Photo-graphies et un peu plus…

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Elle avait son charme cette petite buée sur la vitre de la voiture, l’objectif de l’appareil photo, les verres de binocles branchées, qui donnait à notre perception du monde un charmant côté approximatif et suranné. J’écris « avait » car des chercheurs québécois – c’est vrai que nous n’en entendons pas souvent parler en France, mais ils existent – ont mis au point un revêtement anti-buée permanent à base d’alcool polyvinylique (oui, oui, le même vinyle que nos vieux disques noirs à microsillon). L’information est passée à la radio, j’étais en voiture, il pleuvait et il y en avait un peu sur le pare-brise. De la buée. Que j’ai, de fait, regardée avec une certaine nostalgie anticipée.

Tout porteur de lunettes a, en effet, un jour, espéré qu’une personne bien inspirée inventerait le revêtement anti-buée. Il y a même fort à parier que cette pensée lui a traversé l’esprit à chaque fois qu’il a été soumis à une basse température, qu’il  est entré dans un lieu normalement tempéré et que, dans l’instant, ses verres se sont parés d’une micro couche de fines gouttelettes d’eau tellement serrées les unes contre les autres que cela lui a donné la désagréable sensation de se retrouver face à un mur. Ecran gris instantané provoquant souvent l’hilarité d’un éventuel voisin non appareillé, quand bien même il a déjà vu cent fois le même sketch. Comme quoi, le comique de répétition a encore de l’avenir. « Bientôt », ce ne sera plus qu’un souvenir ! Le bigleux n’aura plus à retirer ses lunettes pour re-voir plus rapidement, ni à chercher une matière absorbante pour essuyer les verres, ni à pester car forcément, cela laissera des traces et le gênera pendant quelques minutes encore… Bientôt, le flou thermique n’existera plus pour le bigleux. Ni pour le photographe…

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Parfois, une même caractéristique peut être à la fois une qualité et un défaut, un même objet source de progrès ou de régression, une même personne générer de l’amour ou de la haine, sans que cela soit paradoxal ou incompatible. C’est alors notre humeur du moment qui nous pousse à voir soit son côté positif soit son côté négatif. Ainsi en est-il de la photo numérique. Certes, le fait de pouvoir faire des centaines voire des milliers de photos avant de remplir une carte mémoire, de pouvoir stocker toutes ces images sur un support virtuel, en somme, de pouvoir devenir un photographe compulsif et totalement irréfléchi pour pas cher peut, à moyen terme, soulever un certain nombre de problèmes – mais que faire de toutes ces images ?, est-ce que j’en imprime finalement ou pas ?, et si oui, lesquelles ?, et si non, mais à quoi cela sert-il alors ?, je n’ai plus de place sur mon ordinateur, je ne retrouve plus cette photo d’arc en ciel que je suis sûre d’avoir rangée là, à moins que ce ne soit là, quel fichier déjà ?

Ces mêmes raisons peuvent, au contraire, être source de liberté. Je n’aurai, par exemple, probablement jamais tenté de faire cette photo nettement hasardeuse avec un appareil photo argentique. Tout simplement car pour en avoir une qui satisfasse, il faut pouvoir en faire 20 sans craindre de percer son panier car les pellicules se font rares, que le développement a son prix, et que de toute manière, il n’y en aura aucune de bonne. Cette générosité du numérique désinhibe presque totalement. Et l’immédiateté qu’il offre – décriée un jour en ces pages, c’est certain : fais voir ! fais voir ! – n’est alors pas une marque d’impatience, mais une sorte de guide, d’aide en direct pour atteindre, par dichotomie, l’image imaginée. Comme si le numérique avait permis de déployer notre créativité… Cela, c’est évidemment très positif !

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Voilà ce qui arrive lorsque l’on cherche une image en particulier et que l’on ne la retrouve pas… J’ai à l’esprit, depuis plusieurs jours, une photo que je pourrais décrire dans ses moindres détails et qui, a priori, serait idéale pour illustrer un propos que je m’empêche de développer depuis, n’ayant pas mis la main virtuelle sur cette photographie. Je pourrais en chercher une autre qui cadre tout aussi bien avec le dit sujet, mais cela ne règlerait pas le problème : cette image, si présente dans ma mémoire, resterait cachée parmi ses nombreuses semblables… Ce n’est évidemment pas la première fois que cela survient, et deux fois sur trois, la photo pensée initialement se présente, comme une fleur, sous mes yeux, à l’issue d’une recherche totalement différente, deux ou trois jours après avoir déclaré forfait ! Comme si c’était un jeu ! L’image a-t-elle une conscience d’elle-même et du pouvoir qu’elle exerce sur nous ?

Il est certain que chercher une photo précise dans un portfolio en contenant plus de 20 000, même en rationalisant au maximum (lieu, période approximative…), c’est un peu comme tenter de retrouver quelqu’un dans une foule en mouvement (il y a une heure, il était là) ! On fait des tours et des tours, dans un sens puis dans l’autre, rapidement puis lentement, on retourne tout, en vain. La photo échappe à notre vigilance pourtant à son paroxysme. Car le portfolio est mouvant… Les images sont parfois déplacées et réorganisées dans un souci d’optimisation. Certaines sont parfois même supprimées, plusieurs mois ou années après avoir été prises. D’où un problème potentiel de mise à jour de notre mémoire interne : peut-être ai-je tout simplement oublié que j’avais effacé cette image ? Auquel cas, ma quête n’aboutira jamais. Je me souviens en effet que cette photo prise dans une salle de cinéma en attendant les bandes annonces était floue. Un état qui est loin de me déranger, mais, parfois, certains jours de grand ménage photographique (on parle de « Printemps de la photographie » dans les chaumières), on se prend à éliminer des images chéries la veille. Comme ça, sans prévenir. Mais avec de bons arguments. Et pas de négatif pour rattraper l’affaire si le lendemain, on change d’avis. Dans ce cas, mieux vaut savoir oublier les images que l’on a en tête, et qui, d’une certaine manière, se rapprochent de La photo pa(s/r)faite. Cela permet de voir plus loin…

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Sournoise, la lumière, tapie dans l’ombre et affamée, les grignotait tous, les uns après les autres, en de parfaites bouchées rondes, sans qu’ils ne s’en rendent vraiment compte et ne s’en effraient…

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En exhumant cette image de mes archives, une seule question me vient à l’esprit : qu’est-ce qu’une photo ratée ? Et une photo intentionnellement ratée (selon des critères à préciser), est-elle, une photo réussie ? La scène se déroule en juin dans le Chinatown de Big Apple. Une ville dans la ville où tout est écrit en chinois, où la langue officielle est le mandarin, où les durians viennent titiller nos narines douillettes d’occidentaux, où les baguettes se vendent comme des petits pains, où les massages se font à même la rue… Bref, Chinatown.

Je prends quelques photos. Les trottoirs sont bondés, de curieux avec leur guide sous le bras, d’habitants du quartier vivant leur vie de résidents. On joue un peu des coudes pour avancer. Difficile, dans ces conditions, de garder le cap pour le cadrage. Si ce n’est pas une voiture qui déboule à l’angle de la rue, c’est un groupe de personnes. Cela peut être agaçant. Au temps pour moi. La contrainte est intégrée dans le système d’équations à plusieurs inconnues que constitue parfois une prise de vue. Grand angle. Œil rivé derrière le viseur (cela donne plus de consistance que de tendre les bras avec son appareil-écran…). Attente. Quelques secondes. Mon œil gauche voit arriver un homme. 3, 2, 1, dans la boîte. Il est passé à 50 cm de l’objectif. A tourné la tête avant de traverser. Il est tout flou. A cause du mouvement, mais surtout de la mise au point à l’infini. Premier plan flou donc, et arrière plan qui semble être le sujet photographique initial, net. Photo ratée ? Dans mon système de valeurs, non. En d’autres mains, cette image serait peut-être allée directement au panier. Cela me fait penser à un commentaire que l’on m’avait fait sur une photo prise au Maroc. « Cette photo est belle, mais c’est quand même dommage que la tour soit penchée. » Moi derrière l’appareil photo, cette tour n’aurait pas pu être placée au milieu de l’image. Non. Voilà donc, comment avec des objectifs, nous ne faisons que du subjectif !

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Par réflexe, on aurait envie d’approcher sa main de l’écran et d’essuyer la buée qui a pris d’assaut le miroir sous l’effet de la chaleur, histoire d’y voir un peu plus clair. Le geste est presque instinctif…

C’est le même qui nous anime lorsque l’on croise une personne dont l’étiquette du T-Shirt, par exemple, est retournée et dépasse, laissant apparaître taille, marque et lieu de fabrication. Une image si insupportable pour certains qu’ils ne peuvent s’empêcher, même s’ils ne connaissent pas bien le porteur du dit T-Shirt, de le faire remarquer (après avoir bouillonné pendant quelques minutes malgré tout), voire de remettre eux-même l’étiquette bien en place. Le calme revient alors et ils sont à nouveau attentif à l’histoire de crocodile ayant dévoré trois poules et retrouvé près d’une rivière du Cantal que vous êtes en train de lui conter. Il y a des choses comme ça qui nous dépassent…

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