Photo-graphies et un peu plus…

Nous ressentons parfois le besoin de cacher certaines choses. Je ne parle pas de secrets, mais plutôt d’objets bien concrets, palpables, physiques que nous désirons mettre en lieu sûr pour une raison (nous abandonnons le navire amiral pendant un temps certain) ou une autre (le caractère précieux, réel ou pas, de la chose en question que nous ne pouvons pour autant pas avoir sur nous en permanence). Deux places de spectacle achetées un an à l’avance (oui, dans la vie, vous êtes quelqu’un qui anticipez), les négatifs de photos compromettantes (vous en transe à un concert de Céline Dion il y a 20 ans), un diplôme de funambule rempli à l’encre sympathique (enfin, c’est ce que vous vous dites pour vous rassurer), une liasse de faux billets de 500 euros (ça peut toujours servir), le premier collier en coquillettes que vous a offert votre petite dernière pour la fête des mères (à faire cuire en cas de disette)… Bref, les exemples ne manquent pas.

La première question qui vient à l’esprit lorsque l’on souhaite cacher quelque chose (certains diront simplement « ranger ») est évidente : où ? Sous les lattes 3 et 4 du lit de la chambre bleue, dans le double fond du coffre rouge acheté à la brocante de Marcq-en-Baroeul l’été dernier, dans la bibliothèque du couloir entre « Les chroniques de l’oiseau à ressort » de Haruki Murakami et « La disparition » de Georges Perec (non, effectivement, vous ne rangez pas vos livres par ordre alphabétique mais par ordre d’arrivée dans votre vie), dans le sac à linge sale où agonise la fameuse chaussette abandonnée du sac à linge sale… A nouveau, les planques ne manquent pas. Elles se multiplient même dangereusement si, dans un élan de douce folie, vous décidez de cacher vos trésors hors du périmètre de votre lieu de vie. Et c’est souvent naïvement aveuglé par une logique que vous pensez inaltérable et implacable que vous placez ladite chose à l’endroit élu en étant intimement persuadé que vous vous en souviendrez parfaitement le jour, potentiellement lointain, où vous souhaiterez l’en extraire. Car comme le dit l’adage, « Logique d’un jour, logique toujours ! »

En phase avec vous-même, vous sauterez sans filet et ne prendrez donc pas la peine de noter (même en langage crypté) vos petits arrangements internes. Pourtant, malgré tout cet optimisme, le jour venu, vous aurez beau tourner et retourner dans tous les sens cette logique que vous pensiez sans faille, vous ne réussirez pas à reproduire le raisonnement qui vous avait poussé à déposer vos places de concert dans l’armoire à pharmacie derrière la bouteille de mercurochrome… C’était pourtant logique à l’origine : vous aviez dû littéralement vous battre au guichet avec un groupe de jeunes sauvageons pour acheter les deux dernières places et aviez pris quelques coups de griffes dans la bataille. De retour chez vous avec vos précieux sésames, vous vous étiez alors désinfecté et aviez eu cette lumineuse idée du mercurochrome. Comment oublier ? Mais ce n’est que quelques jours après le concert, manqué donc, que vous retomberez dessus un peu par hasard : votre petite dernière s’étant égratigné le genou droit en tombant de la chaise sur laquelle elle était montée pour attraper ce qu’elle croyait être son doudou perdu en haut de l’étagère et qui n’était, en réalité, que son premier collier de coquillettes !

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Voir un arc-en-ciel – même si cela signifie qu’il a plu récemment, manifestation céleste pas toujours appréciée à sa juste valeur, mais heureusement, comme on dit, « après la pluie, le beau temps » d’où justement de potentiels arcs-en-ciel -, donc, voir un arc-en-ciel est toujours un bonheur pour les yeux – ces couleurs dans le ciel ! -, un ravissement pour les sens – quelle magique apparition ! – et un catalyseur pour l’imagination – il y a un trésor là où il se pose à terre… A fortiori, voir un double arc-en-ciel, phénomène relativement rare mais totalement explicable – il s’agit d’une « double réflexion de la lumière du soleil à l’intérieur des gouttes de pluie » -, double bonheur, ravissement et catalyse…

L’émerveillement passé, la raison reprenant la majorité, plusieurs détails sautent aux yeux : le gris du ciel sous le premier arc est différent de celui qu’il y a entre les deux arcs, plus sombre, et encore de celui qui l’occupe au-delà de l’arc secondaire dont l’ordre des couleurs est, par ailleurs, inversé, ce qui semble logique puisqu’il s’agit d’une réflexion d’une réflexion, une méta-réflexion en quelque sorte. Mais revenons aux raisons de ce dégradé grisâtre, car évidemment, le monde s’interroge… Cette bande intermédiaire, inter-arc, porte le nom à la fois clair et énigmatique de « bande sombre d’Alexandre ». Bande sombre car, comme chacun peut le voir, la bande est plus sombre que le reste. Alexandre car prénom du Monsieur d’Aphrodisias – aucun lien de parenté avec les substances que l’on imagine en lisant ce nom -, philosophe péripatéticien de son état – qui, bizarrement, n’est pas le pendant masculin de ce que signifie le mot au féminin – qui l’a observée le premier… Or, en ces temps immémoriaux, un peu avant 200 donc, il y avait encore une telle kyrielle de choses à découvrir qu’être le premier observateur d’un phénomène lui faisait prendre automatiquement son nom.

Mais pourquoi cette différence de teinte ? Encore une histoire de réflexion qui ne passera pas sans quelques chiffres… Et pour comprendre, il me faut briser la magie de l’arc-en-ciel, ce dont je m’excuse par avance : la lumière qui traverse une goutte d’eau est déviée de 40°-42° vers l’arrière après une première réfraction, une réflexion, puis une seconde réfraction qui la fait sortir de la goutte ; quand il y a un second arc, c’est qu’il y a eu une réflexion de plus dans la goutte – quelle penseuse ! – et l’angle total de déviation à la sortie est de 50°-52°. Aucun rayon lumineux ne s’échappe donc d’une goute d’eau entre ces deux angles – 40° et 50° – d’où cette perception de bande plus sombre entre les deux arcs. CQFD.

Reste un mystère persistant après même la disparition de l’arc-en-ciel : même si on le croit proche, même si on se met en quête de l’atteindre pour vérifier cette légende de pirate, il nous sera toujours impossible de passer dessous. L’arc-en-ciel demeure un rêve éveillé inaccessible…

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C’est souvent quelque chose qui se produit aux changements de saison… Prenons l’hiver par exemple. Lorsque l’on ressort les manteaux, les pulls, les pantalons épais, tous ces fichus tissus chaleureux que nous avions soigneusement rangés quelques mois auparavant dans des boites quasi hermétiques en leur souhaitant la plus longue hibernation possible… Les rouvrir, même si cela signe l’arrivée du froid, s’accompagne souvent de deux bonnes surprises. La première : celle d’avoir l’impression de retrouver de vieux amis après une longue et involontaire séparation. Ce bon gilet à grosse maille que nous étions bien contents de camoufler, et bien, on lui fait la fête désormais. La seconde, c’est un peu un tour de magie comme le montrent, à leur manière, ces tas de mégots de cigarettes réapparaissant à la fonte des neiges et faisant repenser à toutes ces soirées fraîches enfumées passées sur la terrasse de ce bar d’angle….

Il arrive parfois que nous dénichions de ces poches dans lesquelles nos mains ne se sont pas enfouies pendant des mois, des petites bribes de vie : pièces jaunes, ticket d’entrée de musée ou de ciné tout froissé, mouchoir utilisé recroquevillé sur lui-même, liste de courses d’un dîner vraisemblablement à thématique orange, petit mot doux gardé précieusement sur soi puis perdu, enchaînement de formules totalement alambiquées et désormais incompréhensibles… Des face-à-face souvent inattendus alors que nous sommes justement en train de charger nos poches de nouvelles listes, nouveaux tickets, nouveaux mots… C’est en effet en y replongeant les mains que nous réalisons que la place est déjà prise. Nous exhumons alors ce que nous prenons pour un intrus avant de nous réjouir du trésor retrouvé et du petit voyage dans le temps qu’il va bientôt faire naître en nous. Comme si c’était hier…

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