Photo-graphies et un peu plus…

Normalement, ce jour-là, c’est-à-dire, un 24 juillet dans l’hémisphère nord, au summum de l’été donc, au sommet de Crater Lake aussi même si ça n’est pas très haut, le sol n’aurait pas dû être partiellement recouvert de neige mais massivement habillé d’un gazon vert non tondu sur lequel les visiteurs du jour auraient pu courir, s’ébattre, pique-niquer, ramasser des pâquerettes, jouer au volley, au cricket ou faire la sieste… Normalement, cela aurait dû se passer ainsi. Clairement, en ce 24 juillet, la neige est un intrus. Ce que confirment les têtes incrédules sortant de leur voiture, accompagnées de leur corps ballant et engourdi par de longues heures de route, en arrivant au point culminant du parc, par ailleurs proche de son entrée. Voilà pourtant que deux familiales arrivent sur le petit parking, hors champ, et s’y garent, laissant s’échapper deux familles indiennes sur trois générations. Comme les autres, ils sont incrédules. Mais pour une raison totalement différente : c’est en effet la première fois qu’ils peuvent toucher de la neige, marcher dessus, l’entendre crisser sous leurs pas ou encore se jeter des boules de neige ! Alors que les autres – ceux que la neige n’émerveille plus – jettent leur dévolu sur le reposant reflet de la caldeira à la surface du lac, eux profitent, logiquement, de ce qu’ils n’auraient pas dû voir, normalement. Finalement, les retards de saison peuvent avoir du bon…

Share on Facebook

Share on Facebook

… il y a toujours un calme étonnant voire détonant. Une sorte de havre de paix pour le visiteur, le touriste à dire vrai, las de jouer des coudes sur des sites – places, temples, sanctuaires, rues, plages… – surpeuplés car prétendument « d’intérêt ». Et ils le sont effectivement. Mais lorsque tout le monde y converge, que tout le monde regarde et marche dans la même direction, que tout le monde s’arrête au même endroit pour prendre la même photo, l’intérêt perd nettement de sa substance. Ainsi, face aux parcours tout tracés par les guides ou autres signalétiques urbaines, absolument indispensables par ailleurs, j’aime savoir qu’il suffit d’emprunter une route transversale, une simple parallèle au flux migratoire, ou de continuer à marcher là où les autres s’arrêtent généralement pour découvrir un autre pan d’une ville, aussi digne d’intérêt que ses illustres monuments…

Share on Facebook

Le photographe est un chasseur. Et comme tout chasseur en période faste – de chasse donc -, il est à l’affût. Il progresse à pas feutrés dans un environnement qu’il ne connaît pas toujours, en scannant de gauche à droite le monde qui l’entoure sans omettre de projeter son regard au loin pour repérer, le plus tôt possible, tout événement susceptible d’être harponné. Même si les conditions sont propices à une bonne chasse, le photographe sait rarement sur quel animal il va tomber et, même, s’il va en croiser un. Ce que l’on appelle communément « rentrer bredouille ». Heureusement, il arrive aussi que la chance lui sourie, en revêtant une forme totalement inattendue…

Un attroupement sur un ponton alors que les autres sont vides : un indice fort. Il se passe peut-être quelque chose là-bas, au loin donc. Chercher. Là, juste sous les yeux des badauds. Sur les galets londoniens. De drôles de silhouettes encore indéfinies à cette distance, mais vraisemblablement colorées et peut-être nues, ou en maillot. En tout cas, pas en tenue réglementaire. Il se passe quelque chose. C’est sûr. Le photographe, que la non exclusivité du trophée ne dérange pas, arrête de scruter autour de lui. Il a trouvé sa cible, avance d’un pas bien plus rapide maintenant, sans jamais quitter son objectif des yeux. Prêt à dégainer au cas où les événements se précipiteraient… Ils bougent, s’approchent de la rive. Le chasseur prend son élan et rejoint la meute perplexe. Il y a de quoi : une grappe d’humains nus comme des vers, peinturlurés des pieds à la tête, et coiffés de couronnes de feuilles vertes font les clowns sur les rives de la Tamise à marée basse. Déclencher. Même approximativement. Réfléchir aux différentes hypothèses ensuite pour affiner le tir.

Le fait ne doit pas être courant. Autrement, les gens ne s’arrêteraient pas. Cela ne semble pas être un défi non plus, un gage stupide d’enterrement de vie de garçon (mixte), ou une séance photo un peu originale comme pourrait pourtant en témoigner la deuxième photo… Tout cela paraît, au contraire, étrangement sérieux. Le chasseur respire enfin, se pose pour mieux viser. Sa prise est déjà plus composée. Elle a le fond et la forme des images que l’on met de côté. La fille se défile. Elle vient de s’apercevoir qu’ils n’étaient plus seuls et qu’une cinquantaine d’yeux étaient tournés vers eux, à la fois rieurs, dubitatifs, mais aussi dans l’expectative : qui sont-ils et que vont-ils faire maintenant ? Une ronde, bien sûr ! Avec d’autres fidèles bigarrés mais frileux. Autour d’un barbecue… Une offrande peut-être à un Dieu amateur d’art et de folie… Au chasseur, c’est sûr, qui n’en espérait pas tant !

Share on Facebook

Share on Facebook

C’est incroyable à quel point les communicants n’hésitent pas, parfois, à user d’arguments fallacieux pour faire passer les messages de leurs clients, même si c’est pour le bien de tous. Ici, dans les toilettes publics d’un centre commercial à Chicago. Publicité étatique qui affiche une esthétique des années 1950 de femmes soumises à leurs maris aux larges épaules mais respecte l’exigence de diversité et de représentation des minorités des années 2000 (en faisant toutefois dire à la dame noire en rouge, qui a une excellente vue, une phrase absolument absurde, que personne de sensé ne prononcerait dans le monde réel) : image donc totalement anachronique, en plus d’être farfelue.

Par ailleurs, le fait que cette affiche soit placardée dans les toilettes des femmes alors que c’est monsieur qui est directement visé pose plusieurs questions : ne se sont-ils pas trompés de lieu et y a-t-il la version « femme » chez les hommes ? les femmes sont-elles chargées de prêcher la parole salubre auprès de la gent masculine ? existe-t-il des statistiques prouvant que les hommes ne se lavent pas assez souvent les mains et que c’est pour cette raison qu’ils ne trouvent pas de partenaires pour danser au bal des pompiers du 4 juillet ? des chercheurs d’Harvard ou du MIT (jamais ensemble puisqu’ils se font concurrence) ont-ils réussi à établir une corrélation forte entre déficit de séduction et prévalence à certaines maladies ; et enfin, les femmes sont-elles des êtres si éthérés et purs que ces basses questions d’hygiène ne les concernent pas ? En fait, les femmes, elles s’en lavent les mains !

Share on Facebook

Je n’ai pas osé m’approcher du cartel, comme l’a fait ce trio intergénérationnel mère-fille-mèregrand, de peur de tomber des nues. Je suis donc restée à distance de ce carré creusé dans la surface et laissant apparaître celle, raturée, de bois brut, de la structure de cette institution new-yorkaise dédiée à l’art moderne. J’aurais eu peur de devoir lire, non pas que le tableau habituellement présent à cet endroit était prêté à un musée quelconque à l’autre bout du monde ou en cours de réparation suite à une trop grande preuve d’amour d’un visiteur, mais que l’absence d’œuvre d’art sur le mur d’un musée aussi prestigieux que le MoMa était elle-même une œuvre d’art… Le vide, un contre-pied au trop plein du monde moderne qui nous assaille de toutes parts. Non, cette fois-ci, j’ai jugé préférable, pour préserver mon amour de l’art, de rester dans l’ignorance.

Share on Facebook