Photo-graphies et un peu plus…

N’est-ce pas légèrement perturbant, voire même déroutant ? On ne sait trop où regarder, dans quel sens se projeter, on se contorsionne, on se retourne, on plisse les yeux pour tenter de voir plus loin que le bout de la rue et y trouver quelques pistes attractives pour la suite de la promenade. « On » ? C’est ce petit personnage imaginaire au milieu de l’arène, à la croisée des chemins… Dans le blanc là. Il y est arrivé presque par hasard. En vérité, en suivant une pénétrante et envoûtante odeur de churros… Il s’est arrêté exactement au milieu, comme s’il avait un compas dans l’œil, ses sens olfactifs subitement désorientés par la sensation désagréable qu’il a éprouvée d’être au cœur d’une toile d’araignée urbaine. Les mains postés sur les hanches, à faire des tours sur lui-même, jusqu’à en avoir le tournis. Cinq voies ouvertes, qui, de son point de vue, ont toutes l’air similaires, même si elles filent bel et bien dans des directions totalement différentes. Comment choisir ? C’est un peu la roulette russe, l’issue dramatique en moins. Et, dans de telles circonstances, c’est souvent un détail qui l’emporte. D’ailleurs, l’odeur de beignet sucré est revenue. Là, en haut à gauche. Mais, le plus étonnant est que ce personnage n’aime pas les churros.

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Pas la chanson mémorable de Babs, le jeu, le Memory, celui qui a inévitablement bercé l’enfance de toute personne née après 1959 ! Un double jeu de cartes aux images identiques, carrées, que l’on mélange et puis étale religieusement sur une table bien plane (pour ne pas voir ce qu’il y a de l’autre côté). A chaque tour, un joueur retourne deux cartes, d’abord au hasard. Si, par chance, ce sont les mêmes, il les emporte avec lui. Si, au contraire, elles sont différentes, il les repose tout en mémorisant bien leur position… Et cela passe à quelqu’un d’autre. L’objectif étant de retrouver les paires au fur et à mesure que les cartes sont soulevées et dévoilées par les uns et les autres. D’où l’importance d’être extrêmement concentré à tout moment. Un véritable exercice de mémoire dont j’ai abusé et qui, j’en suis fondamentalement sûre, a contribué  au développement d’une certaine mémoire… photographique. Celle-là même qui, notamment, me permet de me repérer facilement dans n’importe quelle ville inconnue, mais, étrangement, de me perdre allègrement dans un parc, comme Central Park. Tous ces arbres…

Bien. Extraire une photo d’une base de données en comptant plusieurs milliers pour la mettre sous le feu des projecteurs et lui donner vie aux yeux des regards étrangers, relève du même exercice ou jeu de mémoire. Celui de savoir, toujours un peu plus à chaque fois qu’elle est parcourue, ce qu’il y a dans cette base. On finit par se balader mentalement entre les images et les dossiers comme dans les rues d’une ville imaginaire qui s’étendrait au fur et à mesure que le stock de photos s’agrandit. « A droite, tu trouves les photos de Malte ; là, si tu continues tout droit jusqu’au troisième dossier à gauche, il y a quelques essais d’ombres à la galerie du Jeu de Paume. Juste derrière, on s’envole vers l’Italie. Et là-bas, tout au fond, il y a les photos d’enfance… » Cela ferait une belle installation ! Mais j’en perds le fil… Fichue mémoire. Avoir toutes ces images à l’esprit amène forcément à faire quelques connexions en temps réel. « Cela me fait penser à … ou à … » Un jeu de Memory, légèrement plus élaboré, se crée inconsciemment sous nos yeux. Le but n’est alors pas de retrouver deux images identiques (encore que cela pourrait être instructif) mais plutôt similaires. Ainsi en est-il de ces deux-là que tout oppose mais dont la filiation saute aux yeux. Par cette verticalité symbolique, par ce trio de lignes coupant l’espace en trois, trois chemins de terre bien découpés dans un parc royal suédois ; trois tours identiques se découpant dans un ciel bleu new-yorkais. J’avais, pendant quelques jours, retourné la photo du bas. Comme si les buildings n’étaient autres que les racines des arbres… Mais alors, ce qui précède, pensé en léger différé, ne fonctionnait plus. Or, une question se pose chaque jour : qui, du texte ou de l’image, l’emporte sur l’autre ? Suivie d’une autre : faut-il que cette question ait une réponse ?

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Une fois n’est pas coutume, j’ai décidé de participer à un concours photo. Sur le site du dit concours sont donnés quelques conseils photographiques aux postulants. On nous conseille de garder en tête la règle des tiers mais de rester créatif. Avec cette règle, il faut imaginer que notre image est divisée en 9 parties et la composer de telle sorte que ses éléments importants soient placés le long de ces lignes imaginaires ou à leurs intersections. On nous suggère aussi de recadrer nos images en fonction de cette règle. J’aurais, naïvement, pensé que les recadrages n’étaient pas autorisés… Et qu’un bon cadrage original faisait partie des critères pour juger de la qualité d’une photographie. Autre conseil : prendre nos photos à l' »heure magique », lever ou coucher du soleil, moments où la lumière est particulièrement chaude, rehaussant tout ce sur quoi elle arrive. Et, pour la touche de mystère, un petit bokeh, ce flou artistique d’arrière-plan qui enjolive tout. Je ne connaissais pas le mot, mais j’ai des exemples…

Bref, après Recette flash, voilà une nouvelle recette de photo réussie. Au vu de celle proposée ci-dessus, autant dire que je n’ai rien compris : la mienne est diablement penchée, on y cherche les tiers, elle a été prise à une heure où le soleil avait déjà déclaré forfait, et le bokeh est loin d’être salvateur. Pourtant, le mystère est là. Cette silhouette filiforme qui nous jette un regard encapuchonné, au bout de la ligne blanche, que l’on suit avec les yeux du début à la fin, comme pour mieux indiquer le chemin à suivre… « Suis-moi ! » lâche-t-elle, à peine audible. Vous n’êtes même pas vraiment sûr de l’avoir entendu… Peut-être l’avez-vous simplement pensé ? A l’heure où j’écris ces lignes, je n’ai pas encore réussi à déterminer si cette présence à l’horizon était inquiétante ou encourageante ! Si, en la suivant effectivement, nous allions tout droit au drame ou, à  l’inverse, à la révélation du positif. Car, la photo, construction picturale s’il en est, a aussi un sens… Trouver du sens, dans quelle mesure est-il important d’en faire un conseil ?

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