Photo-graphies et un peu plus…

Les tocs matinaux

Voilà, vous êtes sur le pas de la porte, prêt à dévaler les quelques étages qui vous séparent de la terre ferme où vous ferez une courte escale avant, sûrement, de devoir vous hisser à un nouvel étage plus ou moins élevé pour une bonne partie de votre journée. Vous êtes même déjà en train d’énumérer mentalement vos différents rendez-vous, réunions et autres tâches solitaires pour organiser au mieux votre temps. Le trousseau en main, la clé déjà engagée dans la serrure centrale, vous vous apprêtez à fermer la porte de votre domicile pour de bon quand tout à coup, un pressentiment, que vous ne connaissez que trop bien puisqu’il est quotidien, réussit à se frayer un chemin jusqu’à votre conscience, mettant instantanément votre essai de planification entre parenthèse : « J’ai l’impression d’avoir oublié quelque chose… ».

Vous voilà donc, toujours devant votre porte entrouverte, à « tout » passer en revue. « Ai-je bien éteint le feu ? » Vous savez pertinemment que oui mais vous poussez malgré tout la porte pour vérifier. Notez au passage que vous continuez à employer le mot « feu » alors que vous êtes passé à l’induction il y a plus de 15 ans, et que, de fait, du feu, il n’en reste plus vraiment. « J’ai dû oublier ma carte de transport ! » Et de fouiller frénétiquement dans votre sac, profond et multi-poches, en quête de votre précieux sésame, rangé là où il l’est toujours. « Ah, mon badge, c’est ça, c’est mon badge ! ». Rebelote. Il est bien à sa place, à attendre sagement son flirt du jour avec le portique qui bippe. « Les clés ? » « Dans ta main, Charlotte ! »… Ce rituel matinal fait en effet partie de ces rares moments où l’on fait soi-même les questions et les réponses, et où l’on s’autorise également à s’auto-insulter. « La fenêtre de la salle de bains peut-être ? » Fermée bien sûr. Vous êtes alors sur le point de tout boucler quand l’étincelle se produit : « Ton portable ! » L’horreur ! Imaginez-vous sortir sans votre doudoudadulte ! Comme tout le reste, comme toujours, le téléphone est dans sa cabine feutrée.

Vous avez ainsi perdu 6 bonnes minutes à vérifier, quasi en transe, ce que vous saviez déjà, sans être pour autant capable de passer outre. Rassuré, vous fermez enfin votre porte et dévalez donc les escaliers, le cœur léger et l’esprit moqueur face aux facéties de votre cerveau, ce sacré joueur… Dans 95% des cas, la journée se passe formidablement bien, sans anicroche, c’est-à-dire que, malgré ce que vous susurrait votre petite voix intérieure matinale, vous n’avez vraiment rien oublié. Et parfois, très rarement, une personne – un ami, un collègue, que sais-je encore, un chien ? – avec qui vous venez de passer une heure, ou deux, et que vous êtes sur le point de quitter vous lance, très gentiment : « Au fait, tu ne devais pas m’apporter le plan de Bruxelles ? » « J’étais sûr que j’avais oublié quelque chose en partant ce matin ! » Ce qui ne fait qu’alimenter le processus…

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Marches à l'ombre

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Que vous soyez en avion, en bus, en train ou en bateau, si le placement est libre, un chaos certain s’empare instinctivement du troupeau d’humains qui cherche à l’intégrer. Le voilà qui trépigne à l’entrée dudit véhicule comme si sa vie en dépendait. Le Français est particulièrement doué dans cette indiscipline perçue comme un manque d’éducation à l’étranger. « Vous êtes arrivé avant ? Et alors ! Que c’est petit de s’attacher à ce point à ces détails chronologiques… Tout le monde finira par entrer ! ».

Entrer oui, certes, mais l’ambition de l’amnésique des bonnes manières aux propos nonchalants va forcément au-delà du simple fait d’avoir une place, puisqu’il a déjà payé pour cette dernière. Le but, c’est d’avoir une bon-ne place. Mêlée à l’entrée, croche-pieds, bousculades, dénigrement, pression sont les travers les plus avouables du « premier arrivé, premier servi ». Une fois dans le ventre du véhicule, on se presse lentement vers celle que l’on estime être sa place idéale. Heureusement, la bonne place de l’un peut être considérée comme mauvaise par l’autre… C’est parfois ce qui nous sauve du duel à l’épée à l’orée de la forêt encore pleine de sommeil.

Sur un bateau par exemple, à la belle saison, on a presque tous envie de squatter les ponts extérieurs, où, comme ailleurs, les places sont limitées. Tout le monde s’y presse au début, au sens propre, maudissant son voisin et le sien également d’éprouver la même envie. Heure de pointe sur la plate-forme, le tableau doit sembler ridicule du haut de la cabine de pilotage. Mais petit à petit, au fur et à mesure que le bateau s’éloigne des côtes protégées, qu’il navigue seul dans un immense courant d’air, le vent et le froid s’engouffrent, poussant une partie des passagers à se déporter vers l’intérieur, à l’abri. Petite joie sur le visage des résistants dont l’espace vital croît proportionnellement à l’exode des plus frileux. Et pour entériner définitivement cette victoire par forfait, les plus courageux d’entre eux n’hésitent pas à marquer leur territoire en s’allongeant et en se prélassant sans complexe au soleil comme si plus rien d’autre n’existait…

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Petite, je n’arrivais pas à décider si je préférais être née à cette époque plutôt qu’à une autre, l’autre étant systématiquement située dans le futur. Un futur où, entre autres choses possibles, l’homme pourrait voyager dans l’espace comme il le fait aujourd’hui en train ou en avion. Ce qui nous projette dans un futur assez lointain, je le concède. Mais nous évoluons dans une mer d’hypothèses, donc laissons-nous porter ! Je rêvais donc de ce big-bang touristique, de découvertes de mondes appartenant à d’autres galaxies et d’autres civilisations – je ne crois pas à l’exception de la vie sur Terre qui me semble relever d’une mégalomanie collective : franchement, tout ça rien que pour nous ? – tout en réalisant qu’il était encore bien trop tôt pour que j’y accède. Je déportais alors mon espoir sur la cryogénisation, qui, si elle était « banalisée » à temps, me permettrait peut-être de faire ce saut dans le temps et d’être l’observatrice de ce que le monde serait devenu pendant ce long sommeil. Je me nourrissais de Barjavel, de L’homme qui valait 3 milliards et autres fantaisies spatio-temporelles et me persuadais que mon contemporain – moi, en somme – n’était qu’une étape dans l’Histoire de l’humanité. Déjà un fossile sur lequel les générations futures se pencheraient avec amusement et empathie, comme nous pouvons le faire avec les premiers homo sapiens sapiens

Plus tard, j’ai continué à m’intéresser à tout ce qui allait faire de nous des êtres différents – la génétique, la robotique, les neurosciences, les nanotechnologies – en m’interrogeant sur la façon dont ces évolutions, dont l’homme était lui-même à l’origine tout en les précipitant grâce à la technique, allaient impacter notre perception de ce que sont la nature, l’homme, l’humanité. J’estimais que c’était des questions ardues et passionnantes à la fois, auxquelles les faits apporteraient sûrement une consistance avant même que nous leur trouvions des réponses. Il en est ainsi de nos jours : les choses bougent bien plus rapidement que notre capacité à les analyser. Et il me semble que réfléchir à ces transformations qui s’apprêtent à démultiplier le visage de notre espèce comme jamais auparavant est un brin plus actuel et fondamental que ce qui secoue notre bonne société française ces derniers temps. A côté de ce qui point à l’horizon dans un avenir à portée de mains et des questions que cela va assurément soulever – un être génétiquement modifié et un homme « augmenté » sont-ils toujours des êtres humains ? ; y aura-t-il d’un côté les êtres « naturels » et les « artificiels », forcément supérieurs, avec toutes les discriminations que ces nouvelles différences  pourront faire émerger ? -, ce soulèvement autour de la légalisation de nouvelles formes de familles et le déchaînement qu’il déclenche sur ce qui est sensé être naturel ou pas, sur la mise en péril des fondements de notre société, m’apparaît comme un combat d’arrière garde, d’un autre temps, même si j’ai bien conscience qu’il s’agit du nôtre et qu’il faut se battre pour des évidences. Car cette question-là est hyper-facile ! Ceux qui s’époumonent aujourd’hui ont intérêt à garder un peu de leur souffle pour les mutations bien plus profondes que va connaître la société dans sa globalité dès les prochaines décades, car je doute qu’ils les acceptent facilement… Et je ne pense pas tout mélanger en mettant ces diverses considérations au même niveau. Dans les deux cas, il ne s’agit que d’une chose : d’évolution, et de l’ouverture, logique, du champ des possibles que cette dernière offre. Pourquoi cette évolution humaine, à laquelle nos instituteurs/trices nous sensibilisent dès le plus jeune âge en nous apprenant qu’elle est constitutive de la nature humaine, s’arrêterait-elle avec nous ? Encore un accès de mégalomanie ? Un manque de vision peut-être ? La Vie dépasse notre simple vie, avec tout ce que cela suppose quant à notre propre insignifiance.

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