Photo-graphies et un peu plus…

Share on Facebook

Prendre cette photo m’a rappelé une remarque de mon professeur de dessin au lycée. Il y a quelques phrases d’enseignants, comme cela, qui m’ont marquée, sans qu’elles aient toujours de lien direct avec le contenu de leurs cours. En la matière, c’est une appréciation de ma professeur de français de 1re qui gagne, haut la main, la palme de la sentence la plus mémorable. Je vous la livre telle que je m’en souviens, c’est-à-dire, à la virgule près : « La médiocrité du français gène des travaux de plus en plus satisfaisants ». Sentence servie dans un contexte où j’étais parmi les 5 premières de la classe. Je n’ose imaginer ce qu’elle a écrit aux suivants. Un mélange subtil de compliment et de vacherie que, comme le lait, j’ai eu du mal à digérer, ne sachant s’il fallait que je m’attarde plus sur le mot fort et violent « médiocrité » ou celui, encourageant et porteur d’espoir « satisfaisants ». Je n’ai pas tranché mais force est de constater que cela n’a pas altéré mon désir d’écriture, qui n’existait pas forcément à cette époque d’ailleurs, même si la formule a traversé les décades comme un saint sacrement. J’ai cru l’avoir croisée dans la rue il y a quelques mois. En blonde. Fausse. C’était très furtif et je n’ai pas cherché à vérifier. Que lui aurais-je dit ? « Vous vous souvenez, je suis la fille au français médiocre mais aux travaux de plus en plus satisfaisants ? ». Je me demande ce qu’elle penserait en apprenant que le verbe est devenu mon quotidien. Je pourrais même pousser un peu plus loin et me demander en quoi ce défi qu’elle me lançait à travers cette phrase sibylline n’a-t-il pas été le catalyseur de cette nécessité d’écrire, mieux.

La remarque de mon professeur de dessin m’a plongée dans une perplexité toute différente, à tel point, qu’aujourd’hui, je doute encore de l’avoir bien entendue. Son ton catégorique à l’époque avait ôté toute velléité de contradiction même si je n’en pensais pas moins. Notre salle d’arts plastiques était perchée au dernier étage du lycée, avec une belle hauteur sous plafond, partiellement des verrières. Un vrai atelier d’artiste avec ses tâches de peintures sur le parquet. Il y avait des ombres sur le dessin que je lui présentais pour un retour éclairé. Des ombres à la tonalité différente. En clair, des ombres plus sombres que d’autres. Parce qu’il y avait plusieurs éclairages. Logique. Même plus que ça, optique. Un peu rieur, il m’avait alors dit que les ombres ne s’additionnaient pas. Une ombre n’était qu’une ombre, toujours fidèle à elle-même. Et pourtant, quand on voit la multi-projection de cet escabeau sur le béton, force est de constater que l’ombre est loin d’être si monotone…

Share on Facebook

Share on Facebook

Une fois n’est pas coutume, je commence par le texte car ce qui suit devrait être un joyeux bazar. Tout comme le sont certains étals de vide-grenier amateur, où l’on trouve tout et souvent, n’importe quoi, parmi lesquels des objets dont nous voudrions nous-même nous débarrasser s’ils nous appartenaient. Et que nous sommes pourtant prêts à acquérir car à 1 €, le « n’importe quoi » prend du galon et peut encore faire des heureux… On se dit : « A ce prix-là, ce n’est pas grave si cela ne fonctionne pas, si cela casse dans dix jours, si je ne le mets pas, si je le perds, si on me le vole, si… Au pire, je le revends au prochain vide-grenier ! ».

Du coup, j’ai loué mon mètre linéaire car, comme avant un déménagement hâtif, j’ai besoin de faire un peu de vide dans mon dossier hebdomadaire où j’accumule les photos envisagées pour ces duos quotidiens. Il y en a quelques unes que je ne peux plus voir en peinture, certaines prennent la poussière, et de nouvelles idées s’accumulent dans les carnets avec d’autres photos… Et puis, ce sont les vacances, cette coupure tant attendue où, comme au 1er janvier de chaque année, nous tentons de prendre de bonnes résolutions (soit dit en passant, c’est simplement car nous avons enfin le temps de nous poser, de sortir la tête hors de l’eau, et donc de penser, que nous essayons de reprendre la main sur notre quotidien pour les mois à venir ; ce que nous appelons communément des résolutions donc). Bref, trêve de bavardage, il est faussement 6h du matin, l’heure de tout déballer sur mon stand et d’essayer de lier ces images, dans l’ordre où elles se présentent à moi alors qu’elles n’ont rien en commun.

C’est parti :

Il faut toujours un point de départ. Une gare aux ombres énigmatiques et un sombre passager fuyant feront amplement l’affaire…

Oublions la gare de la ville où on y danse on y danse et prenons la vedette ! Cet îlot qui, de la crête de Crater Lake, a des allures de vaisseau fantôme (comprenez, on ne le voit pas tout le temps), ressemble, depuis le niveau de l’eau, à un trou noir, une sorte de grotte inversée dans un décor de rêve…

Qui nous ferait ressortir directement dans les ruelles de Kyoto où, un peu avant la tombée de la nuit, les geishas défilent en silence et sous le crépitement des flashs de badauds les attendant au tournant…

Je me suis alors demandé où pouvaient les conduire leurs pensées à cet instant précis où elles n’étaient plus qu’un personnage au visage figé, qu’une icône aux yeux des autres dont ils voulaient rapporter une image à tout prix… Peut-être sur cette plage Quileute de La Push, de l’autre côté de l’océan Pacifique, où reposent ces trois rochers majestueux…

Et où, paradoxalement, on traverse les paysages à vive allure…

Au risque de se heurter à un mur étrangement colonisé par du lichen déshydraté… Heureusement, une manœuvre réflexe permet d’éviter le choc frontal mais elle nous projette directement à l’embouchure de ce nouvel abysse, de cette sombre porte carrée sans fond apparent.

A l’autre bout de laquelle se trouve une plage normande éclairée sporadiquement par des pétards de fête nationale. C’est là que ça se gâte, que je perds le fil et que tout s’enchaîne sans transition ni autre explication que de courtes légendes lapidaires…

Paris, Nuit Blanche… Succès démesuré. Approcher l’installation de Vincent Ganivet relève du parcours du combattant. Lassés, les gens passent à côté sans lui jeter un œil.

Sagrada Familia. La lumière, dont je force volontairement le trait, inonde ce lieu d’une beauté sans pareille provoquant un séisme émotionnel de 9 sur l’échelle de Richter…

Pour le cliché, tout simplement. Impossible de se trouver à un tel endroit sans penser à un calendrier. Cela a quelque chose d’un peu ringard et en même temps, la ringardise a parfois ses avantages…

Sous les poursuites roses, une montagne humaine se lève et fait une hola aussi difficile à saisir que magique à voir… S’ensuit une avalanche d’images non légendées, un mélange de chaud et de froid, d’ici et d’ailleurs, de réalité et de faux-semblant, de proche et de lointain… Des images qui s’enchaînent sans d’autre raison que celle imposée par leurs noms qui s’enchaînent.

Voilà, en un coup d’ailes, c’est fini. Le stand est quasi vide. Je me sens légère tout d’un coup…

Share on Facebook

Share on Facebook

Share on Facebook

Share on Facebook

J-1, c’est ce moment, effroyable évidemment, où l’on réalise que l’exposition, le spectacle, le festival que l’on avait repéré(e) alors qu’elle (ou il) venait tout juste de commencer et que l’on voulait absolument voir va s’achever ou fermer ses portes dans les tous prochains jours. Voilà que tout d’un coup, il faut courir musées et galeries pour réussir à découvrir ce qui était partiellement planifié depuis quelques semaines voire quelques mois. Autant de rescapés d’un naufrage où il y a, il faut se le dire, peu de survivants. Malheureusement, quelle que soit la durée de la manifestation et la motivation initiale, le phénomène du J-1 est assez récurrent, comme un dommage collatéral des excès de vitesse du temps… Et je ne sais plus ce qui est le plus effroyable : le fait de ne pas réussir à isoler deux ou trois heures de son temps pour visiter une exposition ou assister à un spectacle, celui de ne pas s’être rendu compte qu’il s’était écoulé trois mois entre l’instant où l’on s’était dit : « Il faut que j’aille voir cette expo / ce spectacle ! » et le J-1, ou enfin, celui de manquer un rendez-vous avec la création… Probablement un mélange des trois…

Share on Facebook

On la connaît tous, cette petite phrase, pour l’avoir soi-même prononcée ou se l’être entendue dire. Une façon diplomatique d’avouer que l’on aime pas spécialement (ce mot est important) ce qu’une personne, que l’on n’a pas envie de froisser, est en train de nous montrer avec un enthousiasme non feint. Ceci dit, la personne en question, qui use du même stratagème de temps à autre, n’est pas dupe et répond souvent par un « Tu n’aimes pas, c’est ça ? ». Deux solutions se présentent alors à nous : assumer effectivement ce que l’on pense vraiment au risque de vexer celle que l’on voulait épargner et qui voudra forcément savoir pourquoi l’on aime pas, ce à quoi vous serez obligé de répondre, tout en étant bien incapable de cacher que vous trouvez cette table basse vitrée montée sur une roue de chariot absolument immonde (cela parlera peut-être à certains fans de Billy Cristal), ou, s’enfoncer dans la parade en tentant de limiter la casse. Le plus sain est qu’après un « à chacun ses goûts », celui qui le reçoit ne poursuive pas.

Ce n’est pas ce qu’ont décidé de faire les habitants de cette place du Bari Gottic barcelonais, qui, à chaque fois qu’ils ouvrent leur fenêtre, tombent nez à nez avec cet artefact immense de grillage fuselé comme un aéronef prêt à s’envoler, ce qu’ils aimeraient probablement… Et ils sont plusieurs à protester via des affiches accrochées… aux grilles de leurs balcons et clamant « No a l’escultura ». La bête a en effet de quoi désarçonner et questionner celui qui s’approche du lieu. Ce qui est aussi le rôle de l’art. Enfin, de l’Art. Et il n’y a pas de faute de goût dans l’Art. Juste des gens qui ne peuvent pas comprendre la portée d’une telle œuvre. Evidemment, tous les matins, tous les soirs devant soi, de façon très pragmatique, c’est autre chose. Voilà donc ce que je suggère aux mécontents : qu’ils fassent pousser des plantes grimpantes le long de ces fils de fer qui feront d’excellents tuteurs, et, ainsi, obtiendront-ils, au bout de quelques mois, une agréable canopée sous laquelle ils auront plaisir à se reposer et où viendront se nicher quelques perruches vertes… Pourquoi pas ? Il en faut pour tous les goûts !

Share on Facebook

Share on Facebook