Photo-graphies et un peu plus…

Je peux l’avouer aujourd’hui, j’étais dans l’avion rebelle du Couloir aérien, celui qui s’était offert une petite virée spatiale, comme ça, sur un coup de tête, un matin comme il en existe où l’on se sent pousser des ailes, où l’on se dit que tout est possible. Juste avant d’amorcer son ascension, l’avion, qui avait pris les commandes de lui-même (une option négligée du pilotage automatique), a diffusé un message dans la cabine, expliquant tout ce qui allait se passer. Pirate de l’air, certes, mais soucieux du confort de ses passagers, et c’est tout à son honneur. Incrédulité dans les rangs jusqu’à ce qu’il ne commence sérieusement à s’incliner, alors transformée en panique totale. Mais, une panique étrangement silencieuse. A couper le souffle, pour ainsi dire.

De toute manière, il n’y avait rien à faire : l’avion en position verticale, impossible de se lever de son siège pour remonter le courant. Il n’y a que dans Titanic que les héros sont capables de défier la gravitation à ce point ! De la fiction ! Là, on est de l’autre côté. Dans la réalité. Evidemment, les masques à oxygène sont tombés et nous les avons mis dare dare sur nos visages, prenant de grandes inspirations comme si elles allaient nous réveiller d’un mauvais rêve. A bien y réfléchir, ce calme surréaliste était peut-être dû à la musique qu’avait mise l’avion, vraisemblablement très cinéphile. L’ouverture de Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss puis, dans la foulée, Le beau Danube bleu de Johann Strauss II, homonymie fortuite car sans lien de parenté. En quelques minutes, porté par la valse autrichienne, tout le monde était dans un état second. Comme perché. Contemplatif. A l’extérieur, palier de décompression après palier de décompression, le bleu ciel devenait nuit. Les petites télés, branchées sur ce que l’on voyait du cockpit, faisaient défiler des images d’un infini, sombre, et en même temps, parsemé de petites billes de lumière et de sphères gazeuses, que l’on devinait à travers les hublots. L’inconnu fantasmé, le rêve incarné. Une parenthèse étoilée sur laquelle est venue, pendant une micro-seconde, flotter l’image de la cité que nous venions de quitter, tel un au-revoir sublimé.

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