Quelle surprise en faisant défiler les images du jour pour un premier tri grossier ! J’ai cru me retrouver dans ce test vidéo de psychologie cognitive que j’avais « raté » à l’époque et dans lequel on demandait aux observateurs de compter le nombre de passes que se faisaient les joueurs d’une équipe en blanc (promis, je ne spoile pas mais j’invite ceux qui n’ont jamais réalisé ce test à vous rendre ici.) Bref, hier comme il y a 5 ans, je suis entrée dans un tunnel cognitif et ai fait preuve de cécité d’inattention ! J’étais en effet tellement concentrée à tenter d’isoler visuellement le duo colley / maîtresse aux chromies concordantes entre les incessants passages de badauds que je n’ai pas du tout vu passer le monsieur au premier plan avec ses ballons colorés ! Pourtant, ce sont évidemment eux que j’ai vus en premier quelques heures plus tard… Et évidemment, comme dans le film pré-cité, a posteriori, on se demande comment on a pu passer à côté de quelque chose d’aussi visible !
Force est de constater qu’il nous est impossible de ne pas les toucher… Nous ne nous en rendons évidemment pas compte sur le moment mais les effleurements inlassablement répétés par des mains baladeuses toutes différentes les unes des autres finissent par laisser des traces indélébiles sur les sculptures composant cette énième fontaine de Neptune (ce qui n’est pas péjoratif), et, d’une certaine manière, par nous trahir même si ce « nous » est indéfini et collectif.
Le plus amusant est bien sûr de repérer les sites les plus courtisés. Et si l’on peut aisément comprendre – comme le suggère la photographie de cette dame se faisant prendre en photo devant une déesse nonchalante et réchauffée – que les genoux et la main gauche sont manifestement des endroits sur lesquels les gens s’appuient en de telles circonstances, difficile d’imaginer que le sein gauche serve à ce point de béquille… Non, pour ce dernier, la motivation est vraisemblablement différente, un peu plus grivoise assurément, même si l’on ne saurait se satisfaire d’une surface aussi froide.
Certains artistes aiment vous plonger dans l’inconnu. L’obscurité en est une des nombreuses formes. Il faut l’accepter et s’y tapir sans crainte pour, au bout de quelques instants, pouvoir y déceler la lumière résiduelle, et revoir, enfin. Pourtant, intimidés voire inquiets, certains visiteurs ne vont pas plus loin que le bord de cet autre monde, là où ils sont encore touchés par les photons, ceux-là même qui les guident au quotidien, éclairent leur chemin et, ce faisant, les rassurent. Ils tergiversent, ils scrutent, ils hésitent, ils s’interrogent… Forcément, en demeurant là, l’obscurité de ce cube gagne en profondeur et leurs doutes s’installent. Mais voilà que le jeu s’inverse : alors qu’ils voient de moins en moins ce qui se trame à l’intérieur, ils deviennent de plus en plus visibles pour ceux qui y sont déjà… et d’une certaine manière, leurs errements ainsi mis en lumière sont une oeuvre en soi.
Le lundi, c’est un peu comme le 1er janvier, on peut décider de prendre de bonnes résolutions pour les semaines à venir, idéalement les mois voire les années. Ainsi, si comme moi, face aux piles de papier noircies entassées en pagaille sur votre bureau, aux idées de projets griffonnées sur des carnets ou notées dans des mémos électroniques, et à celles qui vous traversent l’esprit au moment même où vous écrivez, auxquelles s’ajoutent des todolist en tous genres, vous ne savez pas vraiment par quel bout commencer, de telle sorte que souvent, pour éluder la problématique sous-jacente – votre incapacité à faire des choix – vous vous lancez dans quelque chose d’autre, d’imprévu, ou plutôt de non prévu, alors, ce duo est fait pour vous. (On m’a récemment dit que mes phrases étaient complexes, un peu alambiquées et parfois longues, j’ai failli m’en offusquer avant de réaliser que c’était sûrement un peu vrai, même vrai, ce qu’illustre parfaitement la phrase précédente ! )
Un matin brumeux, alors que, quasi désespérée, je m’apprêtais à nouveau à faire quelque chose d’imprévu pour éviter d’avancer sur quelque chose de prévu, une voix m’a lancé :
– Un grand maître m’a un jour donné la recette de l’organisation optimale. Aujourd’hui, je te la transmets (car vraiment tu fais n’importe quoi !). Es-tu prête ?
– Oui, bien sûr !, vous pensez, la recette de l’organisation, comment passer à côté ?
– Très bien, alors, c’est extrêmement simple ! Tout ce que tu as à faire, tu dois le répartir selon quatre catégories : le urgent et important, le urgent et pas important, le pas urgent et important, le pas urgent et pas important. Si tu préfères le mot « vital » à celui d' »important », remplaces. L’important est que ce mot te parle et incarne le moteur de ton action. Comme tu le sais, tout est une question d’équilibre dans la vie : si tu passes tes journées à faire des choses pas urgentes et pas importantes, tu vas vite te lasser et avoir l’impression de ne pas avancer (en plus de te leurrer) ; si tu passes tes journées à ne faire que de l’urgent mais pas important, comme peut l’être la gestion du quotidien par exemple, kif kif. Donc, écoute bien ce que je vais te dire : tu dois évidemment commencer par ce qui est urgent et important, et enchaîner avec ce qui est urgent et pas important, mais, pour ne pas avoir l’impression de te laisser emporter par une vie dont tu ne maîtrises ni le rythme ni le contenu, il faut que tu t’autorises à glisser entre ces deux catégories du « pas urgent et important » – des projets personnels à moyen ou long terme par exemple – : c’est absolument essentiel même si, sur le moment, tu penses que ça n’est pas le moment !
J’ai évidemment tout pris en note, pensant voir poindre mon salut prochain, quand tout à coup, une ombre est venue m’assommer :
– Ok, urgent et important, urgent et pas important, pas urgent et important, pas urgent et pas important, j’ai bien saisi, c’est très clair. Mais comment fait-on pour déterminer dans quelle catégorie entre tel ou tel projet quand on a l’impression qu’ils sont tous urgents et importants ?
Sur cette question à double tranchant, la voix, non sans avoir toussoté quelques secondes, m’a alors répondu : « Et bien cela, toi seule peut le savoir ! »
Autant vous dire que je me suis lancée dans un autre projet. Imprévu bien entendu…
Stupéfaction et tremolo à l’heure du café matinal et de la consultation frénétique index à l’appui, mais glissant, des nouvelles du jour ! J’ai souvent les yeux clos quand je les consulte depuis que je me suis autogreffé une appli censurant les mauvaises nouvelles et les fermant automatiquement (à la fois les yeux et les nouvelles). Il y en avait trop, ça n’était plus vivable, et je n’ai pas l’impression de fermer les yeux sur ce qui se passe dans le monde pour autant ! Enfin, si, mais il existe différentes manières de voir. Bref, là, ils sont restés ouverts, non que la nouvelle soit bonne – car le contraire de la mauvaise nouvelle n’est pas forcément la bonne nouvelle, ce serait trop simple -, elle serait plutôt ébouriffante, invraisemblable, renversante !
J’ai d’ailleurs d’abord cru à un canular, un hoax, un fait alternatif. Ce qui m’a incitée à vérifier, avant toute chose, si elle était présente sur d’autres supports, même si ça n’est plus forcément une garantie de véracité (où va le monde ?). Et maintenant que j’ai écrit toutes ces lignes sur cette info sans la partager encore, c’est un peu comme lorsque des amis vous disent que tel film ou telle pièce de théâtre ou tel livre ou tel concert est vraiment hyper-méga-génial-e et qu’il faut absolument-franchement-essentiellement aller le ou la voir ou le lire ou l’entendre, vous vous projetez naturellement sur ce qui vous hisse généralement à l’apogée de votre propre échelle émotionnelle, tout en modulant ce calcul à l’aune de votre fine connaissance de vos amis, vous vous imaginez des choses, et souvent, vous êtes déçus. Oui, déçus. Du coup (si si, j’ai écrit « du coup »), je ne sais plus si ça vaut vraiment la peine que je vous dise… Oui, parce que clairement, vous allez vous dire : « Quoi, tout ça pour ça ? Franchement, t’exagères Lou hein ! » Non ? Alors, vous allez re-regarder la photo choisie pour y puiser quelque indice alors qu’en réalité, tout se passe à 8614 km de là, le là étant le centre de Madagascar qui n’est pas littéralement l’endroit d’où j’ai pris cette photo, mais c’est plus simple pour le calcul, mes souvenirs d’il y a 20 ans n’étant plus aussi clairs. Je vous invite donc maintenant à prendre un compas géant et à tracer un cercle de 8614 km de rayon – j’en conviens, ça n’est pas très pratique – pour identifier la zone géographique en question et à vous balader sereinement sur la circonférence de ce cercle dans l’espoir de voir poindre l’illumination.
Ou bien, j’arrête là le supplice et vous dis tout de go ce qui m’a ébahie ce matin-là : l’inauguration, ou presque, d’un pont reliant Hong Kong à Macao ! Evidemment, avant avril 2017, ça ne me parlait pas vraiment ne sachant pas précisément quelle distance séparait les deux RAS de la Chine, mais voyez-vous, en avril 2017, j’ai justement pris le ferry – ultra rapide – depuis le port de Hong Kong pour rallier l’ancienne colonie portugaise et il mettait déjà une heure ! Je vois bien que vous vous attendiez à autre chose ! Mais pour que vous preniez bien la mesure de ce qui m’a fait tressaillir, dites vous que ce pont, qui devient automatiquement le plus long ouvrage maritime au monde, fait 55 km ! Vous vous imaginez, vous, rouler pendant 55 km au dessus de la mer ?
Je dis cela simplement, mais c’est sans doute la question que l’on m’a le plus posé suite à mon séjour en août dernier dans cette ville marquée par l’Histoire. Il m’est même arrivé d’y répondre avant que l’on ne me pose la question tant elle se lisait sur les visages. J’avoue avoir été stupéfaite que l’on puisse penser qu’une ville soit restée pétrifiée voire fossilisée dans son drame majuscule depuis 74 ans. Qu’il est étrange, ce rapport que nous entretenons avec cette mémoire collective lointaine dans l’espace et distante dans le temps… Comme si, vu d’ici, le temps s’était arrêté avec nos leçons d’histoire de la deuxième guerre mondiale apprises au collège. Comme si notre imaginaire d’alors ne pouvait dépasser les photographies d’archive que l’on nous avait montrées, de ville rasée, en flammes ; de corps en lambeaux, mutilés ; de néant insondable, insurmontable…
Je les aime, manifestement, ces villes meurtries et ravagées hier, ces villes données pour mortes et pourtant bel et bien vivantes aujourd’hui, ces cités d’illusions, complexes, insaisissables et magnétiques… Là, spontanément et sans, évidemment, être tentée par la comparaison, je repense à Detroit où je mettais les pieds il y a 5 ans, deux ou trois semaines après que la dernière banqueroute soit prononcée. Dans les deux cas, aller voir, aller au-delà des idées préconçues, capter l’étincelle ou la banalité derrière l’obscurité latente ou le passif extrême. La vie qui résiste. Bien plus que cela en fait. La vie.
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Je retrace cette rencontre physique avec Hiroshima dans mon livret « Je n’ai rien vu à Hiroshima » dont je partage une version numérique dans la foulée de mes deux récentes expositions où certains ont eu l’occasion de le découvrir en papier et en colle. Ce livret est édité en 50 exemplaires (format A5, 60 pages, 12 euros). N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez l’avoir dans votre bibliothèque pour prolonger le plaisir que j’espère vous aurez en le découvrant ici…
… la vie ressemble à un mirage. Tout à coup, alors que l’on ne s’y attend absolument pas, le merveilleux, le dissonant, l’extravagant débarque, et le temps de cligner deux fois des yeux pour s’assurer qu’on ne le rêve pas, il a déjà disparu. Impossible de savoir s’il a réellement existé ou s’il n’est que le fruit poétique d’une imagination en quête de… singularité.
Parfois, il est bon de se laisser porter par le courant sans résister. Pour voir où cela nous mène. De se laisser planer sans réfléchir. Pour se libérer de nos pensées parasites. De notre enveloppe corporelle. Celle-là même qui nous aspire vers le centre de la Terre. Oublier que l’on est là, sans omettre de respirer pour autant. Se plonger dans un milieu moins naturel, moins familier. Pour voir défiler une vie méconnue, en tous points différentes, et assurément captivante. Faire corps avec elle. N’être plus qu’une succession de battements de coeur, d’inspirations et d’expirations se perdant dans un océan de bruits sourds et étouffés. Une fois, deux fois, trois fois… Parfois, il est bon de se laisser emporter. Simplement.
Si j’ai déjà envisagé de suivre photographiquement une personne choisie au hasard dans la rue, je ne suis encore jamais passée à l’acte. Ah si, sur 150 mètres à Montréal en janvier 2011, sous la neige et par -17 °C. Ce n’était manifestement pas le bon moment. Six ans, trois mois et deux jours plus tard, je déambule dans les rues de Hong Kong et capte, avec une certaine délectation, une énième séance d’égo-trip – vous savez, cette nouvelle façon de voyager qui consiste à collectionner les photos de soi partout où on a posé les pieds mais pas forcément le regard. Tendance à la fois fascinante – quelle maîtrise de son image et de l’auto mise en scène à chaque fois ! – et déconcertante – de quoi cet autocentrisme est-il le symptôme alors même que leurs adeptes font l’effort d’aller vers l’ailleurs, ce qui n’est pas rien ? -.
Je poursuis mon chemin, sillonne les rues pentues du quartier de Wan Chai avant de filer, après quelques heures d’errance, vers Central, le coeur commercial et financier de la RAS, et en particulier, vers le point de départ du funiculaire historique – il a été inauguré en 1888 ! – qui me conduira, après un exercice de patience non négligeable et quelques secousses, au sommet de Victoria Peak. Comme 17 000 personnes chaque jour. C’est le point de ralliement préféré des vagabonds temporaires, offrant une vue imprenable sur la ville et la baie, sur son indescriptible densité, sur ses buildings grattant le ciel… Et assurément, un spot idéal pour une énième plus une séance d’égo-trip ! Et même si la probabilité que j’y retrouve ma sylphide dans une posture qui semble être son empreinte iconographique n’est certainement pas nulle, la surprise est de taille… Une question demeure : où est passé son sac en papier kraft ?
En pratique, toutes les photos figurant sur ce site sont en vente. N'hésitez pas à me contacter pour plus de renseignements !
Un tour du Soleil en duos : 6e année en cours
Pour (re)découvrir en un clin d’œil et sur une seule page les micro-histoires photographiques publiées en ces lieux virtuels :
- entre le 22/02/2010 et le 22/02/2011, voici Un tour du Soleil en duos…
Je me souviens avoir croisé cet ange, qui, bizarrement, voire étrangement, filait vers la Cathédrale Notre Dame. Je me souviens m’être retournée, avoir rapidement sorti mon appareil, et déclenché tout aussi vite donc maladroitement. Un ange qui passe, c’est rare, ça s’immortalise… Même si c’est déjà fait ! 1 Share on Facebook
Là, spontanément, si l’on pouvait s’inviter chez des inconnus comme ça, c’est-à-dire de façon totalement naturelle, impromptue, subjective, sans craindre d’être pris pour un fou, un malotru, un hurluberlu, j’irai directement frapper à la porte du 1er étage gauche. C’est incroyable comme de simples rideaux à une fenêtre – ouverts, fermés, unis, colorés, épais, voilés, […]
– Vous la reconnaissez ? – J’ai un peu de mal, mais je crois que c’est la deuxième en partant de la gauche. Je me souviens de son nez tronqué… – Ah, que n’inventerait-on pas pour détourner l’attention ? 8 Share on Facebook