Photo-graphies et un peu plus…

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Je me dépêche de l’écrire celui-là car, le printemps arrivant, et avec lui, les températures grimpant, le besoin va devenir moins pressant… Prenez une vraie soirée d’hiver, de celle où vous vous emmitouflez dans une couverture sur votre canapé pour lire, trier vos photos, mater une série, faire du macramé ou des mots croisés. Vient alors l’heure de la pantoufle de vair (ou de verre, mais nous ne sommes pas là pour raviver les polémiques littéraires). La seule idée de vous glisser dans vos draps froids vous donne déjà des frissons, mais au même titre que nous ne faisons pas d’omelette sans casser d’oeufs, un lit ne se réchauffe pas tout seul (j’en vois déjà invoquer la Reine Desbouillottes pour me contredire, faites, pour ma part, je laisse pisser le mérinos…).

C’est certes un mauvais moment à passer mais, heureusement, votre corps ne vous laisse par tomber : dès que vous vous engouffrez dans celui que vous confondez encore avec votre frigo, une batterie de mécanismes de thermorégulation se met en branle. Vous voilà donc secoué par une première vague de frissons qui, en faisant se contracter vos muscles, dégage de la chaleur et fait progressivement remonter votre température. Dans la foulée, votre corps consomme aussi un peu plus de sucre. Et de façon un peu moins scientifique, peut-être vous recroquevillez-vous sur vous-même, comme ce hérisson en plein milieu de la route que vous auriez aimé éviter ce jour-là ; ou alors, gigotez-vous dans tous les sens ?

Quelle que soit votre méthodologie, dans le meilleur des cas, au bout de quelques minutes, tout est revenu à la normale, vous êtes à 37°C, vos draps se sont réchauffés au contact de votre corps, vous osez même étendre les pieds jusqu’au fond de votre lit, vous êtes bien, vous auriez presque un peu chaud. Pour rien au monde, rien, vraiment, vous ne sortiriez de ce lit avant la secousse cataclysmique de votre réveil. Aussi, lorsque, peu de temps après avoir recouvré ce climat idéal, vous sentez l’envie monter, vous savez cette envie pressante dont vous pensiez vous être débarrassé auparavant, vous essayez, dans un premier temps, de vous dire que vous vous trompez ou que vous dormez déjà ou encore que vous réussirez bien à tenir jusqu’au lendemain matin… Parce que la seule idée de vous glisser hors de vos draps désormais chauds, de vous faufiler dans cet environnement hostile et froid qu’est devenu le reste de votre appartement, vous donne déjà des frissons. Et là, vous pensez à toutes ces inventions inutiles qui polluent le monde – le porte-glace à piles, le bandeau porte-télécommandes, le chapeau dérouleur de papier toilette, le parapluie intégral, le dentifrice au goût bacon, la moustache de secours… -, et ne rêvez que d’une chose : qu’un jour, quelqu’un créé une combinaison à enfiler directement sous les draps qui conserve la chaleur de votre corps le temps de ces sorties propices… ça, au moins, ça aurait du sens !

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… reste à savoir qui le tient.

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Contre vents et marées

… parfois, il est inutile de lutter.

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Vous savez ce qui me plaît le plus ici ? Ce n’est pas tant que ces adultes oublient qu’ils le sont, ainsi que toutes les conventions connexes associées à cet état parfois trop sérieux, et décident, de fait, de dévaler cette dune haute d’une cinquantaine de mètres en courant, accueillant ainsi grains de sable et chutes éventuelles à bras ouverts. Non, c’est qu’ils s’y attèlent aussi joyeusement sachant qu’arrivés en bas, au niveau de la mer du Japon, ils devront la remonter. Et ce retour sera autrement plus long et difficile que cet aller…

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La déviation

Ce n’est qu’au bout de cinq jours qu’ils avaient tous eu le fin mot de l’histoire. La pagaille généralisée qui s’était propagée comme une épidémie fulgurante partout dans le monde ce jour-là, un jour qui ne dépassait pas plus qu’un autre, était encore très vive dans les esprits, tout comme la colère qui en avait découlé. Et surtout, personne n’avait réellement compris ce qui s’était passé. Enfin, si, tout le monde avait compris qu’il avait été mené en bateau, mais personne n’avait réussi à identifier l’origine de la panne qui avait indistinctement touché automobilistes et marcheurs…

Cela faisait ainsi des heures qu’ils tournaient en rond au volant de leur voiture de location. La nuit était tombée vite, et ce n’est pas la lueur de la pleine lune, estompée par la brume, qui allait pouvoir les sauver. Il n’y avait clairement rien autour, rien de plus que cette route récente fendant le néant, éclairée mètre après mètre par les phares mobiles, personne à qui demander son chemin, juste ce fichu GPS auquel il fallait faire confiance. L’hymne à la joie qui résonnait dans la cage métallique n’était pas à la hauteur de l’angoisse qui n’en finissait plus de monter. Comment étaient-ils arrivés là ? En commençant à ne se fier qu’à lui justement. En lui donnant les clés de la voiture pour ainsi dire. En se laissant guider. Porter. Nonchalamment. Et petit à petit diriger. A tel point que, alors qu’ils avaient enfin pris conscience du problème – la voix féminine sur laquelle était réglée l’assistant de navigation personnel donnait des ordres de plus en plus contradictoires auxquels ils n’avaient prêté attention qu’en réalisant être passés à trois reprises et à chaque fois par des chemins différents devant la même maison en ruine en bord de route -, ils n’étaient plus en mesure de reprendre la main sur la direction à suivre.

Au coeur de l’obscurité, incapables de savoir où ils étaient précisément – même une carte, alors, ne leur aurait servi à rien -, ils avaient décidé de se garer sur le côté et d’attendre le retour du jour. Heureusement, on pouvait encore compter sur lui et sur sa ponctualité, à quelques minutes près ceci dit. Au petit matin, un homme avait tapé à la fenêtre, les réveillant en sursaut d’une nuit hachée et glacée. Ils leur avaient dit s’être perdus, ce qui ne l’avait pas étonné : « Tout le monde s’est perdu » avait-il répondu, mystérieux. D’un simple mouvement de bras, il leur alors avait expliqué comment atteindre leur objectif. Ils étaient juste à côté… Après une poignée de minutes, ils poussaient la porte de la maison où ils comptaient se reposer quelques jours. Après deux poignées de minutes, ils absorbaient un café bouillant mais ça n’était pas grave. Après trois poignées de minutes, ils revitalisaient leurs portables, en sommeil depuis la veille, recevant d’un coup, des dizaines de notifications et de messages inquiets. Après quatre poignées de minutes, ils allumaient la radio. L’homme avait dit vrai : comme eux, des centaines de millions de personnes s’étaient perdues la veille, toutes usurpées par les machines auxquelles elles avaient confié leurs choix et dont les repères avaient été intentionnellement brouillé – c’est ce que l’on avait appris cinq jours plus tard donc – par un groupe de jeunes hacktivistes, voulant rappeler à chacun, à travers un exemple simple, qu’il était primordial de continuer à penser par soi-même pour être sûrs de savoir où on allait et comment on y allait…

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Au fond, ce ne sont que des 0 et des 1, cela devrait me passer au dessus de la tête, il y a plus réel, plus palpable que des 0 et des 1 ! Et pourtant, je suis contrariée. Et sceptique. J’ai l’impression que tout le monde peut pousser la porte de ma maison sauf moi, que c’est la fête à l’intérieur mais que je ne suis pas la bienvenue dans ma propre demeure ; qu’au contraire, ma place est au bord du gouffre (tout est relatif bien sûr). Ma maison, présentement, c’est mon site internet, auquel je ne peux plus accéder depuis ce matin. J’ai suivi les formules obscures du grimoire de Maître N., succès en demi-teinte. Il faut se méfier des caches paraît-il, qui se planquent là où on ne les cherche pas. Je n’ai pas encore tout trouvé. Mais là où cela frise l’irrationnel, c’est lorsque les différentes machines en présence ne réagissent pas de la même manière aux mêmes stimuli. Me voilà donc à faire des tours de passe-passe pour publier un duo mise en abyme dans lequel je ne partage que ma détresse numérique (help!) : envoyer texte et image (celle-là même et celui-là même) par mail à un vaillant téléphone (comprenez smartphone ayant largement dépassé son espérance de vie), le seul qui accepte de répondre à la formule consacrée « sésame ouvre-toi » (alleluia !), m’échiner tant bien que mal à faire des copier-coller efficaces de lilliputiens (c’est du futur, de l’anticipation, de la projection dans l’avenir, je suis encore en train d’écrire ce texte, je n’ai pas encore passé l’étape du mail) et espérer que cela donnera quelque chose… En somme, que j’arriverais à poster ce duo sur mon site, sachant que je ne pourrai pas le partager, ou alors, si difficilement. Tout cela, parce que je n’ai pas envie de manquer à l’appel, c’est-à-dire, « manquer un jour ». Ce serait comme trahir le contrat tacite conclu entre moi et moi . Je trouve cela tout à fait ridicule, ce qui ne m’empêche pas d’aller au bout de ma bêtise… Demain est un autre jour…

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Wander in Tokyo

Les journées sont courtes, le froid est sec mais le soleil est là. Et la lumière, intense, réussit à trouver son chemin dans ce monde aux contrastes exacerbés donnant une aura instantanée à ceux qui la traversent. Ainsi en est-il de ce vieux chauffeur de taxi au volant de son inoxydable Toyota Crown qu’il conduit certainement depuis des décennies avec la même abnégation et le même sérieux…

Pour être honnête, je dois avouer qu’en marquant une courte pose à cet endroit, persuadée qu’il s’y passerait quelque chose, j’espérais que débarquerait dans cet interstice lumineux un col blanc en manteau noir et borsalino. Cela allait bien avec l’ambiance, certes un peu cliché mais de l’ordre du possible à Tokyo. Il n’est pas venu et c’est presque mieux car cette photographie, au-delà de son attrait esthétique, reflète deux réalités qui m’ont sauté aux yeux lors de ce premier séjour au coeur de la mégalopole japonaise : l’omniprésence des taxis – 50 000 parcourent les rues de la capitale nippone contre 18 000 à Paris – et le travail des seniors dans des proportions que nous ne connaissons pas de ce côté du monde – 1 personne de plus de 65 ans sur 5 travaille encore alors que le départ à la retraite des fonctionnaires volontaires vient de passer à 80 ans -, situation qui m’avait déjà interpelée lors de ma rencontre liminaire avec le pays du soleil levant… 

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Vie de chien

C’est là qu’il m’a tranquillement lancé :

– Qu’est’ce t’as ? Tu veux ma photo ?

– Bah oui, là, impossible de faire autrement mon gars ! T’as vu ton allure ? Et celle de ton pote ? Quel beau vieux couple vous faites quand même ! Même pour une insensible au charme animal (domestique, je précise) comme moi, c’est irrésistible !

– Allez, file avant que je ne goutte tes mollets !

– Ok ok ! Mais quand même, tes maîtres n’ont pas peur du ridicule.

– Oui, c’est sûr que parler à un chien, c’est beaucoup plus sain…

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Au bout du couloir

Je ne retournerai pas en arrière, je ne retraverserai pas ce couloir à rebours pour me trouver à nouveau dans cette dernière salle, au bout du bout du monde, cette salle que j’ai cherchée frénétiquement dès que j’ai mis le pied, enfin les pieds, dans ce musée, où j’espérais glaner quelques indices sur sa localisation précise. Tout au long de ma quête, j’ai maté d’un oeil distrait et discret les 700 ans d’histoire de l’art qui défilaient à mes côtés. Je me suis quand même arrêtée, une poignée de fois, tant c’était saisissant de beauté. Puis, je repartais en mission : le trouver. Allais-je vraiment devoir arpenter les 12000 m2 de l’antre culturel pour le rencontrer ? Ce jeu de piste auquel me conviaient les conservateurs était-il réellement nécessaire ? Sur mon chemin, je l’imaginais sublimement mis en lumière, seul sur son mur, au coeur de tout. Ne le voyant pas, j’ai même douté, à un moment de sa présence en ces lieux, pensant qu’il avait été prêté à une autre institution, qu’il faisait alors des heureux à des milliers de kilomètres de là, alors que j’y étais aussi pour lui. Il a ainsi fallu aller au bout, au bout du bout du monde donc, pour me trouver face à lui et être saisie d’une émotion si forte – ventre serré, pulsation accélérée, chaleur instantanée, fébrilité incontrôlée – que des larmes ont réussi, sans s’annoncer, à s’échapper. J’ai dû les sécher, pour débrouiller l’image, et je me suis posée, face à lui. Après quelques minutes, je l’ai abandonné. Je ne retournerai pas en arrière, je ne retraverserai pas ce couloir à rebours, je ne me retrouverai plus devant Le voyageur contemplant une mer de nuages

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Planer

Parfois, il est bon de se laisser porter par le courant sans résister. Pour voir où cela nous mène. De se laisser planer sans réfléchir. Pour se libérer de nos pensées parasites. De notre enveloppe corporelle. Celle-là même qui nous aspire vers le centre de la Terre. Oublier que l’on est là, sans omettre de respirer pour autant. Se plonger dans un milieu moins naturel, moins familier. Pour voir défiler une vie méconnue, en tous points différentes, et assurément captivante. Faire corps avec elle. N’être plus qu’une succession de battements de coeur, d’inspirations et d’expirations se perdant dans un océan de bruits sourds et étouffés. Une fois, deux fois, trois fois… Parfois, il est bon de se laisser emporter. Simplement.

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