Photo-graphies et un peu plus…

D’abord, enfoncer quelques portes ouvertes. Aujourd’hui, tout le monde a un, voire deux, portables. Même les plus vieux – les constructeurs ont adapté le matériel -, même les plus jeunes – ils sont insolemment doués de naissance avec les technologies. Aujourd’hui, nombreux sont ceux à être équipés de smartphones ou à avoir opté pour des forfaits leur permettant d’échanger de façon illimitée par écrit, qu’il s’agisse de SMS ou de mails, avec leurs interlocuteurs. Or, et l’homme est ainsi fait, l’absence de contraintes – un quota de textos par mois, par exemple, au-dessus duquel tout envoi supplémentaire devient payant – ne favorise pas l’efficacité, en l’occurrence ici, la concision. De telle sorte que la simple mise en place d’un rendez-vous peut donner lieu à une avalanche d’échanges dont les trois-quarts, au moins, sont inutiles… D’où un agacement certain si l’un des deux protagonistes en est encore à l’âge de pierre, c’est-à-dire, dispose d’une formule raisonnable, donc limitée voire bloquée, et fait son possible pour limiter les aller-retour. Voilà ce que cela peut donner :

– Personne à formule illimitée (PAFIL) : On se voit toujours aujourd’hui ?

Deux minutes plus tard.

– Personne à formule limitée (PAFLI) : Oui ! Je serai libre vers 17h30-18h. On peut se retrouver chez moi ou au Café des étoiles.

La PAFLI, même si elle se veut efficace, entend quand même donner le choix à son rendez-vous. Elle veille malgré tout à la formulation claire devant conduire à une réponse précise.

A peine deux secondes plus tard.

– PAFIL : ça me va !

Echec total : la PAFIL ne choisit rien. La PAFLI reprend la machine et tapote, en réfléchissant bien à ses mots à nouveau.

– PAFLI : Parfait ! A quelle heure et où ?

La PAFLI est confiante cette fois-ci.

Tremblement de la bête.

– PAFIL : Comme tu veux !

Damned, cette réplique, la PAFLI ne l’avait pas du tout anticipée. Elle renvoie à son premier message et à sa volonté de ne pas imposer son choix. La PAFLI aurait dû avoir moins de scrupules. Mais ce n’est pas aussi simple, car la PAFIL aurait alors pensé qu’elle n’avait pas le choix et aurait peut-être proposé autre chose, histoire de. Bref.

– OK. Donc, chez moi.

La PAFLI déroule l’adresse, le code, enfin, tout ce qu’il faut pour arriver chez elle. Elle pose la machine à relier les hommes sur la table basse et poursuit ce qu’elle faisait en se satisfaisant de n’avoir passé que 8 minutes sur cette histoire. Cinq minutes avant de partir, la PAFLI reçoit un nouveau texto. C’est la PAFIL.

– PAFIL : Je vais être en retard. Retrouvons-nous directement au café.

La PAFLI intègre l’information. Quelques minutes passent. Et son téléphone se remet à se trémousser. C’est la PAFIL.

– PAFIL : Dis, tu as bien reçu mon message où je te dis que je suis en retard ?

Petit rictus de la PAFLI qui se sent obligée de répondre.

– PAFLI : Oui, oui, pas de problème. On se retrouve là-bas dans 25 minutes du coup.

Répit de quelques minutes avant que le jingle d’arrivée de message se fasse à nouveau entendre, et détester par la même occasion. C’est la PAFIL.

– PAFIL : Tu peux me redonner l’adresse s’il te plaît ? Je l’ai effacée par erreur…

Zut, zut et rezut. La PAFLI maudit la PAFIL, rumine dans sa barbe tout en lui renvoyant l’adresse du café.

Elle se chausse, enfile son manteau et quitte son appartement, passablement énervée et bien décidée à ne plus envoyer de textos pour le reste de la journée. Au bout de quelques minutes de marche, elle arrive à bon port. Entre dans ce café qu’elle connaît bien, trouve une petite table près de la fenêtre pour que la PAFIL la repère plus facilement, puis patiente. Cinq minutes, puis 10, puis 20. Là, ce n’est plus drôle du tout. La PAFIL n’est toujours pas là. La PAFLI ne tient plus, malgré sa promesse, et se résout à envoyer un message qu’elle tente le plus neutre possible.

– PAFLI : Bah, t’es où bordel ? Je t’attends au café.

Là, quasiment du tac au tac. C’est la PAFIL.

– PAFIL : Impossible ! J’y suis et je ne te vois pas.

Le sang de la PAFLI ne fait qu’un tour. Car elle connaît la suite.

– PAFLI : Tu es bien au 23 rue des Alouettes ?

– PAFIL : Ah non, tu m’as écrit avenue. Ce n’est pas loin mais ce n’est pas pareil. C’est quoi alors, « rue » ou « avenue » ? En même temps, je trouvais étrange que tu me donnes rendez-vous dans ce bar pourri…

La PAFLI fulmine d’autant qu’elle est certaine d’avoir envoyé la bonne adresse. Elle ouvre son dossier de messages envoyés et recherche celui dans lequel elle l’a donnée. Et constate avec effroi qu’elle s’est effectivement trompée ! Exaspérée, elle compose un nouveau message :

– PAFLI : C’est rue. Désolée. Je t’attends.

La PAFLI pas fière est au fond du trou, mais est sûre de voir le bout du tunnel.

– PAFIL : Ok, j’arrive.

Dix minutes plus tard, un nouveau texto s’annonce. C’est la PAFIL.

– PAFIL : J’ai rencontré un pote sur le trajet et on a commencé à discuter… Tu nous retrouves ? Il est sympa, tu verras. On s’est posés à La Peine perdue.

– PAFIL : Hey, tu as eu mon message ? Tu arrives ?

– PAFIL : Bon, t’es où ?

– PAFIL : On se retrouve ou pas, alors ?

– PAFIL : Bon, on s’appelle hein ?

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La météo et la politique sont deux sujets que l’on peut sortir de son bonnet lorsque le blanc s’installe dans une conversation à plusieurs, à tel point qu’il en devient gênant. Plus rien à se dire. Chacun se tortille intérieurement pour trouver le sujet qui relancera l’échange, tout en essayant de repousser au maximum le joker météo (on le garde en dernier recours, car il marche à tous les coups). La thématique politique est tout aussi efficace, encore plus lorsque les avis des personnes en présence divergent. Dans un tel cas, votre soirée, que vous pensiez ratée, est sauvée, mais pas forcément l’amitié qui vous unissait à vos voisins de table ! De fait, la météo est bien plus consensuelle. Evidemment, l’on pourrait aussi imaginer quelque chose du genre :

A : Ah non, je ne suis absolument pas d’accord avec toi ! Cette pluie était totalement malvenue !

B : Mais tu racontes n’importe quoi, une fois de plus. Si tu voyais un peu plus loin que ta petite personne, tu verrais, que comme nous tous autour de cette table, cette pluie est, en vérité, la meilleure solution pour tous dans la situation désastreuse dans laquelle nous nous trouvons !

C : Euh, moi, je ne pense pas ça non plus…

B : Comment ? T’es avec lui alors ? Vous êtes vraiment tous des égoïstes ! Vous n’avez rien compris ! Donc, encore une fois, ça devient lassant à la fin, je vous explique…

C : Bah non, je ne pense pas comme lui non plus !

B : Et ben voyons ! Alors, quel est ton avis sur cette pluie ?

C : Je n’en ai pas. Je m’en moque totalement de cette pluie ! J’ai autre chose à penser dans ma vie !

B : Je n’y crois pas ! Il y a des hommes et des femmes qui se sont battus des années pour que nous ayons le droit de dire ce que nous pensons sur la pluie, et toi, comme ça, tu t’en moques totalement ? Pfff… Je ne sais pas ce que je fais là, vraiment…

Bon, ce serait amusant… Du coup, je me sens obligée de parler météo. Non parce que je n’ai rien à écrire (loin de là), ni pour lancer une nouvelle polémique, mais parce que c’est de circonstance. Il neige. Sans discontinu depuis plusieurs heures. Des flocons magnifiques qui brillent comme des diamants que je ne convoite pas ; qui, propulsés par le vent, scintillent comme des étoiles filantes. Montréal essuie, en ce moment même, sa première petite tempête de neige. C’est-à-dire qu’il n’y a que 50 cm de neige dans les rues. Dans un tel pays, la discussion météo a probablement un vrai rôle social. Dans un pays où à 00h34, des voisins raclent la neige sur leur terrasse, elle n’est sûrement pas un sujet pour combler la neige, euh, les blancs, mais un sujet en soi, de partage d’un rendez-vous annuel à la fois magique et sûrement éprouvant aussi ! Enfin, nous verrons de quoi nous parlerons demain…

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