« Je fais remonter l’information » me lance-t-elle très sérieusement au téléphone alors que je lui fais part d’un dysfonctionnement du service. N’est-ce pas étrange, comme expression, « faire remonter l’information » ? Comme si, pour l’heure, ladite information n’était qu’en bas. Est-elle tout simplement en train de me dire qu’elle travaille en sous-sol et que ceux qui sauront quoi faire de cette précieuse information sont à des étages plus élevés ? Et en quoi le fait d’être en hauteur les aidera à la traiter mieux qu’elle ? Mon information, je l’imagine déjà griffonnée sur un bout de papier, roulée en boulette – ce n’est pas un roman non plus – et mise en boîte par l’opératrice qui la pose délicatement sur un siège de remontée mécanique à informations, au côté d’autres boites, afin qu’elle soit récupérée, à l’issue d’un parcours assurément kafkaïen, par les hautes sphères décisionnaires. Et maintenant que mon information est bien remontée, j’espère surtout que personne ne se mettra en colère !
… a déjà eu une aventure avec son voisin / sa voisine, souffre de solitude, a déjà cherché à acheter des Bitcoin, a déjà pensé à s’engager dans la vie religieuse, connaît des troubles des apprentissages, applique la règle des 5 fruits et légumes par jour, court au moins une fois par semaine, ment sur son week-end, est touché par la pauvreté, est tatoué, aide un proche atteint d’un cancer, pense que l’épilepsie est d’origine surnaturelle, déménage chaque année, achète sur mobile, a été victime de maltraitance pendant son enfance, estime être bien informé sur les Big Data, n’est pas satisfait de son travail, renonce à des lunettes faute d’argent, s’endort au volant en allant au travail, a perdu son odorat, est un joueur actif, est touché par l’alcoolisme, souhaiterait travailler uniquement à distance, a prévu de poser un arrêt maladie pour partir plus longtemps en vacances, a consommé du cannabis, va au supermarché, n’a pas de téléphone portable, porte des lentilles de contact, envisage de se faire soigner à l’étranger, pratique les sports d’hiver, souffre de problème d’audition, prend des somnifères, s’est déjà filmé en train de faire l’amour, s’inquiète de l’impact de son activité sur les réseaux sociaux sur sa vie professionnelle, a ses pires cadeaux de Noël offerts par ses beaux-parents, pense que sa retraite sera confortable, a au moins un parent immigré, se couche trop tard, aimerait travailler avec Cyril Hanouna, consulte le profil Facebook de son ex chaque jour, fait confiance à Pôle Emploi pour trouver du travail, doit bouger ses jambes en continu. Mais surtout, surtout, surtout, surtout, surtout, surtout, surtout, surtout, surtout, surtout, 1 Français sur 10 pense, en 2018, que la Terre est plate ! Plate oui ! Quel clown celui-là (je sais que ce n’est pas la bonne réaction à adopter mais pour l’heure, je ne peux pas faire plus) !
N’avez-vous pas l’impression qu’il manque quelque chose à cette photo ? Non pas à la photo en tant que telle, mais à ce qu’elle montre ? En lieu et place de nos tourniquets doublés de claquantes portes saloon faisant passer les mâchoires de requin blanc pour de la guimauve, de simples bornes marquent l’entrée dans un territoire à tarification spéciale : les transports publics. On y scanne sa carte, on y passe son billet puis on avance, librement. Sans portique, même bas, comme c’est le cas dans de nombreux autres pays…
Alors que de hauts systèmes de sécurité sont en voie d’installation dans les gares de proche banlieue parisienne, le contraste entre nos mœurs et celles du pays du soleil levant est à nouveau saisissant. Car, plus de sécurité, il s’agit plutôt, dans nos contrées latines, d’ériger des murs anti-fraude, en tout cas, destinés à la rendre plus difficile. Et de rappeler que « transport public » n’est pas synonyme, tout du moins pas encore, de « transport gratuit » même si tel est le credo d’un autre réseau RATP (le Réseau pour l’abolition des transports payants)… Au Japon donc, on monte dans le bus par la porte arrière et on paye en sortant, par l’avant, juste à côté du chauffeur. L’idée même de filer à l’anglaise, sans payer, semble n’effleurer l’esprit de personne. Bizarre, non ? A contrario, dans notre chère capitale, a fleuri, ces dernières années, une poignée de jingles polis lancés par les chauffeurs selon leur humeur. Ainsi, lorsqu’une personne entre sans s’acquitter de son dû, ce qui arrive régulièrement, une petite musique se met en marche et une femme à la voix douce – c’est toujours une femme qui est chargée de remettre la planète sur les rails ! – prend le relais : « Nous vous rappelons qu’il est obligatoire de valider son titre de transport ! ». Ou, dans d’autres circonstances, qu' »il est interdit de monter par l’arrière du bus », qui est, de fait, une manière de ne pas valider son précieux sésame… Les étourdis, qui ne pensaient pas à mal, fouillent alors frénétiquement dans les dix huit poches avec lesquelles ils se promènent pour en extraire leur pass et aller le valider de façon assez ostensible tandis que les autres font la sourde oreille.
Cela me rappelle une petite histoire new yorkaise racontée par une Française en vacances avec son frère. Celui-ci avait manifestement été alpagué de façon assez musclée par la police – et il suffit de les croiser une fois pour comprendre que ça peut être un moment désagréable – après avoir sauté par dessus la barrière du métro, histoire de ne pas rater celui qui arrivait à quai. Comme à la maison, quoi ! Son étonnement m’avait étonnée… Même à Londres, où le ticket de métro dépasse les 4 euros, les portiques semblent là pour la forme. Je me dois toutefois de préciser qu’un agent veille à chaque entrée de métro et que cela produit sûrement son petit effet. Bref, la question demeure : le Français est-il fraudeur à ce point ? La fraude est-elle une question de prix, de principe, de nature, un acte de rébellion ou un manque de respect à l’égard des biens partagés ? La question reste en suspens mais se pose dès que je me retrouve face à des systèmes où, par défaut, on fait confiance à ceux qui les utilisent…
Un phénomène étrange se produit régulièrement lorsque je suis à l’étranger. C’est quasiment un sans faute d’ailleurs, ce qui n’est pas sans soulever certaines questions. Peut-être cela vous arrive-t-il aussi ? De reconnaître des Français alors que vous ne pouvez pas les entendre. De les reconnaître à distance. Comme ça, instinctivement. Une intuition. Même de dos, comme la paire ci-dessus. Vous les voyez et vous vous dites : « ceux-là sont Français, c’est certain ! ». Aucun indice : la grappe que vous observez ne cherche pas à s’insérer, comme si de rien était, dans une file d’attente d’un pays où elles sont scrupuleusement respectées et où l’on vous regarde de fait comme un extraterrestre si vous osez bafouer les règles locales en vigueur ; elle n’est pas non plus en train de critiquer tout ce qu’elle voit, tout ce qu’elle touche, tout ce qu’elle entend, tout ce qu’elle mange… Quand on croise ces spécimens-là, malheureusement non rares, deux voies s’ouvrent à soi : s’enfermer dans un mutisme temporaire, le temps de dépasser l’orage ; ou, au contraire, adopter un comportement diamétralement opposé en se montrant encore plus prévenant et poli que de nature pour compenser leur déficit en bonnes manières auprès de nos hôtes communs. Non, là, la grappe est neutre. Et pourtant, elle dégage un je-ne-sais-quoi incontestable de Français. Est-ce les traits du visage, les pieds, la posture, le style vestimentaire, la coupe de cheveu, la façon d’être, seul, en duo, en groupe ? Qu’a ce couple, par exemple, hormis une certaine concordance de phase dans le mouvement – même jambe d’appui, même regard légèrement tourné vers la gauche hors champ (une fontaine sculptée plutôt jolie) – totalement indépendante, a priori, de leur identité nationale, pour que je n’ai aucun doute sur leur origine ? Émettons-nous des sortes de phéromones asexuées nous permettant de détecter les êtres de notre propre patrie en territoire inconnu ? Cela reste un mystère…
Si le cahier à spirales sur lequel Pascal (comparaison rapide des écritures) a rédigé son commentaire était posé sur une table intentionnellement placée juste avant la sortie d’un salon de la maquette ou de la pêche, j’en comprendrais à la fois la nature et l’intérêt, même si j’ai du mal à saisir en quoi l’obtention d’une mouche télécommandée (c’est quoi ?) pourrait aider à organiser un salon de la mouche (qui me laisse par ailleurs un peu dubitative). Seulement, pas de petits avions ni de cannes télescopiques dans les environs, puisque ce cahier recueillait les témoignages des visiteurs d’une classique galerie d’art. Photographies ou peintures, j’ai oublié. Le Pascal, conscient de la singularité de son message et imaginant, à juste titre, qu’il puisse être entendu au premier degré – on est dans une galerie d’art contemporain, je précise – a d’ailleurs cru bon de rajouter, picto attention à l’appui, qu’il ne s’agissait pas une blague. Ou plutôt que « Ceci n’est pas une blague » quand d’autres parlaient de pipe. Honnêtement, j’ai du mal à voir ce que cela pourrait être d’autre. Mais passons…
Quand nous est offerte la possibilité de poser un cahier aux feuilles blanches pour que d’autres, quelle que soit l’occasion, s’y expriment, on a le secret espoir que les mots qui y figurent soient, d’une part, agréables, et d’autre part, en lien avec la raison pour laquelle ce cahier existe. S’ils sont agréables et qu’ils nous sont réellement adressés sans pour autant être connectés à la raison du pourquoi, cela va aussi. Extrapolons. Le cahier – le lieu où déposer un commentaire donc – peut aussi être virtuel. Par exemple, sous les duos qui s’accumulent sur ce site. Il y en a de temps en temps, de vrais, et c’est toujours un plaisir de les découvrir et de les valider (aucune censure). Pourtant, il y a quelque chose qui m’ennuie, et qui n’est que la contrepartie du fait de s’exprimer sur la Toile : le spam-commentaire.
Par exemple, il y a Christine qui m’écrit, à propos de Bon débarras : « Great article. Thank you to tell us more useful information. I am looking forward to reading more of your articles in the future. » (envoyé par une société de maquillage) et Rodney, pour le même article, « Just wanted to say you have a great site and thanks for posting!… » (envoyé par un site de finance). Ou Canon Cameras qui me lance pour Le Fossé : « Wow, marvelous blog layout! How long have you ever been running a blog for? you make running a blog look easy. The whole look of your website is great, well the content material! My site is on tuuuuuuuut (je vous épargne la pub). » (provenant d’un site comparateur d’appareils photos, il y a de l’idée). Ah oui, et il y a Steve aussi, qui m’interpelle sur Figure imposée pour me dire : « how’s life ? www.loucamino.com admin discovered your website via search engine but it was hard to find and I see you could have more visitors because there are not so many comments yet. I have found website which offer to dramatically increase traffic to your website biiiiiiiiiiiip they claim they managed to get close to 1000 visitors/day using their services you could also get lot more targeted traffic from search engines as you have now. I used their services and got significantly more visitors to my blog. Hope this helps 🙂 They offer seo elite seo report biiiiiiiiiiiipback link building Take care. steve » (le Steve, qui se donne la peine avec son Take Care et en signant, venant de la boîte miraculeuse qui fera passer mon nombre de visiteurs quotidiens à 1 000). J’ai aussi « Had to tweet this. I ride when I can – but will have to do this all next week. More people certainly should. » ou encore sur Bon débarras qui a décidément eu beaucoup de succès « Surely a perfect piece of writing! We’ve book marked it and sent it out to all of my friends since I know they’ll be intrigued, thank you very much! biiiiiiiiiiiip » (envoyé par un site sur les régimes).
Bref, il y en a d’autres, du même acabit, c’est-à-dire : toujours élogieux – une partie de moi voudrait y croire -, mais toujours en anglais aussi – alors que mes textes sont tous en français et qu’une personne comprenant la langue de Rousseau (il n’y a pas que Molière !) pourrait alors faire ses notes dans cette langue -, toujours un poil à côté de la plaque (ce qui nous ramène à la mouche télécommandée), et toujours envoyés par une entreprise qui me veut du bien, me vendre des vacances en famille, me faire maigrir, placer mon argent, me faire acheter des voitures miniatures… Facile de faire le tri avec les vrais commentaires : écrits en français et en rapport avec le contenu, par des personnes que je connais en général (cela doit aider à se laisser aller), qui ne me vendent absolument rien mais, au contraire, me donnent beaucoup…
Actually, exhibit, grand, goblet, notoriety, relative, relief, vent… et bien d’autres encore, ne signifient pas ce que, un peu hâtivement, nous pourrions croire, à savoir actuellement, exhiber, grand, gobelet, notoriété, relatif, relief, vent, mais, en fait, exposition, magnifique, verre à pied, mauvaise réputation, parent, soulagement, orifice… Ah, les faux-amis, de véritables traitres qui viennent s’insinuer dans les conversations ! Nous en apprenons quelques uns à l’école. Pour les autres, c’est en interprétant la surprise, l’incompréhension, la vexation, le rire des anglophones avec lesquels nous discutons lorsque nous nous hasardons à traduire littéralement ce que nous pensons en français, que nous les devinons. Ce qui peut être embarrassant…
En photographie, les faux-amis existent aussi. A leur manière. Ainsi en est-il de cette belle datcha dont les pieds trempent dans la rivière. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, à ce que la rencontre entre l’image et notre imaginaire produit comme conclusion, un peu à l’instar des mots listés ci-dessus, cette photo n’a pas été prise en Russie, mais sur la côte ouest des Etats-Unis, en Californie, vers Point Reyes. Bien sûr, c’est la seule datcha dans cette région peuplée de fermes. Comme un mirage en bord de route, aperçu entre deux allées d’arbres…
Tout commence par une histoire de cinéma. Ou plutôt de voix de cinéma. Ou plutôt de doublage de voix de cinéma. En somme de langues. Si l’image est essentielle dans tout film, le son l’est tout autant. Je ne parle ni de technique ni de musique, primordiales, mais du verbe, des mots, des dialogues, de la sonorité de la langue… Avoir l’opportunité d’aborder un film dans sa langue d’origine, quelle qu’elle soit, est en effet un luxe qu’offrent nombre de salles parisiennes, que l’on finit par trouver normal, et donc oublier. On s’engouffre avec satisfaction dans une salle où le japonais, le hongrois ou le suédois résonnent en se disant que cela fait partie du voyage, et qu’ainsi, l’intégrité du film est respectée. Parfois, et s’en rendre compte est très étrange, alors que l’on ne comprend pas un traître mot de la langue employée, on se prend à occulter les sous-titres et à se concentrer sur les paroles échangées, comme si, par enchantement, on maîtrisait le japonais, le hongrois ou le suédois… Quelques scènes suffisent en général à nous faire réaliser que ce n’est pas le cas. On se jette alors à nouveau sur les sous-titres, en se demandant parallèlement ce qui a pu nous faire croire un instant que c’était superflu.
Ce qui me rappelle l’histoire extraordinaire de cette jeune Croate qui s’est réveillée de 20h de coma en parlant parfaitement l’allemand, une langue qu’elle commençait tout juste à apprendre, et non plus sa langue maternelle (qu’elle comprenait malgré tout). Une énigme scientifique pour l’heure irrésolue, même si elle renvoie vraisemblablement aux formidables capacités d’enregistrement et d’apprentissage non-conscient de notre cerveau. Mais pas de miracle dans la salle obscure, la lecture des sous-titres demeure inévitable pour la bonne compréhension de certains films !
Et, à mes yeux, c’est donc une chance que d’avoir à faire cet effort, parfois partiel lorsque la langue nous est familière. Un effort que nous épargnent malheureusement les salles montréalaises. Sur les 17 existantes (ce qui est peu au regard de la superficie de la ville), programmant à 95% des films anglophones ou francophones, seule une propose systématiquement la version originale sous-titrée. Les autres diffusent les versions doublées. Une torture en soi à laquelle s’ajoute parfois des aberrations comme une absence de sous-titres là où cela serait véritablement utile. Dernier exemple en date avec Enjeux, traduction de Fair Game, le dernier film de Doug Liman. Quelques scènes non anodines se « déroulent » en Irak. Langue parlée : l’arabe. On s’attend à avoir la traduction des échanges d’une manière ou d’une autre. Rien. La caméra retraverse l’Atlantique en basculant au français comme si de rien était. Comme si les mots n’avaient pas d’importance. Je le perçois comme un manque de respect du spectateur. Enfin, le film s’achève de façon documentaire, avec le témoignage de la vraie Valerie Plame, en anglais. Non sous-titré évidemment. Car, étrangement, dans cette ville où les anglophones ne représentent que 12% de la population, où les 4 millions d’habitants ne sont pas bilingues, où tout est disponible en français et en anglais, la crainte d’un phagocytage linguistique fomenté par les proches Américains semble prise très au sérieux. Ainsi, pour le cinéma, l’entente cordiale est-elle consommée : français ou anglais, il faut choisir son camp !
En pratique, toutes les photos figurant sur ce site sont en vente. N'hésitez pas à me contacter pour plus de renseignements !
Un tour du Soleil en duos : 6e année en cours
Pour (re)découvrir en un clin d’œil et sur une seule page les micro-histoires photographiques publiées en ces lieux virtuels :
- entre le 22/02/2010 et le 22/02/2011, voici Un tour du Soleil en duos…