Photo-graphies et un peu plus…

L'équilibriste

Il y a toujours un doute avec une image fixe… On ne sait pas ce qui s’est passé avant que son cœur ne se mette à battre ni ce qu’il adviendra de ce et de ceux qui la composent après, une fois l’attention du capteur de présent aimantée, légitimement ou pas, par autre chose. Ou plus trivialement, une fois le viseur baissé. Continue-t-elle à vivre, à l’abri des regards partageurs, à poursuivre sa route comme si de rien était ? A vrai dire, pourquoi en serait-il autrement ?

Et qu’en est-il alors de cet homme qui joue insolemment les équilibristes entre un début et une fin invisibles dont on ne sait s’ils sont loin ou proches, et fait ainsi frissonner de terreur tous ceux qui l’aperçoivent, depuis la terre ferme, chancelant sur sa poutrelle métallique ? Est-il arrivé là facilement ? Péniblement ? A l’image de ce que suggère ce geste figé un peu gauche ? Et surtout, que s’est-il passé l’instant d’après ? A-t-il vacillé ? S’est-il ressaisi ? Peut-être accroupi pour se recentrer et repartir d’un bon pied ? Aurait-il pu basculer et se rattraper miraculeusement à la barre avec ses bras, soulevant cris et émoi dans l’assemblée spectatrice ? Ou, de façon plus optimiste, a-t-il réussi à joindre l’autre rive sans encombre et sous les applaudissements ?

Rien de tout cela en vérité car il n’a absolument pas bougé d’un iota. Ni avant que son cœur ne se mette à battre ni après que tous ceux ayant cru en son existence et ayant naïvement eu peur pour lui, ne se soient rendus compte de la supercherie. Car l’équilibriste n’était qu’un artifice, un pantin stoppé dans son élan, une émotion incroyablement réelle suspendue dans le temps, finalement, un déséquilibre éternel.

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Non, non, je ne suis pas prise d’une soudaine fascination aviaire ! Tout cela n’est que conjoncturel (cf la cigogne malheureuse d’hier). D’ailleurs, je me souviens parfaitement m’être dit, en mettant cet oiseau dans ma cage photographique, que je ne prenais que très rarement ce genre d’images… J’entends, des piafs sur des branches. Mais, là, je ne sais pas, la tige sans vie brûlée par le froid, les herbes floues en arrière plan et dans un état similaire, la neige pas encore foulée, cette boule de poils… Je me suis laissée emportée par le lyrisme hivernal. Et les prouesses physiques de ce petit, de ce petit… j’aimerais pouvoir le qualifier, lui donner son vrai nom, mais je suis une fille de la ville plus familière des pigeons boiteux et des corneilles tempétueuses… Si un ornithologue passe par là, je veux bien m’instruire ! Bref, regardez-le, cet oiseau… On l’imagine frêle et fragile. C’est une erreur, une vue de l’esprit. En réalité, c’est une force de la nature : comment expliquer, sinon, qu’il puisse tenir sur cette tige chétive sans basculer en avant ou en arrière comme s’il faisait du trapèze et même qu’un si gros corps puisse être, toutes proportions gardées, porté par de si insignifiantes pattes ?

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