Photo-graphies et un peu plus…

Extrait d’”Etats d’âme sur le macadam”, ensemble de textes griffonnés à l’aube du 21e siècle sur mes inséparables petits carnets…

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Les jardins du Palais Royal sont bercés par une musique orientale. Les essais de voix précèdent la répétition actuelle. Ingénieur du son, c’est à toi ! Conte des mille et une nuits. Aucun autre bruit perturbateur, si ce n’est celui des pas des visiteurs sur les gravillons. Une voix grave enchaîne des notes, des sonorités plutôt… Un a ou o continu. Derrière, quelqu’un tape du marteau alors que des tiges géantes rouillées sont plantées dans les contre-allées du jardin. Sculpture, art moderne. Abstraction. Les pigeons parisiens ne se sont pas trompés en élisant domicile au sommet de ces outils de Gulliver. Des traînées blanchâtres les « animalisent » quelque peu. Un écriteau sous chaque œuvre, une instruction : Prière de ne pas toucher. Amusant…

Des feuilles jaunes dansent déjà au sol alors que l’automne est encore loin. Où sont les saisons ? L’axe de la Terre aurait-il bougé ? La musique s’est tue. Et c’est la résurrection des voix de passage, du vent dans les feuilles, du vrombissement des moteurs. Un monsieur avance en tirant une charrette. On entendrait presque la musique d’un cheval trottant sur les pavés. Des feuilles, de journal, se tournent alors que les coups de marteau reprennent. Plus loin. Un bébé babille ; de très jeunes enfants s’émerveillent devant le vol d’une demie douzaine de moineaux. La magie du pain dans la main prend. Le caniche est sagement assis sur le banc noir tandis que sa maîtresse découvre les photos qu’elle vient de récupérer. Les arbres feuillus se recoupent, laissant malgré tout une maigre place à la lumière : une raie de jour.

Il est un peu plus tard, il y a plus de monde. Les pavés jouxtant les arcades sont squattés par les sans-chaises, n’ayant pas peur de salir leur culotte. Pas comme cet homme à moustaches, venant précautionneusement d’étendre un torchon sur son fauteuil d’élection. Il s’est aussi préparé sa salade et pique nique à l’ombre. Un peu plus loin, sous des parasols, les plus chics ont une vraie table, une vraie chaise et une véritable assiette. Mais que la terre est bonne !

Tout à l’heure, il y avait des traces blanches dans le ciel bleu ; celles des déjections des avions survolant de très haut la capitale. Je me suis alors souvenue des traces noires sur le bitume. Alors que les premières s’évanouissent en quelques minutes, les secondes marquent à jamais un drame, un choc. Une sortie de route… Effrayante peut être la direction suivie par ces lignes. Au volant, on se retrouve à reconstituer l’accident auquel on n’a, bien entendu, pas assisté. On s’imagine l’ampleur des dégâts, la violence de l’impact en réalisant que ces marques de pneus sont perpendiculaires à la route, s’arrêtent près d’un mur, sont interrompues par un bas côté profond. Comment cela a-t-il pu arriver ? Redouble-t-on de prudence pour autant ? En fait, non. Ici, la ronde des affamés se poursuit, tandis que sur une route, ailleurs, s’inscrivent de nouvelles épitaphes.

Où vont-ils tous ces marcheurs ? Etrange… Ces deux-là se bécotent debout et n’arrivent pas à se quitter. Le berger allemand, attaché au pied d’une chaise, surveille le vol d’un pigeon. Un homme se promène avec une chaise sur la tête et s’installe devant la fontaine. Ceux-là testent la solidité du banc avant de s’asseoir. La maman pousse vigoureusement la poussette de son bébé à bob. Et lui dort, affalé à terre, en habit d’hiver. Des gens qui passent, se prélassent et se délassent. Pourquoi pas s’enlacent ? Et puis, se lassent. Oui, et puis ceux là s’en vont… Comme tous en fait.

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Les voyages, c’est un peu comme une boîte de chocolats (c’est de saison !)… ou non, comme une boîte de macarons (des Pierre Hermé forcément… private joke stambouliote), quand vous plongez votre main dedans, il est difficile (impensable ?) de s’arrêter… Et sitôt ce macaron pistache cannelle de ceylan griotine avalé dont les consonances vous ont téléporté au cœur des plantations de thé de Nuwara Eliya, vous ne rêvez que d’une chose : attraper celui au thé vert matcha et croustillant au sésame noir qui vous fait de l’œil et vous conduit, en un claquement mesuré de prémolaires, dans un ryokan traditionnel de Nara… Tout cela devrait vous combler, vous satisfaire, vous rassasier, au moins pour un temps ! Que nenni ! A peine la dernière miette de votre macaron Imagine (c’est son nom ! Un indice en soi(e)) disparue, à peine votre main reposée sur votre table de toujours, à peine votre raison reprend-elle le dessus sur votre gourmandise qu’une seule envie vous chatouille : sentir la fraîcheur d’un fruit de la passion mêlée à la douceur d’un chocolat au lait (les amateurs le reconnaîtront) vous glisser sur les papilles et entendre un air de samba brésilienne…

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Personnellement, je fais partie de la deuxième catégorie… De celle qui n’écoute plus les consignes de sécurité dans les avions dispensées juste avant le décollage par des hôtesses et stewards en pilotage automatique et toujours à deux doigts d’inventer la future danse de l’été : Lambada, Macarena, Soca Dance n’ont qu’à bien se tenir, l’Aeronava débarque ! Retirez leur des mains les objets qu’ils tiennent – ceinture, gilet, masque – et gardez les gestes, vous admettrez aisément qu’il y a là un vrai potentiel festif. Et en même temps éducatif !

Imaginez la scène : vous avez pris place à bord d’un Eyeliner, le départ est imminent, mais au lieu de vous demander de vous asseoir, les maîtres des lieux vous somment de rester debout pour intégrer les consignes de sécurité. Une musique entraînante et forte se met en route, savant mélange de notes conçu pour s’imprimer durablement dans votre cerveau et hop, la zumba céleste commence. Chacun doit imiter l’hôtesse la plus proche et reproduire ses gestes trois fois de suite : on prend la ceinture, on la lève au dessus de sa tête, on se retourne, on la présente à ceux qui sont derrière, puis on la met autour de la taille clac avant de tirer oh hisse oh hisse en faisant des mouvements exagérés. Une fois arnaché, on lève le bras droit trois fois de suite, avec l’index tendu une première fois au dessus de sa propre tête, une deuxième fois au dessus de celle de son voisin, et une troisième fois à nouveau au dessus de soi. Tout cela avec le sourire bien sûr ! Là, on simule l’arrivée d’un masque à oxygène que l’on se place à plusieurs reprises sur le visage en inspirant et expirant bruyamment vers la gauche puis vers la droite… Enfin, tout le monde se plie en deux en tendant les bras sous les sièges pour aller, virtuellement, récupérer son gilet de sauvetage. Large mouvement vers le haut avec le gilet déployé, prêt à être placé autour du cou… Les bras repliés, chacun tire de façon répétitive sur des fils invisibles pour le gonfler tout en faisant des flexions avec les jambes, schii, schii, schii, schii – réminiscence de cours d’accouchement pour certaines. Encore 5 secondes et c’est fini, on lâche tout, pffffffttttttt… Les gilets se vident de leur air artificiel et filent maladroitement dans la cabine, tels des ballons de baudruche abandonnés. Un grand cri collectif conclut la séquence et chacun s’assoit calmement sur son siège, impatient de décoller, même les plus stressés par l’avion !

Evidemment, cela ne se passe pas comme ça et cela ne se passera jamais comme ça sauf si David Guetta prend les commandes ! Dans la réalité, il y a les blasés qui n’écoutent plus les consignes car ils les connaissent par cœur, mais il y a peut-être aussi des phobiques de l’avion qui adoptent ce comportement détaché car, y être attentif signifierait qu’ils envisagent qu’il puisse y avoir un problème au cours du vol, hypothèse qui les pousserait immédiatement hors de l’avion. Y a-t-il vraiment quelqu’un qui les écoute, ces consignes ? Pour une raison qui m’échappe – mais, pas du tout ! je prévoyais d’écrire un duo sur ce sujet -, je les ai enregistrées lors d’un trajet Vancouver – Honolulu. Je ne me doutais cependant pas que ce moment de sérieux allait se transformer en franche rigolade… Une vraie hôtesse a donné sa récitation en anglais avant d’actionner un message pré-enregistré pour la version française :

« Pour attacher votre ceinture de sécurité, insérer la languette de métal dans la boucle. Tirez sur la courroie pour l’ajuster sur vos hanches. »

Ah oui, j’ai oublié de préciser que c’était une version québécoise.

« Pour détacher votre ceinture, il suffit de tirer la boucle. Votre ceinture de sécurité doit être attachée en tout temps lorsque le voyant lumineux est allumé »

Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il fasse beau donc.

« Il y a un total de 8 sorties d’urgence dans cet appareil. Il y a 4 hublots de sortie situés au milieu de la cabine (…) »

Faut pas être trop gros donc…

« (…), au dessus des ailes, deux portes de sortie à l’avant et deux portes à l’arrière de la cabine. Ces sorties d’urgence sont clairement indiquées. Prenez le temps de repérer la sortie la plus proche de votre place ainsi que l’emplacement des autres sorties de secours. Cet appareil est équipé d’un éclairage au sol qui s’allumera en cas d’urgence ou de panne d’alimentation. »

Ce n’est pas comme s’il y avait des perpendiculaires dans les avions…

« Un trajet lumineux vous conduira à la sortie d’urgence. La pression dans la cabine est réglée pour assurer votre confort. »

ça, c’est gentil ! On sent la menace potentielle si nous ne sommes pas sages…

« En cas de changement de pression, le panneau situé au dessus de votre tête s’ouvrira automatiquement et déclenchera quatre masques à oxygène. »

Je ne sais pas si c’est pour la marge d’erreur…

« Placez le masque fermement sur votre nez et votre bouche tout en plaçant la bande élastique derrière votre tête. Pour serrer tirez simplement sur les deux extrémités de la bande élastique. »

La bande élastique, c’est mignon…

« Respirez normalement et gardez votre masque jusqu’à ce qu’un agent de bord vous demande de l’enlever. Il est possible que les sacs plastiques ne se gonflent pas même si l’oxygène circule. »

Donc, pas de panique…

« Nous rappelons aux invités et voyageurs avec des enfants ou des personnes ayant besoin d’aide qu’ils doivent placer leur masque en premier avant d’aider les autres. »

Je ne savais pas qu’il y avait des invités dans les avions. De qui ? A quel titre ?

« Nous allons démontrer comment utiliser votre gilet de sauvetage puisque le vol d’aujourd’hui pourrait survoler des étendues d’eau. »

C’est-à-dire qu’en partant de Vancouver, situé sur la côte donc, pour aller à Honolulu, en plein milieu du Pacifique, cela me rassurerait effectivement que nous survolions quelques étendues d’eau…

« Votre gilet de sauvetage est situé dans le panneau au dessus de vous. Veuillez prendre un instant pour le repérer. Si vous deviez en avoir besoin (…) »

Belle formulation pour vous dire que vous seriez en mauvaise posture !

 » (…), appuyez sur le panneau où se trouve le message « appuyez ici gilet de sauvetage à l’intérieur » pour ouvrir le compartiment du gilet de sauvetage. »

C’est on ne peut plus clair.

« Retirez le gilet de son compartiment. Placez un doigt de chaque main dans les trous de la pochette et tirez en direction des flèches. »

Là, je m’y perds un peu. Un doigt de chaque main ? Lequel ? Ils auraient pu être plus précis !

« Retirez le gilet de sauvetage de la pochette. »

J’aurais pensé que cette étape surviendrait avant. Peut-être un problème de compréhension à la retranscription.

« Enfilez-le par dessus la tête, passez la lanière autour de la taille, et attachez là sur le devant. Assurez vous que la lanière est bien serrée à votre taille en tirant sur l’extrémité. Une fois sorti de l’appareil, gonflez le gilet de sauvetage en tirant sur la languette rouge. Si le gilet ne se gonfle pas, soufflez dans le tube rouge. »

Si le gilet ne se gonfle pas, si le gilet ne se gonfle pas, mais pourquoi ne se gonflerait-il pas ? Ils ne font pas de vérification avant de le placer dans le compartiment prévu à cet effet ? Et si c’est comme les nouveaux packagings avec ouverture facile, ce n’est pas gagné malgré le code couleur !

« Veuillez redresser le dossier de votre siège et votre tablette et respectez les consignes des panneaux situés au dessus de vous. Si vous avez des questions et si nous pouvons vous aider de quelque que manière que ce soit, n’hésitez pas à nous appeler. Merci de votre attention. Nous vous souhaitons un bon vol. »

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Top, c’est parti ! Je suis le premier à vous souhaiter la bienvenue lorsque vous arrivez dans un tout nouveau pays, après deux ou dix-huit heures de voyage, que vous soyez pétillant ou exténué ! Je sais à la seconde où vous m’utilisez que vous avez franchi une nouvelle frontière ! Je fais en sorte que vous ne perdiez pas le fil, que vous ne soyez jamais déconnecté du reste du monde, de votre famille, de vos amis. Je suis transparent avec vous sur ce qui vous attend en ces terres éloignées. Je suis ? Je suis ? Votre opérateur téléphonique ! Qui vous rappelle, l’air de rien, combien il vous faudra débourser pour appeler depuis Tombouctou, Djakarta ou Buenos Aires. Merci à vous de penser autant à nous…

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Cinq minutes après le décollage pour la première plongée, autant avant l’atterrissage pour la seconde… Mer d’huile et terres artificielles contre océan de verdure et tapis de colza. Comme ces deux mondes semblent littéralement aux antipodes l’un de l’autre ! Un monde totalement nouveau, sortant tout droit des dunes du désert imbibé d’or noir, certes encore embryonnaire mais suffisamment avancé pour laisser filtrer sa folie des grandeurs, sa démesure, son inaccessibilité… D’en haut, un vaste chantier que l’on imagine aisément contre-nature et en même temps, fascinant. Face à cet animal étrange à l’appendice pustulaire mais probablement réservé aux hyper-nantis, impossible pour nos mignonnes petites maisons aux toits pentus de brique rouge, toutes collées les unes aux autres pour mieux se tenir chaud et entourées d’une forêt combattive mais sans cesse grignotée, de ne pas prendre un sacré coup de vieux… Le voyage a beau être géographique, curieusement, il revêt aussi les atours d’un voyage dans le temps. Sommes-nous déjà le passé de ce monde à venir ?

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… L’excitation préfigurant la découverte d’un ailleurs inconnu et plein de promesses. Je hais les départs en vacances ! Ce stress qui les précèdent malgré les planifications, les anticipations et les ablutions. J’adore les départs en vacances ! Regarder le temps qu’il fait là-bas, se réjouir des températures estivales qu’il y règne et faire remonter à la surface son maillot de bain ou ses chemises à manches courtes… Je déteste les départs en vacances ! Et cet enchaînement d’actions incontournables, tel un rite initiatique : clore les dossiers à la va-vite pour partir l’esprit libre, finir les restes dans le frigidaire pour ne pas gâcher, mettre un peu d’ordre chez soi pour une raison absurde puisque personne n’en profitera, vider les poubelles pour éviter l’asphyxie au retour, arroser les plantes pour qu’elles survivent à notre absence, prier pour les poissons rouges qui heureusement auront tout oublié dans 3 secondes et 42 centièmes. J’adore les départs en vacances ! Se plonger dans les guides, surligner les lieux à ne surtout pas omettre, s’imprégner de la culture, se programmer quelques journées précisément… Je déteste les départs en vacances ! Ces dernières minutes où l’on se repasse sa valise en accéléré en étant persuadé d’avoir oublié quelque chose d’important puis, le départ approchant, en relativisant : « t’as ton passeport, ton billet et une carte de crédit, c’est le principal ! »… Où l’on ferme la porte à clé que l’on range bien au fond du sac, où l’on court inutilement après un bus dont l’arrêt a été déplacé pour cause de travaux, que ce dernier se trouve immobilisé plusieurs minutes interminables car un chauffeur de camion a décidé, justement ce jour-là où l’on a un avion à prendre, d’essayer de passer sous un pont trop bas pour lui ! J’adore les départs en vacances ! Lorsque l’on arrive à l’aéroport, puis au comptoir de la compagnie aérienne, que l’on se déleste de nos sacs forcément trop remplis, que l’on nous délivre notre carte d’embarquement en nous souhaitant « bon voyage » et que l’on se pose enfin en attendant le décollage… La pression retombe, le présent s’efface, et si le corps est encore là, la tête est déjà ailleurs…

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Ce soir, je ne suis pas d’humeur à écrire plus que le fait que je ne suis pas d’humeur à écrire ce soir.

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Parfois, j’ai du mal à choisir entre des images à la fois similaires et totalement différentes. Ainsi en est-il avec ces volatiles avec ou sans moteur. La pureté du ciel et des nuages, le parallélisme des trajectoires, versus le même type d’équipée sauvage un peu plus massive relevé d’une pointe d’urbanisme et d’un clin d’œil à la lumière, celle intense du soleil couchant répondant à celle, éteinte, du lampadaire debout.

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