Photo-graphies et un peu plus…

La déviation

Ce n’est qu’au bout de cinq jours qu’ils avaient tous eu le fin mot de l’histoire. La pagaille généralisée qui s’était propagée comme une épidémie fulgurante partout dans le monde ce jour-là, un jour qui ne dépassait pas plus qu’un autre, était encore très vive dans les esprits, tout comme la colère qui en avait découlé. Et surtout, personne n’avait réellement compris ce qui s’était passé. Enfin, si, tout le monde avait compris qu’il avait été mené en bateau, mais personne n’avait réussi à identifier l’origine de la panne qui avait indistinctement touché automobilistes et marcheurs…

Cela faisait ainsi des heures qu’ils tournaient en rond au volant de leur voiture de location. La nuit était tombée vite, et ce n’est pas la lueur de la pleine lune, estompée par la brume, qui allait pouvoir les sauver. Il n’y avait clairement rien autour, rien de plus que cette route récente fendant le néant, éclairée mètre après mètre par les phares mobiles, personne à qui demander son chemin, juste ce fichu GPS auquel il fallait faire confiance. L’hymne à la joie qui résonnait dans la cage métallique n’était pas à la hauteur de l’angoisse qui n’en finissait plus de monter. Comment étaient-ils arrivés là ? En commençant à ne se fier qu’à lui justement. En lui donnant les clés de la voiture pour ainsi dire. En se laissant guider. Porter. Nonchalamment. Et petit à petit diriger. A tel point que, alors qu’ils avaient enfin pris conscience du problème – la voix féminine sur laquelle était réglée l’assistant de navigation personnel donnait des ordres de plus en plus contradictoires auxquels ils n’avaient prêté attention qu’en réalisant être passés à trois reprises et à chaque fois par des chemins différents devant la même maison en ruine en bord de route -, ils n’étaient plus en mesure de reprendre la main sur la direction à suivre.

Au coeur de l’obscurité, incapables de savoir où ils étaient précisément – même une carte, alors, ne leur aurait servi à rien -, ils avaient décidé de se garer sur le côté et d’attendre le retour du jour. Heureusement, on pouvait encore compter sur lui et sur sa ponctualité, à quelques minutes près ceci dit. Au petit matin, un homme avait tapé à la fenêtre, les réveillant en sursaut d’une nuit hachée et glacée. Ils leur avaient dit s’être perdus, ce qui ne l’avait pas étonné : « Tout le monde s’est perdu » avait-il répondu, mystérieux. D’un simple mouvement de bras, il leur alors avait expliqué comment atteindre leur objectif. Ils étaient juste à côté… Après une poignée de minutes, ils poussaient la porte de la maison où ils comptaient se reposer quelques jours. Après deux poignées de minutes, ils absorbaient un café bouillant mais ça n’était pas grave. Après trois poignées de minutes, ils revitalisaient leurs portables, en sommeil depuis la veille, recevant d’un coup, des dizaines de notifications et de messages inquiets. Après quatre poignées de minutes, ils allumaient la radio. L’homme avait dit vrai : comme eux, des centaines de millions de personnes s’étaient perdues la veille, toutes usurpées par les machines auxquelles elles avaient confié leurs choix et dont les repères avaient été intentionnellement brouillé – c’est ce que l’on avait appris cinq jours plus tard donc – par un groupe de jeunes hacktivistes, voulant rappeler à chacun, à travers un exemple simple, qu’il était primordial de continuer à penser par soi-même pour être sûrs de savoir où on allait et comment on y allait…

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category: Actus
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Pourquoi la rue que l’on cherche se trouve-t-elle toujours dans le pli des plans-livres, de telle sorte que, d’une, on a du mal à la trouver malgré la partie de bataille navale assez simple à laquelle nous invite l’index, et de deux, il nous est aussi difficile de savoir d’où elle part et où elle va car il y a souvent un décalage entre les pages de gauche et de droite entraînant des recoupements malheureux de rues qui se chevauchent, qui ne se croisent plus et autres incongruités urbaines ? Cela s’est encore vérifié aujourd’hui alors que je souhaitais localiser la rue Legouvé. Ce n’est bien sûr pas la première fois, sinon, ce duo n’existerait pas. A croire que toutes les rues se passent le mot quand le propriétaire d’un guide s’essaye à l’utiliser : « Pssst, Legouvé, va te mettre dans le pli fissa fissa ! Lou va bientôt te chercher et c’est quand même plus drôle si ça lui prend un peu de temps ! » Ah ah ah !

Comment ? Oui, j’ai un smartphone, ce qui fait d’ailleurs de moi une récente PAFIL. Oui encore, je dispose, sur cet outil intelligent, d’une appli Plan, carte ou GPS. Et oui enfin, malgré tout, je persiste à utiliser des plans en papier, avec des pages qui se tournent, se cornent, et un vrai investissement personnel pour définir le chemin à emprunter une fois que j’ai repéré l’endroit où  j’étais et celui où je désirais aller.

De loin, cela peut sembler contradictoire (accepter la technologie d’un côté, la rejeter de l’autre), mais à force d’être dépendant de ces outils qui remplacent notre cerveau, nous nous retrouvons sur des petites routes de campagne, des pistes presque, parce que la dame du GPS (je n’ai jamais entendu de GPS avec une voix masculine) à qui nous avons demandé d’aller au plus court nous a fait tourner à droite puis à gauche puis à droite puis à gauche et que, lui ayant délégué le sort de notre route depuis le début, nous n’avons pas d’autre choix que de lui obéir, et ce, tout simplement parce que nous ne savons fichtre pas où nous sommes ! Imaginez que la dame du GPS soit possédée par une étrange force maléfique et nous conduise, bon an mal an, directement à la maison des fous sans que nous puissions rejoindre le droit chemin, ou nous fasse faire trois fois le tour d’une région en empruntant différentes routes sans que nous nous en rendions compte ! Honnêtement, même s’il a ses inconvénients, je préfère le papier ! C’est moins dangereux…

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