Photo-graphies et un peu plus…

Il fait petit vu d’ici, mais ce mirador perché au sommet de cette colline compte 104 marches, peut-être 105. Cette précision ne donne pas exactement sa hauteur, mais en donne au moins une idée. Mais avant même d’arriver à ses pieds, il faut vouloir se rendre dans une des zones les plus isolées des Etats-Unis. Cela peut être un objectif de voyageur. Et une fois au coeur de ce no man’s land – quelques maisons au fond d’un canyon, un bar-restaurant-épicerie-pharmacie-droguerie – il faut encore rouler 29 kilomètres à 30 km/h à flanc de montagne, sur une route de graviers où l’on n’espère qu’une chose, qu’aucune voiture n’arrivera en face car la voie n’est pas assez large pour deux, pour en atteindre le bout.

Une heure après s’être engagé sur ce chemin des écoliers, on atteint presque le sommet de la fameuse colline. On ne sait pas trop ce que l’on va y découvrir, mais on nous promet, par temps clair, une vue magnifique sur toute la région. Le ciel est bleu, le soleil radieux, c’est bien engagé. La fin s’effectue à pieds. D’abord dans des herbes hautes, parsemées de jolies fleurs colorées, puis sur un gazon assez ras mais toujours vert. La tour apparaît alors peu à peu, d’abord sa tête, puis la plate-forme, puis ses pieds. Quitte à être au sommet, autant aller le plus haut possible. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11… 74, 75… l’escalier de bois se réduit et se grimpe comme une échelle… 76, 77, 78, … 103, 104, 105… Voilà, impossible d’aller plus haut ! Vue dégagée de part et d’autre. Et une étrange sensation : celle d’un regard inconnu posé sur soi. C’est Bob. Appelons-le Bob. Bob, qui passe plus de 10h par jour au sommet de son mirador dans un espace d’1,50 mètre sur 2 avec vue à 360°. Bob, qui a vu 6 personnes monter jusqu’à son aire ce matin. Bob, arrivé en juin, qui, encore pour quelques jours, aura passé ses journées à guetter les environs, en quête du moindre départ de feu. Bob, qui est un homme heureux. En haut de sa tour, contrairement à ce que l’on pourrait croire, il est connecté au reste du monde. Son mirador, c’est le hub du coin grâce à sa connexion satellite ! Il est au courant de tout, tout en étant au milieu de rien. Bob, c’est la première fois qu’il a la charge de ce mirador. Pendant des années, il était en face… De l’autre côté du canyon, sur les monts glacés, en haut d’un autre mirador…

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Il est étrange d’entendre des gens s’exclamer : « C’est le paradis ! » car, s’ils y sont – et a fortiori, si on y est, puisqu’on les entend – c’est, qu’ils sont au moins morts. Et malheureusement, nous avec. Tout comme l’on se fait une idée de « Dieu » alors que personne ne l’a vu, on en élabore une du paradis dont, a priori, personne n’est jamais revenu. Il suffit de lancer une petite requête par images sur le moteur de recherche aux deux O pour s’en rendre compte. Ainsi, sur cette planète bleue, bien vivante même si toussotante, le paradis est-il souvent associé à cette longue plage de sable blond bordée de palmiers desquels tombent, à toute période, de délicieuses noix de coco, et sur laquelle cassent de magnifiques vagues d’une mer assurément chaude aux eaux turquoises et poissonneuses, le tout, cerné par une nature luxuriante et accueillante… Un passage par Hawaii donne donc, en théorie, un aperçu de cette énigmatique image d’Epinal. Et, il faut l’admettre, très agréable.

Ce voyage devrait d’ailleurs être prescrit à chacun d’entre nous au moins une fois dans notre vie, pour que nous soyons en mesure de déterminer si  nous voulons réellement y aller. Après. Certains auraient peut-être en effet une vie totalement différente s’ils pouvaient tester le paradis terrestre. C’est vrai, le soleil, la plage, les cocotiers, ça en fait rêver beaucoup mais ça ne plaît pas à tout le monde. Il en est qui ne supportent pas la chaleur par exemple, qui détestent le poisson cru, qui s’énervent de trouver encore des grains de sable dans leurs chaussures un an après être allés à la plage où ils se sont d’ailleurs ennuyés à mourir… Oups, pardon. Non, décidément, le paradis peut ne pas être un but en soi.

L’alternative ? L’enfer. Qu’il faudrait pouvoir aussi tester pour les mêmes raisons. Etrangement, une recherche équivalente sur le double O ne donne pas de photographies, à l’instar du paradis, mais des dessins, des peintures, des collages, des affiches de films, des bulles de BD, en somme, des représentations d’un univers que l’on imagine aisément rouge, sanglant et monstrueux. Comme si l’enfer ne pouvait exister sur Terre. Passons sur cette mise en miroir aberrante mais, de fait, instructive… Seulement voilà, Enfer, c’est justement le nom du canyon ci-dessus, où serpente cette rivière, maléfique certainement, au creux de cette belle vallée verdoyante et de ces montagnes encore arborées. Hell’s Canyon en VO. Cet enfer là n’a rien d’effrayant ni de repoussant. Il n’est ni rouge, ni sanglant, ni monstrueux. Au contraire, il donne envie de l’arpenter.

Je suis bloquée : j’ai aimé l’enfer, j’ai aimé le paradis. Alors, que faire ? Vivre, en attendant.

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… quand on fait de la route et/ou du camping car l’on est conduit à tuer – involontairement le plus souvent, volontairement parfois – une quantité inavouable d’êtres vivants. On s’entend : des insectes volant, rampant, papillonnant, crapahutant, traversant, piquant… Vous en voyez ou en entendez certains – lorsqu’ils heurtent le pare-brise -, vous en évitez quelques-uns – comme ce chipmunk, qui n’est pas un insecte, qui a choisi de traverser juste au moment où ma carcasse métallique déboulait et qui m’a poussée à donner un stupide mais réflexe double coup de volant, mais, la plupart du temps, vous n’êtes même pas témoin du massacre que vous causez à l’échelle microscopique. La route, pour les insectes et certains mammifères, c’est un peu une roulette russe interminable !

Combien de temps peut effectivement mettre une fourmi pour traverser une simple deux voies ? Avançant à une vitesse moyenne variable selon l’espèce comprise entre 1 mètre en une minute et 1 mètre en 42 minutes, sur une distance de 6 mètres, si l’on intègre une partie des bas côtés sur lesquels les exterminateurs à roues débordent souvent, cela fait un calvaire durant de 6 minutes à 4h12 ! Un temps pendant lequel la fourmi voyageuse a le cœur battant à toute vitesse – ce qui ouvre une double question : la fourmi a-t-elle un cœur d’une part, et est-elle consciente du danger d’autre part ?. Heureusement pour elle, le macadam, même d’apparence très lisse quand on le foule en voiture, fourmille d’anfractuosités dans lesquelles la fourmi peut se réfugier lorsque ses antennes perçoivent les vibrations du danger en approche. L’exercice demeure périlleux et d’une manière générale, une fourmi ne traverse une route que lorsque c’est vraiment nécessaire, c’est-à-dire, lorsque le danger à rester d’un côté de la route dépasse celui qu’il y a à la traverser ! L’alternative existe : passer sous la route. Une colonie s’y est essayé il y a peu mais a dû rebrousser chemin après 32 jours de forage incessant pour des raisons logistiques notamment. Sans plan et menée par une fourmi en chef dépourvue de sens de l’orientation, la colonie a en effet refait surface du même côté de la route ! Et puis, chaque passage de voiture engendrait des affaissements de terrain dans les tunnels qu’elle avait fraîchement dégagés…

A côté de ces fourmis aventurières, il y a les moustiques. De fidèles compagnons de bords de lacs. Le moustique n’a pas bonne réputation car il pique. Ensuite, ses piqûres démangent, vous vous grattez, vous arrachez la peau, la douleur vous réveille en pleine nuit, vous vous maudissez d’avoir voulu faire du camping… le cycle infernal… Bref. Le moustique seul se gère. En revanche, lorsqu’ils débarquent en escadron par dizaines dès lors que vous plantez votre tente, qu’ils vous tournent autour tels des vautours affamés, et se posent alternativement sur votre épaule droite, votre cheville gauche, votre oreille droite et votre joue gauche, votre pacifisme en prend un coup ! Tant qu’ils n’ont pas réussi à vous piquer, vous résistez en vous agitant pour les éloigner une micro-seconde. Vous continuez à vous dire « non, non, moi, je ne tue pas d’animaux, même des insectes ! ils ne m’ont rien fait ! » Autant dire que le discours change radicalement dès qu’un premier moustique puis un deuxième réussissent à déjouer votre attention et à planter leur dard dans votre fragile épiderme, vous faisant sursauter et faire un mouvement brusque pour les déloger de leur point de contact – geste vain, la piqûre étant effective puisque vous en avez senti la douleur -. Vous êtes alors sans pitié envers les moustiques qui oseraient s’approcher de vous, qu’ils aient ou pas, l’intention de vous pomper votre sang ! Au bout de quelques minutes, c’est l’hécatombe. Les cadavres d’anophèles jonchent le sol, vous avez mal aux mains d’avoir tant applaudi, quelques ailes collées sur la paume, et vous êtes désespéré car il n’y en a pas moins autour de vous pour autant ! C’est ainsi qu’ils finissent par vous avoir, les moustiques, par épuisement !

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