde : définir un plan d’attaque avec étapes prédéfinies.

Dans le premier cas, seule votre envie et votre curiosité vous guident. Peu importe, au final, que vous ne sachiez pas précisément où vous êtes. Cela fait partie du voyage. Dans le second cas, une carte peut être utile. En écrivant cela, je réalise à quel point cette phrase est potentiellement une espèce en voie de disparition. Car aujourd’hui, pour se repérer et se rendre quelque part sans effort, nombreux sont ceux qui s’appuient sur leur extension connectée : leur smartphone géolocalisé doté d’un GPS. Que c’est triste !

Pour les besoins de ce billet (et faire perdurer la magie de nos errances citadines), faisons donc cette hypothèse pré-nostalgique que vous préférez toujours lire des cartes. Le plus souvent, associées à un certain sens de l’orientation, elles suffisent amplement ! Mais il peut arriver également que ce ne soit pas le cas. « A partir de là, les noms de rue ne sont plus indiquées sur le plan, demandez votre chemin. » Retour à la phrase départ. C’est bien beau mais vous ne parlez pas javanais, ni japonais d’ailleurs, ou si peu. Même si vous êtes incapable de vous repérer finement, vous savez toutefois que vous n’êtes pas si loin du but. Alors, vous vous lancez vers l’inconnu. En l’occurrence, un épicier à qui vous essayez de faire comprendre que vous cherchez un ancien sento reconverti en café tout près d’un très vieux onsen. Fastoche !

Malheureusement, vous n’avez pas imaginé, en posant la question dans l’idiome local que votre interlocuteur allait logiquement en déduire que vous le maîtrisiez et donc vous répondre tout naturellement – c’est-à-dire très rapidement – dans sa langue natale. Interloqué mais poli, vous l’écouterez patiemment en hochant la tête comme vous l’avez vu mille fois fait depuis votre arrivée, ce qu’il interprétera comme un acquiescement et un signe de compréhension de votre part, alors que vous n’y entendez absolument rien et n’attendez qu’une chose : la fin de son interminable explication, qui vous incite à vous poser une nouvelle question. Est-elle aussi longue car fourmillant de détails sur tout ce que vous allez rencontrer sur votre chemin ou car le lieu recherché est finalement bien plus loin que vous ne le croyiez ? Evidemment, vous ne le saurez jamais.

De fait, après l’avoir remercié dix fois minimum, vous vous éloignerez lentement mais sûrement vers la première direction indiquée (et que vous aviez miraculeusement comprise), disparaitrez à un angle avant de vous arrêter net pour vous replonger dans votre carte pleine de défauts mais ayant cet avantage indéniable à ce moment de parler la même langue que vous. Là , faute d’alternative, vous combinerez les deux façons de découvrir une ville : « ça doit être par là ! » (accompagné d’un geste vague vers là bas donc). Quelques minutes après, chance ou pas, vous tomberez sur ledit sento tant convoité. Vous pousserez la porte sans y croire vraiment et vous vous poserez dans un coin avec cette sensation d’avoir traversé la terre entière pour y arriver, aussitôt remplacée par celle, délicieuse, d’être dans un monde à part.

 

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(Presque) seule au monde

Le réveil sonne. Doucement mais sûrement. Je l’éteins rapidement pour ne pas me faire remarquer. La chambre est encore plongée dans la pénombre et le monde dans un silence bienveillant. Il n’est pas encore 6h et le lit dont je viens de m’extraire se trouve dans une grande maison de bois entourée de pins Douglas à quelques encablures d’un charmant village de pêcheurs posé à l’un de ces bouts du bout du monde tels que je les affectionne : Tofino, sur une péninsule du flanc ouest de l’île de Vancouver.

Il fait frais, je me couvre bien et sors de la maison sur la pointe des pieds. Traverse lentement la bande de forêt qui me sépare de l’océan Pacifique et je l’attends. Il est encore un peu tôt mais il ne devrait plus tarder. On s’est donnés rendez-vous vers 6h30 sur cette plage que la marée basse rend immense. Je ne m’inquiète pas vraiment, il est toujours très ponctuel. Pendant quelques minutes, je me laisse envelopper par cette douce atmosphère aurorale et bercée par la musique des vagues qui, chaque seconde, grappillent du terrain à la terre.

Je suis seule sur cette longue langue de sable blond. Je jubile. Je me sens, comme rarement, en parfaite harmonie avec les éléments. Et plus encore lorsqu’il se pointe enfin, à son rythme, lent mais invariable, se frayant un chemin entre les branches des arbres faisant face à l’immensité océanique. Il monte petit à petit et efface délicatement les mystères de la brume nocturne. Le ciel s’éclaircit, la vie dore et le monde s’éveille peu à peu. D’abord les oiseaux, puis mes congénères, que je vois traverser la forêt et converger vers la plage, comme ce couple qui transcende et magnifie soudainement mon horizon… Je ne suis plus seule et c’est beau, aussi.

 

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Rapports de force 1

Pour me retrouver fortuitement face à cette inattendue peinture murale qui m’a instantanément envoyée à 11 817 km de là 3 ans 4 mois et exactement 4 jours auparavant, il a fallu que je me laisse guider par plusieurs indices, non perçus comme tels sur le moment. Le premier ? Une irrésistible, autant qu’incompréhensible, envie de voir le minuscule Manneken-Pis avant de quitter Bruxelles. Le deuxième ? Fuir ledit lieu le plus vite possible en remontant la rue du Chêne, car totalement déserte. Le troisième ? Quelques dizaines de mètres plus tard, tomber œil à œil avec son pendant vêtu, géant et voyou peint sur un mur donnant sur une ruelle a priori sans intérêt.

Rapports de force 2

Le quatrième ? S’approcher pour prendre une autre photo sur laquelle ne figure pas le matériel rouge de Kontrimo. Et découvrir que la ruelle n’est pas si banale car elle ne donne sur rien. Plus précisément, il s’agit d’une impasse. Et au bout de cette impasse se cache une forêt. Celle ci-dessus. Une forêt bidimensionnelle. Une forêt de fiction en somme. En moi, une joie – cette sensation d’avoir découvert un trésor sans avoir eu à creuser, littéralement – teintée de tristesse – voilà où les hommes de la ville en sont rendus : peindre des arbres sur les murs pour faire venir la nature à eux. Et c’est à cet instant précis que m’est apparue le souvenir de cette vieille maison hawaïenne, méthodiquement mangée par les racines d’arbres immenses dont la croissance n’est entravée par personne… Quel magnifique contre-pied à ce mur bruxellois, que je suis toutefois heureuse d’avoir rencontré pour le lien indéfectible qu’il a permis de créer avec son écho hawaïen, illustrant ainsi des rapports de force diamétralement opposés entre le bâti et la nature.

Rapports de force

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