Photo-graphies et un peu plus…

L'ouverture de tropCela aurait pu être la balance des blancs – car c’est souvent elle qui génère mes ires photographiques matinales en donnant une teinte exagérément bleutée à mes premières images du jour après une sortie nocturne virant au jaune, compensé à base de degrés kelvin, et à l’issue de laquelle j’ai oublié de rétablir les réglages neutres de ma boite à images numériques -, mais, cette fois-ci, c’est bel et bien d’ouverture dont il s’agit !

Je viens tout juste de photographier le couloir assez sombre d’un restaurant abandonné s’avançant sur l’eau dans lequel erre un gardien du cru quand ces jeunes ont déboulé. J’ai filé, concentrée sur leurs dos destinés à intégrer ma série en cours à en oublier que j’avais ouvert mon diaphragme de plusieurs stops pour capter les plantes survivantes restées dans l’obscurité dudit couloir. Et a fortiori, que ces caractéristiques techniques n’avaient plus lieu d’être dans des conditions de lumière normales. Il m’est plusieurs fois arrivé d’aborder le sujet ambigu de la photo « ratée » dans ces pages. Ambigu car tout étant subjectif, le  « raté » en devient relatif lui aussi. Cette image-là est ratée dans le sens où cette surexposition absorbeuse de détails et d’informations n’était pas volontaire, mais le fruit d’une faute d’inattention, bref, de ma précipitation. Et pourtant, cette image ratée me plaît comme ça, partielle, incroyablement blanche comme la peinture des maisons alentour, comme cette page sur laquelle tout reste à écrire, comme cette jeunesse joyeuse qui a l’avenir devant elle, et avec lui, beaucoup de responsabilités…

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Parfois, on me demande :

– Tiens, toi qui fais de la photo, tu connais sûrement le dernier appareil de chez biiiiiiiipppp !

Souvent, la réponse est :

– Non, je ne suis absolument pas l’actualité matérielle. J’utilise les mêmes appareils depuis des années et ça me suffit.

Suivi d’un :

– Désolée…

Auto-justification instantanée car j’ai l’impression que ma réponse décevra mon interlocuteur… Comme si un cuisinier vous disait qu’il se moquait du matériel avec lequel il mitonnait ses petits plats. Ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

– Ah ! Mais, tu as quand même peut-être une petite idée ?

– …

De fait, en déambulant dans les allées de ce Salon de la photo presque essentiellement consacré à la technique, je m’interroge à plusieurs reprises sur les raisons qui ont déclenché ma présence en ces lieux. A tel point qu’en voyant ces dizaines, voire ces centaines, de visiteurs paradant fièrement avec leurs appareils tous équipés de zooms plus longs – donc lourds et encombrants – les uns que les autres, mon premier réflexe est-il d’extraire de sa housse mon petit Lumix. Léger, discret et efficace, idéal pour capter l’excès. Celui de la performance, du « plus » ceci ou cela. Au fur et à mesure que je me faufile entre les enfilades de lentilles, une autre question se pointe : la photographie se résume-t-elle à cela ? A du matériel ? N’est-ce pas là une manière de ne pas aller à l’essentiel ? A l’image et ce qui, en soi, conduit à la créer. Les images exposées ne le sont que pour prouver une nouvelle fois la maîtrise technique : celle de l’imprimante, du laboratoire et de ses machines puissantes et rapides… A bien y réfléchir, et cela me saute aux yeux maintenant, c’est comme si les deux étaient déconnectés : ce salon ne laisse que peu de place à l’image, qui est pourtant la finalité de ce dont il fait la promotion. A contrario, un salon comme Paris Photo ne laisse que peu de place au matériel, outil pourtant indispensable à l’existence des œuvres qu’il présente. Comme si c’était vulgaire. Comme si l’image allait au-delà. Comme si elle voyait plus loin… Une classique histoire d’amour impossible, en quelque sorte, entre l’art et la technique…

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