Photo-graphies et un peu plus…

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 Au beau milieu de la nuit, hier, j’ai subitement été réveillée par des secousses. J’ai cru vivre le deuxième séisme de ma vie après un nano-baptême l’an dernier à Taiwan*. J’étais à mon bureau et tout d’un coup, j’ai senti un étrange et bref mouvement latéral. Rien du tout en fait à l’échelle des séismes, ce qui n’ôte rien à ma perception, inédite, d’avoir senti bouger la Terre sous mes pieds. Mais en réalité, la nuit dernière, ça n’était pas un séisme. Mais mes voisins du dessous. Voyez-vous, mes voisins du dessous s’aiment beaucoup, à toutes les heures du jour et de la nuit. Ils s’aiment longtemps aussi. Monsieur est un athlète. Je pense même qu’il pourrait s’inscrire à un prochain Ironman ! Et ils s’aiment bruyamment surtout. Madame est chanteuse lyrique. Ou aspirante. Tant d’amour est évidemment une excellente nouvelle alors que partout sur ce globe, les gens s’entretuent pour un rien. Mais fallait-il vraiment que cette débauche d’émotions s’exhibe sous mon lit ? A des heures où je préférerais dormir et consolider mes souvenirs du jour pour qu’ils durent toujours ? Non, je ne le crois pas. Ces deux-là n’ont-ils pas lu tous ces articles sérieux et angoissés annonçant, statistiques à l’appui et la mort dans l’âme (genre, ces jeunes ne savent plus vivre), que les jeunes générations se désintéressent de plus en plus du sexe, allant jusqu’à préférer se passer de lui plutôt que de leurs smartphones ? Pourquoi fallait-il que mes voisins du dessous soient justement ceux qui fassent mentir les chiffres ?

Au début, c’était amusant – « oh dis donc, ils sont en forme ! », « ce ne serait pas des adeptes du sexe post dispute ? » -, on en parlait avec humour – « il faudrait peut-être qu’ils changent de sommier ? » ou « qu’ils décollent le lit du mur ? » ou « qu’ils mettent des patins sous les pieds du lit ? », on notait les exploits – « hum, 6 aujourd’hui non ? », « ça doit être un 9 ça ? », on dissertait architecture – « c’est quand même très mal insonorisé ces vieux immeubles ! » -, on évoquait même le dilemme en public restreint, confidence qui se soldait systématiquement par la même réponse : « ça doit donner des idées ! ». Alors, oui, en effet, ça donne des idées. Mais pas forcément celles auxquelles les autres pensent… A cette fréquence là – ce qui pousse nécessairement à s’interroger sur sa propre sexualité, passée, présente et future -, les idées ne sont malheureusement pas très bienveillantes. La plus simple, taper un bon coup sur le parquet, histoire de rappeler qu’il est 3h du matin, que ça fait déjà 4 fois cette semaine alors que nous ne sommes que mardi (je fais débuter la semaine à lundi). Sonner à leur porte et disparaître ? Leur suggérer d’acheter une maison où ils seraient libres de faire tout ce qu’ils veulent sans risque de perturber leurs voisins. Celle où a été tourné Basic Instinct est justement à vendre. Une belle opportunité à saisir ! Cette nuit, passablement énervée, j’ai même imaginé scotcher un mot sur la porte à l’attention du triathlète de la part d’une amante imaginaire qui le réclamerait à corps et à cri parce qu’elle avait eu l’orgasme du siècle. 4 fois. Genre Marie qui s’envoie des fleurs dans Quand Harry rencontre Sally pour rendre son amant marié jaloux. Zizanie assurée à l’étage, des cris, des pleurs, des affaires jetées par la fenêtre, dans l’escalier, des « puisque c’est comme ça, je pars ! »… Sauf que ce plan est stupide : primo, les jeunes ne collent pas de messages écrits à la main sur les portes, ils s’écrivent en MP ; deuzio, ils seraient capables de retourner ça en se réconciliant sur l’oreiller ; tertio, je n’en serais pas capable ! Reste donc une ultime solution puisqu’il est impensable que cela dure éternellement : aller les voir, leur demander un peu de respect pour leurs aînés et leur offrir de nouveaux smartphones ET un abonnement à Netflix !

* En écrivant ces lignes, j’apprends que la côte est de Taïwan a été secouée par un séisme de magnitude 6,4 et qu’un hôtel s’est effondré… Deux étrangetés se télescopent : celle d’avoir pensé, dès ce matin, à commencer ce texte par « mon » séisme et apprendre que l’île en a vécu un le jour même ; celle de connaître précisément l’endroit qu’il a frappé voire des personnes qui y vivent…

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