Photo-graphies et un peu plus…

Les voyages forment la jeunesse, entend-on souvent dans la bouche des adultes. Ils aiguisent le regard aussi, la curiosité. Font ressortir certaines dissemblances et similitudes d’un pays à l’autre. Ainsi, pour une raison que je ne m’explique pas encore, les bourses d’ici et d’ailleurs sont souvent hébergées dans des bâtiments assez similaires. En l’occurrence, des palais à colonnes, au style corinthien. Une architecture historiquement vouée aux dieux. Enfin, ceux qui pensent l’être. Encore aujourd’hui. Voyez le Palais Brongniart à Paris, absent du triptyque, ce qui ne fait que confirmer la règle sus-dite. Napoléon 1er en est l’initiateur au début du 19e siècle et en parle alors comme du « thermomètre de la confiance publique »… Deux siècles plus tard, je ne sais qui oserait encore prononcer ces mots face à ce temple de la finance et hôte de certains des plus vils vices humains.

La vision de Wall Street date de 2005, avant la crise, époque flamboyante. Une immense bannière étoilée proclame une fierté indécente occultant ces colonnes corinthiennes. A l’extrême droite, La Borsa de La Valette, prise il y a quelques mois, fait profil bas. Pas de drapeau flottant au vent. Et des colonnes se démarquant bien de la force obscure prête à les engloutir. Entre temps, les bourses se sont effondrées et les étoiles se sont repliées sur elles-mêmes. Et l’on comprend alors peut-être pourquoi elles sont ainsi conçues. Ces piliers ne jouent ni plus ni moins que le rôle de ces colonnes métalliques installées, en dernier recours, dans une maison dont le plafond, et le reste, menace de s’écrouler… Des béquilles.  Et l’image centrale alors ? La statue ? Elle (il s’agit ici d’une reproduction) trône au sommet de la Chicago Board of Trade, un magnifique bâtiment Art Déco, où l’entrée en colonnade est réinterprétée de façon plus rectiligne. Il y a quelque chose d’étonnant dans cette sculpture de Cérès (près de 10 mètres de haut en vrai). Son visage n’est qu’une boule de métal sans nez, yeux, bouche, oreille, qui ne sent rien, ne voit rien, n’entend rien, ne dit rien, et de fait, n’a pas d’identité. La raison invoquée par son créateur croyant à l’époque qu’il n’y aurait pas bâtiment plus élevé dans la cité d’Al Capone ? Personne n’en verrait les détails à cette hauteur. Omission symbolique a posteriori et faisant de ces places indéchiffrables des endroits désincarnés où l’équilibre du monde est menacé…

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