Photo-graphies et un peu plus…

L'accroche-car

Certaines voitures sont parfois si petites et légères que leurs propriétaires se sentent obligés de les sécuriser avec un cadenas. Une question demeure : qui voudrait voler une telle micromobile ?

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Avant, le Pont des Arts était beau. Un passage sans faute entre la rive droite et la rive gauche, et vice versa. Entre les lumières de l’Institut de France et les chefs-d’œuvre du Louvre. Le rendez-vous des amoureux sincères et des romantiques nostalgiques en quête de clichés… Oh, Parissse ! On se penchait aux rambardes pour voir passer les péniches. Les bons jours, on répondait même à ceux qui nous faisaient coucou d’en bas. On y scannait les beautés de la ville une à une en savourant notre chance d’être en ces lieux illustres. Les photographes l’aimaient pour sa symétrie et sa pureté ponctuées d’êtres enlacés, son point de vue unique sur la cité…

Certes, aujourd’hui, les péniches passent toujours, les beautés sont toujours là et les romantiques aussi, mais, s’approcher de ses parapets sans filer son bas, se griffer, accrocher son gilet, se casser le genou relève désormais du miracle. Le Pont des Arts est devenu un repère de quincaillers ! Pour une entomologie du cadenas, il offre bien plus de choix que Leroy Merlin, Castorama, Bricorama et le BHV réunis ! Les cadenas de l’amour ont eu raison de lui ! Quel malheur ! Quelle mascarade ! Les Agents de la Ville ont beau tenter d’éradiquer la prolifération de cette espèce à la reproduction exponentielle, elle se multiplie toujours plus vite que leur capacité à les sectionner. Et pour parfaire le tableau, apéros, pique-niques, concerts, expos ayant un succès grandissant sur le Pont, la Ville a décidé de lui flanquer des poubelles à sac vert tous les 10 mètres. Certes, avec une telle incitation au civisme et au respect de l’hygiène publique, la passerelle est propre, mais fallait-il vraiment la saccager à ce point ?

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Stupeur et tressaillement ! Le Pont des Arts, jadis léger comme l’air, croule désormais sous le poids de l’amour cadenassé. Il aura donc suffi d’une année et un peu plus pour que la mode lancée au Pont de l’Archevêché descende le courant et prenne d’assaut son cousin grillagé, QG reconnu de contemplation des beautés de la ville lumière. Les cadenas de l’amour s’y sont donc multipliés, comme des petits pains, côté promenade et parfois même côté Seine quand la place venait à manquer. Mais, parmi ces preuves de bons sentiments laissant entrevoir un monde rose bonbon, la réalité reprend parfois du terrain, donnant ainsi raison aux Rita et à leur chanson… Car, oui, « les histoires d’amour finissent mal, en général »… Deux mots sur lesquels se cristallisent tous les espoirs des amoureux malgré une introduction décourageante, que reprendra peut-être en chœur ce jeune homme à la barre.

Pour lui, l’amour n’est plus. Les traces de cet amour doivent de fait disparaître. A l’instar de ce cadenas qu’il avait accroché avec sa dulcinée en pleine lune de miel. Mais le bougre avait anticipé la potentielle tempête et, contrairement à beaucoup de couples pétris d’illusions, et avait opté pour un cadenas à combinaison. Ainsi se disait-il que lorsque les mauvais jours annoncés viendraient, il n’aurait pas à se procurer une pince disproportionnée pour briser les fers de l’amour. Quatre petits chiffres lui suffiraient à se libérer de ce qui serait désormais un boulet. Encore fallait-il les retenir… Ce qui n’était visiblement pas le cas au vu des dizaines de tentatives de décodage qu’il venait d’enchaîner… Voilà ce qui arrive lorsque l’on veut rayer un peu trop vite de sa mémoire une partie de son passé…

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Les voyages, à leur manière, nous amènent systématiquement à nous poser des questions sur ce qu’ils nous livrent. C’est notamment en cela qu’ils nous grandissent. Si tant est que l’on trouve les réponses, évidemment. Autant dire que le face-à-face avec ces chaussures rivées à des fils électriques situés à des milliers de kilomètres les uns des autres a alimenté des heures et des heures de conversation.

Mais à quoi servent-elles ? Conduisent-elles mieux le courant ? Hypothèse totalement farfelue. Une installation artistique en plein air ? Un jeu entre voisins ? Un marquage de territoire ? Un quartier de Madrid pour l’image de gauche ; un quartier de San Francisco pour celle de droite (où ce sont d’ailleurs de fausses chaussures, en bois peint visiblement). Rien de bien particulier a priori, le quartier san-franciscain en question étant par ailleurs connu pour les fresques politico-artistiques murales qui égayent ses rues et ruelles. A bien y repenser, ces dernières se trouvaient au cœur du quartier hispanique de la cité américaine, Mission District. Un indice culturel donc. Peut-être pas. Car j’en ai vu ailleurs, sans me souvenir exactement où. Comme souvent, de nombreuses hypothèses circulent sur la raison de cette tendance baptisée shoetossing ou shoefiti. D’après ces spécialistes, cela pourrait avoir un lien avec la drogue, ou être un symbole pour des quartiers défavorisés, ou simplement être un courant (ah ah) d’art (double ah ah), un peu comme les cadenas accrochés aux ponts, qui eux, avaient une raison que le cœur n’avait pas !

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La partie orientale de l’image dira quelque chose aux visiteurs les plus assidus… Oui, oui, elle ressemble à s’y méprendre à la photo de Prisoner of love.. Non, non, je ne l’ai pas vendue à cette revue temporairement anonyme… Hasard ou coïncidence, je ne sais pas. Toujours est-il que dimanche, en plein ménage de printemps, ma main droite est subrepticement accrochée par le programme du Centre Pompidou. Sans que je m’en aperçoive, ma main gauche est déjà dessus. Ensemble, elles ouvrent la revue à une page que, évidemment, je ne retrouve plus maintenant que je la cherche. Bref, à cette page là-haut ! Surprise ! Les cadenas ! Rapidement, je réalise que la photo n’a pas été prise à Paris, le coréen aidant… et en déduis donc que Paris n’est pas unique, que l’hypothèse émise d’une nouvelle mode n’est peut-être pas si absurde, et au final, que je n’ai rien découvert !

Page 58, une piste : la photo illustre une séance du film « Le coffre de mariage coréen » d’Ulrike Ottinger, aussi photographe. On y parle de rituels anciens et nouveaux… Comme toute femme moderne qui se respecte, je lance une requête sur l’avatar de Page et Brin. Mots clés : cadenas tradition coréenne. Recherche primaire qui me mène sur le post d’un blog intitulé : « #Rome 6 ou les cadenas de l’amour »… Pas de Corée en vue, si ce n’est que l’auteur du blog a la Corée dans ses Tags les plus utilisés… J’y vois « mes » cadenas, accrochés à des rambardes, romaines donc. J’y lis que la tradition est italienne, remonte aux débuts des années 1990 et qu’elle est inspirée d’un roman de Federico Moccia, « Je te veux ». L’autre hypothèse – les clés sont jetées par dessus le pont – est vérifiée. Ma curiosité est attisée. Je retourne chez Larry et Sergey, et précise ma demande. Mots clés : cadenas d’amour. Le choix est vaste, blogs et autres, et évidemment Wikipédia. Où cela se corse : on y dit que la tradition est hongroise et date des années 1980. C’est le hic avec Internet, il faut sonder plusieurs sources et recouper les informations pour être à peu près sûr de ne pas colporter de webâneries !

Ce qui est à peu près sûr, en revanche, c’est que tout ce qui existe quelque part sur cette planète a trouvé quelques octets sur la toile pour exister, potentiellement, aux yeux de tous. Si vous vous demandez, par exemple, comment cuire les petits pois frais – si, si, il y a encore des gens qui achètent des petits pois frais -, la réponse devrait se trouver dans l’une des 30 500 occurrences répertoriées par le grand g… Vous cherchez le nom de la tortue fétiche du Jardin des Plantes ? Rien de plus facile (73 600 occurrences trouvées malgré tout en 0,18 seconde) ! C’est Kiki, tortue des Seychelles, arrivée à Paris en 1923 et décédée à 146 ans en décembre dernier ! France Info en a même fait une chronique ! Respect Kiki ! Et la hauteur maximale entre deux marches pour un escalier dans une maison ? 18,5 cm ! Cette universalisation et dématérialisation du savoir, en tout cas, de l’accès au savoir, est un leurre. Mais un leurre qui a réellement révolutionné, en quelques années, notre façon de chercher (plus besoin d’aller à la bibliothèque…), de nous informer (plus besoin d’acheter le journal…), et qui a totalement renversé nos conceptions de temps (toute recherche est instantanée…) et d’espace (chacun peut savoir ce qui se passe aux antipodes en ne bougeant que l’index et ainsi voir la famille Anderson se faire un barbecue dans son jardin grâce aux images satellite…)… C’est vertigineux ! Reste qu’être sur la toile n’a pas grande signification en soi. C’est le clic, hasardeux ou réfléchi, de l’inconnu derrière l’écran qui donne réellement vie en s’arrêtant sur ce qui existe en cache(tte). A l’origine, il y a donc toujours une recherche… Donc, pour la cuisson des petits pois frais, c’est 10 minutes dans l’autocuiseur. Et pour ceux qui n’en ont pas, avec les bons mots clés, la réponse devrait émerger en une micro-seconde !

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Pont de l’Archevêché, entre le continent et l’île de la Cité… Des objets accrochés au pont réfléchissent les rayons du soleil au zénith de sa forme… Je m’approche. Des cadenas, deux douzaines, trois tout au plus, dispersés sur les grilles de la rambarde, isolés ou groupés. Des petits, des gros, des neufs, des vieux… Et gravés sur certains, des initiales, des cœurs, des dates comme le font, ailleurs, les amoureux sur les troncs d’arbre ou sur leurs épaules… Une nouvelle mode ? Je suis sceptique. Cadenasser son amour, l’enchaîner à un pont… Je soupire.

Est-ce là une vraie preuve d’amour ? Et que signifie alors, pour un couple, de n’investir que dans un petit cadenas ? Est-ce à dire qu’ils s’aiment d’un « petit amour », qu’ils n’y croient pas vraiment ? Et qu’ont-ils fait des clés, tous ? Les ont-ils jetées dans les eaux troubles de la Seine, pour sceller encore plus le sentiment qui les habite, pour s’enferrer symboliquement l’un à l’autre ? Probablement. Sûrement, même. Sinon, quel intérêt à faire cela à cet endroit précis, face à Notre-Dame comme s’ils désiraient la bénédiction de cette entité supérieure que l’on appelle Dieu ?

Et alors, que se passe-t-il quand l’amour cesse, quand l’Autre n’est plus ce qu’il était, quand l’objectif est d’effacer toute trace de cet amour passé ? Un bon cadenas, c’est un peu comme un tatouage, c’est fait pour durer ! C’est ainsi que, dans les semaines, mois, années à venir, au fur et à mesure que la grille se parera de nouveaux colliers d’amour, la pleine lune verra débarquer sur le pont de sombres silhouettes sanglotantes, s’agenouillant face aux grilles et sortant de leur profond sac, une indiscrète pince-monseigneur pour officialiser le schisme…

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