On a l’habitude de dire « Qui se ressemble, s’assemble ! » (c’est même prouvé scientifiquement, c’est dire !) mais je ne pensais pas que cet adage était aussi un critère de choix, inconscient a priori, du banc sur lequel s’asseoir pour sa pause déjeuner. Cela ne vous échappera pas – en tout cas, cela m’a sauté aux yeux quand ils ont dérivé dans leur direction -, ces deux femmes portent des vêtements aux couleurs strictement identiques, chaussures comprises. Elles seraient en jean des pieds à la tête, comme beaucoup de gens aujourd’hui, je n’aurais même pas sorti mon appareil photo. Mais là, avouez que cette association bleu marine / vert empire n’est pas des plus fréquentes et méritait donc son déclenchement ! Le fait qu’elles se soient assises chacune à une extrémité du banc me fait penser, d’une part, qu’elles ne se connaissent pas – si c’était le cas, elles seraient plus proches l’une de l’autre et en train de disserter sur leur télépathie vestimentaire à grands coups d’éclats de rire -, et, d’autre part, qu’elles ne se sont pas regardées du tout avant de s’asseoir – sinon, l’une au moins aurait opté pour un autre siège en remarquant cette étrangeté… Il s’agit donc là d’une extraordinaire coïncidence comme on en croise peu, de celles qui chatouillent toujours un peu l’imaginaire…
Si le voyageur peut accepter, sous certaines conditions, d’être taxé de touriste – ce qu’il est quoi qu’il en pense et malgré la connotation négative que peut recouvrir ce terme -, il est nettement moins flexible et compréhensif lorsque d’autres voudraient voir en lui un simple mouton de Panurge suivant le flux sans réfléchir. Ou les conseils de son guide de voyage dont il a indéniablement besoin tout en ressentant une petite gêne d’avoir recours à cet appendice pour appréhender l’inconnu. Dans ce contexte nimbé d’illusions, ce que le voyageur aime par dessus tout est donc cette sensation de ne pas être un touriste comme les autres.
Imaginez donc sa fierté lorsqu’un autochtone avec qui il a sympathisé partage ses plans préférés, ceux-là même qui ne se trouvent pas dans les anti-sèches du migrant temporaire qu’il est et qui sont à peine indiquées sur les cartes. « Là, sur cette route, entre telle ville et telle autre, une piste partira à la perpendiculaire, il ne faudra pas la rater car il n’y a aucune indication, vous bifurquerez là et ensuite vous devrez rouler une bonne dizaine de minutes avant d’atteindre cette petite plage magnifique et isolée que seuls les gens du coin connaissent… » Bien évidemment, le voyageur ne verra la fameuse piste que seulement après l’avoir dépassée, il pestera le temps de son demi-tour à la hussarde tout en souriant légèrement, conscient de n’avoir jamais été aussi près d’un endroit « spécial ». Chaque virage sera une aventure en soi et lorsque, pour la première fois, il apercevra ladite plage au loin, effectivement perdue au milieu de nulle part et peu fréquentée, il garera sa voiture sur le bas-côté pour immortaliser cet instant avant d’achever son trajet et de foncer tête baissée dans une eau qu’il ne pouvait imaginer si translucide et turquoise. Et là, tel un poisson dans l’eau, il pensera que, définitivement, il n’est pas un mouton.
Là, flirtant nonchalamment avec les 10 000 mètres d’altitude, dans un monde où le ciel est toujours bleu, je me prends à rêver de l’impossible : m’extraire de cet aéroplane pour dévaler cette longue aile inclinée, filer droit vers cette mer de nuages infinie au charme aussi irrésistible que celui déployé par Charybde et Scylla face aux navigateurs et poursuivre ainsi le voyage jusqu’au bout du bout du monde en sautant de flocon en flocon comme s’il s’agissait de trampolines célestes…
Dans une vie parallèle, j’ai eu un échange captivant avec un épistémologue sur la science, la société, la technologie et sur la poussée anti-scientifique actuelle. Vient un moment où il me dit que l’opposition se fait supposément en faveur de la nature. Et d’ajouter aussi vite que c’est un leurre, car l’être humain la façonne […]
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