Question récurrente en ville lorsque l’objectif est de mettre en exergue la géométrie d’un espace et de jouer avec les lignes et les formes : avec ou sans personnes dans l’image ? Sans, n’est-ce pas un peu trop froid ? Et avec, un peu gênant ? Telles de petites figurines figées dans leur mouvement et collées sur une maquette d’architecte, ce trio de mère-filles arrivé sans prévenir dans l’angle droit du cadre, venant habillement l’habiller et humaniser la composition me pousse à répondre à cette question par un assuré « avec évidemment ! ».
Lorsque j’ai pris cette photo, alors bringuebalée à l’arrière d’une jeep en direction d’Antelope Canyon, ce que j’ai voulu voir, c’est le reflet du conducteur dans le rétroviseur ainsi que celui du paysage sur le dos du phare supplémentaire greffé à l’avant de la carlingue. Evidemment, je savais qu’il était Indien, l’ayant vu monter dans le véhicule. Ce canyon magnifique, situé sur une réserve Navajo, est, de fait, géré par la communauté. Que le guide, dont on ne voit pas le visage, porte un T-shirt sur lequel figure un Indien était donc le détail motivant la prise de vue. Je n’étais pas allée plus loin que : « Oh, c’est amusant, il est Indien et il a un T-Shirt avec un Indien ! »
Aujourd’hui, je ne trouve plus cela très amusant en fait, mais questionnant. Quel message veut en effet faire passer un Indien portant un vêtement montrant un membre de son groupe en habit traditionnel, peut-être tel qu’on se le représente dans notre imaginaire biaisé par les westerns manichéens ? Est-ce une sorte de mise en abyme ? « Je suis cet Indien sur ce T-Shirt, mais, en même temps, je ne suis plus cet Indien sur ce T-Shirt avec son arc et ses flèches. Je conduis une voiture, j’ai une montre, je fais visiter mon canyon à des visages pâles. » Est-ce de l’auto-dérision ? Ou au contraire, une façon de montrer sa fierté d’appartenir aux premières Nations ? Une façon de dire : « je suis une icône ! » ? La question est transposée sur d’autres terres. Un Kenyan porterait-il un T-Shirt avec des Masaïs en train de faire des bonds ? Et un Français, un avec un petit vieux doté de baguette et béret ? Revendiquer de tels clichés peut-il relever d’autre chose que de l’auto-dérision ? Et pourtant, ce sont probablement ces pièces de coton que les touristes ramènent le plus de leurs périples exotiques. Car ce sont souvent ces clichés, ces images d’Epinal qu’ils viennent chercher.
Quoi qu’il en soit, cette simple photo montre que l’interprétation que l’on peut faire d’une image, même si l’on en est l’auteur, change avec le temps. Rien de plus naturel en fait, étant soi-même quelque chose en devenir. Ainsi la photographie n’est pas cette image figée à laquelle on pense parfois. C’est une image animée d’une vie, d’une histoire évoluant au gré des yeux qui la regardent…
Par réflexe, on aurait envie d’approcher sa main de l’écran et d’essuyer la buée qui a pris d’assaut le miroir sous l’effet de la chaleur, histoire d’y voir un peu plus clair. Le geste est presque instinctif…
C’est le même qui nous anime lorsque l’on croise une personne dont l’étiquette du T-Shirt, par exemple, est retournée et dépasse, laissant apparaître taille, marque et lieu de fabrication. Une image si insupportable pour certains qu’ils ne peuvent s’empêcher, même s’ils ne connaissent pas bien le porteur du dit T-Shirt, de le faire remarquer (après avoir bouillonné pendant quelques minutes malgré tout), voire de remettre eux-même l’étiquette bien en place. Le calme revient alors et ils sont à nouveau attentif à l’histoire de crocodile ayant dévoré trois poules et retrouvé près d’une rivière du Cantal que vous êtes en train de lui conter. Il y a des choses comme ça qui nous dépassent…
Au collège, je crois, peut-être au lycée, un professeur d’allemand, à moins qu’il ne s’agisse de celui de français, nous avait demandé d’inventer une suite à ce début : « De l’autre côté »… Thème ô combien classique, mais bon, les élèves changeant, les sujets peuvent demeurer. Il serait d’ailleurs intéressant d’étudier comment ces suites ont évolué avec la société, le temps, les événements… Celle créée par un jeune citadin des années 2000 – de l’autre côté de l’écran ? – n’a peut-être rien à voir avec celle imaginée en 1942 par son ancêtre à la campagne – de l’autre côté de la ligne ?… Même si finalement, c’est souvent une histoire de frontière qu’invitent à développer ces trois petits mots, qu’elle soit physique ou mentale (de l’autre côté de moi-même… : à creuser).
En pleine lecture compulsive de Barjavel, j’avais écrit : « De l’autre côté de l’horizon » bla bla bla… La suite, je ne m’en souviens plus. Aujourd’hui, poursuivons dans le classique, laissons-nous aller à un banal et carrollien « De l’autre côté du miroir »… Le fait est que, de l’autre côté du miroir, il y a un autre miroir, un peu plus petit, et que de l’autre côté de l’autre côté du miroir, il y a encore un miroir, encore un peu plus petit, et ainsi de suite. Jusqu’à l’infini… Oui, à l’infini… C’est le point fascinant de ce face à face de miroirs : il permet de capturer l’infini pour l’installer dans un espace fini ! Et dans ce cas précis, l’envoûtement atteint son comble : les miroirs dans les miroirs sont tous différents…
Quelles raisons doivent présider au choix de la photographie du jour ? En faut-il d’ailleurs ? Quelles pourraient-elles être ? Bien penser à équilibrer les images horizontales et verticales, les tonalités de couleurs, les environnements, les ambiances, les lieux de prise de vue, les sentiments qu’elles peuvent générer, les vues de paysages et celles de personnes (souvent minuscules)… Peut-être aussi, avoir quelque chose à raconter dessus…
Aujourd’hui, j’hésite entre deux images. Quelqu’un choisit pour moi. Ce sera le reflet lissé par le courant de cette bâtisse strasbourgeoise capturée un soir d’automne. Pourquoi celle-ci, je demande ? Parce qu’elle est jolie. C’est une raison. Subjective, mais une raison quand même…
Bonjour bonsoir !
Et voilà, ce n’est pas forcément ce que j’annonçais ni de fait, ce qui était prévu, mais voici un peu de lecture et quelques images afférantes…
A la prochaine…
On trouve de tout sur les bords de route et parfois même, des mystères. Il y a ce qui nous désole et/ou nous agace – des canettes de bière, des papiers, des chaises, des sacs plastique, des cagettes, des bouteilles, le tout jeté par des automobilistes de passage confondant la nature avec une poubelle géante […]
Share on Facebook« Je fais remonter l’information » me lance-t-elle très sérieusement au téléphone alors que je lui fais part d’un dysfonctionnement du service. N’est-ce pas étrange, comme expression, « faire remonter l’information » ? Comme si, pour l’heure, ladite information n’était qu’en bas. Est-elle tout simplement en train de me dire qu’elle travaille en sous-sol et que ceux qui sauront quoi faire […]
Share on FacebookRue des petits hôtels. Un couple de touristes chinois, l’air perdu. Une feuille à la main. Probablement un plan du quartier. Jette un regard désespéré, donc plein d’espérance, dans ma direction. Egarés, ils sont, en effet. Ils cherchent un hôtel. « Au 89. » Au 89 de quelle rue ? « Au 89. » Point. Comme si le 89 […]
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