Photo-graphies et un peu plus…

La loi du milieu

Quelqu’un m’a un jour dit, il y a très longtemps mais bien dans notre galaxie – et je suis d’ailleurs persuadée de l’avoir déjà mentionné ici – qu’il serait bénéfique de m’auto-imposer des contraintes d’écriture. C’est certain, cela donne un cadre. Certain. Ce soir, j’ai donc décidé d’imposer une contrainte forte à mon extension supposément intelligente. De la soumettre à une forme d’écriture automatique en quelque sorte en ne sélectionnant que les mots du milieu suggérés par le dictionnaire intégré de ma messagerie, en partie biaisé par mes récents échanges antérieurs… Cette photo n’a, vous vous en doutez, pas été choisie au hasard puisqu’elle porte le numéro 5000. 5000, à mi-chemin entre 1 et 9999, première et dernière image d’un tour du cadran photographique… Le plus étonnant – et c’est un pur hasard (mais le hasard n’est-il pas une notion que nous avons inventée simplement pour nous persuader que nous pouvions orienter nos propres vies ?) – est que cette photographie aie une composition aussi centrale. Et même auto-centrée. Quand bien même un monde nous sépare.

C’est donc parti pour quelques lignes sans autocensure qu’à cet instant précis, je ne suis absolument pas en mesure d’anticiper (évidemment, la grammaire va sûrement prendre quelques libertés) :

« Merci pour l’adresse. On part au relationnel. Vous pouvez me joindre au courant. Sinon, je ne suis pas sur que tu vas bien. Je ne sais pas si tu as prévu de passer à l’expo mais j’y crois pas que tu culpabilises. Pense à toi et moi je suis en train de faire le point de vue. Il y a des agences de voyages, les gens qui ont été, le temps de véritablement trier les annonces pour cette semaine. Je ne sais pas si tu as prévu de passer à l’expo mais j’y crois pas que tu culpabilises. Pense à toi et moi je suis en train de faire le point de vue. Je ne sais pas si tu as prévu de passer à l’expo mais j’y crois pas que tu culpabilises. Pense à toi et moi je suis en train de faire le point de vue. (…) »

J’imagine que je pourrais poursuivre la boucle éternellement, enfin, jusqu’à vider la batterie… Serait-ce à analyser comme un rêve au réveil ? Toujours est-il que j’aime beaucoup l’idée d’aller au « relationnel » comme s’il s’agissait d’un nouveau pays à découvrir…

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C’est étrange, on dirait que j’ai un peu le trac… Je teste virtuellement différentes deuxièmes phrases – celle-ci donc – en nettoyant nonchalamment les lettres de mon clavier comme s’il s’agissait de l’urgence du moment. C’est le trac, ça, non ? Un de ces petits gestes apparemment anodins qui nous trahissent lorsque nous sommes confrontés à des situations, des personnes qui nous déstabilisent et/ou nous mettent un tant soit peu mal à l’aise. Ainsi, dans pareilles circonstances, il paraît que je me pince aussi le bout du nez plusieurs fois de suite, tic dont je n’ai bien sûr pas conscience et que je troquerais bien, si j’avais le choix – je ne demande même pas sa disparition pure et simple -, par un geste un peu plus discret. Mettre les mains dans mes poches par exemple. Ceci dit, tout dépend du nombre de fois où je me sentirais obligée de les y plonger avant de retrouver mon calme, et avec lui, un comportement « normal ».

Donc, oui, j’ai un peu le trac. Mais, pour être tout à faire honnête, il commence à filer. Il y a quelque temps, j’ai décidé de marquer une pause dans la mise en mots de mes photos, mes « duos » comme je les ai appelés, pour me « contenter » de proposer, chaque jour, une photo titrée : je mets des guillemets car choisir une image et lui trouver un titre peut être aussi long que de l’accompagner d’un texte. Pas de fil rouge particulier si ce n’est une exigence d’évasion et d’errance ici et ailleurs, dans un monde réel ou fantasmé. Comme le temps passe toujours aussi vite, ce « quelque temps » remonte déjà à six mois. Des grandes vacances en quelque sorte ! Qui se terminent donc, ce qui est assez tendance ces jours-ci. D’où cette appréhension complètement auto-centrée : vais-je bien m’entendre avec mes nouveaux petits camarades de jeu ? Oui, ces mots que je vais assembler pour continuer à faire causer les images et réciproquement, comme je l’ai fait pendant 3 ans. Alors, dans les starting blocks, je tente de me rassurer en enfilant ma pétillante tenue de rentrée et décide que l’écriture, c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas, ça se pratique ! Et qu’il est donc grand temps de se remettre en selle pour bien négocier le virage !

En attendant la suite, pour revoir ces six mois d’images, il suffit de cliquer .

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Direction le sous-sol sombre comme il faut d’un petit musée à l’abri des rayons du soleil (ah, ah, ah !), et pour cause, on y expose des mots. Des lettres, des équations, des partitions, des décrets, des annonciations, des dessins, des déclarations, des brouillons, des idées fabuleuses, des hypothèses brillantes, des ébauches de chef d’œuvre qui ne connaissent pas encore leur valeur… Des traces laissées par d’illustres défunts sur lesquelles on se recueille comme sur une tombe et se penche avec déférence. Si la tombe ne dit rien de la personne qui y repose, il en est autrement de ces mots attrapés au vol… Ecrits à la main. A la plume même. Là est l’essentiel… L’écriture, cet acte vital qui transforme la pensée intime en signaux – courbes, traits et ponctuations – accessibles à tous et qui dévoile, par sa seule forme, son rythme, son allure, sa géométrie, un bout de la personnalité de celle ou celui qui tient la mine. Albert Einstein, Romain Gary, Hector Berlioz. Rigueur, clarté et régularité parfaite pour le physicien relatif ; rondeur, précipitation et doute pour l’écrivain aux deux visages ; respiration, ouverture et liberté pour le musicien romantique. Comme ça, à vue d’œil, une première esquisse de caractères…

Profitons-en, car, dans vingt, trente ans, peut-être un peu plus, nous devrons nous contenter de polices de caractère ! Quel avenir, en effet, pour un musée des lettres et des manuscrits au 21e siècle, à l’heure où tout passe par de l’arial narrow, du times new roman ou de l’helvetica neue ? Viendrons-nous nous extasier devant les fichiers des futurs auteurs, scientifiques, artistes et politiques, en y cherchant quelque vérité humaine ? Ou nous moquer de ces ancêtres qui étaient encore obligés d’utiliser leur main pour écrire, à l’image de ceux qui entrechoquaient des silex pour faire du feu ? Nous n’écrivons déjà plus à la main, ou nettement moins. C’est désormais sur nos claviers voire nos écrans, directement, que nous tapotons pour remplir nos « feuilles blanches », rédiger nos thèses, faire nos devoirs. Nous nous envoyons des courriels et non plus des lettres. Heureusement, un rituel fait de la résistance : celui de la carte postale de vacances, qui n’a pas encore cédé à cette lame de font* dévastatrice…

* police de caractère, en anglais

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Un jour de février 2010, le 22 précisément, près d’un an après la création de ce site où il ne se passait pas grand chose à vrai dire, j’ai pris une décision : celle de m’imposer un rendez-vous quotidien avec deux de mes passions, les mots et les images, et de me servir tour à tour de l’une ou de l’autre, pour servir l’autre ou l’une à travers ce que j’ai appelé, quelques mois plus tard, des duos. Des micro-histoires photographiques. Une photo, un texte, rarement en rapport avec l’instant présent, même si toujours dictés par l’humeur du moment. Des duos jetés en pâture dans la jungle du Web, totalement invisibles donc. Au fil du temps, je me suis laissée prendre à mon propre jeu, celui d’avoir, chaque jour, quelque chose à dire ou du moins à présenter. Et de révolution en révolution, notre planète a fait le tour du Soleil. Quand le 22 février 2011 est arrivé, j’en étais donc à mon 365e duo. Je bouclais la boucle, comme on dit, assez fière d’avoir tenu le rythme sur la durée. Que s’est-il passé le 23 février ? Rien. J’ai laissé passer un jour sans, histoire de. Et puis, je me suis remise à l’ouvrage, chaque jour, sauf quelques uns (la petite liberté que je me suis donnée à l’issue de la première année…). Mais c’est une autre histoire.

Il y a quelques mois, j’ai lié ces 365 premiers duos entre eux, par leurs mots, faisant subjectivement écho à un autre duo, de telle sorte qu’il suffit, en théorie, de piocher un duo dans cette période pour que, de lien en lien, on en fasse le tour. Une porte d’entrée pour découvrir ou redécouvrir ces histoires. Qui s’accompagne aujourd’hui d’une deuxième approche, visuelle cette fois-ci, rendue réelle grâce, à nouveau, à Coralie Vincent (la webmestre de ce site). Il est toujours plus facile d’avoir des idées que de les réaliser… Et quand je dis : « ça pourrait être beau d’avoir toutes les images des duos sur une seule page, de passer dessus pour qu’elles s’agrandissent et que l’on ait le début du texte, et que l’on puisse cliquer sur l’image pour accéder au duo dans un autre onglet… », suivi d’un « c’est possible ? » qui ne laisse pas vraiment d’autre choix qu’un « oui », elle répond « oui ! Je ne sais pas trop comment pour le moment, mais je vais trouver. » Et évidemment, elle trouve. Je la remercie donc infiniment car, sans son aide plus que précieuse, mes petites idées resteraient virtuelles… C’est, à mon sens, la pire chose qui soit dans la vie d’une idée. Sauf pour les mauvaises.

Arrivée à ce point de l’histoire, je me hâte donc de vous inviter à un petit voyage dans le temps et l’espace avec Un tour du Soleil en duos. Là, sous vos yeux ébahis (si, si…), vous pourrez donc papillonner de jour en jour, ne faire que survoler les images pour les voir en grand ou aller plus loin, en cliquant sur elles et découvrant les textes entiers dans un autre onglet… Bonne visite !

PS 1 : La page peut mettre un certain temps à se charger, proportionnel à l’efficacité de votre connexion Internet… D’avance, merci pour voter patience…

PS 2 : N’hésitez d’ailleurs pas à cliquer sur les « + » à côté du cœur sous chaque duo… C’est une sorte de baromètre qui me permet de savoir, d’une part, que vous existez, et d’autre part, que vous avez apprécié.

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Se replonger dans les textes que l’on s’est laissé aller à écrire des années auparavant peut faire naître de drôles de sensations. La première, un sentiment d’effroi à la relecture, quand on réalise à quel point le style est gauche, le propos, vide, l’intérêt, nul ou presque (oui, oui, j’exagère). La deuxième, de légère nostalgie : les souvenirs remontent à la surface en redécouvrant ce qu’ils ont été au moment où ils n’en étaient pas encore, à l’heure où ils n’étaient que le reflet du temps présent. La troisième, de surprise : rien n’a changé, on pourrait ré-écrire ces lignes lues au mot près voire à peu de choses près. Selon leur teneur, cette conclusion peut être désarmante, désespérante mais aussi, amusante.

« Etats d’âme sur le macadam » est un ensemble de textes griffonnés, à l’aube du XXIe siècle, sur des carnets au cours d’innombrables trajets de métro ou de train dans une configuration similaire à celle d’aujourd’hui. En voici la première page. Il était probablement un peu plus tard dans la saison. L’écho est révélateur.

Et me revoilà dans cet univers impitoyable qu’est la capitale. Impitoyable, vraiment ? Quatorze mois d’absence et aucune déstabilisation. La voiture a été conduite  avec l’aisance habituelle à la Gare de Lyon et s’est très bien accommodée des embouteillages, des non-respects de priorité, des clignotants oubliés, des feux rouges grillés… Aucune panique ressentie…

C’était presque comme s’il n’y avait pas eu de départ. Etonnant… Idem pour le train. Quatorze mois, est-ce encore trop peu pour se sentir déconnecté d’un monde ? « On n’oublie pas vingt trois ans de vie citadine en une année passée sur une île déserte » m’a-t-on plusieurs fois rappelé, comme pour me rassurer. Effectivement. Tout est là, au frais, dans ma mémoire. Les automatismes, les réflexes d’autrefois ont refait surface. En fait, rien n’a changé et ce n’est même pas décevant. Il s’est écoulé plus d’un an. Temps pendant lequel chacun a poursuivi sa route.

Aujourd’hui, les chemins se croisent à nouveau. Tout va peut-être même reprendre comme auparavant. Malgré tout, j’ai l’impression de vivre Paris différemment. L’asservissement du train et autre transport en commun qui m’horripilait, m’amuse aujourd’hui.

Je suis actuellement dans une petite chenille grise, en direction de la Gare Saint-Lazare. Jubilation intérieure. Des dizaines de personnes m’entourent et racontent leur vie… Cet anonymat m’a manqué. Combien de fois ai-je rêvé de rencontrer un(e) inconnu(e) sur mon île déserte ? Ile où, naturellement, chaque membre de la maigre population connaît l’autre. Là, le train, l’inconnu. J’entends des bribes de vie, un léger murmure provenant de plus loin. Je vois des mains s’agiter. Tout est pareil… Le même spectacle s’offre à mon regard depuis des années. Je ne veux plus décrire ce monde des transports en commun, où chacun entre et sort à un moment. Pourquoi ? Car tout est cyclique. Tout est différent chaque jour, mais, dans le fond, c’est strictement le même scénario. J’espère quelque chose de neuf. Un fait divers… Une aventure distrayante… Un sourire. Je peux rire, seule, en réponse à mes propres pensées ou blagues. C’est réconfortant, et à la fois, un peu triste. Tout stimule le regard dans cette ville, mais rien ne l’arrête vraiment. Nous ne faisons que passer, et ce qui se passe – en surface – ne satisfait pas les attentes. Les pavés demeurent froids, le bitume noir, les bruits de marteau, de camion, de bus résonnent toujours dans l’atmosphère sèche, des chiens aboient toujours et défèquent autant sur les trottoirs, le monde enfile toujours son manteau gris ; on se bouscule toujours devant les Galeries Lafayette, le Sri Lankais du coin vend toujours ses marrons cuits sur un fût percé retourné, les pigeons sont toujours à l’affût de croûtons de pain apportés chaque semaine par la même mamie, les téléphones cellulaires sonnent toujours au mauvais moment… et la Terre poursuit sa révolution sans ciller. Un petit vent frais balaye les idées en suspens ou les hésitations. Seul le bleu du ciel donne un peu de couleur à cette grisaille.

Paradoxalement, j’ai la sensation qu’il me serait impossible de m’éloigner trop longtemps de cette vie grouillante. Et, en même temps, que cet exil m’a permis de mieux appréhender et apprécier cette soi-disant folie. Je ressens mon expérience, je sens qu’elle m’a rendue autre. Je me sens plus riche. Légère. Je peux me dire : « J’ai vu et vécu autre chose. »

Les strapontins se lèvent avec le même claquement. Il y a ceux plongés dans leur livre ou leur journal, ceux au regard perdu, les passifs attendant leur station. Il y a aussi la fan de mots croisés, la rêveuse, les bavardes, le pensif, l’enfant babillant ses premiers mots et la femme d’un certain âge habilement maquillée et droite sur son siège. Mais pourquoi tout cela aurait-il disparu ? C’est une vie de masse. La vie est telle qu’elle était il y a quatorze mois. D’autres personnes sont actrices, mais ce sont les mêmes rituels, même si, évidemment, dans le wagon, il y sûrement quelques Monsieur X ou Madame Y dont la vie a radicalement changé.

Est-ce rassurant de se retrouver dans un univers familier ? Sûrement un peu. Pour combien de temps ? Quel délai avant d’être de nouveau agacée par ce rythme décrié par tous les provinciaux rencontrés ? Mais, j’aime Paris : son train, son métro, sa population, ses couples qui « se bécotent sur les bancs publics », comme ses habitants qui ne s’adressent pas un regard…

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Il y a beaucoup de questions auxquelles nous n’avons pas, à titre individuel, de réponse. Je ne parle pas des récurrentes « qui suis-je ? », « où vais-je ? », « mais qui a changé la place du sel ? ». Des choses plus faciles : « quelle est la capitale du Malawi ? », « qui a réalisé « Le père noël est une ordure ? », « quelle mer se trouve au sud des Philippines ? »… Un mélange de questions jaune et rose au Trivial Pursuit, par exemple. Mais, même si nous ne connaissons pas les réponses à ces questions-là, nous savons qu’elles existent, qu’elles sont simples et uniques. Lilongwe, Jean-Marie Poiré, la mer de Célèbes.

Parmi ces questions ne sondant que les abysses de notre inculture, il arrive que certaines soient de véritables colles. Cela dépasse le simple fait de savoir ou pas. C’est donc légèrement déstabilisée que j’ai accueilli cette question pourtant légitime : « Qui a découvert la France et quand ? » Lorsque la question est posée par une canadienne, sur une île officiellement découverte en 1534 par Jacques Cartier (les Micmacs – qui n’est pas le nom d’un double burger prononcé par un enfant ni un ensemble de mauvaises intrigues, mais une tribu amérindienne – y vivaient déjà) et aujourd’hui composée essentiellement d’une population descendant d’irlandais, d’anglais, d’écossais, d’acadiens, cela a du sens. Et la réponse que je me suis piteusement entendue bredouiller, après avoir remué le peu qu’il restait de mes cours d’histoire, est : « euh, je ne me suis jamais posé la question en ces termes ; c’est comme si la France, qui n’était pas la France d’aujourd’hui, avait toujours été là ». Même si la bêtise de ma réponse m’est apparue sitôt après l’avoir prononcée, je n’ai pas réussi à la retenir. Les premières traces d’hommes (préhistoriques) en « France » remontent à 1 Mo d’années. Des Homo erectus venant d’Afrique. Il serait donc juste de dire qu’ils ont découvert la « France ». Mais que sous-entend réellement le mot « découvrir » ? Jacques Cartier est le découvreur officiel d’une terre qui était déjà habitée par les Indiens, les peuples des Premières Nations comme on dit aussi, qui auraient posé le pied en Amérique il y a au moins 40 000 ans via le Détroit de Béring alors gelé. Tout est relatif et la découverte ne vaut que pour les ignorants. Malheureusement, l’ignorant se croit parfois supérieur, se sentant alors obligé d’effacer et/ou d’avilir, les traces de vie antérieures à son arrivée…

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« Ecrire, ce doit être une souffrance », m’avait-il dit. Sur le coup, cette petite phrase m’avait fait mal. Je ne comprenais, en effet, pas pourquoi faire ce que l’on aime devait être douloureux. D’une manière générale, pour tout être normalement constitué (mais, est-ce qu’il existe vraiment ?), lorsqu’une action nous fait souffrir, on évite d’avoir à la faire… On me rétorquera peut-être que l’on n’a pas toujours le choix. De quatre choses l’une, soit ce qui m’a été asséné comme une vérité irréfutable est faux et je suis soulagée, soit c’est vrai et c’est malheureux. Pourquoi l’écrivain, le peintre, le sculpteur, l’artiste en général, traîne-t-il cette maudite image de torturé ? Ne peut-on créer dans la joie, la paix et la bonne humeur ? Faut-il alors, lorsque l’on désire être l’un ou l’autre (là, encore, est-ce vraiment un désir, ou quelque chose qui s’impose à soi, et donc, qui n’est pas forcément de l’ordre du conscient… encore que le désir peut être inconscient…), s’autoflageller pour être certain de créer quelque chose de profond ? en tout cas, qui soit pris au sérieux ?

Ce qui me conduit à évoquer un questionnaire conçu par une unité de recherche en littérature de l’Université Sorbonne nouvelle pour préparer une table ronde sur notre rapport à la littérature. Il y a notamment une question liée aux raisons pour lesquelles un écrivain écrit et des réponses si diverses et variées de leur part, que l’on peut imaginer qu’elles sont franches. C’est vrai, on est sensé savoir pourquoi on fait ce que l’on fait ! Donc, en vrac, parce qu’on a à dire ce que personne n’a dit, parce que c’est comme une sorte de jeu pour adulte, par terreur vaniteuse de disparaître complètement, parce que je ne sais pas parler, parce que ça me donne plus d’argent et d’une façon gratifiante, pour devenir célèbre et être libre, parce que j’aime mentir, par amour des mots, pour ne pas devenir fou, pour mettre en accusation l’humanité, pour qu’on m’aime davantage, bon qu’à ça et enfin, pour créer de l’ordre, de la beauté, de la vie. J’aime bien cette dernière raison, même si, spontanément, je n’associe pas l’ordre à la beauté et à la vie. Pour créer de la beauté, de la vie, idéalement pour partager une vision, un univers, réel ou inventé. Pour voir le monde autrement et montrer ce que l’on ne voit pas toujours. Comme avec l’image. Pour le plaisir surtout. Le bonheur que cela procure de jouer avec les mots, les idées, les sons, les  lignes, les couleurs, les formes… la vie. Voilà. Ceci était le 300e duo de ce site…

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