Photo-graphies et un peu plus…

A un cheveu près

Voilà le genre de situation qui nous fait rire a posteriori mais qui nous plonge dans des abîmes de solitude au moment même où nous les vivons. Vous jugerez par vous-mêmes… Cela s’est passé en fin de journée, à l’heure où tout le monde rentre chez soi et converge vers le métro. Le wagon est d’ailleurs bondé. Et il est aussi difficile d’y entrer que d’en sortir. Je me retrouve coincée entre cinq personnes, chacune d’elles étant elle-même coincée entre cinq autres personnes… Impossible de bouger le moindre orteil ! Encore moins les bras. J’ai déjà vécu cette situation des centaines de fois, je sais qu’il suffit de prendre son mal en patience et de penser à autre chose. Sauf que ce jour-là, alors qu’il ne me reste plus que trois stations à parcourir avant d’atteindre ma destination, quelque chose commence à me chatouiller le bout du nez. Rapidement, cela devient littéralement insupportable et je n’ai une envie : me gratter frénétiquement le nez pour en faire disparaître ce cheveu blanc tombé du ciel ! Sauf que je ne peux toujours pas bouger et que nous sommes tous dans ce cas.

Je change alors de stratégie, optant pour la solution « moyens du bord » consistant tout simplement à me souffler dessus, en direction de mon nez. J’ai franchement l’air ridicule,  impression qui, malheureusement, ne s’atténue pas puisque ce petit cheveu tout fin ne scille même pas et continue à se jouer de moi… C’est un véritable supplice, j’ai l’impression que ce cheveu subtilement accroché à ma peau m’envoie des décharges électriques dans tout le corps. Et je comprends alors qu’il ne me reste plus qu’une chose à faire même si je repousse au maximum ce moment d’une grande incongruité : espérer que l’un ou l’autre de mes voisins inconnus accepte de me souffler dessus… Passé l’étonnement, ils sont trois à s’y mettre – deux jeunes femmes et un quadragénaire -. Autour de nous, les autres passagers incrédules observent la scène avec un certain amusement teinté de dégoût. Il faut alors 2 bonnes minutes à mes souffleurs pour me libérer du joug de ce fichu cheveu. Quel soulagement ! Au même moment, les portes du métro s’ouvrent et je suis éjectée du wagon sans ménagement et surtout, sans avoir l’opportunité de remercier mes sauveurs avec lesquels je viens de vivre une situation très intime…

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Je n’aime pas toujours les enfants – par exemple, je n’aime pas quand ils crient, chouinent, pleurnichent alors que j’essaye d’avoir une discussion suivie et sérieuse avec quelqu’un, ni qu’ils posent 36 fois la même question à leurs parents sans se fatiguer et avec toujours ce même air innocent (que quelqu’un leur réponde s’il-vous-plaît !), ou encore qu’ils donnent l’impression à tous ceux qui les approchent de devoir mettre leur vie entre parenthèse pour ne s’occuper que d’eux d’eux d’eux. Oui, oui, je sais, « un enfant, malgré tout, c’est tellement de bonheur » ! Bref.

Je n’aime pas toujours les enfants donc mais il est des circonstances où, malgré tout, je les aime toujours. C’est lorsque, avec une simple question posée bien évidemment en toute innocence, ils réussissent à mettre en défaut tous les adultes en présence, les laissant coi avec leur ignorance de grand sensé tout savoir ! Cela s’est produit pas plus tard que la dernière fois. Un bout de marmaille s’est posté devant un de ces Gulliver et lui a lancé : « Pourquoi, quand on se chatouille soi-même, on ne rigole pas ? » Première étape pour le grand : comprendre la question et vérifier qu’elle a un sens. Deuxième étape : visualiser l’action et réaliser, peut-être pour la première fois, qu’effectivement, se chatouiller soi-même ne produit pas du tout le même effet ! Cela n’en produit d’ailleurs aucun.

Le minot, patient, le regarde avec des yeux de chouette sur laquelle on aurait braqué une lampe torche. Troisième étape : trouver une réponse, une réponse, réponse… Les pupilles du grand se dilatent : il croit tenir son explication. « C’est parce qu’en se chatouillant soi-même, on anticipe le geste et du coup, on ne peut plus rire » se dit-il intérieurement. Il s’apprête alors à livrer sa théorie à la marmaille, il articule la première syllabe avant de ravaler sa phrase : il vient de comprendre que son explication ne tenait pas une seconde. Quand une personne s’approche pour nous chatouiller, le fait de la voir et de savoir ce qu’elle va faire ne nous empêche absolument pas d’éclater de rire, éventuellement de nous tordre par terre à en perdre notre souffle. L’anticipation n’est donc pas le facteur discriminant. Alors l’autre, incapable d’avouer qu’il n’en a fichtre aucune idée, regarde le petit et lui dit : « Elle est nulle ta question ! ». Et là, ce sont les adultes que je n’aime pas toujours…

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