Photo-graphies et un peu plus…

Au départ, c’est le bruit qui attire. Celui de cris, répétés, aigus, empressés. Celui de la sortie de bain précipitée des mouettes du secteur, de leurs paires d’ailes battant frénétiquement l’air au risque de s’entrechoquer. De leurs déplacements coordonnés mais bizarrement anarchiques vers un point convergeant rapidement identifié : un buffet garni, gratuit, mais quantitativement limité, vient d’ouvrir. En l’état : des maquereaux frais. Le luxe, quotidien, à portée de bec ! Mais pas pour tous les piafs, même si tous tentent de s’en approcher… En lieu et place du civisme, de la générosité et du sens du partage que ces ailés faussement affamés et pas assez prompts espèrent, les plus viles stratégies se mettent rapidement en place pour récupérer un morceau de poisson ingurgité, régurgité, déchiqueté, partagé, explosé, disséminé. Coups d’ailes, coups de becs, prises d’assaut, squattage intempestif, oubliées les bonnes manières, les salamalecs et la solidarité aviaire, quand le maquereau arrive, c’est chacun pour soi ! Ce soir, j’étais à un vernissage, avec discours et petits fours. J’ai bien l’impression qu’il y avait des mouettes aussi…

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J’étais dans le bus lorsque j’ai vu un monsieur exhiber un tel combiné pour la première fois… Il était sur le trottoir, à discuter normalement, avec sa verrue rouge greffée à l’oreille. Persuadée d’être victime d’une illusion d’optique, je n’ai pas pu m’empêcher de me retourner vivement, évitant de justesse une luxation du cou qui m’aurait bêtement paralysée pendant plusieurs jours, et de lâcher un « N’importe quoi ! » totalement désabusé… Quand certains dépensent des millions de dollars en R&D pour réduire au maximum la taille et le poids des smartphones (il faut vraiment être intelligent pour inventer un truc pareil !) tout en les dotant de fonctionnalités plus nombreuses (mais pas forcément plus utiles), d’autres ressuscitent « le confort d’antan du téléphone à l’ancienne avec son fil qui s’entortille ».

Bravo ! Vraiment ! Car réussir à faire de 2 mètres de fil qui s’entortille, d’un objet difforme de 200 g (deux fois plus lourd que le téléphone lui-même) ne tenant pas dans une poche humaine, de véritables arguments de vente relève du miracle à l’heure où le minimalisme nous fait porter des strings ! Evidemment, le fait que ce soit les mêmes personnes qui pré-commandent le dernier bidule de la marque à la pomme (je vais éviter le brand dropping comme je l’ai naïvement fait dans Des chaussures d’enfer ! car depuis, je suis inondée de commentaires spamiques me vantant les mérites d’une marque de luxe par ailleurs non citée), qui courent après les toutes dernières technologies, et, en même temps, fondent pour le rétro qu’ils étaient pourtant bien heureux de mettre au pilori ne doit pas être interprété comme un comportement paradoxal et ridicule. J’avoue avoir un peu de mal…

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Personnellement, je fais partie de la deuxième catégorie… De celle qui n’écoute plus les consignes de sécurité dans les avions dispensées juste avant le décollage par des hôtesses et stewards en pilotage automatique et toujours à deux doigts d’inventer la future danse de l’été : Lambada, Macarena, Soca Dance n’ont qu’à bien se tenir, l’Aeronava débarque ! Retirez leur des mains les objets qu’ils tiennent – ceinture, gilet, masque – et gardez les gestes, vous admettrez aisément qu’il y a là un vrai potentiel festif. Et en même temps éducatif !

Imaginez la scène : vous avez pris place à bord d’un Eyeliner, le départ est imminent, mais au lieu de vous demander de vous asseoir, les maîtres des lieux vous somment de rester debout pour intégrer les consignes de sécurité. Une musique entraînante et forte se met en route, savant mélange de notes conçu pour s’imprimer durablement dans votre cerveau et hop, la zumba céleste commence. Chacun doit imiter l’hôtesse la plus proche et reproduire ses gestes trois fois de suite : on prend la ceinture, on la lève au dessus de sa tête, on se retourne, on la présente à ceux qui sont derrière, puis on la met autour de la taille clac avant de tirer oh hisse oh hisse en faisant des mouvements exagérés. Une fois arnaché, on lève le bras droit trois fois de suite, avec l’index tendu une première fois au dessus de sa propre tête, une deuxième fois au dessus de celle de son voisin, et une troisième fois à nouveau au dessus de soi. Tout cela avec le sourire bien sûr ! Là, on simule l’arrivée d’un masque à oxygène que l’on se place à plusieurs reprises sur le visage en inspirant et expirant bruyamment vers la gauche puis vers la droite… Enfin, tout le monde se plie en deux en tendant les bras sous les sièges pour aller, virtuellement, récupérer son gilet de sauvetage. Large mouvement vers le haut avec le gilet déployé, prêt à être placé autour du cou… Les bras repliés, chacun tire de façon répétitive sur des fils invisibles pour le gonfler tout en faisant des flexions avec les jambes, schii, schii, schii, schii – réminiscence de cours d’accouchement pour certaines. Encore 5 secondes et c’est fini, on lâche tout, pffffffttttttt… Les gilets se vident de leur air artificiel et filent maladroitement dans la cabine, tels des ballons de baudruche abandonnés. Un grand cri collectif conclut la séquence et chacun s’assoit calmement sur son siège, impatient de décoller, même les plus stressés par l’avion !

Evidemment, cela ne se passe pas comme ça et cela ne se passera jamais comme ça sauf si David Guetta prend les commandes ! Dans la réalité, il y a les blasés qui n’écoutent plus les consignes car ils les connaissent par cœur, mais il y a peut-être aussi des phobiques de l’avion qui adoptent ce comportement détaché car, y être attentif signifierait qu’ils envisagent qu’il puisse y avoir un problème au cours du vol, hypothèse qui les pousserait immédiatement hors de l’avion. Y a-t-il vraiment quelqu’un qui les écoute, ces consignes ? Pour une raison qui m’échappe – mais, pas du tout ! je prévoyais d’écrire un duo sur ce sujet -, je les ai enregistrées lors d’un trajet Vancouver – Honolulu. Je ne me doutais cependant pas que ce moment de sérieux allait se transformer en franche rigolade… Une vraie hôtesse a donné sa récitation en anglais avant d’actionner un message pré-enregistré pour la version française :

« Pour attacher votre ceinture de sécurité, insérer la languette de métal dans la boucle. Tirez sur la courroie pour l’ajuster sur vos hanches. »

Ah oui, j’ai oublié de préciser que c’était une version québécoise.

« Pour détacher votre ceinture, il suffit de tirer la boucle. Votre ceinture de sécurité doit être attachée en tout temps lorsque le voyant lumineux est allumé »

Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il fasse beau donc.

« Il y a un total de 8 sorties d’urgence dans cet appareil. Il y a 4 hublots de sortie situés au milieu de la cabine (…) »

Faut pas être trop gros donc…

« (…), au dessus des ailes, deux portes de sortie à l’avant et deux portes à l’arrière de la cabine. Ces sorties d’urgence sont clairement indiquées. Prenez le temps de repérer la sortie la plus proche de votre place ainsi que l’emplacement des autres sorties de secours. Cet appareil est équipé d’un éclairage au sol qui s’allumera en cas d’urgence ou de panne d’alimentation. »

Ce n’est pas comme s’il y avait des perpendiculaires dans les avions…

« Un trajet lumineux vous conduira à la sortie d’urgence. La pression dans la cabine est réglée pour assurer votre confort. »

ça, c’est gentil ! On sent la menace potentielle si nous ne sommes pas sages…

« En cas de changement de pression, le panneau situé au dessus de votre tête s’ouvrira automatiquement et déclenchera quatre masques à oxygène. »

Je ne sais pas si c’est pour la marge d’erreur…

« Placez le masque fermement sur votre nez et votre bouche tout en plaçant la bande élastique derrière votre tête. Pour serrer tirez simplement sur les deux extrémités de la bande élastique. »

La bande élastique, c’est mignon…

« Respirez normalement et gardez votre masque jusqu’à ce qu’un agent de bord vous demande de l’enlever. Il est possible que les sacs plastiques ne se gonflent pas même si l’oxygène circule. »

Donc, pas de panique…

« Nous rappelons aux invités et voyageurs avec des enfants ou des personnes ayant besoin d’aide qu’ils doivent placer leur masque en premier avant d’aider les autres. »

Je ne savais pas qu’il y avait des invités dans les avions. De qui ? A quel titre ?

« Nous allons démontrer comment utiliser votre gilet de sauvetage puisque le vol d’aujourd’hui pourrait survoler des étendues d’eau. »

C’est-à-dire qu’en partant de Vancouver, situé sur la côte donc, pour aller à Honolulu, en plein milieu du Pacifique, cela me rassurerait effectivement que nous survolions quelques étendues d’eau…

« Votre gilet de sauvetage est situé dans le panneau au dessus de vous. Veuillez prendre un instant pour le repérer. Si vous deviez en avoir besoin (…) »

Belle formulation pour vous dire que vous seriez en mauvaise posture !

 » (…), appuyez sur le panneau où se trouve le message « appuyez ici gilet de sauvetage à l’intérieur » pour ouvrir le compartiment du gilet de sauvetage. »

C’est on ne peut plus clair.

« Retirez le gilet de son compartiment. Placez un doigt de chaque main dans les trous de la pochette et tirez en direction des flèches. »

Là, je m’y perds un peu. Un doigt de chaque main ? Lequel ? Ils auraient pu être plus précis !

« Retirez le gilet de sauvetage de la pochette. »

J’aurais pensé que cette étape surviendrait avant. Peut-être un problème de compréhension à la retranscription.

« Enfilez-le par dessus la tête, passez la lanière autour de la taille, et attachez là sur le devant. Assurez vous que la lanière est bien serrée à votre taille en tirant sur l’extrémité. Une fois sorti de l’appareil, gonflez le gilet de sauvetage en tirant sur la languette rouge. Si le gilet ne se gonfle pas, soufflez dans le tube rouge. »

Si le gilet ne se gonfle pas, si le gilet ne se gonfle pas, mais pourquoi ne se gonflerait-il pas ? Ils ne font pas de vérification avant de le placer dans le compartiment prévu à cet effet ? Et si c’est comme les nouveaux packagings avec ouverture facile, ce n’est pas gagné malgré le code couleur !

« Veuillez redresser le dossier de votre siège et votre tablette et respectez les consignes des panneaux situés au dessus de vous. Si vous avez des questions et si nous pouvons vous aider de quelque que manière que ce soit, n’hésitez pas à nous appeler. Merci de votre attention. Nous vous souhaitons un bon vol. »

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Cela faisait six mois que j’attendais cet instant, que j’attendais ce 6 septembre 2012, car c’est ce jour-là que devait sortir Ville des anges de Christa Wolf, publié au Seuil. Non que je sois fan de cet écrivain allemand – que je ne connaissais pas il y a sept mois -, ou que je lise systématiquement tous les ouvrages portant sur Los Angeles – mon intérêt n’a pas réellement dépassé la curiosité que suscite une cité aussi mythique -, ou encore que je sois actionnaire de la prestigieuse maison d’édition… C’est en fait beaucoup plus trivial puisque c’est une de mes photos qui a été utilisée pour la couverture de ce livre. La chance de la première fois, que je n’ai pas pu m’empêcher d’immortaliser il y a quelques heures, histoire de faire savoir un peu…

Papillonner, c’est le petit nom que j’avais donné à cette photo lorsque je l’ai postée sur ce site le 26 août 2011. Pour le papillon d’abord, éphémère animal magique et poétique, qui venait de prendre son envol après quelques secondes de repos sur une branche déshydratée sur fond d’Océan pacifique et de ces hauts palmiers si emblématiques de ce littoral photogénique de la côte ouest américaine. Pour la symbolique ensuite : je rentrais tout juste d’une année de vadrouille nord-américaine qui s’était conclue par deux mois à dormir chaque soir dans de nouveaux draps, avec un nouveau paysage de l’autre côté de la fenêtre de la chambre du motel, de l’ouverture de la tente, du hublot ou de la vitre du train… Papillonner, découvrir, goûter, frôler, survoler, c’est ce que j’avais fait avec le plus grand sérieux pendant cette parenthèse hexagonale aussi indispensable que temporaire. J’ai adoré papillonner, ressentir cette légèreté du corps et de l’esprit en prise avec l’ailleurs, penser que seules mes envies d’alors guidaient des choix se résumant souvent à : la route de gauche ou celle de droite ? J’adore toujours papillonner, même ici, pour l’illusion qu’ainsi conditionnée, voire formatée, je suis capable d’ajouter quelques notes imprévues à ce quotidien de papier à musique qui nous agrippe avec une ferveur maline… Contrairement à ce que l’on nous apprend, le papillon a la vie longue… Longue vie aux papillons !

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Extrait d’”Etats d’âme sur le macadam”, ensemble de textes griffonnés à l’aube du 21e siècle sur mes inséparables petits carnets…

*

A ma gauche, une jeune femme lit : « Le point de Mir ». Avant la catastrophe prédite. Hystérie… Ce matin, à la radio, on parlait de la rentrée d’argent dont allaient bénéficier les villes situées dans la bande d’obscurité. Camping improvisé, menu « éclipse » avec dessert aux chocolats blanc et noir. Il y a même une revue en vente depuis jeudi. Et un CD ! Que va-t-il se passer ce fameux jour ? De la pluie, tout simplement. Car, c’est effectivement ce qui nous tombe du ciel depuis quelques heures. La nature ferait ainsi un véritable pied de nez à tous ces assoiffés de spectacle. Ce qui se comprend aisément. L’événement reste exceptionnel. Mais tout ce cinéma autour… 16 pages aujourd’hui dans Le Monde ! Toutes ces couvertures… Apparition de l’éclipse. Et pour quoi ? Un ciel lunatique. J’aurais fait pareil si j’avais été lui.

Toutes les revues où des lunettes étaient offertes ont connu la razzia. Les appels ne se comptent plus. « Les lunettes sont-elles bien conformes ? » Patience admirable au standard face à cette folie passagère. N’y a-t-il rien d’autre dans l’actualité pour remplir ces pages de quotidiens, hebdos ou mensuels ? J’attends mercredi avec une certaine impatience. Mercredi soir bien entendu, pour les réactions, les images, la météo… Evénement médiatique sans précédent. Aujourd’hui, celui qui ne connaît pas les principes de l’éclipse fait preuve de mauvaise volonté. Et si c’est un échec total ? Trouveront-ils des excuses ? Le « ils » ? Les média, bien sûr. Hier, à Nature et Découvertes, trois mamies se sont présentées à la caisse : « Ça, c’est des lunettes ? » demande l’une d’entre elles à la caissière en lui montrant des diapos. Et non… On entend qu’en Belgique, il est demandé aux possesseurs de lunettes de les restituer, en vue d’un envoi massif vers l’Afrique, prochaine scène pour une éclipse totale. Partout, même ici, dans ce carnet. Mais comment passer à côté ? Tout le monde n’a que ce mot à l’éclipse. Je m’y perds ! Et c’est : « Toi, tu seras où mercredi, pour l’éclipse ? » « Eh, je reste là, de toute manière il va pleuvoir », « je ne vais pas faire comme tous ces clampins », « je vais à Compiègne, Senlis, mais ce sera serré car je n’ai pris que la demi-journée ! ». Et oui… Tragique scénario … je crois qu’on ne pense plus à celui de Paco. Claudie André-Deshays était sur les ondes ce matin, et assurait qu’il était « balistiquement » impossible que la station Mir s’écrase à Paris ce mercredi. Il est vrai que cette perspective n’aurait pas été réjouissante pour elle, son mari  – Jean-Pierre Haigneré – se trouvant dans la fameuse station orbitale. Dans ce cas précis, c’est la balistique qui tranche. Un gourou, en Pologne, répand aussi sa thèse cataclysmique et a d’ores et déjà donné rendez-vous à ses disciples sur les berges du Danube. Quoiqu’il en soit, cette euphorie mêlée de panique laisse présager de quelques surprises pour le passage à l’an 2000, qui lui, concernera la planète entière. Et c’est sans compter sur le fameux Bug, punaise mondialement connue. J’ose à peine imaginer l’hystérie qui va précéder cette date. Tous les média sont mobilisés pour l’éclipse. Comment faire plus pour le « Y2K » ? Il paraît que le passage à l’an 1000 n’a pas suscité d’éclat, et ce pour une raison simple : on se repérait plus souvent par rapport à l’année de règne du roi au pouvoir. C’est comme si nous disions : « c’est la 4ème année du règne de Chirac. » Ce qui ne nous fournit pas trop d’informations sur la fin du siècle. Et puis, pourquoi cette année serait-elle différente des autres ? Il suffit  de changer de référence et l’an 2000 est déjà passé !

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