Photo-graphies et un peu plus…

Diversion

Ils ont bien failli m’avoir ces trois là – la fille en rose et le couple au centre pour ceux qui hésitent – avec leurs couleurs flashy et leur allure de clown ! J’ai bien cru qu’ils étaient le sujet principal de cette image, sur laquelle quasiment tout le monde – mais c’est l’endroit qui convoque ce mimétisme généralisé et irréfléchi – fait pourtant la même chose, à savoir, se prendre en photo, regarder les photos qui viennent juste d’être prises ou trouver l’endroit idéal pour se prendre en photo, avant de se prendre en photo et de regarder les photos qui viennent juste d’être prises…

Non, le sujet de cette image est bien plus discret même s’il ne déroge pas à la règle locale du selfie, et il se trouve justement entre la fille en rose et le couple central vers lequel elle semble se diriger. Pile poil au milieu, en contrebas, dans le bassin ou presque, le bras relevé, dans cette position si symptomatique de ces dernières années, en train de s’immortaliser donc, sauf que, contrairement à tous ses congénères alentour sur plusieurs centaines de m2, il ne cherche pas à faire entrer la Tour Eiffel ou le Trocadéro (partiellement caché car en travaux) dans son champ. Non, il se suffit à lui-même. Et pour limiter les risques d’intrusion intempestive de ces deux joyaux parisiens dans le cadre, mieux vaut, en effet, se mettre complètement de travers !

Et sinon, pour information, la fille en rose s’est effectivement approchée des amoureux à qui elle a proposé de les prendre en photo, plus sobrement, devant la Tour Eiffel…

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En coup de vent !

C’est là que je l’ai rencontré pour la première fois. Et la dernière aussi… Ne cherchez pas, je ne vous parlerai pas de ce glacier – Ampère pour les intimes – dont on devine les crevasses et qui, contrairement aux déserts qui avancent, recule inéluctablement sous l’effet du dérèglement climatique – réchauffement pour certains. Enfin, il fond pour le dire clairement. Et à vitesse grand V.

Non, il s’agit d’autre chose, mais cela s’est passé juste en face, dans le contre-champ si vous préférez. Au pied d’une montagne. Tout a été très vite, en pleine nuit, sans que j’y sois réellement préparée. Pour être tout à fait honnête, je ne connaissais même pas son existence avant d’y être confrontée. Il nous a tous sortis de notre sommeil en sursaut. Palpitant à 142, subite poussée d’adrénaline, regard hagard. C’était comme si l’Arbec – ce refuge de tôle dans lequel nous vivions temporairement – s’était pris la claque de sa vie. Avec nous dedans. Imaginez-vous une micro-seconde à l’intérieur d’une joue recevant une belle gifle ! Quelle déflagration !

Tel un serpent géant, il avait ainsi dévalé la montagne toute proche à toute berzingue pour s’écraser brutalement sur notre fillod, malheureusement sur sa trajectoire. Le passage du mur du son au ras des pâquerettes en quelque sorte ! Tout avait tremblé, le métal dont il était constitué, les lits, les verres, tout. Et puis, tout s’était tu d’un coup. Comme si nous nous étions tous simultanément réveillés d’un mauvais rêve commun. Qu’était-ce ? Un vent catabatique, m’ont alors répondu les plus éclairés visiblement ravis de cette rencontre avec un mythe. Un mythe décoiffant forcément, dangereux également, avec lequel mieux vaut garder ses distances assurément…

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Un jour sans fin

J’aime cette heure de la journée où les hommes, tous âges et tous genres – au sens large – confondus, mettent fin à leurs occupations et, tels des zombies contemplatifs reprogrammés, convergent prestement vers des aires dégagées ; s’y dégotent un petit coin de paradis, celui-là même où ils pourront se poser, puis, les yeux rivés au ciel, perdre paradoxalement toute notion du temps alors même qu’ils l’observent passer au fur et à mesure que s’éclipse l’étoile aux quatorze branches, destinée, chaque jour, à disparaître derrière l’horizon pour en illuminer d’autres. Alors, ils se relèvent, presque en chœur, se dispersent, nonchalamment, dans la pénombre devenant nuit, et s’oublient, les uns les autres. Jusqu’au lendemain, même heure environ, à quelques minutes près, où le même rituel magnétique se reproduit sans qu’ils s’en lassent…

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Pour vivre heureux...

Avez-vous complété cette morale en votre for intérieur ? L’avez-vous confrontée à l’impudeur sans pareil dans laquelle peut nous plonger, parfois contre notre nature même, le monde moderne, tout dévolu qu’il est à la communication instantanée, à la diffusion compulsive de l’information, de cette information qui n’informe plus, à la démonstration, au faire-savoir plus qu’au savoir-faire ? Avez-vous remarqué ce chalet sur la colline, derrière ce bois, préservé des spasmes, bien entendu modérés comparés à ceux d’une mégalopole, du village en contre-bas ? Et savez-vous que cette petite phrase, « Pour vivre heureux, vivons caché » – que nous avons, avec les années, les usages et l’amnésie, totalement déconnectée de son contexte originel – est le dernier vers d’un apologue de Jean-Pierre Claris de Florian – Le grillon – rédigé au 18e siècle, bien longtemps après l’invention de l’imprimerie et bien longtemps avant celle du numérique ? Laissez-moi vous la livrer, car, comme on le dit aujourd’hui, malgré son grand âge, elle reste d’une actualité brûlante :

« Un pauvre petit grillon
Caché dans l’herbe fleurie
Regardait un papillon
Voltigeant dans la prairie.
L’insecte ailé brillait des plus vives couleurs ;
L’azur, la pourpre et l’or éclataient sur ses ailes ;
Jeune, beau, petit maître, il court de fleurs en fleurs,
Prenant et quittant les plus belles.
Ah! disait le grillon, que son sort et le mien
Sont différents ! Dame nature
Pour lui fit tout, et pour moi rien.
je n’ai point de talent, encor moins de figure.
Nul ne prend garde à moi, l’on m’ignore ici-bas :
Autant vaudrait n’exister pas.
Comme il parlait, dans la prairie
Arrive une troupe d’enfants :
Aussitôt les voilà courants
Après ce papillon dont ils ont tous envie.
Chapeaux, mouchoirs, bonnets, servent à l’attraper ;
L’insecte vainement cherche à leur échapper,
Il devient bientôt leur conquête.
L’un le saisit par l’aile, un autre par le corps ;
Un troisième survient, et le prend par la tête :
Il ne fallait pas tant d’efforts
Pour déchirer la pauvre bête.
Oh! oh! dit le grillon, je ne suis plus fâché ;
Il en coûte trop cher pour briller dans le monde.
Combien je vais aimer ma retraite profonde !
Pour vivre heureux, vivons caché. »

J’ajouterais simplement que, contrairement à ce que suggère cette fable, même le grillon a du talent. Un talent discrètement enchanteur

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Question de point de vueGénéralement, lorsque je décide de m’appuyer à une rambarde pour discuter nonchalamment avec des amis de la dernière carpe miroir pêchée, de la production de riz aux Philippines ou encore de la rencontre étonnamment bicolore des Rio Negro et Rio Solimões au Brésil, je veille à me poster face à la vue la plus ouverte sur le monde, pour que chacun puisse librement s’y ressourcer, s’y plonger et s’y évader entre chaque question. En aucun cas, un haut mur de briques rouges, quelle que soit mon attirance avérée pour ces parallélépipèdes rectangles ocres, ne fera l’affaire.

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Il y a quelques années, j’ai eu l’occasion de passer un peu de temps à Berkeley, en Californie. La ville est connue pour sa prestigieuse université, la deuxième plus ancienne du pays après Harvard, dont le campus à lui seul donne envie d’être étudiant à vie. Génies et autres esprits libres y convergent depuis des décennies – 65 prix Nobel dans ses rangs, des Pulitzer, des Oscars… -, avant de faire rayonner leurs idées dans le reste du monde. Haut lieu historique de la contre-culture américaine, pacifiste – les premières manifestations contre la guerre du Vietnam sont nées dans ses artères -, Berkeley a vu s’épanouir, dans les révolutionnaires années 60, le Free Speech Movement, prônant notamment la liberté d’expression politique des étudiants, et, dans la foulée, fleurir les hippies par milliers.

Auréolée de cette tradition libertaire et de cet esprit contestataire incarnés par la chair en mouvement, même un demi-siècle plus tard, on imagine donc la ville grouillante, palpitante, active sur tous les fronts, revendicative, engagée. J’avoue avoir donc été assez surprise, en errant plusieurs jours d’affilée dans les rues adjacentes du campus, certes assez cossues, de ne croiser quasiment personne. Physiquement j’entends. Point de regroupement ni de manifestations non plus. En revanche, assez rapidement, j’ai rencontré des pancartes plantées dans des jardins, des affiches glissées derrière des stores, des calendriers politiquement étiquetés placardés aux vitres, des dessins fixés aux fenêtres, des banderoles accrochées aux perrons et façades des maisons. Autant d’appels à la paix, au dépôt des armes, au vote Obama (avant sa première élection : Berkeley est la ville la plus démocrate au monde…), à la tolérance… Absents des rues, les habitants de Berkeley annoncent la couleur malgré tout. Défiler dans ses paisibles avenues devient un festival de revendications silencieuses en tous genres.

Le contraste avec la façon dont chacun exprime ses idées et ses convictions en France me saute alors aux yeux, et illustre la différence de conception entre ce qui relève des sphères publique et privée de part et d’autre de l’océan, voire d’un monde à l’autre. Car avez-vous souvent vu ce type d’expressions aux fenêtres de vos voisins ? Connaissez-vous leurs idées politiques, leurs combats, leurs engagements ? Là où, là-bas, et sans vouloir faire de généralités, on semble s’exprimer individuellement, solitairement, sans se montrer, ici, nous nous montrons collectivement, solidairement pour nous exprimer avant de tout ranger et de regagner nos antres, d’où, a priori, rien ne s’échappe…

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La croisée des chemins

Parfois, il nous faut choisir entre deux routes qui, de l’extérieur et de prime abord, nous paraissent strictement identiques. Mais une fois la décision prise, sur la base de critères pas toujours objectifs, une fois embarqué sur l’une ou l’autre de ces voies sans retour possible, nous réalisons finalement qu’elles s’éloignent assez rapidement l’une de l’autre sans savoir pour autant où nous aurait conduit celle que nous avons ignorée…

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Pète-au-casque

Certains prétendent que l’on ne rentre jamais vraiment indemne d’un hivernage d’un an, loin de tout, sur une petite île perdue au milieu de l’océan, à croiser les mêmes personnes chaque jour ou presque, par ailleurs bien moins nombreuses que les populations de manchots, d’éléphants de mer et d’otaries, les vrais locataires terrestres du caillou. Sans doute n’ont-ils pas entièrement tort…

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Croiser une personne nous annonçant qu’elle en connaît une autre – de près, de loin – ayant exactement les mêmes nom et prénom que nous, ou que, pas plus tard qu’hier, elle en a  vu une nous ressemblant comme deux gouttes d’eau – expression propre aux pays non touchés par la désertification -, ou apprendre que nous avons au moins un homonyme dans notre propre ville et que nous partageons le même ophtalmologiste, ou pire encore, se retrouver face à lui – l’homonyme – provoque, assurément, une secousse tellurique très intime inversement proportionnelle à la fréquence de ce qui sert communément à nous nommer, et donc à nous désigner, depuis notre naissance. Sans doute, les Marie Martin, cumulant à la fois les prénom et nom les plus répandus en France depuis les années 60, réagissent-elles plus sobrement en effet qu’une hypothétique Noélyne Pourbaix-Lerebourg…

Tout d’un coup, nous réalisons, si la vie ne s’en est pas chargée plus tôt, que nous ne sommes pas uniques, que des gens, de parfaits inconnus aux mœurs peut-être, que dis-je ?, certainement, radicalement différentes des nôtres, répondent aux mêmes injonctions que nous, en dépit du sens commun et de ce qui s’échange sur la portée des prénoms choisis ; que des sosies se baladent librement sur Terre sans que nous ayons vraiment conscience de leur existence et de leur nombre, ni planifié de les rencontrer un jour… Pour autant, et nous le comprenons assez vite heureusement, ces doubles, fantasmés ou pas, n’en sont pas vraiment. Notre unicité est sauve ! Un peu comme avec les premières dix images de cette série à double fond, pur exercice de mathématique combinatoire à la difficulté croissant avec la pratique photographique, images souffrant de ce que nous pourrions appeler « photonymie », dont les formes les plus avancées conduisent inexorablement à des rencontres fusionnelles aussi étonnantes que foisonnantes entre des lieux, des moments, des personnes qui ne se sont évidemment jamais réellement croisés ailleurs que dans mon passé.

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Acte manqué

Il y a quelques années, je me suis demandé si une photo intentionnellement ratée était une photo réussie. Celle-ci, celles qui ont précédé et celles qui ont suivi m’invitent à retourner la question et à me demander si une photo involontairement ratée peut être une photo réussie.

J’étais en effet tellement subjuguée par ces ombres chinoises – quand bien même la scène se déroule au Japon – dévalant la colline sur sa ligne de crête et sur fond de tumulte nuageux que je me suis exclusivement focalisée sur le cadrage, à en oublier d’adapter les réglages de ma boîte à images à ces conditions de lumière un peu particulières. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi, ça veut dire beaucoup : alors que j’avais l’impression d’avoir capté un moment magique dans ces courses légèrement régressives et portées par une insouciance presque incompatible avec les menaces du ciel, j’ai eu la sensation, en découvrant mon forfait, d’avoir raté mon tour. Fort heureusement, le temps est passé par là, amenant avec lui une certaine indulgence. Car c’est évidemment moins la technique qui reste que ce souvenir palpable d’un défilé de gens heureux.

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