Photo-graphies et un peu plus…

Il pleut des cordes en permanence dans cette mégalopole qui, dès les premières secondes, semble être plongée dans une nuit éternelle. Les néons colorés des restos chinois et autres logotypes géants accrochés aux buildings n’y changent rien. J.F. Sebastian sursaute, surpris par Pris, recroquevillée sous un carton comme une petite enfant apeurée qu’elle n’est absolument pas. Mi figue mi raisin, il l’accueille et lui ouvre les portes de son royaume. Un buidling restant dans la mémoire vive des visionneurs avertis du chef d’œuvre de Ridley Scott, Blade Runner. Science-fiction à l’ambiance rétro-futuriste rencontre Bradbury, quatre étages de briques, de bois, de ferronnerie, de coursives et au hall majestueux donnant sur le ciel. Un petit bijou d’architecture intérieure, qui, à l’époque du tournage, était dans un état de délabrement avancé. Heureusement, compte tenu de ce que le réalisateur lui faisait subir ! Pour imaginer cet édifice érigé en 1893, George Wyman, son créateur, a presque suivi à la lettre les descriptions d’un livre de science-fiction (Looking backward, Edward Bellamy) publié en 1887. Une utopie sise en l’an 2000. Avec le temps, cette utopie s’est transformée en dystopie ; le lointain futur en futur proche. 1982-2019. Entre les deux, une transition que nous, visiteurs du temps présent, pouvons avoir du mal à concevoir. La naissance d’une nouvelle humanité, même si là est toute la question. Une révolution conceptuelle.

Dans la rue, Broadway, le Bradbury, flanqué à un coin, passe presque inaperçu. C’est en poussant ses portes que la connexion se fait. Que les images du film défilent. Que le pigeon prend son envol, surpris par l’intrusion. La pluie tombe, passe à travers, trempe les étages. Un hélicoptère projette son violent faisceau lumineux à l’intérieur du bâtiment, qui se dévoile alors au spectateur. L’impression est sombre. Le lieu – rénové en 1991 – est si clair, en réalité. C’est donc ça ? Les images se superposent. Dans le film, le Bradbury, à l’abandon, est un vrai dépotoir. Difficile de l’imaginer ainsi aujourd’hui, lui qui abrite des bureaux chics d’où personne ne sort.

Les semaines passent. Entre deux étages, un homme et une femme se parlent. Enfin, on les voit discuter mais on n’entend rien de ce qu’ils se disent. Et pour cause, le film est muet. Muet, à l’heure où le silence n’est plus qu’un leurre. Un homme et une femme se parlent. Entre deux étages donc. En arrière plan, des figurants défilent au trot le long des coursives, passant deux, trois, quatre fois avec une énergie, humaine, qui avait déserté l’antre de Scott. Des briques, du bois, de la ferronnerie. Le Bradbury. Là, comme il est aujourd’hui mais en noir et blanc. Mise en abyme pour un immeuble hautement cinégénique : y siège une production cinématographique en plein émoi. 1929. Le crash boursier qui n’aura pas laissé sans voix le cinéma, puisque c’est à cette époque que naît le parlant. La première révolution du 7e art. Une révolution technologique. Est-ce cela, que dit The Artist, que le cinéma classique tel que nous le connaissons, avec de vrais acteurs et de vrais décors, doit naturellement laisser sa place aux plus jeunes, à la 3D, à la synthèse, au virtuel, car c’est ainsi que le monde avance ? Point de convergence de cette interrogation, le Bradbury, incarnation d’un monde où la vie s’arrête autant que d’un passé où elle reprend forme, et peu à peu, des couleurs…

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Sur le fameux Walk of fame à Hollywood, il y a deux catégories d’étoiles carrelées : celles autour desquelles tout le monde se presse, se fait prendre en photo et/ou s’extasie en revivant intérieurement le moment où ladite star a effectivement inauguré son étoile – Michaël Jackson, Daniel Radcliffe, Steven Spielberg, Sharon Stone, Will Smith, Woody Woodpecker … – et celles à côté desquelles ce même monde passe sans s’arrêter ou pire, en les piétinant comme si elles n’existaient pas. Il ne s’agit pas là de dénigrement, seulement d’ignorance : le nom inscrit en lettres d’or au centre de l’étoile ne résonne plus ni dans le cœur ni dans l’esprit des visiteurs d’un XXIe siècle à la mémoire cinématographique courte et sélective. Has been. Raison plus que suffisante pour s’attarder sur ces étoiles abandonnées ne recevant plus aucun regard admiratif depuis des lustres ou pas d’ailleurs.

Ainsi en est-il de Doris Roberts, que l’on ne confondra pas avec Julia, toute seule sur son bout de trottoir noir pailleté réfléchissant les éclairs de notre astre brillant. Doris pas Julia même si Julia a été Viviane, qui a arpenté un bout de trottoir voisin. Le coup de projecteur est fortuit, motivé par cette injustice faisant rage sur ces quelques mètres linéaires : je ne sais pas qui est Doris Roberts, j’en sais donc autant sur sa vie d’artiste, c’est-à-dire rien. D’abord, née en 1930, Doris Roberts, actrice de télé, cinéma et de théâtre, est toujours vivante. C’est une information importante. Elle dira d’ailleurs sûrement quelque chose aux amateurs de la série comique « Tout le monde aime Raymond » (Everybody loves Raymond en VO) pour lequel elle a remporté 4 Emmy Awards – même si la probabilité pour que ces derniers tombent sur cette page est assurément minime -, son plus grand succès en 60 ans d’une carrière ininterrompue. Il est aussi dit dans sa bio qu’elle a écrit un livre de cuisine avec une autre personne, littéralement « As-tu faim chéri ? Vie, rires et lasagnes », tout un programme alimentaire sur lequel je ne m’étendrai pas ! Et on sait, depuis le récent L’homme invisible, ce que signifie réellement ce subtil « écrit avec »… Enfin, Doris Roberts, très impliquée dans des œuvres humanitaires, vit actuellement dans une maison anciennement possédée par James Dean. Au sens premier du terme. D’ailleurs, il a une étoile, James Dean ? Oui, au 1719 Vine Street, autant dire, du côté des oubliés…

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Dès que l’épris de cinéma pose les pieds sur le sol de la Cité des Anges, il n’attend presque qu’une chose : le voir. Ce fameux panneau, qui n’en est pas vraiment un, flanqué sur l’une de ses arides collines. Neuf lettres géantes et blanches, fièrement gonflées comme une bulle de chewing-gum. H.O.L.L.Y.W.O.O.D. Ces lettres, symbole d’un monde en soi, des « il était une fois » à rebondissements, il les a vues des centaines de fois sur des écrans de toute taille, des petits, des grands, à tel point qu’elles en sont devenues une image rêvée plus qu’un extrait de la réalité, à en douter même de leur existence. Alors, quand, enfin, au hasard d’un croisement, le mythe apparaît, discrètement, en arrière plan, tel un figurant magnétique, l’émotion est sincère et la rencontre maladroite. La boîte à images immobiles est arrachée à son écrin, comme s’il y avait urgence, comme si les lettres pouvaient filer ou la brume tomber instantanément sur elles, vite, vite, « On », l’objectif sort à son rythme, c’est bon, elles sont toujours là, vite, vite, déclencher en guise de présentation, pour se prouver à soi-même qu’il ne s’agit pas d’un mirage, ni d’une simple image…

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Je ne sais pas si c’est une caractéristique des villes de bord de mer, mais je m’étonne à chaque fois, mais je fais de même – une forme d’intégration peut-être  ? – , le soir venu, de voir converger les habitants de celle-ci sur les plages proches, se poser confortablement sur le sable, en gardant leurs distances, s’orienter vers le soleil et le regarder patiemment disparaître derrière les montagnes, éventuellement en croquant dans quelques popcorns ou sushis achetés juste à côté. Comme s’ils allaient à une séance de cinéma, ou un rendez-vous galant, les deux n’étant pas incompatibles. J’aime voir les sourires qu’ils s’échangent pendant les séances et à la sortie, comme si, chaque soir, malgré les répétitions, le film était vraiment bon…

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J’ai appris un nouveau mot aujourd’hui : DITO. En majuscule. Pour dire idem et éviter de répéter quelque chose qui vient d’être dit. Sitôt cette définition absorbée et sans que la raison de la connexion à venir se présente spontanément, cela fait TILT. En minuscule, ça marche aussi. Ce « dito » utilisé ici dans un contexte professionnel me ramène des années en arrière, dans une salle obscure, devant le film de Jerry Zucker, Ghost, dont la musique de Maurice Jarre hante encore l’esprit des âmes sensibles…

Ghost qui a donné, à tous ceux qui l’ont vu, une toute autre image de la poterie, nous a fait aimer les lofts new yorkais, interpréter les courants d’air différemment, et voir d’une toute autre manière les personnes s’approchant d’un peu trop près des trains qui passent sans s’arrêter… « Delo », c’est ce que j’entendais dans la bouche d’une Molly larmoyante, comme réponse de Sam à ses « Je t’aime ». Rappelez-vous, tout l’enjeu du film était dans ce fameux « delo ». J’avais bien saisi le sens de ce mot indéfini mais son origine m’échappait. Et pour cause, Sam ne disait pas « delo » mais « ditto » (on double le t en anglais et on minuscule). « Ditto » dit très rapidement, à l’américaine parfois hollywood chewing gum, sonne comme « delo ». D’où l’amalgame. Vérification faite – requête sur ditto + ghost – et le mystère oublié pendant des années est résolu ! Voilà qui dégagera peut-être un peu d’espace dans mon hippocampe bien nourri !

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Le téléphone sonne. Il est à peine 12h01. Grandement l’heure d’aller se remplir la panse pour mieux penser. On se retrouve en bas ? Il est 14h33. Il est quelle heure déjà ? 14h33 ! Ah, zut, j’ai pas vu le temps passer, il faut aller se chercher un truc à manger ! Tu me prends un coca ? Il est 13h26. Aujourd’hui, je déjeune correctement. J’en ai marre de manger devant mon écran ! A table. T’as fait quoi ce week-end ? On est lundi. J’ai bossé sur le dossier machin chouette. Je suis allé marcher dans les bois. C’est vraiment bon ici, on devrait venir plus souvent. Ciné, expo, amis, comme d’habitude. Oh, pas grand chose. Tu me fais goûter ? Je me suis remis de la veille. Il a fait un sale temps. Lessive, ménage, rangement, les trucs du dimanche quoi. Je n’ai r-i-e-n fait et bon sang, ça fait du bien pour une fois. T’as vu le match ? Bon, pour la réunion de demain matin, t’as pu avancer ? On peut en parler maintenant si tu veux. Non, moi, je ne vais jamais au cinéma. Ah. Et ? Ni au musée. Mais tu ne pourrais pas parler de choses que l’on connaît ? Alors, ce match ? Au prix où ils sont payés, ils pourraient au moins taper dans la balle ! Même mon fils ferait mieux qu’eux ! Hum, hum… Bon, il faut qu’on  s’organise une réunion pour parler de la prochaine réunion. Tu cales ça ? Dis, t’as entendu ce qui s’est encore passé avec bidule truc ? Non, raconte ! Chut, elle arrive… Cela tombe quel jour le 1er mai cette année ? Un dimanche ? On se fait toujours avoir. T’as l’air étrange ces derniers jours… Quelque chose ne va pas ? Ah, ah, ah ! C’était drôle quand même… A certaines heures de la journée, la vraie solitude, même si elle peut sembler légèrement pathétique vu de l’extérieur, est, parfois, la meilleure des compagnes.

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Il n’y a pas si longtemps, j’ai appris que, depuis quelques années, les écoles de piratage informatique poussaient comme des grains de riz en Chine. Cette institutionnalisation de la violation de territoire, même virtuel, m’a laissée un peu pantoise, mais m’a aussi arraché un large sourire. Quel monde étrange que celui dans lequel nous vivons. Cela pourrait donner lieu à une nouvelle version de l’Ecole des fans : « Et tu veux faire quoi quand tu seras grand ? », « Hacker » répond le petit en regardant l’invité du jour, Robert Morris, celui qui a créé, avec de bonnes intentions précisons-le, le premier ver sur Internet en 1988, paralysant plusieurs milliers d’ordinateurs, et qui, depuis, porte son nom. « Cela tombe bien » répondrait une version geek de Jacques Martin, « Robert Morris vient d’ouvrir une école de pirates ! ».

C’est comme les langues, plus tôt on commence à les apprendre, plus vite on les maîtrise… Si à 5 ans, le piratage consiste surtout à accrocher un drapeau noir avec une tête de mort à l’arbre du jardin, à se fabriquer un crochet, à mettre un bandeau sur l’œil, un faux perroquet sur l’épaule et à crier « A l’abordage ! » à chaque fois que quelqu’un passe la porte d’entrée, à sept ans, le grand jeu est de changer le mot de passe d’accès à la messagerie pro de papa pour le voir s’énerver sur sa machine en marmonnant dans sa barbe : « Mais je suis sûr que c’est ça ce pu!?x!?? de mot de passe ! Je ne vais pas oublier la date de naissance de mon fils, quand même ! ». Les chères têtes blondes ont bien changé… Ce qui se vérifie aussi aisément en lisant les journaux. Un jeune de 15 ans arrêté.  Il aurait participé à la cyberattaque mondiale liée à Wikileaks et il est français. C’est presque une fierté. Aujourd’hui, un autre titre attire mon attention : « Des hackers veulent imposer la démocratie ». L’accroche m’intrigue, je clique.

L’article évoque un mouvement, qui se fait subtilement appeler « Anonymous » et annonce défendre les libertés sur Internet. Composé d’internautes (15-25 ans) disséminés un peu partout dans le monde, le groupe part à l’assaut de certains sites Internet ciblés contre lesquels ils lancent une attaque toute simple : le déni de service. Autrement dit, provoquer de nombreuses connexions simultanées sur un site ciblé, ce qui le rend temporairement inaccessible, un statu quo ayant de réels impacts. L’Eglise de scientologie fut leur première victime il y a 3 ans. Une blague. Mais, depuis quelques mois, leurs actions prennent un tour plus politique : blocage de sites gouvernementaux au Zimbabwe, en Tunisie et maintenant en Egypte… La fiction toujours un peu à l’esprit, je ne peux m’empêcher de penser à deux trois films au fil de ma lecture. Le fait que ces anonymes se présentent avec le masque de V (personnage principal du comic adapté au cinéma, V for Vendetta), même si c’est symbolique, vient appuyer le statut un peu ambigu de ce groupe : la fiction comme repère ? Les films ? 8th Wonderland de Nicolas Alberny et Jean Mach (2010 mais réalisé en 2008) ou encore le film d’animation Summer Wars de Mamoru Hosoda (2009). Les similitudes avec le premier sont particulièrement étonnantes et mériteraient quelque approfondissement. Evidemment, ceux qui se frottent déjà les mains, ce sont les éditeurs de logiciel de sécurité au sein desquels opère une nouvelle espèce de chercheur, le « chercheur de menace »… Presque aussi beau, mais nettement moins poétique, que le casteur d’arbre. Bref, du pain béni pour eux puisque cette nouvelle forme de guerre des étoiles justifiera, à l’avenir, le développement de solutions de sécurité toujours plus coûteuses… De quoi entretenir la machine encore longtemps !

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Tout commence par quelques notes de musique passe-muraille (comprendre, venant de l’appartement du voisin de la maison d’à côté…) entendues ce matin. Elles me rappellent vaguement le thème d’Avatar, le film de James Cameron qui a ouvert une deux fois huit voies au développement du cinéma en 3D. Une musique efficace composée pour être mémorisée facilement. J’ai retenu ma leçon mais ne suis pas contre une nouvelle écoute. Les musiques de film retiennent souvent mon attention. La BOF de James Horner défile jusqu’à atteindre l’avant-dernière piste. I see you. Et là, mon oreille droite se redresse. J’ai déjà entendu ça quelque part.

Sitôt l’envolée lyrique achevée, je tapote quelques notes sur mon clavier : Titanic, Céline Dion. Requête facile : My heart will go on. Je suis sûre que tout le monde (au sens propre) l’a encore en tête et voit déjà sombrer l’Insubmersible avec Leo à sa proue… Titanic, c’est aussi du James Cameron. My heart will go on, c’est aussi du James Horner. Double filiation. La similitude peut s’expliquer mais devient peu à peu douteuse. Ce n’est pas l’ambassadrice du Québec qui s’y colle cette fois-ci, mais Leona Lewis, choisie pour sa plastique, sûrement, mais surtout pour sa voix, ressemblant fortement à celle de son aînée. Mais il n’y a pas que cela qui crée cette sensation de « déjà-entendou ».

Il y a le rythme, le tempo et, les paroles. Quand Céline chante « Every night in my dreams / I see you, I feel you / That is how I know you go on« , Leona dit « I see you / I see you / Walking through a dream, I see you« . Le reste joue aussi avec l’écho… De trois choses l’une, soit Horner a voulu faire un clin d’oreille, soit il a tenté de rééditer l’exploit de 1997 – My heart … est le titre le plus vendu au monde par une chanteuse (mais, malgré beaucoup d’efforts, Leona n’est pas Céline) -, soit, pris d’une flemme monumentale, il s’est dit qu’il pouvait bien s’inspirer de lui-même et ré-exploiter une recette qui avait fait ses preuves, moyennant quelques petits ajustements permettant aux plus jeunes de ne pas faire le rapprochement. Et que risque-t-on à s’auto-pirater à part être ridicule ?

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La science d’un film de science-fiction doit-elle être juste ou pas ? La question pourrait aussi se poser pour les films historiques. La réponse, dans les deux cas, est d’ailleurs la même. Revenons à la science. Depuis toujours, Hollywood, qui a les moyens des grands moyens (dans ce contexte, des effets spéciaux), est la grande pourvoyeuse de films de SF, fantastiques et d’anticipation. Le propre de la SF est, notamment, d’exacerber des tendances et des évolutions contemporaines, le tout en jouant sur des peurs collectives. Ainsi, les films catastrophes (climatique, invasion extraterrestre, menace intersidérale, guerre…), les films sur les manipulations génétiques (conduisant, en général, à la création de monstres), sur l’emprise des machines sur l’homme et son cerveau, se sont-ils multipliés comme des copies, avec plus ou moins de réussite. C’est, de prime abord, une très bonne nouvelle que le 7e art s’empare de ces sujets à l’actualité brûlante. Le cinéma peut aussi avoir un rôle d’alerteur ou d' »éveilleur » de conscience.

Encore faut-il que ce qui est à la base de ces scenarii comporte une certaine justesse scientifique, histoire de ne pas tromper le spectateur avec une science de pochette surprise. C’est là que le bas blesse. Car, souvent, malheureusement, la véracité des éléments scientifiques de ces films n’est pas la priorité des scénaristes – même si, pour se donner bonne conscience, ils font de plus en plus appel à des experts scientifiques pour les aiguillonner -, encore moins des producteurs – plus familiers des billets verts que des publications de rang A, en quête de spectateurs et donc, de spectaculaire. Ainsi, la Nasa, épaulée par SEE (Science & Entertainment Exchange) qui promeut une science-fiction authentique, s’est-elle livrée une relecture des films de SF depuis une trentaine d’années sous l’angle de leur pertinence scientifique. 2012 de Roland Emmerich, réalisateur des fameux Independance Day et Le Jour d’après, remporte la palme du film écorchant, de toute l’histoire du cinéma, la vérité scientifique. Ceux qui sont allés le voir, et ils sont nombreux puisque 2012, est l’un des gros succès de 2009, s’en seront (jespère !) doutés. Dès les premières minutes, 2012 se présente en effet non pas comme un film de SF mais comme une dramatique comédie. Tout y est si gros que l’hilarité finit par prendre le dessus sur le désespoir.

Sauf que la propagation de ces grossières approximations et énormes erreurs scientifiques, dans ce qui reste de la fiction, a un impact sur le monde réel et sur la façon dont, les spectateurs, hors des salles obscures où l’impossible devient possible, interprètent et appréhendent les événements, les nouveautés et évolutions scientifiques auxquels ils sont indirectement confrontés. Car, que l’on parle de clonage reproductif (ce dont il est essentiellement question dans les films), de cataclysme climatique, de disparition de l’humanité, on reste dans une projection (sans jeu de mots) à long terme. Quelque chose d’impalpable pour le commun des mortels, donc, qui fait peur, sans vraiment angoisser. Tout cela ne serait qu’un détail amusant si, dans la vie réelle, une vraie éducation scientifique était dispensée à chacun. Pas uniquement lorsque l’on est à l’école. Une éducation scientifique pour tous. C’est loin d’être le cas ! Et le fait que la technique aille plus vite que l’éthique ne facilite pas la tâche. De fait, combien de personnes sortent d’une salle en pensant qu’un clone est une exacte photocopie de nous-mêmes pouvant se créer en quelques secondes, ou que la Terre peut geler en quelques heures (les fins limiers reconnaîtront d’ailleurs, ci-dessus, la magnifique bibliothèque de New York où se réfugient quelques rescapés du Jour d’après, alors qu’un méta-tsunami déferle sur la ville, vague titanesque qu’ils voient arriver dans la rue en face) ? Combien sont sortis de 2012 en se demandant si, toutes proportions gardées, c’était possible ? On aimerait croire que ce ne sont que des sornettes. Et pourtant, la Nasa, assaillie de questions après la sortie du film sur une potentielle fin du monde le 21 décembre 2012 (bientôt donc), a dû créer une page sur son site Internet pour rassurer ces êtres humains un brin (d’ADN) naïfs… La première question / réponse de leur FAQ montre tout le travail qu’il reste à accomplir. Je ne résiste pas à traduire le duo. Question : « Y a-t-il une quelconque menace sur la Terre en 2012 ? De nombreux sites Internet prétendent que la fin du monde aura lieu en décembre 2012 ». Réponse : « Rien de mal (nothing bad) n’arrivera à la Terre en 2012. Notre planète va très bien depuis plus de 4 milliards d’années et des scientifiques mondiaux crédibles n’annoncent aucune menace associée à 2012. » Indépendamment du fait que l’ensemble semble avoir été écrit pour un enfant de 5 ans, il est intéressant  de voir comme, même la Nasa, emprunte le vocable du bien et du mal pour répondre à ces angoisses d’adultes. Toutefois, la bataille n’est pas perdue d’avance et il n’y a pas que du négatif dans ce palmarès. Blade Runner, qui commence à dater (pas dans la forme ni dans le propos, mais dans le temps), a été salué pour son « authenticité ». Plus récemment (et encore, le film remonte à 1997… que s’est-il passé depuis ?), Bienvenue à Gattaca est celui dont le propos est le plus scientifiquement crédible. Un film d’une subtile beauté rétro-futuriste et d’un discours extrêmement pertinent sur les discriminations d’hier qui ne font que revêtir un visage génétiquement modifié à un présent, indéfini. Un film d’ailleurs injustement passé inaperçu car sorti au moment de la déferlante Matrix, et qu’il serait de bon ton de revoir aujourd’hui, voire d’étudier de près, car il nous dit beaucoup de choses sur la société qui nous attend probablement…

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