Photo-graphies et un peu plus…

Petite, je n’arrivais pas à décider si je préférais être née à cette époque plutôt qu’à une autre, l’autre étant systématiquement située dans le futur. Un futur où, entre autres choses possibles, l’homme pourrait voyager dans l’espace comme il le fait aujourd’hui en train ou en avion. Ce qui nous projette dans un futur assez lointain, je le concède. Mais nous évoluons dans une mer d’hypothèses, donc laissons-nous porter ! Je rêvais donc de ce big-bang touristique, de découvertes de mondes appartenant à d’autres galaxies et d’autres civilisations – je ne crois pas à l’exception de la vie sur Terre qui me semble relever d’une mégalomanie collective : franchement, tout ça rien que pour nous ? – tout en réalisant qu’il était encore bien trop tôt pour que j’y accède. Je déportais alors mon espoir sur la cryogénisation, qui, si elle était « banalisée » à temps, me permettrait peut-être de faire ce saut dans le temps et d’être l’observatrice de ce que le monde serait devenu pendant ce long sommeil. Je me nourrissais de Barjavel, de L’homme qui valait 3 milliards et autres fantaisies spatio-temporelles et me persuadais que mon contemporain – moi, en somme – n’était qu’une étape dans l’Histoire de l’humanité. Déjà un fossile sur lequel les générations futures se pencheraient avec amusement et empathie, comme nous pouvons le faire avec les premiers homo sapiens sapiens

Plus tard, j’ai continué à m’intéresser à tout ce qui allait faire de nous des êtres différents – la génétique, la robotique, les neurosciences, les nanotechnologies – en m’interrogeant sur la façon dont ces évolutions, dont l’homme était lui-même à l’origine tout en les précipitant grâce à la technique, allaient impacter notre perception de ce que sont la nature, l’homme, l’humanité. J’estimais que c’était des questions ardues et passionnantes à la fois, auxquelles les faits apporteraient sûrement une consistance avant même que nous leur trouvions des réponses. Il en est ainsi de nos jours : les choses bougent bien plus rapidement que notre capacité à les analyser. Et il me semble que réfléchir à ces transformations qui s’apprêtent à démultiplier le visage de notre espèce comme jamais auparavant est un brin plus actuel et fondamental que ce qui secoue notre bonne société française ces derniers temps. A côté de ce qui point à l’horizon dans un avenir à portée de mains et des questions que cela va assurément soulever – un être génétiquement modifié et un homme « augmenté » sont-ils toujours des êtres humains ? ; y aura-t-il d’un côté les êtres « naturels » et les « artificiels », forcément supérieurs, avec toutes les discriminations que ces nouvelles différences  pourront faire émerger ? -, ce soulèvement autour de la légalisation de nouvelles formes de familles et le déchaînement qu’il déclenche sur ce qui est sensé être naturel ou pas, sur la mise en péril des fondements de notre société, m’apparaît comme un combat d’arrière garde, d’un autre temps, même si j’ai bien conscience qu’il s’agit du nôtre et qu’il faut se battre pour des évidences. Car cette question-là est hyper-facile ! Ceux qui s’époumonent aujourd’hui ont intérêt à garder un peu de leur souffle pour les mutations bien plus profondes que va connaître la société dans sa globalité dès les prochaines décades, car je doute qu’ils les acceptent facilement… Et je ne pense pas tout mélanger en mettant ces diverses considérations au même niveau. Dans les deux cas, il ne s’agit que d’une chose : d’évolution, et de l’ouverture, logique, du champ des possibles que cette dernière offre. Pourquoi cette évolution humaine, à laquelle nos instituteurs/trices nous sensibilisent dès le plus jeune âge en nous apprenant qu’elle est constitutive de la nature humaine, s’arrêterait-elle avec nous ? Encore un accès de mégalomanie ? Un manque de vision peut-être ? La Vie dépasse notre simple vie, avec tout ce que cela suppose quant à notre propre insignifiance.

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Comme il est parfois difficile de savoir si certaines découvertes scientifiques sont réellement des progrès pour l’homme ou pas. L’information circule, il serait « bientôt » possible, via une technique bien particulière, de détecter un cancer grâce à la simple analyse d’une goutte de sang ou d’urine qui renfermerait de l’ADN tumoral… Evidemment, c’est une excellente nouvelle car cela permettrait, notamment, d’initier des traitements de façon plus précoce, d’augmenter les chances de succès des thérapies et donc de sauver de nombreuses vies.

Mais une partie de moi ne peut s’empêcher de penser aux dérives que pourrait engendrer cette petite révolution. Une partie de moi est immédiatement propulsée dans une salle obscure, bercée par une lancinante et répétitive composition de Michael Nyman, et totalement absorbée par des peaux mortes, des cheveux, des cils venant s’échouer avec fracas sur le sol carrelé de la maison du « dégénéré » Vincent Freeman. Bienvenue à Gattaca ou bienvenue dans un monde eugénique, où l’analyse d’une simple goutte de sang donc détermine votre avenir… Fiction, fiction… Pas si sûre quand on sait, par exemple, que plusieurs sociétés proposent déjà des tests ADN, bien sûr controversés et mis en doute, « prédisant » l’espérance de vie de ceux qui s’y prêtent. Et si, dans un futur proche, avant toute embauche ou toute souscription à une assurance, on nous demandait de passer par l’infirmerie pour faire une anodine petite prise de sang ? Question indépendante d’une autre, qui touche à la définition même de l’homme : comment vivre en sachant quand on va mourir ?

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De prime abord, une variation sur le même thème. Une fois n’est pas coutume, une illusion. Visuelle donc. Et même, chromatique. En même temps, une expérience scientifique à petite échelle (celle de mon lectorat…). Par exemple, dans cette composition de quatre images, si vous avez l’impression qu’il n’y en a, en réalité, que deux différentes, c’est que vous êtes potentiellement atteints de dyschromatopsie. Plus communément appelée daltonisme.

Cette anomalie, souvent génétique, m’intrigue depuis un certain temps, ayant beaucoup de mal à concevoir que les couleurs telles que je les vois puissent être différentes pour quelqu’un d’autre. Certes, nous sommes tous plus ou moins sensibles aux nuances de couleurs, comme le sont certains aux notes de musique, et ces désaccords peuvent faire l’objet de vifs échanges. Mais, dans ce cas-là, ce sont des différences fondamentales… De celles qui font voir la vie sous un angle, forcément, totalement différent.

Pour la petite histoire, il y en a toujours une, c’est à John Dalton que nous devons cette découverte. Première publication en 1774. Titre : faits extraordinaires à propos de la vision des couleurs. Le pauvre homme, chimiste de son état, et botaniste à ses heures, ne percevait pas les couleurs des fleurs de la même manière que ses collègues. Lui était atteint de la forme la plus classique de daltonisme, la deutéranotopie (en haut à droite) : il ne différenciait pas le rouge du vert. Cela a été confirmé, en 1995, suite à une analyse ADN réalisée sur un prélèvement de son œil qui avait voyagé dans le temps. Dans la protanopie (en bas à gauche), ce sont les récepteurs de la rétine au rouge qui sont déficients. Incapacité à voir le rouge… Et enfin, pour la tritanopie (en bas à droite), c’est le bleu. C’est si difficile à imaginer quand on a la chance de percevoir les couleurs « normalement », ce qui est le cas de 92% des hommes français et de la quasi totalité des femmes. Des plants de tomates, un ciel bleu, une forêt d’arbres verdoyants… Quel drame ! Ceci dit, une bagatelle pour les personnes qui ne voient le monde que dans un dégradé de gris ! Inconcevable pour mon esprit qui pense en couleurs !

Suite des poupées russes… Direction l’atoll de Pingelap, en Micronésie. 1775, un an donc après la première publication de John Dalton, un typhon s’abat sur la région et décime littéralement sa population. Une poignée, à peine une vingtaine sur mille, survit. Beaucoup de femmes, très peu d’hommes. Dont le roi. Face à un harem. La vie reprend son chemin dans la consanguinité. Malheureusement, le roi est achromate et photophobe. L’anomalie se transmet de générations en générations, à tel point qu’aujourd’hui, sur cet îlot de verdure cerné par des eaux bleues turquoises où le soleil brille sauf la nuit, 8,5% des habitants ont gardé ce souvenir de leur ancêtre contre 1 personne sur 30 000 dans la population générale…

Bref, voilà comment d’une simple photo de Charly au pays des marinières prise sur un marché hebdomadaire madrilène, on en arrive à une étrangeté génétique en Micronésie. Autant le dire, un voyage haut en couleurs !!

Sequence Production Lab (SPL)
Stewart Biology Building
1205 Dr Penfield Avenue

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