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– Oui, alors, t’en as pensé quoi ?
Ce n’est encore qu’un murmure mais vous avez bel et bien entendu la question. Et pour cause, elle est systématique. Quasi un réflexe. Comme lorsque votre médecin vous donne un petit coup sur le genou avec son marteau ! Idéalement, celui-ci se relève instantanément sans que vous y soyez réellement pour quoi que ce soit, ce qui ne manque pas de ravir votre docteur, et vous, accessoirement. Encore dans la pénombre, à peine relevé de votre fauteuil moelleux rouge vermillon, vous voyez donc deux yeux inquisiteurs tournés vers vous, en attente d’une réponse, de votre réponse à ladite question, idéalement de votre analyse personnelle (pas celle de votre critique préféré), de votre propre interprétation des faits (avez-vous vraiment compris cette fin somme toute assez sibylline ?), de votre ressenti (finalement, avez-vous aimé ?)… En fait, de tout ce que vous pourriez dire sur ce film qui vient tout juste de s’achever et dont le générique défile encore alors que la moitié des spectateurs est déjà passée à autre chose.
Certes, nous sommes à l’époque de l’immédiateté et cette injonction a la fâcheuse tendance à déteindre sur tout… Mais, pour filer la métaphore culinaire, si, sur le moment – celui de la dégustation -, chacun est en mesure de savoir en son for intérieur s’il aime ou pas un mets, s’il vit une expérience sensorielle extraordinaire ou pas, l’étape de la digestion n’en est pas moins cruciale pour statuer définitivement… Et la digestion, par principe stomacal notamment, prend un certain temps ! Il serait salutaire, il me semble, de s’imposer ce type de moratoire au cinéma – très concrètement, un silence post-représentation -, d’abord pour adoucir la transition entre l’univers fictionnel dans lequel on a été plongés pendant plusieurs dizaines de minutes et le monde réel dans lequel on vit tant bien que mal ; puis pour remettre les compteurs émotionnels à l’équilibre ; enfin, pour se donner le temps de la réflexion, de la pensée, ce qui inclut le fait de s’autoriser à ne rien en penser sans pour autant se sentir ignare !