Photo-graphies et un peu plus…

Son de l'image

Mes errances électroniques matinales m’ont conduite à lire l’interview d’une photographe globe-trotter dans laquelle elle donnait généreusement quelques conseils aux néophytes – c’est toujours bon de relire ses classiques – pour réussir leurs photos de voyage. Bien qu’écrit ainsi, cela sonne presque péjoratif. Un peu comme « Photos de vacances », pire encore. Ce qui engendre une première digression – j’écris « première » sans savoir pour autant s’il y en aura d’autres, mais, dans le doute, je les numérote. Donc, digression numéro 1 : l’autre jour, qui semble affreusement loin tant le monde semble avoir été retourné ces dix derniers jours, à l’occasion de ma récente exposition sur Detroit, un homme – un artiste peintre, très sympathique au demeurant – me pose une batterie de questions sur mes photos et conclut en me disant : « C’est un peu des photos de vacances en fait ». Bon, j’ai voulu ne pas mal le prendre. Je n’ai sûrement pas été assez claire dans mes réponses et je dois aussi me faire une mauvaise idée du nombre de personnes choisissant Detroit comme destination estivale. Fin de la digression numéro 1.

La dame délivrait donc de précieux conseils aux photographes voyageurs ou plutôt aux voyageurs photographes. J’imagine que vous avez pleinement conscience que cette phrase pourrait elle-même faire l’objet d’une deuxième digression – j’écris deuxième et pas seconde car il pourrait y en avoir une troisième, même si la deuxième n’a pas encore été consommée -, de l’ordre d’une discussion sans queue ni tête sur l’œuf et la poule : est-on photographe avant d’être voyageur ou l’inverse, et voyage-t-on pour faire de la photographie ou la photographie est-elle un corollaire du voyage ? Me concernant, 2 – 2. Fin de l’embryonnaire digression numéro 2.

L’un de ses conseils consistait à dire qu’il fallait réussir à raconter une histoire avec une ou ses photo(s), que l’on devait être capable – en tant qu’observateur – d’en sentir les odeurs… A vrai dire, à lire cette phrase, j’ai un doute quant à l’exactitude du propos. Parenthèse : je viens de vérifier l’information, ce qui m’a pris quelques minutes, ce dont vous ne vous êtes pas rendus compte, et dont vous prenez conscience maintenant du fait de l’existence même de cette phrase, qui nous fait donc perdre à tous ces quelques minutes… L’idée était donc de réussir à raconter une histoire avec ses images en sollicitant les 5 sens. Et de prendre l’odorat pour exemple… Sentir le sel avec une photo de vague. Voilà.

Le fait est que je n’ai rien à vous faire sentir avec cette photographie. En tout cas, à part celle, sûrement, d’humidité, je ne me souviens de rien en la matière. En revanche, j’ai à vous faire entendre quelques chose. Le silence ? La simplicité de l’espace, bien que chahuté – une grotte – pourrait y faire penser. Non. Les pas de cette gracile silhouette à l’avant-poste résonnant dans l’immense cavité alors qu’elle est déjà figée en vigie ? Non plus. Le vrombissement d’un moteur, en contrebas, sur la rivière, dont l’écho rebondirait sur les parois boursouflées avant de s’éteindre dans le vide ? Non. Rien de tout cela. D’ailleurs, le vacarme est tel qu’il me serait impossible d’entendre le silence, ses pas ou même le moteur. Un vacarme ultra aigu, une multitude de grincements qui se chevauchent dans l’obscurité, s’intercalent de telle sorte que cela ne s’arrête jamais, et sont entrecoupés par ce que l’on pourrait assimiler à de courts ricanements ou à la réunion annuelle de la dernière congrégation de Greemlins. Les cris viennent d’en haut, dégoulinent d’un plafond rendu invisible par la noirceur environnante. Je lève malgré tout la tête, pour voir ; j’envoie même un coup de flash, pour voir mieux. Mais je ne vois absolument rien d’autre que des stalactites qui s’étirent. Je ne vois donc pas les centaines de chauves-souris – peut-être plus – accrochées et voletant juste au dessus de ma tête dont les cris incessants font du ricochet sur les murs – tel est le but de l’écholocation. C’est curieux de ne pas voir l’émetteur d’un son aussi présent… J’imagine, comme dans la légende, donc sans y croire une seule seconde, qu’elles vont nous assaillir pour m’arracher les cheveux. Il n’en est rien. Ainsi, tandis que je traverse la grotte pour débusquer l’au-delà, poursuivent-elles leurs vocalises à l’abri des regards indiscrets…

Alors, vous les avez entendues ?

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En boucle

Arrêter de tourner en rond, en rond, en rond, et avancer, pour de « bond » !

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La tentation de l'île

Fuir, s’évader, s’éloigner, s’isoler, se sauver, s’éclipser, se retirer de cette obscure et incompréhensible folie humaine, au sommet d’une montagne, au bout d’une vallée, sur une île isolée, pour se détacher de tout, pour se détacher de tous, et vivre enfin en paix (avec soi-même), ce serait humain que de l’imaginer, non ? Oui, même si un peu lâche – ça m’a effleuré l’esprit très récemment -. Mais non en fait, car ce qui fait l’humain, c’est justement sa relation à l’autre. Aristote l’a écrit il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine, et on se le répète à l’envi depuis : « L’homme est un être sociable ; la nature l’a fait pour vivre avec ses semblables ». Certes, il faudrait définir plus précisément la notion de « semblable » et avoir l’esprit très ouvert et généreux, mais sans l’autre, l’homme ne l’est plus. Cette relation, il va donc falloir la travailler au corps encore et encore, et sans relâche.

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Essaye encore une fois

Ce titre me fait penser à ma vieille Dictée Magique et à cette sentence synthétique s’en échappant dès lors que j’orthographiais mal le mot énoncé. Cet appel à la deuxième chance, voire plus, était d’ailleurs précédé d’un sec « C’est inexact », inopportun dans ce que je m’apprête à décrire. D’où son absence. J’ai longtemps tourné autour de cette photo en me demandant si je la supprimais ou pas, dans un premier temps de mon appareil, dans ce tri rapide et compulsif post prise de vue, puis, dans un second temps, de mon disque dur, dans un élan un peu plus réfléchi. Je l’ai conservée car elle me renvoyait une question posée ici-même il y a quelques années : une photo intentionnellement ratée est-elle, de fait, une photo réussie ? Retournement de situation dans le cas présent : une photo involontairement ratée peut-elle malgré tout être une photo réussie ?

Pour que cette photo là soit réussie, compte tenu de mon intention initiale, il eut en effet fallu que ce papillon, lui ou un autre d’ailleurs – oui, cette tâche noire floue que vous n’arriviez pas à définir depuis le début de votre lecture est un papillon – soit net et idéalement un peu plus gros. Ce n’est pas le cas, et ce n’est pas faute d’avoir essayé non plus. La photographie est une succession de tentatives dont certaines ne se soldent que par l’échec. C’est frustrant évidemment mais cela reste de l’ordre du possible voire du très probable dans certaines circonstances. Je vous énumère les principales : un sol mouvant – en l’occurrence, un bateau – ; une incapacité totale à anticiper l’entrée d’un papillon dans mon champ visuel requérant donc une attention et une réactivité records ; une fois l’objet volant identifié capté et captif, des changements incessants de trajectoire, devenant de fait totalement aléatoire, comme si elle était pensée pour échapper aux prédateurs les plus malins, et rendant très complexe, voire impossible, le suivi de son vol, a fortiori tout essai de mise au point ; et pour couronner le tout, du matériel inadapté à ce genre de défi…

Après moult déclenchements inutiles, j’ai donc tout effacé. Sauf celle-ci. Pour le souvenir. De mes ridicules gesticulations sur ce ponton de bateau se faufilant entre les pics karstiques de la Baie d’Ha Long, de ma naïveté également à croire que cette photo aurait pu être réussie, et surtout de ces interrogations liminaires à l’origine même de cet exercice de style et auxquelles je n’ai, pour l’heure, pas de réponse : combien de kilomètres les papillons peuvent-ils parcourir au dessus de l’eau ? Et s’ils sont fatigués, ce qui ne m’étonnerait pas à la lumière de leur vol erratique tout sauf optimisé, peuvent-ils se (re)poser sur l’eau pour reprendre des forces ? Et, enfin, où vont-ils comme ça ?

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La confrérie des plastifiés

Le pachliopta aristolochae venant courageusement de s’élancer pour traverser cette sinueuse route de montagne de la province de Ha Giang avait à peine achevé son premier battement d’ailes qu’ils avaient déjà disparu. Tout s’est passé si vite en réalité que j’ai même cru à une hallucination. Des tâches de couleurs mouvantes sur le bord de la route, c’est tout ce que j’avais pu voir. Le passé les avait déjà à jamais englouties quand je me suis tournée vers ma boite à images pour remonter le temps de quelques secondes et le figer pour une durée indéterminée. Les détails sont subitement apparus, la masse indistincte bigarrée s’est transformée en silhouettes monochromes curieusement vêtues. Des visages s’en sont détachés. Mes yeux ont alors convergé vers les leurs : eux m’avaient bien vue ! Preuve qu’ils étaient bien là. Et que moi aussi.

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L'entrée subite

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Lumineuses sucreries

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Ville de nuit

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La dame du Mékong

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Vol au dessus d'un nid de ouate

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