Je n’ai jamais essayé de crier dans l’espace, pour la simple et bonne raison que je ne suis jamais allée dans l’espace autrement que par écran interposé ou conscience translatée – et il y a d’ailleurs de fortes chances que mon expérience intersidérale se limite à ces simulacres, lunettes 3D ou pas -, mais, à en croire l’accroche du mythique Alien, le 8e passager qui, à l’époque, avait fait beaucoup de bruit, et résonne toujours dans nos corps : « Dans l’espace, personne ne vous entend crier ». La remarque est d’autant plus superfétatoire que le film n’est assurément pas muet et que nous les entendons tous – Ripley, Ash, Dallas, Kane et les autres – cracher leur peur à pleins poumons. En revanche, sous la surface de l’eau, qui est une autre forme d’espace, les sons ont beau se propager à une vitesse quasiment cinq fois supérieure à ce qui se passe dans l’air, donc en moyenne à 1 500 m/s, on ne comprend pas forcément pour autant les borborygmes et autres rugissements bouillonnants émis avec force et impétuosité…
Je m’en souviens parfaitement… Quand j’ai passé l’angle de la forteresse et que j’ai aperçu cette Mercedes blanche garée en travers du quai, alors même que les voitures y étaient interdites, j’ai marqué une pause. Comme un réflexe face à un potentiel danger. Un signal transmis à mon cerveau pour évaluer la situation avant qu’il ne soit trop tard. Mille complots avaient déjà pris forme dans mon esprit fertile. Je m’étais fait mon film. Extérieur jour. Lumière grise. Voiture de truands. En poursuivant mon chemin, j’imaginais me retrouver face à des trafiquants, au hasard, de drogue, ayant choisi cet endroit isolé pour finaliser une grosse transaction à l’abri des regards. Sauf que j’étais là. Je ne sais pas exactement ce qui a induit cette pensée soudaine et incongrue mais cet arrêt préventif m’a paru interminable… Après avoir vérifié 12 fois que la voiture était vide, qu’il n’y avait personne en contrebas, et m’être demandé autant de fois s’ils n’étaient tout simplement pas de l’autre côté du mur, j’ai pris mon courage à deux mains et je me suis avancée lentement vers la voiture, prête à détaler à l’opposé si nécessaire. C’était bien entendu ridicule car il n’y avait personne d’autre que moi et mes peurs déplacées sur cette péninsule de pierre…
Ne vous fiez pas à cette image de Kandy – pas l’héroïne orpheline globe-trotteur de nos jeunes années qui attendait désespérément son prince sur la colline, non, Kandy, la ville sri-lankaise -, c’est un leurre : dans la vraie vie, les enfants ne restent pas sagement en rang deux par deux en attendant qu’on leur dise quoi faire. Dans la vraie vie, ils chahutent, ils trépignent, ils se harponnent, ils s’écharpent, ils crient, ils courent sur la route en dépit du danger et d’un bon sens qu’ils n’ont malheureusement pas encore acquis.
J’adore les enfants ! Oui, je sais, après cette introduction, ça sonne un peu faux. Je précise donc ma pensée : à petites doses – pas nécessairement homéopathiques -, j’adore les enfants. Voilà, comme ça, c’est mieux. Les doses peuvent être estivales par exemple – le moment préféré des parents qui se délestent de leurs merveilles du monde auprès de leurs propres parents, frères, sœurs, oncles, tantes, bouchers, zoos (ceux où les animaux évoluent en liberté quand même)… : ça tombe bien, c’est l’été. Youpi ! Il y a quelques jours, le premier en fait, m’est venue cette étrange pensée : « D’une certaine manière, s’occuper d’enfants est intellectuellement reposant ». Pas le temps de tergiverser, de douter, de se poser des questions existentielles et/ou abstraites auxquelles on peut se permettre de chercher les réponses des années durant sans avancer d’un iota : le luxe de la nullipare heureuse.
Non, à problèmes concrets, réponses instantanées : les gâteaux sont là, apporte m’en un s’il-te-plaît (morfale mais polie quand même) ; ton maillot est mouillé ? tu n’avais qu’à le sortir de ton sac ; ne mets pas les mains dans ta bouche, tu vas attraper un staphylocoque doré et tu ne réussiras jamais à t’en débarrasser ! ; va te brosser les dents, tu as un bout de salade en 12 (pour ceux qui me lisent régulièrement…) ; ne jette pas du sable sur la petite fille, elle ne t’a encore rien fait ; ne va pas te noyer quand je regarde ailleurs ; tu as bu ? (de l’eau, je précise) ; non, je ne gonflerai pas ta bouée géante pour la 10e fois… Allez donc caser un questionnement sur le sens à donner à votre vie là-dedans ! Le repos n’est évidemment que relatif : si l’esprit fait une pause, le corps est à l’agonie !
Les jours suivants, on se dit tout simplement que nous sommes en train d’interpréter notre propre version d’Un jour sans fin, le célèbre film d’Harold Ramis dans lequel Phil Connors, un monsieur météo auquel Bill Murray prête ses traits grincheux, revit indéfiniment la même journée dans une ville sans intérêt apparent : jour après jour, les mêmes événements, à quelques variantes cosmétiques près – la couleur du short, la couleur du ciel, la couleur de la menthe à l’eau… – se produisent dans le même ordre, aux mêmes heures, pendant la même durée ; jour après jour, on répète les mêmes sentences que la veille, sans fléchir mais en espérant, comme Phil Connors, qu’un jour, prochain, c’est-à-dire avant la fin des vacances, cela finira par rentrer, que l’on n’aura plus à imiter le perroquet et que nous pourrons enfin passer à une autre journée !
Je tenais absolument à vous le montrer indemne, en un seul et beau morceau, intègre, en entier et de haut, le Golden Gate Bridge, avant qu’il ne soit trop tard… Car si l’on en croit les récents films catastrophes voire (post)-apocalyptiques – San Andreas, Godzilla, Pacific Rim, Terminator Genesys pour n’en citer qu’une poignée… (oui, j’aime aussi les grosses machineries américaines carburant aux clichés et aux effets spéciaux ! C’est mon côté midinette…) -, le pont couleur orange international (ça ne s’invente pas), va en voir de toutes les couleurs dans un futur « pas si lointain », voire « proche », et ainsi être le théâtre des pires attaques : explosions en cascade, séismes du siècle, tsunamis ravageurs, carambolages rocambolesques et même monstres marins préhistoriques… Vous avez l’embarras du choix quant à la méthode adoptée pour en venir à bout, ce feu d’artifice s’achevant souvent par sa destruction partielle ou totale. Tout un symbole que de couper les ponts aussi violemment ! Mais pourquoi donc les scénaristes s’acharnent-ils sur ce splendide ouvrage avec une telle hargne spectaculaire ? La réponse est sans doute dans la question…
Je viens de mettre en forme, et du coup, en ligne, un court essai que j’ai rédigé il y a quelques années sur le film Bienvenue à Gattaca, d’Andrew Niccol. Film analysé, pour l’occasion, à travers le prisme de la mélancolie, omniprésente…
Ce film de 1997 me semble d’une actualité brûlante alors même qu’une équipe de chercheurs chinois a annoncé avoir réussi à modifier le génome directement dans l’embryon…
Précision : je fais très précisément référence à certaines scènes du fim, aussi est-il plus facile, a priori, d’entrer dans le texte en l’ayant vu…
Vous l’avez entendu ? Le train ? Un son assourdissant de ferraille bringuebalante lancée à toute berzingue sur cette ligne La Spezia – Monterosso jouant les passe-muraille avec la montagne. Dites, vous l’avez vu ? Le train ? Sortir du tunnel tout proche pour mieux s’engouffrer dans le suivant. Sans s’arrêter ni même ralentir. Comme si cette gare-là n’existait pas. Comme s’il n’avait jamais été question d’y marquer une pause. 3 secondes. Cela n’a duré que 3 secondes. Trois secondes d’appel d’air qui n’ont presque pas fait ciller les candidats au voyage sur le quai. A peine un léger mouvement de recul au début, par surprise.
Je les ai entendues régulièrement ces trois petites secondes ces jours-là. Depuis les hauteurs. Comme un cri dans la ville. Et dès la toute première fois, j’ai pensé à Dark City d’Alex Proyas. Dès la toute première fois, j’ai donc pensé à Shell Beach. En 3 secondes à peine, je me suis retrouvée dans la peau amnésique de John Murdoch, sur le quai de la gare de cette sombre, mutante et inquiétante cité où chaque nuit, vacille la mémoire des hommes, cherchant désespérément à la quitter pour rejoindre ce paradis perdu dont il serait originaire, sondant les uns et les autres sur le quai pour savoir comment s’y rendre et constatant, amèrement, alors que chacun s’apprête à lui répondre, que finalement personne ne se souvient. Impossible de sortir de la ville que les trains ne font que traverser à toute berzingue, sans jamais s’y arrêter. Comme si Shell Beach n’était qu’un leurre, une vue de l’esprit… pourtant capable de s’imposer dans un esprit réel. A moins que tout cela ne soit également qu’une simulation…
En général, on a plutôt tendance à dire que l’on ne voit pas le temps passer : « Comment, on est déjà vendredi ? », « Quoi, j’ai déjà 42 ans ? », « La dernière fois que je l’ai vu, il portait des couches culottes ! » En résumé : la vie passe vite, la vie file, la vie défile ! Ne dit-on pas d’ailleurs « revoir sa vie en accéléré » ? Mais pourquoi pas au ralenti finalement ?
Il est vrai que les circonstances dans lesquelles nous sommes amenés à employer cette expression stipulent, par nature, que nous n’avons potentiellement plus beaucoup de temps devant nous, et que cette fin toute proche déclenche cette urgence de tout – notre propre histoire – passer en revue avant le clap final. Ceci dit, une personne capable de témoigner qu’elle a vu sa vie défiler en accéléré n’a, par définition, pas vécu le clap final pour la simple et bonne raison qu’il a fallu qu’elle soit vivante pour nous en faire part. Je serais, par déduction, tentée de dire que l’on est en mesure de voir une action au ralenti quand elle ne nous semble pas fatale ou ne nous concerne pas directement, dans notre chair. Un verre qui tombe d’une table et dont on voit la chute seconde après seconde à tel point que l’instant se mue en éternité ; un accident de voiture à un carrefour que l’on visualise avant même qu’il ait lieu… Dans les deux cas, ces perceptions distordues du temps nous confrontent à notre incapacité à réagir. Le verre explosera bien en mille morceaux en entrant en contact avec le carrelage. L’accident aura bien lieu malgré nos pensées.
Voir la vie au ralenti n’est pas naturel, indépendamment de l’urgence dans laquelle nous vivons ou de l’ingestion éventuelle de substances illicites. Ce qui rend le fait de pouvoir l’expérimenter encore plus fascinant et hypnotisant, car cela nous arrache à notre propre temps. J’en ai fait l’expérience vendredi en me rendant au sous-sol du Laboratoire où est actuellement présenté Figure Studies de l’artiste américain David Michalek. J’arrive dans une salle sombre, vide, hormis les huit grands écrans aux murs. Dessus, devant un fond noir, des personnes, souvent nues, bougent. Un bien grand mot. En réalité, e-l-l-e-s b-o-u-g-e-n-t. Extrêmement lentement, à tel point que parfois, l’on peut croire qu’elles sont immobiles. L’artiste a utilisé une caméra filmant à 3 000 images/s pour enregistrer des actions de 5 secondes seulement. En repassant le film à vitesse normale (25 images/s), ces infimes 5 secondes se transforment en des séquences de 10 minutes où chaque tressaillement de muscle ou de gras est perceptible, amplifié et magnifié par la lenteur. Où la décomposition des mouvements composent une partition des corps inattendue. Aux côtés des athlètes au corps olympien, des danseurs à la maîtrise parfaite du geste, des messieurs et mesdames toutlemonde, toutesformes, toutescouleurs, toutesorigines… Il faut accepter de rester posté devant chaque écran l’un après l’autre pour se faire happer par cette infinie lenteur et pour en saisir la subtile beauté. C’est dans cette persévérance, fondamentalement opposée à nos rythmes de vie, que l’on peut se laisser surprendre tout d’un coup par un sentiment qui nous avait pourtant quitté : celui que le temps s’est arrêté, ou presque, et que dans ce non-acte, dans cette négation de la tyrannie de l’accélération qui gomme tous les détails, il nous permet justement de distinguer précisément tout ce que nous pouvons accomplir lorsqu’il passe. C’est en effet incroyable de voir tout ce qu’une personne – qui a certes répété sa « chorégraphie », qu’il s’agisse d’un saut, d’arroser des plantes, de danser, de simplement se retourner… – peut faire dans un laps de temps aussi court… 5 secondes, ce n’est rien. 1, 2, 3, 4, 5. 5 secondes, dans la vraie vie, on ne les prend même pas. Et pourtant, là, dans cette pièce isolée du monde extérieur, ces 5 secondes semblent déjà durer toute une vie… Surtout, courez-y !
C’est un fa, j’aime travailler en musique. Ne pas être en mesure d’en écouter dans ce contexte studieux est même susceptible de me perturber. Souvent, je suis du genre mélomane monomaniaque. A écouter le même album en boucle pendant des semaines jusqu’à en connaître par cœur les notes, les transitions, les rythmes et les mots, comme si je me préparais à réciter une poésie. Je sais, à chaque nouvelle seconde qui passe, quel son va résonner à la suivante. Il n’y a pas vraiment de surprise, ce qui a quelque chose de rassurant, de réconfortant, d’efficace. Dans la vie, ne fonctionnons-nous pas un peu comme cela aussi ? En allant finalement toujours dans les mêmes quartiers, en empruntant à peu près les mêmes chemins pour y aller, en ingurgitant régulièrement les mêmes menus… D’agréables petites habitudes qui, progressivement, se muent en routine.
A l’inverse, j’aime tout autant l’expectative dans laquelle me plonge le mode aléatoire, ce fameux shuffle auquel Monsieur Lazhar n’entend rien dans le film éponyme, et ce, malgré son nom qui lui fait écho. Avec le shuffle, tout d’un coup, des pistes oubliées remontent à la surface, ressuscitées ; d’autres, ignorées, se font connaître ! Le requiem de Mozart côtoie le râle d’Eminem, les chants diphoniques d’Huun-Huur-Tu les vocalises de Björk, sans que quiconque ne crie au scandale, sans que cela soit une aberration musicale, sans que cela n’altère l’attention malgré les divergences de tempo, de voix, d’ambiances… Le hasard crée sa propre polyphonie et s’avère être un DJ plutôt avisé.
Chercher un lieu dont on ne connaît pas l’adresse n’est pas le moyen le plus simple pour le trouver. Ce n’est pas impossible pour autant moyennant une petite dose de chance et une pincée de sens de l’orientation. Evidemment, lorsqu’il s’agit de retrouver un quartier où a été tourné un film que l’on affectionne particulièrement, cela peut se corser pour au moins une raison : ce que l’on nous montre comme étant une unité de lieu authentique à l’écran peut n’être qu’un décor de cinéma, certes très réaliste mais faux, donc trompeur… Or, chercher un lieu qui n’existe pas relève d’une démarche totalement différente, et à vrai dire, hors sujet à cet instant précis.
Prenons un exemple concret. Coup de foudre à Notting Hill, ou simplement, Notting Hill en version originale. Oui, oui, j’ai un faible pour les comédies romantiques, les bien dégoulinantes qui se terminent en chaudes larmes de bonheur et de bons sentiments après quelques nécessaires orages. Dans ce cas, les créateurs du film ont été gentils avec le public puisqu’ils ont indiqué, dans le titre même, où se situait l’intrigue. Notting Hill, un quartier plutôt bohème et bourgeois situé sur une colline de Londres avec ses maisons colorées, ses jardins, ses boutiques de vinyles et de tissus, son festival et son marché bio. Il n’y a pas de doute, les caméras ont vraiment traîné dans le coin. Et Hugh Grant d’apparaître avec ses lunettes de plongée au cinéma aux côtés d’une Julia Roberts qui avait peut-être plus de rides qu’aujourd’hui… Comme quoi, le temps ne va pas dans le même sens pour tout le monde.
Question suivante : quid de la librairie de William, alias Hugh ? En voyant dépasser ce bleu azur de la toile du stand, en découvrant la typographie utilisée pour l’affiche du film, on se dit qu’on touche au but. Certaines en sont d’ailleurs persuadées et se laissent aller à quelques singeries pour immortaliser la rencontre devant cette ex-librairie devenue une banale boutique de chaussures. Sales en plus ! C’est un peu trop facile pour être vrai… La façade a récemment bénéficié d’une cure de jouvence ; par ailleurs, la librairie ne portait pas le nom du film, a fortiori, ne copiait pas non plus son identité visuelle. Il semblerait que nous soyons donc face à une supercherie, à une basse manipulation d’âmes sensibles en quête de lieux de pèlerinage ! Ouh, ouh ! Finalement, en croisant différentes sources, il semblerait que ce soit un peu plus complexe car c’est bien là qu’ont été tournées les séquences dans la librairie qui n’était pas une librairie à l’époque. Et c’est d’ailleurs une librairie toute proche – The Travel Bookstore – qui a servi de modèle pour créer cette librairie temporaire. Quelques années après, les derniers propriétaires ont tout simplement compris l’intérêt à donner vie aux rêves des touristes du 7e art, n’hésitant pas à faire comme les magiciens de l’image : un vrai décor de cinéma.
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Un tour du Soleil en duos : 6e année en cours
Pour (re)découvrir en un clin d’œil et sur une seule page les micro-histoires photographiques publiées en ces lieux virtuels :
- entre le 22/02/2010 et le 22/02/2011, voici Un tour du Soleil en duos…
Je pourrais tenter de vous faire croire que cette photo était toute calculée et totalement maîtrisée, que je me suis postée là, au ras de l’eau, avec mon trépied, et que j’ai attendu patiemment qu’une telle conjonction de coordination se présente sous mon objectif pour déclencher… Ce serait un mensonge… Cette image est un coup […]
L’autre nuit, je me suis réveillée en sueur et sursaut ! Un cauchemar ! C’est rare pourtant ! Vous allez rire mais j’étais piégée dans un centre commercial. Le paradis pour certains. Je déteste les centres commerciaux. En fait, j’étais même coincée dans un centre commercial de Hong Kong. Donc grand. Et de luxe. C’était en fin […]