Photo-graphies et un peu plus…

tachycardie

Ce brasier tapi au fond de soi

Cette incandescence domestique

Et même domestiquée

Trépignant d’impatience

Et tambourinant sans répit

Comme un animal en cage,

Thoracique

Chérissant les soirs

De feux d’artifice

Où les frontières s’effacent

Les transferts s’opèrent

Pendant que les corps exultent

Et que l’âme souffle

Enfin.

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La vie en bleu

La vie du photographe est ponctuée de diverses questions existentielles, lesquelles sont essentiellement liées à la lumière. Rien d’étonnant à cela dans la mesure où photographier, c’est, littéralement, écrire avec la lumière. C’est donc en analysant cette lumière ambiante disponible – extérieure, intérieure – et en la corrélant à son intention, en somme à l’image qu’il a déjà mentalement créée, qu’il va ensuite définir précisément le temps pendant lequel il la laissera passer et dans quelles proportions, l’un et l’autre dépendant intimement d’un troisième facteur, la sensibilité. Terme polysémique qui s’adresse aussi bien à l’outil qu’à la personne le manipulant.

Mais la lumière, c’est aussi une couleur, et même une température de couleurs. Ne parle-t-on pas justement de couleurs chaudes ou froides ? Ces subtilités font émerger une nouvelle question existentielle un brin obscure dans l’esprit calculateur du faiseur d’images : quid de la balance des blancs, celle-là même qui doit rendre leur pureté à ses bouts d’image encrés de blanc, et que, justement, la couleur de la lumière – celle, orange d’un coucher de soleil par exemple – altère ? La question m’a longtemps parasitée là-haut. Par 69°39’30 » Nord. En plein hiver. Alors même que le soleil n’a jamais dépassé l’horizon, que la vie n’était partiellement éclairée que 2h par jour par un halo de lumière résiduelle avant de sombrer 22 heures durant dans l’obscurité et surtout que, pendant ce court laps de temps, maigre répit pour les animaux diurnes que nous sommes, le monde extérieur ne se dévoilait qu’à travers le prisme d’un délicat autant qu’inhabituel filtre bleu, comme si l’air lui-même, devenu matière, en était teinté… Voilà donc la question que je me posais sans répit et sans réponse : que faire quand le blanc n’existe plus ?

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La balanciel

Je poursuis mon inventaire très personnel des néophotologismes avec cette splendide « balanciel », autrement dit, une balançoire ayant l’étrange particularité d’être accrochée au ciel. J’en conviens, si nous nous laissons aller à être un peu trop terre à terre en nous référant uniquement à nos connaissances actuelles sur le ciel, et en particulier, sur sa composition – une bonne dose de diazote, une quantité raisonnable de dioxygène, une pincée d’argon et un soupçon de dioxyde de carbone, en résumé, de l’air, donc, un gaz, donc une substance occupant tout l’espace disponible et surtout non préhensible, a fortiori auquel on peut difficilement accrocher quoi que ce soit -, l’existence de la balanciel est difficile à concevoir. D’où l’intérêt et la force de la preuve par l’image !

Quant à se hisser jusqu’à elle, deux solutions. La première, des plus logiques : le ciel déroule ses bras de corde jusqu’au sol et, comme avec la balançoire, qui se pratique également en journée, il vous suffit de vous poser sur la planche avant que le ciel ne vous remonte à sa hauteur, et convoque un léger zéphyr pour vous balancer sans que vous n’attrapiez froid ou ayez mal au coeur. Seconde option, bien plus amusante mais aussi relativement risquée : sauter sur un trampoline jusqu’à atteindre ladite planche déjà haut perchée, s’y harponner tant bien que mal, et, par chance, se la couler douce dans les airs…

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Le dégradé était presque parfait...

… mais une maison, que dis-je, un manoir, enfin, une forteresse s’est mise en travers de mon champ… C’est assurément ce qu’elle a fait de mieux, ce soir là, en plus d’ouvrir grands ses beaux yeux dépareillés !

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S'envoyer en l'air

Le saut de nuage est une nouvelle discipline poético-sportive fraîchement homologuée par le CIDISMS (Comité Intersidéral Des Idées Saugrenues Mais Salvatrices) créée par un groupuscule de rêveurs en réponse à l’absurdité croissante du monde. Il se pratique en plein air, et idéalement par beau temps mais pas trop, l’idée principale étant de réussir, par tous les moyens existants à ce jour et ceux à venir qui nous sont donc encore inconnus, à sauter au-dessus d’un nuage, sans le faire tomber évidemment, tout en déclamant des vers de Baudelaire.

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L'énigme vitale

Parfois, pensées picorées ici et là, au gré de lectures, de conversations, de projections, de visites plus ou moins éloignées dans le temps se connectent miraculeusement les unes aux autres pour nourrir des territoires de réflexion encore confidentiels… Ainsi, si l’on reprend le fil de la chronologie, il y a plusieurs mois, j’ai lu que nous nous souvenions de 80% de ce que nous faisions et voyions, et seulement de 20% de ce que nous lisions. Vous savez comme moi que toute information extérieure reçue est passée au crible de nos perceptions, de nos a priori, de nos certitudes. En cela, l’objectivité n’existe pas ou si peu, et nous serons toujours tentés d’interpréter ladite information en fonction de la résonance qu’elle a en nous et, en particulier, de sa façon de nous conforter dans nos propres pensées. Ce « biais de confirmation » est un biais cognitif bien connu… De fait, personnellement, cette répartition statistique du souvenir – ou plutôt de ce qui reste le plus longtemps présent en mémoire – renforce cette idée qu’il faut vivre et voir un maximum de choses, a fortiori, qu’il ne faut pas s’arrêter de voyager, de découvrir le monde et les autres, d’une part pour être à la hauteur de cette chance d’être en vie sur une planète qui ne se résume pas à un simple point, d’autre part, pour essayer de les comprendre. Cette subjectivité est totalement assumée, et laisse même entendre que l’important, dans la vie, est de ne pas oublier. Il faut encore que j’y réfléchisse.

Continuons. Il y a quelques semaines, j’ai noté dans mon carnet du moment cette phrase extraite du dernier livre de Jérôme Ferrari, Le principe : « On essaye de comprendre les choses à partir de sa propre expérience parce que c’est tout ce dont on dispose et c’est, bien sûr, très insuffisant ». Il parle là de physique, le principe du titre étant le principe d’incertitude, ou d’indétermination, énoncé par Werner Heisenberg en 1927, qui stipule qu’il est impossible de connaître simultanément la position et la vitesse exactes d’une particule (quantique). Une vraie révolution scientifique par ailleurs. Mais, là encore, ce que je retiens de cette phrase sortie de son contexte tout à la fois fictionnel et épistémologique, est que pour être en mesure de comprendre les choses, il faut les vivre. Ce qui nous ramène aux statistiques ci-dessus et à ma première conclusion. CQFD. Je pourrais m’arrêter là et acheter mon prochain billet d’avion, de train, ou ma bicyclette, ou de bonnes chaussures de marche pour aller vivre, donc comprendre, puis me souvenir.

Mais peu de temps après, je découvre la belle série d’entretiens de personnalités ou d’anonymes publiée dans Le Monde cet été sur la question, obsessionnelle à bien des égards, du temps. L’exergue-titre de celui du philosophe Patrick Viveret, un nom prédestiné, fait l’office d’une petite bombe à fragmentation (image purement spéculative si l’on relit bien la phrase de Ferrari : d’ailleurs, dans la réalité, bien loin des images littéraires, je ne voudrais pas connaître cette sensation !) : « Il faut accepter de ne pas tout vivre ». Il y a bien sûr un avant et un après à cette phrase, une nouvelle fois tirée de son contexte, comme si elle venait logiquement s’insérer à la suite de celle du Principe, qui elle-même répondait aux statistiques. Alors que tout s’accélère, que nous avons chaque jour l’illusion de pouvoir en faire de plus en plus grâce à des artifices technologiques, que parfois, alors même que nous nous plaignons du temps qui passe, nous nous pensons toujours un peu immortel et donc avec la vie, infinie, devant nous, cette phrase de Viveret est un brutal retour à la réalité. Car elle nous dit tout simplement, même si cela se complique ensuite : il faut faire des choix. Or, faire des choix, c’est accepter de mourir. Et donc, de vivre…

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Tête en l'air

On peut affirmer, sans faire ombrage à mes illusions, que je suis une femme de ciel en général, et de nuages en particulier. Comme avec les parfums de glace, en matière de nuages, certes vaporeuse et insaisissable, j’ai mes préférences voire certains chouchous. Et, s’ils ne sont pas au sommet de ma playlist ouatée, ces petits cumulus – enfin, vus d’en bas – n’en sont pas très éloignés. A bien y réfléchir, ce n’est pas tant le cumulus pris individuellement – une tâche blanche aux contours indéterminés en navigation libre dans le ciel – que l’ensemble formé par une multitude de cumulus qui me procure une grande joie et une paix intérieures, comme si l’ordre des choses était rétabli et qu’avec une telle voûte au-dessus de ma tête, rien de grave ne pouvait vraiment arriver (ce qui est très naïf au demeurant, les pires horreurs étant aussi perpétrées par beau temps)…

Je crois avoir compris la raison de cette sereine sensation il y a peu. Ces nuages-là, avec leur forme si singulière et plurielle à la fois qu’elle semble avoir été designée par les meilleurs artistes locaux, et à la répartition si équilibrée qu’on jurerait qu’elle a fait l’objet d’un plan « caelumistique » – l’urbanisme du ciel – de haute voltige, sont ceux de notre enfance, quelle qu’en soit l’époque. Et plus précisément, ceux de nos dessins d’enfant – si, si, regardez sur votre frigo, dans vos placards, sur vos murs, dans vos tiroirs voire au fond de vos poubelles (ne culpabilisez pas, personne ne vous en voudra : vous ne pouvez pas tout garder !) – alors que nous posons encore un regard enchanté, pur et simple sur le monde qui nous entoure, et que les nuages ne sont jamais menaçants, mais juste une jolie décoration dans un ciel bleu. Il y a un je-ne-sais-quoi d’artificiellement parfait dans ces panoramas, qui, passée l’enfance, sans en être nostalgique pour autant, s’apparente à un refuge intimiste.

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Le totem

Certains lisent dans les feuilles de thé ou le marc de café, d’autres dans les mains ou les cartes, il en est même qui interprètent nuages et ciel… Personne ne devrait donc m’en vouloir si je me lance dans la lecture de reflets en désirant y déceler une tentative de communication entre la nature et les hommes. Et là, pour être tout à fait honnête avec vous, indépendamment de l’incroyable beauté du lieu, ce totem aux quatre âmes m’apparaît plus qu’ambigu…

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We are here!

J’ai retrouvé une étrange carte intersidérale holographique dans une boîte de chaussures – des chaussures montantes apparemment, que je n’ai jamais connues par ailleurs -, au fond d’une malle en métal bleu – ma valise pour aller aux Iles Kerguelen il y a quelques années, rien à côté de ce que je m’apprête à vous dévoiler – que j’avais oubliée dans la grange d’une de mes maisons imaginaires. Elle m’a laissée plus que perplexe. Je vous ai scanné le recto (voir ci-dessus). Laissez-moi vous retranscrire le verso :

« Chère Lou,

Nous voici bien arrivés sur Kepler-452b après un voyage de plus de 25 millions d’années. Autant te dire que nous sommes exténués, quand bien même nous avons dormi la plupart du temps. Nous regagnons couleurs et force en reprenant nos bonnes habitudes de terriens : un bain de mer aux couchers des soleils !

Nous t’embrassons bien fort en espérant que tout va bien pour toi,

Lulu et Berlu »

Voilà, c’est tout. Le plus étonnant dans cette affaire est que je ne connais personne s’appelant Lulu ou Berlu, a fortiori Lulu et Berlu, hormis un couple de poissons rouges – enfin, ils n’étaient peut-être pas en couple… ça peut vivre à deux, des poissons ? – que j’avais offert à un couple d’amis – eux l’étaient vraiment – il y a des années de cela et qui sont morts – les poissons – peu de temps après avoir été transvasés dans leur nouvelle maison arrondie – comme quoi, parfois, mieux vaut rester chez soi. J’ai vaguement entendu parler de Kepler-452b aussi… La première fois, il y a quelques mois, lors d’une conférence de Frédéric Ferrer, et plus récemment, dans la presse, la nouvelle de la découverte de cette exoplanète aux allures de Terre, bien qu’un peu plus grosse, gravitant dans la zone d’habitabilité de son propre Soleil s’étant officiellement ébruitée. Qui plus est, si mes souvenirs sont bons, Kepler-452b n’avait qu’un soleil et pas deux ! Bref, que d’imprécisions… Enfin, je vois difficilement comment on pourrait déjà m’avoir envoyé cette carte intersidérale, comment j’ai pu la cacher sans m’en souvenir, et surtout comment je peux être en mesure de la lire aujourd’hui sans être morte depuis belle lurette… A moins, peut-être, que le voyage dans le temps n’existe déjà et que je ne m’en sois pas encore rendu compte !

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La remplaçante

Enfonçons une porte ouverte : une photographie est une rencontre entre une scène extérieure et    des préoccupations ou des intérêts personnels voire intimes. Parfois, plusieurs éléments sensibles convergent en une scène unique et, pour le preneur d’images, cela s’apparente un peu à une pêche miraculeuse. Encore faut-il, bien évidemment, ne pas se laisser submerger par l’émotion fulgurante de cette rencontre fortuite pour assurer l’image imaginée… Cette image peut d’ailleurs naître bien en amont, avec le risque que, dans le laps de temps s’écoulant entre ce que l’on pré-voit et ce que l’on s’apprête à photographier, les éléments se soient dispersés, et, avec eux, l’image espérée.

J’avais donc repéré cette silhouette recourbée et posée sur ce poteau une quinzaine de mètres plus tôt. Au même moment, je réalisais qu’elle était subtilement éclairée par ce lampadaire altier et fendant le ciel, et que, si je me mettais à tel endroit et à telle hauteur, l’un et l’autre se détacheraient sur la mer et le ciel en arrière plan, éclairés par les dernières lueurs de notre étoile préférée. Et qu’enfin, avec un peu de chance – il en faut toujours un iota -, personne d’autre ne viendrait s’immiscer dans ce face à face unilatéral. Le temps de parcourir ces 15 mètres, j’avais ainsi construit et fantasmé mon image, tout en accélérant un peu la cadence, pleinement consciente qu’il suffisait que le jeune homme descende de son piédestal pour que le charme s’effondre instantanément. Ce qu’il n’a pas fait… J’allais donc cueillir mon image… Sauf que je n’avais pas anticipé cette présence végétale à droite, que, pour des raisons de respiration verticale, je n’ai pas pu extraire du cadrage initial. Un intrus sur la forme et le fond qui dit cependant quelque chose d’essentiel : une photographie ne montre qu’une partie d’un tout, et ce tout commence justement là…

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