Photo-graphies et un peu plus…

Et voilà « Murmures d’ailleurs », la nouvelle production éditoriale du collectif de photographes Les 4 Saisons dont je fais partie avec Alexandra de Lapierre, Elodie Guignard et Sophie Triniac.

Comme des millions de personnes il paraît, nous avons ressenti le besoin de poser des mots et des images sur cette étrange période qu’a constitué ce confinement historique et inédit. Chacune avec sa voix, chacune sur sa voie.

Pour ma part, j’achevais paisiblement un séjour en Nouvelle-Zélande lorsque le confinement a été décrété en France. Répit de courte durée puisque le pays du long nuage blanc s’est peu après lui-même coupé du monde extérieur, avec, pour conséquence directe, de différer mon retour en France de presque un mois, faute d’avions motivés pour traverser la planète dans l’autre sens.

Certains d’entre vous ont d’ailleurs suivi le cours de mes réflexions partagées quotidiennement du 18 mars au 11 mai ici-même et sur ma page Facebook. Les voilà transmutées en encre et papier dans ce livre, « Murmures du monde – Je n’irai pas à Buenos Aires », que je suis très heureuse de vous présenter.

Concrètement :
Format A5, 222 pages, 53 photographies, Reliure dos carré collé, papier recyclé 120 g en intérieur et 300 g en couverture
Prix : 20€ plus frais d’envoi éventuels (6€ en FR ; 1,5€ en Europe ; 2,5€ dans le reste du monde)

Si vous souhaitez un exemplaire, n’hésitez pas à me contacter par mail.

Murmures d’ailleurs – Je n’irai pas à Buenos Aires de Lou Camino from Lou Camino on Vimeo.

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Le 11 janvier, lorsque j’ai pris cette photo, m’amusant de constater que Paris était la ville la plus éloignée d’Auckland parmi toutes celles listées, je ne me doutais pas que 65 jours plus tard, cette distance inédite entre mon toit et moi serait à la fois un avantage et un inconvénient…

Je suis en Nouvelle Zélande depuis le 10 janvier, après une poignée – saine – de jours passée à Singapour, histoire de couper le trajet en deux et de découvrir une nouvelle ville. Je devais en partir le 29 mars pour une courte semaine à Buenos Aires – mêmes raisons – avant de retrouver un Paris printanier et du bon pain. Un tour du monde d’une certaine manière, avec, en prime, le passage de la ligne – virtuelle il va s’en dire – de changement de jour, me faisant arriver à Buenos Aires avant même de partir d’Auckland. Tout est relatif, évidemment…

Mais cette étrangeté temporelle n’aura pas lieu. En tout cas, pas maintenant. Puisque, et c’est le premier impact du coronavirus sur ma petite vie, les vols ont été suspendus la semaine dernière entre l’Argentine et la France.  La Nouvelle Zélande, au bout du monde donc, a longtemps été épargnée par le virus. De telle sorte que depuis 65 jours, un peu moins en réalité car tout s’est accéléré ce week-end, vue d’ici, cette pandémie est restée très abstraite, voire quasi irréelle. C’est très étrange d’être à un endroit où la vie poursuit tranquillement son chemin alors que partout ailleurs le chaos semble gagner du terrain de jour en jour. Le tout, avec 12h de décalage horaire.

Ceci étant dit, la trêve est peut-être finie. Alors que la France est confinée pour au moins 15 jours depuis mardi, que l’Europe ferme ses frontières pour 30 jours, la Nouvelle Zélande – où les cas commencent à se multiplier malgré tout – impose une quarantaine à tous les arrivants et la quitter est de plus en plus difficile (vols annulés, connexions plus assurées…). Il se pourrait même que la liaison maritime entre l’île du sud – où je suis – et l’île du nord – d’où je suis sensée partir le 30 mars (mais je ne suis pas certaine de le vouloir) – soit interrompue… Et puis, la Nouvelle Zélande n’étant pas considérée comme un pays à risque, aucun rapatriement n’est prévu pour le moment. Bref, je ne suis pas en confinement. Je suis juste sur une île, d’une incroyable beauté, à 18 850 km de Paris et je ne sais ni quand ni comment je vais pouvoir y retourner…

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Une fois n’est pas coutume, je vais me laisser aller à quelques confidences plutôt, assez, voire très personnelles ces prochains jours et en particulier reprendre le fil des dix derniers dont 6 passés dans la chambre 203 d’un hôpital planté en pleine campagne à quelques encablures de la Manche. Ce qui, a posteriori, a plutôt été une chance compte tenu du calme dans lequel j’ai été plongée, aux antipodes de ce que j’imagine être le quotidien du grand hôpital parisien où j’aurais naturellement atterri si je n’avais pas pris ce train pour la maison familiale vide et la mer lundi dernier à 13h42 plus 10 minutes de retard systématique. 

Je me sens déjà nauséeuse – le McDo du voyageur derrière moi n’arrange pas mon état – et une douleur sourde commence à envahir ma ceinture abdominale, un peu plus insistante sur la droite. A peine arrivée, je m’affale dans un fauteuil, puis dans un canapé, puis dans un lit sans en bouger jusqu’au lendemain. De manière générale, j’évite autant que possible les médicaments. J’accepte la douleur. Cela se discute. J’attends qu’elle passe. Ce qu’elle fait en général. C’est sûrement parce que je n’ai jamais vraiment eu très très mal. Bref, je ne m’inquiète pas plus que cela même si c’est bien la première fois que je suis clouée au lit aussi longtemps sans percevoir de quelconque amélioration. Mes parents arrivent mardi en début d’après-midi. C’est plus ou moins prévu. Ils sont importants dans cette histoire, essentiels même puisque c’est sûrement grâce à eux que j’ai pu être prise en charge à temps. Moi seule, j’aurais encore attendu. Pourtant, au moment où je me suis retrouvée dans cette posture de la petite fille – de 43 ans tout de même – lançant à sa mère que là, ça ne va vraiment pas, il n’y avait pas de doute possible quant à l’existence d’un réel problème, autre que toutes les raisons que j’avais jusqu’à présent listées pour m’expliquer mon état : une indigestion, un peu trop d’acrobaties le we, mes règles (oui, disons les choses comme elles sont, c’est toujours plus simple et ça va servir pour plus tard), la fatigue, le stress… Donc, oui, après coup, je me suis réellement demandé si j’aurais eu le réflexe d’appeler les Pompiers ou le Samu. Et si oui, au bout de combien de temps. Et encore, si ce délai m’aurait mise en danger. Evidemment, on ne peut pas savoir puisque l’histoire a bifurqué dans une autre direction. 

Direction les Urgences justement, pliée en deux, à l’issue d’un trajet en voiture où le paysage devient tout d’un coup très très blanc, voire invisible, où une voix – celle de ma mère – me répète de respirer tranquillement, de souffler fort, ce qui, au bout de quelques minutes, fait reprendre des couleurs et des formes aux arbres et maisons sur le bord de route. Les pommes, je suis tombée dans les pommes. Elle est étrange cette expression d’ailleurs, même si je suis en Normandie. George Sand en serait plus ou moins à l’origine : elle aurait en effet écrit à une amie qu’elle était « dans les pommes cuites » pour évoquer son extrême fatigue. Le temps a fait le reste pour transformer l’expression que l’on aurait aussi pu associer à Newton. Cela aurait eu du sens, la gravitation universelle, la pomme qui tombe, le corps aussi…

La porte des Urgences s’ouvre. Les personnes de la salle d’attente, en quête de nouvelles de leurs proches respectifs, tournent la tête et me dévisagent. Elles se demandent sûrement ce que j’ai en me voyant me tenir le ventre, ce qui, en soit, ne sert strictement à rien puisque mes mains ne sont pas magiques. La porte de l’accueil s’ouvre à son tour. Première distorsion du temps qui me passe un peu au-dessus de la tête. Aux Urgences, à l’arrivée, il faut être patient, chaque chose en son temps d’autant que je suis consciente : où avez-vous mal ? depuis quand ? comment ? votre nom ? votre prénom ? votre date de naissance ? votre adresse ? … Les papiers d’abord… Cela s’entend, mais avec le stress – pas forcément le mien d’ailleurs -, cet ordre des priorités peut agacer. Je finis par disparaître pour de premiers examens, la pose d’une perfusion pile poil au pli du coude, des prises de sang, un électrocardiogramme, d’autres questions pour comprendre, la délivrance d’un premier antidouleur… On me demande justement d’évaluer ma douleur sur une échelle de 0 à 10, 0 signifiant que je n’ai pas mal et 10 représentant la douleur maximale imaginable. Mieux vaut donc ne pas être trop créatif ! Trois jours auparavant, je suis allée voir le dernier volet de Jurrasic World. J’imagine qu’être croquée par un Carnataurus comme c’est le cas de l’un des personnages ayant retourné sa veste – sous-entendu, « il l’a bien cherché ! » – fait exploser les compteurs ! Ceci dit, la douleur, certes intense dans ce contexte fictionnel, est brève et s’accompagne d’une mort certaine et rapide. Dans le monde réel, sans 0 ni 1 ni écran vert, l’exercice n’est pas si simple : la douleur est subjective, son affirmation est culturelle, et se projeter sur une douleur que l’on n’a jamais ressentie est quasi impossible. J’estime néanmoins qu’il y a encore une marge de « progression » – une fracture ouverte, une balle dans un organe vital, une migraine à se taper la tête contre les murs… – et délivre un 7-8, même si, à l’échelle de ma courte et chanceuse histoire, on est à 10.

A partir de là et pendant presque 48h, je ne vois le monde que d’un seul point de vue : allongée sur des brancards et mon lit. La perspective est étrange. Les faux-plafonds défilent sous mes yeux, la lumière blanche et saccadée des néons avec, les personnes qui se penchent sur moi ont de grosses têtes, les sons m’arrivent de loin… On me balade d’un endroit à l’autre, à commencer par le Scanner, pour aller voir à « l’intérieur » sans aller à l’intérieur pour le moment, et qui me semble à l’autre bout des Urgences. J’ai à chaque fois l’impression d’être dans Pacman ; enfin, j’ai même l’impression d’être Pacman sur un brancard à chercher mon chemin dans un labyrinthe de couloirs identiques dont je ne vois pas le bout. Je pense à la conception des hôpitaux, au fait de devoir bien corréler la largeur des brancards à celle des couloirs, des portes d’entrée, des intersections ; au brancardier qui assure le transit d’un être humain d’un espace à l’autre et qui doit avoir un permis convoi spécial… Je me dis que les producteurs de dalles de faux plafond pourraient avoir un peu plus d’imagination et prévoir des motifs un peu plus affriolants pour ceux qui sont condamnés à les regarder, même ponctuellement… Le moindre passage sur un micro-relief, sur une barre de sol, sur les rainures de la porte d’entrée d’ascenseur, sur des surfaces anti-dérapantes m’envoie une décharge électrique dans le ventre… On est peu de chose quand on a mal. Ces petits détails passent logiquement totalement inaperçus en temps normal. Voilà pourquoi il est toujours instructif de changer de filtre de temps à autre…

Deux heures après mon arrivée, peut-être plus, peut-être moins, je ne porte plus de montre depuis exactement 20 ans, le verdict tombe : j’ai l’appendice perforé et une infection en cours, il faut opérer, on va m’intercaler dans le programme du chirurgien le lendemain matin, il n’opère pas la nuit mais bien sûr, s’il y a une urgence, on le fait venir ; en attendant, antibiotiques, antidouleurs et solution de glucose pour ralentir le mal, me mettre dans un état second et remplacer la sole meunière que j’aurais pu manger le soir, même si le coeur n’y est vraiment pas. C’est ma première hospitalisation, c’est ma première anesthésie générale, c’est ma première opération.

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Why Detroit?

Après le calme et la nature infinie dégagés par Chili-Bolivie : entre ciel et terre, je vous propose un voyage diamétralement opposé avec ce nouveau récit photographique. Direction la ville de Detroit, dans le Michigan aux Etats-Unis, ville souvent présentée comme l’incarnation de la faillite du rêve Américain. Prétendre le contraire serait une insulte à ses habitants. Réduire cette cité fascinante et ambiguë à cette image décadente en serait une autre.

Je ne suis pas restée longtemps à Detroit. D’un jeudi à un dimanche d’août 2013. Juste le temps de traverser ses différents quartiers. Je me suis posée mille questions avant d’y arriver, la première étant de comprendre ce qui m’attirait là. Si ma curiosité, qui a l’habitude de me conduire dans des endroits très divers, n’était pas, cette fois-ci, un peu malsaine… A priori non. Tout simplement parce que Detroit est bien plus que ce que l’on en montre généralement et que, heureusement, un certain espoir, une vraie énergie s’en dégagent.

Aussi était-il important pour moi de partager cette traversée, les émotions et les questionnements personnels qu’elle a générés, avant, pendant et après…

Why Detroit? est à découvrir en cliquant directement sur le livret ci-dessous…

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