Photo-graphies et un peu plus…

Prenons une famille à forme lambda : une femme, un homme, deux enfants. Plongeons-là dans un environnement citadin, qui ne doit pas être une trop grande ville car cela change la donne. Arrive souvent un moment où les aînés de cette famille, appelés « parents », prennent la lourde responsabilité d’acheter une seconde voiture. Pour madame. C’est bien plus pratique pour aller chercher les enfants à l’école, les amener au solfège ou au karaté, à l’heure où papa est encore au travail. Oui, oui, les nouveaux pères s’occupent désormais de cela aussi. Mais là n’est pas le sujet donc je m’autorise le trait grossier.

Le propre de cette deuxième voiture est sa taille. Car voilà ce qui se dit dans les chaumières : « On va acheter une petite voiture pour maman ! ». Comprendre : c’est papa qui a la grosse voiture… La logique voudrait pourtant que ce soit le contraire puisque c’est maman qui fait le taxi et que papa est tout seul dans sa grosse et belle voiture. Mais, à nouveau, là n’est pas le sujet. Ce qu’il y a à retenir, c’est cette affaire de taille. Affaire qui semble avoir débordé du cadre de la voiture pour toucher celui de la photographie, qui requiert un autre type d’équipement à la diversité aussi large que les automobiles mais au coût plus modéré. Ainsi, quand monsieur et madame ont un appareil photo, n’est-il pas rare de voir un zoom dépasser de celui, plus massif, de monsieur alors que madame se satisfait d’un outil plus compact et plus modeste (donnant lieu à toutes les interprétations possibles que ce couple nous offre par ailleurs et sur lequel je ne ferai pas de mauvais jeu de mots). Car c’est bien connu, madame n’a pas besoin de plus… pour faire mieux !

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D’abord, enfoncer quelques portes ouvertes. Aujourd’hui, tout le monde a un, voire deux, portables. Même les plus vieux – les constructeurs ont adapté le matériel -, même les plus jeunes – ils sont insolemment doués de naissance avec les technologies. Aujourd’hui, nombreux sont ceux à être équipés de smartphones ou à avoir opté pour des forfaits leur permettant d’échanger de façon illimitée par écrit, qu’il s’agisse de SMS ou de mails, avec leurs interlocuteurs. Or, et l’homme est ainsi fait, l’absence de contraintes – un quota de textos par mois, par exemple, au-dessus duquel tout envoi supplémentaire devient payant – ne favorise pas l’efficacité, en l’occurrence ici, la concision. De telle sorte que la simple mise en place d’un rendez-vous peut donner lieu à une avalanche d’échanges dont les trois-quarts, au moins, sont inutiles… D’où un agacement certain si l’un des deux protagonistes en est encore à l’âge de pierre, c’est-à-dire, dispose d’une formule raisonnable, donc limitée voire bloquée, et fait son possible pour limiter les aller-retour. Voilà ce que cela peut donner :

– Personne à formule illimitée (PAFIL) : On se voit toujours aujourd’hui ?

Deux minutes plus tard.

– Personne à formule limitée (PAFLI) : Oui ! Je serai libre vers 17h30-18h. On peut se retrouver chez moi ou au Café des étoiles.

La PAFLI, même si elle se veut efficace, entend quand même donner le choix à son rendez-vous. Elle veille malgré tout à la formulation claire devant conduire à une réponse précise.

A peine deux secondes plus tard.

– PAFIL : ça me va !

Echec total : la PAFIL ne choisit rien. La PAFLI reprend la machine et tapote, en réfléchissant bien à ses mots à nouveau.

– PAFLI : Parfait ! A quelle heure et où ?

La PAFLI est confiante cette fois-ci.

Tremblement de la bête.

– PAFIL : Comme tu veux !

Damned, cette réplique, la PAFLI ne l’avait pas du tout anticipée. Elle renvoie à son premier message et à sa volonté de ne pas imposer son choix. La PAFLI aurait dû avoir moins de scrupules. Mais ce n’est pas aussi simple, car la PAFIL aurait alors pensé qu’elle n’avait pas le choix et aurait peut-être proposé autre chose, histoire de. Bref.

– OK. Donc, chez moi.

La PAFLI déroule l’adresse, le code, enfin, tout ce qu’il faut pour arriver chez elle. Elle pose la machine à relier les hommes sur la table basse et poursuit ce qu’elle faisait en se satisfaisant de n’avoir passé que 8 minutes sur cette histoire. Cinq minutes avant de partir, la PAFLI reçoit un nouveau texto. C’est la PAFIL.

– PAFIL : Je vais être en retard. Retrouvons-nous directement au café.

La PAFLI intègre l’information. Quelques minutes passent. Et son téléphone se remet à se trémousser. C’est la PAFIL.

– PAFIL : Dis, tu as bien reçu mon message où je te dis que je suis en retard ?

Petit rictus de la PAFLI qui se sent obligée de répondre.

– PAFLI : Oui, oui, pas de problème. On se retrouve là-bas dans 25 minutes du coup.

Répit de quelques minutes avant que le jingle d’arrivée de message se fasse à nouveau entendre, et détester par la même occasion. C’est la PAFIL.

– PAFIL : Tu peux me redonner l’adresse s’il te plaît ? Je l’ai effacée par erreur…

Zut, zut et rezut. La PAFLI maudit la PAFIL, rumine dans sa barbe tout en lui renvoyant l’adresse du café.

Elle se chausse, enfile son manteau et quitte son appartement, passablement énervée et bien décidée à ne plus envoyer de textos pour le reste de la journée. Au bout de quelques minutes de marche, elle arrive à bon port. Entre dans ce café qu’elle connaît bien, trouve une petite table près de la fenêtre pour que la PAFIL la repère plus facilement, puis patiente. Cinq minutes, puis 10, puis 20. Là, ce n’est plus drôle du tout. La PAFIL n’est toujours pas là. La PAFLI ne tient plus, malgré sa promesse, et se résout à envoyer un message qu’elle tente le plus neutre possible.

– PAFLI : Bah, t’es où bordel ? Je t’attends au café.

Là, quasiment du tac au tac. C’est la PAFIL.

– PAFIL : Impossible ! J’y suis et je ne te vois pas.

Le sang de la PAFLI ne fait qu’un tour. Car elle connaît la suite.

– PAFLI : Tu es bien au 23 rue des Alouettes ?

– PAFIL : Ah non, tu m’as écrit avenue. Ce n’est pas loin mais ce n’est pas pareil. C’est quoi alors, « rue » ou « avenue » ? En même temps, je trouvais étrange que tu me donnes rendez-vous dans ce bar pourri…

La PAFLI fulmine d’autant qu’elle est certaine d’avoir envoyé la bonne adresse. Elle ouvre son dossier de messages envoyés et recherche celui dans lequel elle l’a donnée. Et constate avec effroi qu’elle s’est effectivement trompée ! Exaspérée, elle compose un nouveau message :

– PAFLI : C’est rue. Désolée. Je t’attends.

La PAFLI pas fière est au fond du trou, mais est sûre de voir le bout du tunnel.

– PAFIL : Ok, j’arrive.

Dix minutes plus tard, un nouveau texto s’annonce. C’est la PAFIL.

– PAFIL : J’ai rencontré un pote sur le trajet et on a commencé à discuter… Tu nous retrouves ? Il est sympa, tu verras. On s’est posés à La Peine perdue.

– PAFIL : Hey, tu as eu mon message ? Tu arrives ?

– PAFIL : Bon, t’es où ?

– PAFIL : On se retrouve ou pas, alors ?

– PAFIL : Bon, on s’appelle hein ?

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A première vue, tout semble normal et même plutôt agréable. Cinq amis remontent tranquillement la piazza Beaubourg après s’être donnés rendez-vous au pied d’Horizontal, l’immense mobile de Calder qui a récemment remplacé l’infertile pot de fleur doré de Reynaud, siégeant désormais, le fond dans l’eau, au 6e étage du temple d’art contemporain de la capitale. A priori, comme ça, tout va bien donc. Car vous n’avez que l’image. Oh, ce n’est pas le son des saltimbanques et autres troubadours de tous bords animant la place en journée qui pose problème. Tout est calme. Le problème vient d’ailleurs et dans quelques secondes, en passant à droite des deux mystérieux périscopes, la poignée d’amis va y être violemment confrontée. A l’odeur. A cette répugnante odeur de vieille pisse et d’ammoniaque qui saisit toute narine non bouchée, et même les plus enrhumées, s’avisant d’emprunter naïvement le même chemin.

A croire qu’il est inscrit « urinoir » dans l’entredeux des périscopes ! Le « p’tit coin » de chez soi s’exporte sans complexe à l’extérieur à partir d’une certaine heure et d’un degré plus ou moins avancé d’alcoolémie, et ce, malgré les pissotières gratuites installées par la ville lumière un peu partout. Le but, pour ces mâles impatients, est-il encore de marquer leur territoire ? Le jour, sobre, passent-ils devant leurs p’tits coins en se disant fièrement : « Tiens, j’ai déjà pissé là ! » Au même titre que la ville s’échine à effacer des graffitis ne faisant parfois de mal à personne, n’existe-t-il pas une formule chimique qui permettrait d’annihiler l’odeur d’urine ou un répulsif à pulvériser dans les p’tits coins potentiels pour couper court à toute tentative de relâchement pestilentiel ? Une telle invention remporterait au moins le concours Lépine !

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Un phénomène étrange se produit régulièrement lorsque je suis à l’étranger. C’est quasiment un sans faute d’ailleurs, ce qui n’est pas sans soulever certaines questions. Peut-être cela vous arrive-t-il aussi ? De reconnaître des Français alors que vous ne pouvez pas les entendre. De les reconnaître à distance. Comme ça, instinctivement. Une intuition. Même de dos, comme la paire ci-dessus. Vous les voyez et vous vous dites : « ceux-là sont Français, c’est certain ! ». Aucun indice : la grappe que vous observez ne cherche pas à s’insérer, comme si de rien était, dans une file d’attente d’un pays où elles sont scrupuleusement respectées et où l’on vous regarde de fait comme un extraterrestre si vous osez bafouer les règles locales en vigueur ; elle n’est pas non plus en train de critiquer tout ce qu’elle voit, tout ce qu’elle touche, tout ce qu’elle entend, tout ce qu’elle mange… Quand on croise ces spécimens-là, malheureusement non rares, deux voies s’ouvrent à soi : s’enfermer dans un mutisme temporaire, le temps de dépasser l’orage ; ou, au contraire, adopter un comportement diamétralement opposé en se montrant encore plus prévenant et poli que de nature pour compenser leur déficit en bonnes manières auprès de nos hôtes communs. Non, là, la grappe est neutre. Et pourtant, elle dégage un je-ne-sais-quoi incontestable de Français. Est-ce les traits du visage, les pieds, la posture, le style vestimentaire, la coupe de cheveu, la façon d’être, seul, en duo, en groupe ? Qu’a ce couple, par exemple, hormis une certaine concordance de phase dans le mouvement – même jambe d’appui, même regard légèrement tourné vers la gauche hors champ (une fontaine sculptée plutôt jolie) – totalement indépendante, a priori, de leur identité nationale, pour que je n’ai aucun doute sur leur origine ? Émettons-nous des sortes de phéromones asexuées nous permettant de détecter les êtres de notre propre patrie en territoire inconnu ? Cela reste un mystère…

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Alors même que la sage-femme vous lance une petite tape dans le dos pour vous aider à pousser votre premier cri et à prendre votre première bouffée d’air, passant ainsi du statut primitif d’amphibien à celui, plus évolué il paraît, de terrien ; alors même que, d’une certaine manière, vous commencez juste à vivre et que vous ne savez strictement rien de la planète sur laquelle vous venez de vous réveiller, celle ou celui que vous allez désormais devenir et être est déjà défini, quelque part. Enfin, c’est ce que l’on pourrait penser si l’on s’avançait à interpréter les conséquences combinées de trois éléments. Il y en a bien plus, mais les conclusions n’en seraient que plus effrayantes.

Donc, le premier : votre date de naissance. Disons, au hasard (car il manquera plus tard), un 3 janvier. Cela fait de vous un Capricorne. Inutile de froncer les sourcils : s’il y a autant d’horoscopes dans les journaux et les magazines, c’est qu’ils sont attendus, et si ce n’est crus, lus. Et puis, il y a toujours quelqu’un autour de nous pour lâcher « Oh, un(e) petit(e) Capricorne ! Ils ne sont pas toujours faciles les Capricorne… » « Preuve » qu’il y a bien « quelque chose », même si c’est purement spéculatif. Bref, en tant que Capricorne, « vous serez donc raisonnable, d’un tempérament calme, vous aurez un sens aigu des réalités et ne prendrez jamais une situation à la légère. Fiable, honnête et sincère, on pourra compter sur vous. Détestant l’improvisation et l’incertitude, vous serez un adepte de l’organisation ». Et cætera et cætera. Il y en a des pages et des pages. Même si ce sont des traits de caractère grossiers, vous y trouverez toujours quelque chose qui vous ressemble. Le plus amusant est que, depuis l’époque où les signes du zodiaque ont été arrêtés, l’axe de la Terre a bougé et ne pointe plus vers les constellations à la période où il le faisait il y a 2 500 ans : il y a un mois de décalage. Pourtant, une personne née en janvier reste Capricorne, alors qu’en théorie, elle devrait être Sagittaire. Mais intégrer cette variation compliquerait grandement une situation qui l’est déjà.

Bien, votre premier cri poussé, vous pouvez ouvrir les yeux. Il serait faux de dire que vous découvrez le monde qui va vous héberger à cet instant-là car vous ne voyez pas encore, mais votre mère, et peut-être, votre père, s’il a voulu chaperonner votre première sortie du territoire, eux, vous dévorent des yeux. Et après s’être extasiés devant vos tous petits pieds, vos tous petits doigts, votre toute petite tête fripée (tout en comptant bien que vous les avez en autant d’exemplaires que commandé, 10, 10, 1) échangent un regard avant de lancer, en chœur : « Oui, Camille, ça lui va très bien ! ». Sept mots simples et une montagne de sous-entendus alors que vous existez à peine. Evidemment, ce n’est pas comme si vous arriviez du jour au lendemain, votre arrivée a été mûrement préparée, parfois réfléchie, mais techniquement, c’est votre premier jour. Votre petite tête, qui ne ressemble alors à rien (si, si, et c’est pareil pour tout le monde…), dégage suffisamment de choses positives dans l’esprit de vos parents pour qu’ils soient convaincus de leur choix de vous nommer Camille et non Béatrice. Faites l’essai si vous connaissez l’une ou l’autre : imaginer-les en Béatrice et Camille et vous conviendrez que cela ne colle pas. Bref, le prénom qui vous a été donné est le deuxième élément. Car chaque prénom, ayant sa propre signification, est corrélé à des traits de personnalité très précis. Les livres sur le sujet ne se comptent plus et font partie de la bibliothèque minimale des futurs parents désireux de donner toutes leurs chances à leur progéniture à venir dans ce monde de brutes. Camille, entre autres choses, vous serez donc « énergique, vous aurez une autorité naturelle et une grande force de persuasion ; vous serez malgré tout réservée et discrète ; votre puissance d’action sera considérable même si parfois irrégulière à cause de votre émotivité. (…) Les professions susceptibles de vous intéresser seront celles qui exigent le sens du détail, de la précision. (…) ».

En croisant ce qui se dit sur les Capricorne et les Camille, vous en savez donc déjà beaucoup sur « vous », enfin vous toutes. Bien sûr, cela ne vous plaît pas de penser que toutes les Camille Capricorne sont comme ci ou comme ça, qu’en somme, vous n’êtes pas unique. Mais, heureusement, arrive le 3e élément. S’il ne vous apportera pas forcément votre liberté, au moins, il fera de vous une personne singulière : l’histoire de vos parents, des leurs, et encore des leurs, leurs joies, leurs peurs, leurs névroses, leur chance, leur malédiction… qui se transmettent, s’unissent, se mélangent, se heurtent, consciemment ou inconsciemment, de génération en génération, et qui vous feront avoir une peur bleue des coffres en bois fermant à clé alors que vous n’aurez jamais de problèmes avec eux (vous apprendrez bien plus tard qu’un drame a eu lieu avec un tel objet il y a 3 ou 4 générations et que depuis, il est interdit d’en avoir un chez soi). Et encore, cette histoire de coffre est juste l’entrée de la boite de Pandore.

Voilà ainsi Camille, née un 3 janvier, à peine quelques heures et déjà une vie derrière elle. Par chance, les tests ADN à la naissance ne sont pas encore banalisés car vous sauriez alors peut-être quand et comment vous attendra la fin. Fort heureusement, au quotidien, vous ne penserez pas à tout ça. D’ailleurs, vous ne croyez pas à ces balivernes. Vous avancerez, vous ferez vos choix sans toujours les comprendre et, dans ce paysage aux allures déterministes, creuserez votre propre sillon…

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