Photo-graphies et un peu plus…

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Et sans hamac ! 8 nouveaux cas confirmés et probables pour la journée d’hier. La descente se poursuit, c’est une excellente nouvelle pour le pays ! Et pourtant, nous sommes toujours dans l’expectative. « Attitude d’une personne ou d’un groupe de personnes, qui attend prudemment et attentivement qu’un parti sûr se présente pour s’engager et agir » selon le CNRTL (1). « Parti sûr »… Voilà qui vient se heurter à ce qui qualifie le temps présent, à savoir l’incertitude.
Pour cette dernière, la même source annonce : « impossibilité dans laquelle est une personne de connaître ou de prévoir un fait, un événement qui la concerne; sentiment de précarité qui en résulte ». J’ai vérifié, je n’ai jamais autant utilisé et de façon si rapprochée, les mots « incertitude » et « impression » que depuis le début de ce récit de (non) confinée. D’une part, nous ne savons pas ; d’autre part, nous ne sommes pas totalement sûrs de ce que nous percevons non plus. Cela me rappelle toutes ces fois où j’ai marché dans la brume sans voir où me conduisait le chemin sur lequel j’étais ni ce qu’il y avait autour…
 
Je m’en remets à nouveau à Edgar Morin qui répondait au journaliste du Journal du CNRS (2) que « nous devons apprendre à accepter [les incertitudes] et à vivre avec elles, alors que notre civilisation nous a inculqué le besoin de certitudes toujours plus nombreuses sur le futur, souvent illusoires, parfois frivoles, quand on nous a décrit avec précision ce qui va nous arriver en 2025 ! L’arrivée de ce virus doit nous rappeler que l’incertitude reste un élément inexpugnable de la condition humaine. (…) Nous essayons de nous entourer d’un maximum de certitudes, mais vivre, c’est naviguer dans une mer d’incertitudes, à travers des îlots et des archipels de certitudes sur lesquels on se ravitaille… ».
 
En temps normal, je ne suis pas en quête de certitudes, j’ai bien conscience que tout est possible et que la vie prend souvent des chemins inattendus. En temps anormal, je ne suis pas plus en quête de certitudes, mais force est de constater que certaines – pas beaucoup hein, juste une ou deux – pourraient être utiles voire salutaires. Par exemple : notre vol de début juin via Singapour sera-t-il maintenu ?
C’est une question que nous nous posons tous les jours sans avoir de réponse, sans savoir quand nous aurons une réponse sûre, sans savoir quand nous pourrons reprendre un avion si jamais ce troisième vol de retour en France était annulé. Car, pour l’heure, le gouvernement n’a pas partagé ses décisions quant à la porosité de ses frontières. Nous avons compris qu’elles n’étaient pas prêtes d’être ré-ouvertes aux étrangers mais que ceux qui voudraient partir pourraient le faire. En même temps, rien d’officiel pour le moment. Et puis, encore faut-il qu’il y ait des avions, que les escales et transits soient de nouveau autorisés. Encore faut-il que des compagnies aériennes acceptent de voler vers des destinations presque à vide – puisque personne, hormis les kiwis, ne pourrait venir en Nouvelle Zélande et ils ne sont peut-être pas des milliers à vouloir le faire. Et j’oublie l’espace Schengen susceptible, lui aussi, d’être verrouillé…
 
Si nous étions sûres que ce vol Auckland – Singapour – Paris allait partir, alors, nous aurions réagi différemment hier soir, en découvrant le mail de l’Ambassade de France en Nouvelle Zélande. Elle annonce un deuxième vol depuis Christchurch sur l’Île du Sud le 21 avril, précisant à l’occasion que ce sera le dernier. Qu’après le 21, chacun devra rentrer par ses propres moyens via les vols commerciaux. Sur lesquels nous n’avons donc aucune certitude… Or, à un moment, il nous faudra tout de même rentrer. De façon certaine. Si je suis mon propre patron – enfin, je ne sers pas à grand chose en ce moment, mais cela me donne au moins la liberté de croire que je peux travailler d’où je veux –, ce n’est pas le cas de Coralie. Et la patience a toujours ses limites, sauf chez les grands sages que ne sont pas toujours les RH.
 
« Alors, quoi, on s’inscrit ? Quand même, elle n’est pas optimale la com’ de l’Ambassade, à n’avoir pas pu dire combien de vols (en tout 4, 2 depuis Auckland dont un réservé aux personnes les plus fragiles et l’autre inaccessible puisque vol intérieur complet, pas de bus, pas de train ; 2 depuis Christchurch dont celui du 21) seraient organisés et jusqu’à quand, à peu près – ils ne savaient sans doute pas ; ni qu’il n’y en aurait pas depuis la capitale ; et comme ça, t’envoyer un mail où est écrit en gras et en rouge que youhou c’est le dernier et qu’il part de Christchurch (à 450 km de Wellington, sur l’autre île). On essaye de l’avoir ce vol ou on croise les doigts pour que celui que nous avons réservé ne soit pas annulé – dans l’histoire de l’humanité, je ne suis pas sûre de trouver de preuve que le croisement de doigts ait déjà eu une quelconque influence sur les décisions prises par les compagnies aériennes ou qui que ce soit d’autre d’ailleurs ? Oui mais, s’il est annulé ? Et si lundi, le gouvernement annonce fermer ses frontières pour un an ? Oui, je sais, mais on ne peut pas savoir ! Oui mais c’est aujourd’hui qu’il faut choisir. Mais « ils » – nous ne savons pas trop qui « ils » sont d’ailleurs – ne vont pas laisser les gens – les étrangers ayant un billet retour – comme ça ! On ne sait pas. »
 
Bref, après une nuit mouvementée – avec entre autres, un réveil à 4h du matin par les grattements répétés et acharnés de la bête qui avait déjà creusé dans la terre du jardinet de la courette, à l’endroit même où devraient pousser des choux de Bruxelles !, bête qui, après ouverture de la fenêtre et balayage systématique à la frontale, s’est révélée être un ensemble de branches de l’olivier poussées par le vent sur la façade ! –, ce matin, nous avons décidé de nous inscrire sur ce vol.
Oui… Mais bon, cela ne signifie pas pour autant que nous avons des certitudes, même pas une, entre les mains. Car s’inscrire ne signifie pas « être pris ». Je ne sais pas trop comment l’écrire, je n’ai pas compris quels étaient les critères de sélection de l’Ambassade. Car tous les inscrits ne pourront pas partir a priori. Et puis, maintenant que nous sommes inscrites, nous devons nous attendre à n’avoir la réponse de l’Ambassade que la veille ou l’avant-veille du départ… Ce qui est sans doute un temps incompressible pour statuer sur les dossiers, mais qui n’est pas hyper pratique. Surtout quand il faut organiser un vol intérieur pour aller attraper ledit vol international, que l’ensemble doit se faire sur une journée du fait des restrictions de déplacements ici – nous avons donc acheté deux billets pour le 21 au matin sans savoir si nous pourrons prendre le vol pour Paris ; qu’il faut se préparer à quitter un toit en urgence – nous avons prévenu notre logeuse de cette possibilité de départ précipité en lui précisant que nous lui réglerons le loyer de la semaine prochaine dans tous les cas (oui, on paye à la semaine ici). Et puis, après tout cela, nous nous sommes imaginées de retour en France dès mercredi matin, et vivre la suite du confinement dans notre appartement, sans courette, sans balcon, sans nature à 1 km… Comment dire… Quand ce que l’on préférerait faire, ce que l’on peut faire et ce qu’il serait préférable de faire renvoie à trois réalités différentes, décider n’est pas une sinécure…
 
(1) Centre national de ressources textuelles et lexicales, une belle bible des mots
(2) https://lejournal.cnrs.fr/articles/edgar-morin-nous-devons-vivre-avec-lincertitude

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