Photo-graphies et un peu plus…

_DSC7124-72

 Au beau milieu de la nuit, hier, j’ai subitement été réveillée par des secousses. J’ai cru vivre le deuxième séisme de ma vie après un nano-baptême l’an dernier à Taiwan*. J’étais à mon bureau et tout d’un coup, j’ai senti un étrange et bref mouvement latéral. Rien du tout en fait à l’échelle des séismes, ce qui n’ôte rien à ma perception, inédite, d’avoir senti bouger la Terre sous mes pieds. Mais en réalité, la nuit dernière, ça n’était pas un séisme. Mais mes voisins du dessous. Voyez-vous, mes voisins du dessous s’aiment beaucoup, à toutes les heures du jour et de la nuit. Ils s’aiment longtemps aussi. Monsieur est un athlète. Je pense même qu’il pourrait s’inscrire à un prochain Ironman ! Et ils s’aiment bruyamment surtout. Madame est chanteuse lyrique. Ou aspirante. Tant d’amour est évidemment une excellente nouvelle alors que partout sur ce globe, les gens s’entretuent pour un rien. Mais fallait-il vraiment que cette débauche d’émotions s’exhibe sous mon lit ? A des heures où je préférerais dormir et consolider mes souvenirs du jour pour qu’ils durent toujours ? Non, je ne le crois pas. Ces deux-là n’ont-ils pas lu tous ces articles sérieux et angoissés annonçant, statistiques à l’appui et la mort dans l’âme (genre, ces jeunes ne savent plus vivre), que les jeunes générations se désintéressent de plus en plus du sexe, allant jusqu’à préférer se passer de lui plutôt que de leurs smartphones ? Pourquoi fallait-il que mes voisins du dessous soient justement ceux qui fassent mentir les chiffres ?

Au début, c’était amusant – « oh dis donc, ils sont en forme ! », « ce ne serait pas des adeptes du sexe post dispute ? » -, on en parlait avec humour – « il faudrait peut-être qu’ils changent de sommier ? » ou « qu’ils décollent le lit du mur ? » ou « qu’ils mettent des patins sous les pieds du lit ? », on notait les exploits – « hum, 6 aujourd’hui non ? », « ça doit être un 9 ça ? », on dissertait architecture – « c’est quand même très mal insonorisé ces vieux immeubles ! » -, on évoquait même le dilemme en public restreint, confidence qui se soldait systématiquement par la même réponse : « ça doit donner des idées ! ». Alors, oui, en effet, ça donne des idées. Mais pas forcément celles auxquelles les autres pensent… A cette fréquence là – ce qui pousse nécessairement à s’interroger sur sa propre sexualité, passée, présente et future -, les idées ne sont malheureusement pas très bienveillantes. La plus simple, taper un bon coup sur le parquet, histoire de rappeler qu’il est 3h du matin, que ça fait déjà 4 fois cette semaine alors que nous ne sommes que mardi (je fais débuter la semaine à lundi). Sonner à leur porte et disparaître ? Leur suggérer d’acheter une maison où ils seraient libres de faire tout ce qu’ils veulent sans risque de perturber leurs voisins. Celle où a été tourné Basic Instinct est justement à vendre. Une belle opportunité à saisir ! Cette nuit, passablement énervée, j’ai même imaginé scotcher un mot sur la porte à l’attention du triathlète de la part d’une amante imaginaire qui le réclamerait à corps et à cri parce qu’elle avait eu l’orgasme du siècle. 4 fois. Genre Marie qui s’envoie des fleurs dans Quand Harry rencontre Sally pour rendre son amant marié jaloux. Zizanie assurée à l’étage, des cris, des pleurs, des affaires jetées par la fenêtre, dans l’escalier, des « puisque c’est comme ça, je pars ! »… Sauf que ce plan est stupide : primo, les jeunes ne collent pas de messages écrits à la main sur les portes, ils s’écrivent en MP ; deuzio, ils seraient capables de retourner ça en se réconciliant sur l’oreiller ; tertio, je n’en serais pas capable ! Reste donc une ultime solution puisqu’il est impensable que cela dure éternellement : aller les voir, leur demander un peu de respect pour leurs aînés et leur offrir de nouveaux smartphones ET un abonnement à Netflix !

* En écrivant ces lignes, j’apprends que la côte est de Taïwan a été secouée par un séisme de magnitude 6,4 et qu’un hôtel s’est effondré… Deux étrangetés se télescopent : celle d’avoir pensé, dès ce matin, à commencer ce texte par « mon » séisme et apprendre que l’île en a vécu un le jour même ; celle de connaître précisément l’endroit qu’il a frappé voire des personnes qui y vivent…

Share on Facebook

Erreur de débutant

Lorsque, à l’issue de ma 7e demande, faisant elle-même suite à 3 années pleines de cours d’histoire, de géographie et de langues anciennes, j’ai enfin eu droit à ma première formation pratique au voyage dans le temps, il y a bien longtemps maintenant, nos mentors – choisis sur des critères très stricts : ils avaient notamment tous réussi à voyager jusqu’au XXIIIe millénaire avant notre ère ; ce n’est certes pas le début de la civilisation humaine, mais tout de même, l’atteindre requiert une maîtrise des aléas spatio-temporels plus qu’exceptionnelle – nous répétaient au moins une fois par heure que le plus important, quand nous nous trouvions dans un siècle qui n’était celui de notre naissance, était de réussir à nous fondre dans la masse. A ne pas nous faire remarquer, à devenir invisible aux yeux des autres en quelque sorte, ce qui permettait d’éviter le pire qu’ont malheureusement connu de nombreux voyageurs étourdis à savoir, se faire enfermer, voire éliminer selon les lieux et les temps, pour folie avérée, et donc rater l’unique voyage retour vers le présent.

C’est en partie pour cette raison qu’avant tout déplacement, tout ce que nous emportions avec nous – essentiellement une tenue conforme à celle de l’époque où nous nous rendions et quelques deniers – était doublement vérifié par des experts en littérature et d’autres en histoire du vêtement. Au-delà des fautes de goût contre lesquelles les examinateurs ne pouvaient rien, l’anachronisme était l’erreur qu’il fallait absolument bannir. Car elle trahissait immédiatement celle ou celui qui la véhiculait… Autant dire qu’avec son téléphone portable exhibé en pleine rue, ce touriste du dimanche s’apprêtait à vivre des moments difficiles…

Share on Facebook

Vu d'en bas...

… c’est très haut… mais c’est tentant… oui mais c’est très haut quand même… d’accord mais c’est vraiment tentant… mais ça a l’air vraiment très très haut… oui mais ça a aussi l’air vraiment très très tentant… Ok, tentons alors !

Oh la la, vu d’en haut, c’est très bas quand même…

Share on Facebook

Virée de motifs

Se retourner avec promptitude pour capturer les tâches informes de ce chien bicolore hors gabarit, et se rendre compte, avec une joie toute contenue car la configuration va brutalement disparaître et requiert donc une concentration sans faille, qu’il est cerné de fleurs blanches, de pois rouges et de rayures blanches, tous sur fond noir…

Share on Facebook

Hep, vous, là !

Share on Facebook

L'espionne qui venait du haut

Se trouve, assez logiquement, à la lettre M de mon dictionnaire encore embryonnaire de néophotologismes. La mascaron-surveillance n’est ni plus ni moins que l’ancêtre de la vidéo-surveillance. Il reste encore quelques-unes de ces figures ornementales fidèlement accrochées aux façades d’immeubles relativement nobles. Elles avaient pour fonction principale d’éloigner les mauvais esprits et la particularité de vous suivre du regard partout où vous alliez. Leurs globes oculaires étaient ensuite directement reliés à une carrière de roches métamorphiques où des stagiaires sous-payés étaient chargés, en temps réel, de graver vos faits et gestes de passage sur une ardoise, avant de les transmettre à l’équipe des mascaronthéquaires. A eux de les ranger méticuleusement, par date, lieu et action, sur d’interminables et solides étagères d’une pièce aussi grande qu’un hall de gare. La réglementation imposait de les conserver en l’état pendant 72h et, si elles n’étaient pas réclamées, pour vérification, par la police ou bien par vous-même, de les transformer en tuiles à l’issue de ce laps de temps. La lourdeur du dispositif n’a évidemment pas survécu à l’arrivée des écrans et des caméras miniaturisées et, progressivement, elles ont toutes été désactivées. Mais les masques ne sont pas tombés pour autant, et force est de constater que se retrouver, encore aujourd’hui, dans leur champ visuel ne laisse jamais de marbre !

Share on Facebook

L'extension de soi

C’est l’histoire d’un interstice entre deux blocs de granite immuables et muets comme une tombe qui, après des années de bons et loyaux services à maintenir le vide et à respecter le silence entre ces deux-là, a subitement décidé de tirer un trait sur cette longue collaboration manifestement sans perspective pour assurer une mission bien plus valorisante à ses yeux : amener la lumière au cœur des ténèbres !

Share on Facebook

La balanciel

Je poursuis mon inventaire très personnel des néophotologismes avec cette splendide « balanciel », autrement dit, une balançoire ayant l’étrange particularité d’être accrochée au ciel. J’en conviens, si nous nous laissons aller à être un peu trop terre à terre en nous référant uniquement à nos connaissances actuelles sur le ciel, et en particulier, sur sa composition – une bonne dose de diazote, une quantité raisonnable de dioxygène, une pincée d’argon et un soupçon de dioxyde de carbone, en résumé, de l’air, donc, un gaz, donc une substance occupant tout l’espace disponible et surtout non préhensible, a fortiori auquel on peut difficilement accrocher quoi que ce soit -, l’existence de la balanciel est difficile à concevoir. D’où l’intérêt et la force de la preuve par l’image !

Quant à se hisser jusqu’à elle, deux solutions. La première, des plus logiques : le ciel déroule ses bras de corde jusqu’au sol et, comme avec la balançoire, qui se pratique également en journée, il vous suffit de vous poser sur la planche avant que le ciel ne vous remonte à sa hauteur, et convoque un léger zéphyr pour vous balancer sans que vous n’attrapiez froid ou ayez mal au coeur. Seconde option, bien plus amusante mais aussi relativement risquée : sauter sur un trampoline jusqu’à atteindre ladite planche déjà haut perchée, s’y harponner tant bien que mal, et, par chance, se la couler douce dans les airs…

Share on Facebook

La petite fille en rose

… est entrée dans le cadre, et tout d’un coup, l’image a pris forme voire même un sens qui dépasse a priori allègrement ma pensée. Comme si l’homme, symbolisé ici par cette ombre travestie façon cubiste par les marches de l’escalier, était une menace pour l’enfant, avançant avec une insouciance certaine et légitime entre de hautes colonnes de pierre immaculée lui indiquant le chemin à suivre pour en sortir, ou peut-être même s’en sortir. Je ne le crois pas. Et pourtant, c’est bien moi qui me suis postée à côté de cette sculpture d’Adonis aux contours pourtant parfaits, et c’est également moi qui ai attendu une entrée fracassante dans le champ pour déclencher. En quelques minutes, séduite par le graphisme prometteur de la scène ainsi que la confrontation 2D/3D, j’en ai en effet oublié que l’ombre était, dans la culture occidentale, avant tout porteuse des angoisses humaines et reflet de l’inconnu. Mon inconscient aurait-il à nouveau pris possession de ma boîte à images ?

Share on Facebook

(…) -ved and be loved ? Don’t let them fool you Or even try to school you, oh no! We’ve got a mind of our own So go to hell if what you’re thinking is not right Love would never leave us alone

Je marche le long de l’eau quand mon attention est attirée par une douce mélodie, comme une lame de fond… D’où vient cette musique ? J’entends les paroles si distinctement que je cherche naturellement quelqu’un autour de moi, avec un casque ouvert voire le poste de radio au pied, même si ce n’est pas dans les habitudes vancouveroises… In the darkness there must come out the light Could you be loved and be loved? Could you be loved, oh no, and be loved?

Bob Marley ! Je tourne sur moi-même, je n’ai toujours pas identifié la source, peut-être dans une de ces barques là… Et cette musique qui me nargue The road of life is rocky And you may stumble too So while you point your fingers Someone else is judging you Could you be, could you be, could you be loved?

Jusqu’à ce que je ne lève les yeux et projette mon regard – et mon oreille – un peu plus à l’horizon… Vers le bateau de croisière. C’est bien lui qui diffuse cet hymne du reggae, emporté par le vent à des centaines de mètres de son port d’attache. La saison a repris et les paquebots pas que beaux se succèdent dans l’ex-ville la plus agréable au monde (désormais 3e derrière Melbourne et Vienne). Cela n’a rien d’étonnant : la côte, qui mène au littoral sauvage et acéré de l’Alaska, est magnifique et il faut bien que les riches seniors nord-américains fassent quelque chose des dollars qu’ils ont réussi à sauver de la crise des subprimes…

En revanche, ce qui est beaucoup plus impressionnant est la taille du navire. Il faut toujours un élément de comparaison pour se rendre compte des dimensions réelles des choses… Dans ce cas précis, il suffit, avoir avoir admiré le Diamond Princess, de laisser filer son regard sur la gauche, sur la ville et ses premiers buildings. Ils paraissent ridiculement petits par rapport à ce monstre des mers. Et pourtant, la tour la plus élevée fait plus de 30 étages. On pourrait en mettre deux dans les 300 mètres de la princesse de diamant qui déglutit jusqu’à 2 674 passagers (et 1 238 membres d’équipage) en plein centre ville à chaque fois qu’elle accoste ! Enfin, en plein centre ville, c’est une vue de l’esprit, car, même s’ils ont un certain temps devant eux, les marins épisodiques ne s’éloignent guère du port… Ceci dit, les choses sont bien faites, puisque, se trouvent concentrées, dans une rue assez proche, les boutiques de camelotes où trouver l’ours ou le caribou en peluche griffé du drapeau canadien qui fera plaisir à leur petit-fils, les bonbons au sirop d’érable qui combleront leurs dentistes ou (il en faut toujours trois) la tenue des hockeyeurs locaux, j’ai nommé les Canucks (prononcer Caneuks)… Don’t let them change you Or even rearrange you, oh no! We’ve got a life to live They say only, only Only the fittest of the fittest shall survive Stay alive eh! Could you be loved and be loved? Could you be loved, oh no, and be loved?

Share on Facebook