Photo-graphies et un peu plus…

Tout feu tout flamme

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Le mythe de la caverne

Lorsque je pousse la porte vitrée d’un cinéma banalisé – j’entends par là, un cinéma situé dans l’enfilade des immeubles d’une rue et non pas un bloc massif à part déconnecté de tout et se suffisant à lui-même -, donc, lorsque je pousse la porte d’un tel cinéma, que je traverse son hall plus ou moins grand mon billet à la main, que j’emprunte un escalator vers le haut ou vers le bas pour atteindre la salle, petite ou grande, dans laquelle est projeté le film que je suis venue voir, immanquablement, une fois dans mon fauteuil, j’ai l’étrange sensation d’être dans le chapeau haut-de-forme d’un magicien, négligemment posé sur une petite table carrée au milieu de la scène, chapeau dont il a montré le fond à l’assistance au préalable pour lui prouver – mais c’est un leurre, nous le savons même si nous voulons croire le contraire – qu’il était bien vide, et dont il réussit malgré tout, l’instant d’après, à extraire un lapin, une balle de tennis, un foulard, des dés, un jeu de cartes, une colombe, une salade et bien d’autres choses improbables encore sous les yeux forcément ébahis de l’assemblée conquise… Ainsi rempli d’immenses volumes savamment imbriqués les uns aux autres totalement imperceptibles de l’extérieur, qui affiche fenêtres et autres ornementations architecturales classiques, le cinéma s’apparente à un espace à double-fond, de mondes parallèles, où l’illusion des fictions fait écho à celle des lieux, pourtant bien réels.

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La magie

Le plus magique avec la magie est d’y croire malgré tout. J’écris « malgré tout » car je ne suis pas dupe. J’ai bien conscience qu’il ne s’agit que d’illusion, qu’il y a un « truc » comme on le dit facilement, et que ce « truc » échappe à ma vigilance. Et aussi à ma raison. Sciemment. Car lorsque j’assiste à un tour de magie, je choisis d’y croire. Ou plutôt, j’y crois. Je mets mon esprit analytique au dernier rang de mon petit théâtre cartésien et prends mon billet pour ce monde étrange où ce qui est impossible partout ailleurs devient réel et vraisemblable. C’est une parenthèse enchantée en pleine réalité où, tout d’un coup, un dessin de colombe peut se transformer en vraie colombe, où une salade peut contenir un kiwi qui contient lui-même une carte signée, où une corde coupée en dix morceaux peut se reconstituer, où un foulard peut devenir œuf, où une salle entière – les yeux pétillants d’incrédulité – peut tirer la même carte de son propre jeu au même instant, où tout se passe sous nos yeux ébahis et où nous n’y voyons pourtant que du feu… Ainsi la magie symbolise-t-elle cette capacité à croire en quelque chose qui n’existe pas. N’est-ce pas vertigineux ?

Bien sûr, de l’aveu même des magiciens, derrière tout tour de magie, il y a un détournement. Et pas n’importe lequel ! Un détournement d’attention. Un laps de temps souvent extrêmement court pendant lequel le spectateur est invité, plus ou moins subtilement, à regarder ailleurs, à se concentrer sur une action parallèle dont la seule raison d’être est de l’éloigner de la scène capitale jouée en solo par le prestidigitateur, l’illusionniste ou le magicien. Un laps de temps qui le détourne de l’essentiel, à savoir, le passage de l’impossible au possible, du possible au visible, cette transition qui fait lâcher des « Nooon ! » anticipés et admiratifs dans l’assemblée – sorte de résistance ultime de notre conscience – avant même la fin du tour et alors que tout est déjà joué.

Et puis, en sortant de la salle de spectacle, encore tout émerveillé par ce que nous venons de voir, ou au contraire, de ne pas voir, nous reprenons progressivement nos esprits, nous rapatrions notre esprit cartésien sur le devant de la scène pour réaliser que les magiciens sont loin d’être les seuls à user de ce détournement d’attention… Mettre exagérément et durablement l’accent sur un sujet « insignifiant », idéalement compassionnel, pendant que d’autres, à l’enjeu plus important mais surtout plus controversés, sont à peine abordés et n’atteignent le niveau de conscience des gens qu’une fois les décisions validées et prises. Le tour est joué ! Si les politiques et les médias sont passés maîtres dans l’art du détournement d’attention pour arriver à leurs fins, la championne des championnes en la matière n’est autre que la vie elle-même. Qui, fort heureusement, la plupart du temps, passe comme ça, l’air de rien, avec un contenu qui est ce qu’il est, propre à chacun, qui nous occupe tant et si bien que nous en oublions, parfois, qu’elle a une fin…

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Le hasard au placard

Lapalissade liminaire : aujourd’hui, il y a des Applis pour tout. Inutile donc de les lister. Le propre de certaines est d’être pratique, sachant que de nos jours, est décrété « pratique » ce qui nous permet de gagner du temps – car, comme chacun sait, ce dernier passe très (trop) vite et il est, de fait, ridicule d’en perdre inutilement si des alternatives existent – mais également ce qui nous évite de réfléchir par nous-mêmes – une activité jugée hautement dangereuse par certains esprits manipulateurs. Les deux – temps et réflexion – étant, par ailleurs, intimement liés.

Conçues pour nous fournir des certitudes, donc nous rassurer, ces Applis me semblent surtout gober à la fois hasard et/ou magie. Tout dépend de la manière dont vous abordez les choses de la vie. Un exemple concret et trivial de ce désenchantement du monde – très bien, de mon monde – inhérent à ces serviciels ? Je suis une fervente utilisatrice des Velib’ parisiens. Par chance (hasard, magie ?), il y a deux stations à côté de chez moi dont une vraiment très proche, jusqu’à laquelle je préfère bien sûr aller (un peu comme en mer avec la bouée…). Si vous aussi fréquentez ces vélocipèdes au cœur lourd, vous savez à quel point il est rageant d’arriver à une station pleine, qui plus est, sur le chemin du retour chez soi, et de devoir repartir en quête d’une place ailleurs, donc potentiellement ajouter un peu de marche à l’exercice physique du moment…

De fait, jusqu’à l’an dernier, j’avais arrêté une sorte de code ou de règle pour décider, sans hésiter, si je tentais la station la plus proche de chez moi ou si je m’arrêtais à la seconde, un peu plus loin donc. Ainsi, si le feu du carrefour à proximité de la station la plus lointaine était vert, alors, cela signifiait – et je pèse mes mots – qu’il y avait de la place à la station proche de chez moi. Par conséquent, s’il était rouge, c’était le signe qu’elle était pleine et qu’il fallait que je me gare à la première. Je ne me posais même pas la question, persuadée d’avoir réussi à établir une communication privilégiée entre les feux tricolores et les stations Vélib’. Sentiment d’autant plus tenace que cette règle avait toujours fonctionné ! Et à vrai dire, j’en étais à chaque fois surprise et émerveillée !

Et un jour, je ne sais plus pourquoi exactement, j’ai installé une Appli « pratique » sur mon smartphone. M’informant en une seconde de la disponibilité en vélos, donc en places, à telle ou telle station. A fortiori, celle à côté de chez moi. Du jour au lendemain, j’ai ainsi snobé la couleur du feu tricolore au carrefour, qui ne m’avait pourtant jamais trompée, pour mater mon écran de téléphone, et vérifier qu’il restait des places près de chez moi avant de m’y aventurer. Et ainsi, en deux glissements de pouce sur un écran tactile, l’ennui de la certitude a remplacé la magie de l’incertitude…

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La trêve verbale est terminée. Les mots reprennent leur territoire virtuel !

Croiser une personne connue ou membre du cercle des 6 degrés de séparation à un endroit totalement incongru est toujours un moment fascinant. Comme si le monde était petit, ce qu’il n’est évidemment pas, n’en déplaise aux Enfants du Paradis même si c’est de Paris dont il s’agit alors. Ces convergences – rares – ont ce petit goût de magie que l’on aime associer à certains événements de notre vie. Pourtant pas statisticien, on se prend alors à calculer – ou du moins à faire semblant – la probabilité de survenue de cette rencontre avant de statuer fièrement qu’elle est nulle. Mais voilà, contre toute attente et toute logique, les chemins se sont croisés. Sur Hollywood Boulevard à Los Angeles, sur la route des étoiles donc, un mercredi après-midi d’août ensoleillé, je tombe nez à nez avec des voisins de Vancouver. A Seattle, où les nuits ne sont pas toutes blanches, dans une file d’attente pour un concert, encore un choc frontal avec une personne rencontrée une poignée d’années auparavant à San Francisco. A Hawaii, sur une plage de Kauai au coucher du soleil, les pieds nus dans le sable humide et doré en direction de l’océan, un couple en sort. Nouvelle hallucination ! Nous nous sommes vus pour la première fois la semaine précédente, à Hilo, sur une autre île, alors que nous faisions du couchsurfing chez le même hôte. Rebelote le lendemain sur un chemin de randonnée, ce qui déclenche la prise d’un rendez-vous fixe, maîtrisé, non laissé au hasard cette fois-ci pour en savoir plus… Ce « Pour en savoir plus » nous apprend que nous avons des amis communs. Là, comme ça, à l’autre bout du monde…

Et voilà que la chose s’est reproduite, différemment, à un autre bout du monde (par chance, il y en a plusieurs). Plus polaire. A Tromso. 69°N 18°E. Au nord nord de la Norvège dont le nom porte lui-même la nordicité (excusez du québécisme). Rares sont les villes plus au nord encore. A cette période de l’année, il y fait nuit toute la journée. Ce qui ne signifie pas que la zone est plongée dans une totale obscurité toute la journée non plus. Le soleil ne daigne pas se soulever plus haut que l’horizon mais ses éclats lointains viennent « éclairer » les alentours trois heures par jour… Ce qui laisse 21 heures de vraie nuit ! C’est beaucoup pour nous autres qui sommes habitués à un peu plus d’équilibre entre le jour et la nuit (ce qui me fait penser que les Norvégiens ne doivent pas utiliser l’expression « C’est le jour et la nuit ! »). Bref, à un moment de la journée, un besoin de lumière, même artificielle, se fait sentir.

Or, Tromso a une belle bibliothèque moderne, claire et lumineuse. Un phare dans la nuit polaire. Je pousse la porte d’entrée et suis accueillie par une très agréable chaleur qui me fait ôter bonnet, gants, écharpe, manteau, sous-gants (non, il ne fait pas si froid). Face à moi, une colonne de presse internationale. Je cherche les canards français ayant pignon sur rue dans cet antre du savoir de la ville. Il n’y en a qu’un : Le Nouvel Observateur. Et ce n’est même pas le plus récent. Je l’extrais de son étagère et l’ouvre au hasard. Page 13. Oui, oui, page 13. Je suis médusée. Sur la photo, un ami. Kristophe Noël, mon compère de Médyn et d’autres aventures artistico-photo-littéraires. Là, le type replié sur lui-même pour illustrer un article sur l’autisme qu’il n’est pas, c’est lui. J’en doute alors qu’il n’y a aucun doute à avoir. C’est lui. Comme un film que je rembobine, je me vois choisir d’aller à Tromso pour voir des aurores boréales, entrer dans la bibliothèque pour me réchauffer, prendre Le Nouvel Obs par curiosité d’une francophone en terre étrangère et enfin l’ouvrir, juste comme ça et tomber sur  Kristophe Noël. C’est fou non ? Il y a toujours une interrogation qui filtre dans pareilles circonstances : les coïncidences ont-elles une raison ?

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Je ne les retrouvais plus, ces photographies. Enfin, pas celles-ci justement, ou alors, en partie seulement. C’était à une autre époque… Celle où l’argentique était roi, avec ses pellicules et ses délais de livraison. Pas de nostalgie dans ces mots. Simplement, je resitue le contexte. Aujourd’hui, avec le numérique, la notion de pellicule, au-delà de l’objet lui-même, de cette petite bobine à film noir avançant au fur et à mesure que l’on déclenche, est devenue totalement obsolète. Encore que nous pourrions la comparer à la carte photo, dont la capacité est bien plus impressionnante ! Aujourd’hui, si l’on veut faire une photo à 125 ISO et la suivante à 400 ISO avant de revenir à 125 voire passer à 800, il suffit d’aller dans le menu et de choisir sa sensibilité… Simple comme bonjour !

Dans le temps, pas si lointain, ce changement était un peu plus complexe… Il fallait rembobiner la pellicule, laisser la languette dépasser un peu pour pouvoir la réutiliser, bien noter à quelle vue on s’était arrêté sur le métal lui-même, puis installer une autre pellicule dans la boîte à images, faire ses photos et éventuellement, revenir à la première bobine. Cette dernière opération n’était pas sans risque : en réinsérant la pellicule partiellement utilisée dans son habitacle, il fallait en effet tenter de la caler comme la première fois, ne pas oublier de mettre le cache sur l’objectif, veiller à bien compter le nombre de vues déjà faites pour éviter les catastrophes, c’est-à-dire les superpositions indésirables, et déclencher éventuellement une ou deux fois supplémentaire pour plus de sécurité. Malgré toutes les précautions prises et les calculs faits, une surprise était toujours possible…

Il était ainsi tout à fait envisageable que le chiffre noté sur la pellicule, vous indiquant d’une part, qu’elle a déjà été impressionnée, et d’autre part, à quelle vue reprendre, s’efface. La petite bobine en question, pleine d’un passé capturé, retrouvait alors en quelque sorte sa virginité et se fondait dans la masse des pellicules non utilisées. A ce stade, vous ne vous doutiez de rien, même si vous aviez en mémoire ces images prises, que, bizarrement, vous ne retrouviez nulle part. Vous aviez bien ce vague souvenir d’avoir changé de pellicule en cours, mais la bête marquée au bic rouge demeurait introuvable. Peut-être perdue. Fâcheux mais envisageable. Comme il était tout à fait envisageable, à nouveau, que votre main, plongée dans le panier à pellicules en attente de rencontres photoniques, finisse par la saisir et la placer dans cette petite boîte noire convoitée… Un geste totalement innocent, presque naïf. Sauf que les images que vous découvriez n’étaient pas celles que vous espériez. Enfin, d’une certaine manière, si, mais pas de cette façon. La voilà, la pellicule perdue. Les voilà, ces images qui se pressaient à votre mémoire, persuadées d’avoir existé sans pour autant être réellement. Ainsi inextricablement liées à d’autres images, elles n’existeront d’ailleurs jamais pour elles-mêmes. Pour autant, le fruit de cette superposition totalement fortuite d’un ici et d’un ailleurs, est d’une beauté confondante voire troublante… On se perd dans deux univers artificiellement collés l’un à l’autre, prenant vie l’un dans l’autre, créant ainsi une espèce de monde chimérique envoûtant. Comme cette rue pavée, qui, au contact de ce jardin africain, se transforme en muret qu’elle n’est pas. Comme cette main délicatement posée sur un rideau qui se mue pourtant en pelleteuse inquiétante. Comme cette ruelle parisienne qui vient fendre en deux cette bâtisse couleur crème. Comme, enfin, cette silhouette solaire qui semble se reposer sur le feuillage d’un grand arbre poussant horizontalement… Ces images-là, et les autres, je n’aurais jamais pu les imaginer. C’est le hasard qui l’a fait pour moi. Et au final, n’est-ce pas lui, le créateur ?

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