Photo-graphies et un peu plus…

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Cette semaine-là, j’ai préféré marcher, pour photographier, au rythme de mes pas et de mon souffle court, cette montagne que je ne connais pas tant que ça, qui me fascine de plus en plus, et dont le blanc immaculé, sur lequel tout peut s’imprimer, me fait partiellement oublier qu’elle bouche l’horizon. Aussi imposante, massive et proche soit-elle, elle disparaît pourtant la nuit. Comme par magie. Aussi, lorsque la neige se met à tomber et que la dameuse apparaît miraculeusement dans mon champ, je me dis que mon regard est encore trop dans le réel, que la montagne m’a offert plus de poésie ces derniers jours et que là encore, elle fait de même avec cette chute d’étoiles et ce soleil qui sort de Terre.

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Illusion cartographique

Les photographies naissent toujours au moins trois fois. Une première fois lorsque nous les imaginons et qu’elles ne sont encore que virtuelles ; une deuxième fois quand nous les prenons et qu’elles existent alors ; et une troisième, lorsque enfin, nous les utilisons. Ces trois moments peuvent être totalement déconnectés dans le temps et nombreuses sont mes images dormant dans un coin en attente d’un potentiel réveil. Tout comme les raisons pour lesquelles nous prenons certaines images peuvent ne pas être celles pour lesquelles nous les utilisons…

C’est le cas de celle-ci, prise le 11 janvier 2014 à 14h18, et qu’il est devenu urgent de réanimer le mardi 26 avril 2016 à 10h54. Pourquoi cette photo quasi oubliée est-elle ainsi venue toquer à ma mémoire jusqu’à s’imposer sur mon écran ? Etait-ce cette conférence d’Hubert Reeves s’interrogeant sur la façon de concilier histoires de l’univers et de l’humanité que j’étais en train d’écouter qui m’avait influencée ou encore ce documentaire que j’allais voir le soir même contant la mission Appolo 11, celle-là même qui a permis à Neil Armstrong de faire un petit pas mais à l’humanité d’en faire un grand ? Ou alors cette vue aérienne de Paris postée la veille sur mon jeune compte Instagram où boulevards, rues, places lardaient la terre de profonds canyons où la vie bruissait en silence et dans laquelle je retrouvais une certaine ressemblance avec ce pare-brise méthodiquement piétiné faisant, à son tour, apparaître une autre topographie du monde ? Un mélange de tout cela certainement, et cette sensation de devoir composer avec l’infiniment grand, l’infiniment petit et les illusions qui les accompagnent…

Il me semble avoir d’ailleurs oublié une quatrième naissance en fait : quand une photographie s’offre au regard d’autres yeux, qu’elle échappe à son créateur et revêt alors des sens qu’il n’avait pas imaginés.

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Cette image est issue d’un travail documentaire initié en 2012 auprès de la Compagnie de théâtre Le Bouc sur le Toit. S’il est en stand-by, je l’imagine toujours en cours et, à vrai dire, je ne lui vois pas spécialement de fin. Les choses prennent le temps qu’elles doivent prendre. Au cœur de cette démarche durable, le processus de création, qui me fascine, quel que soit l’objet de la création. Comment les idées prennent-elles vie et forme ?

On ne se rend pas toujours compte, au moment où on les prend, de l’impact de certaines décisions sur nos vies futures. Je me contenterais ici de parler de « vie photographique ». A posteriori, je peux aujourd’hui affirmer que ce choix de suivre cette Compagnie – d’abord par curiosité et amitié – a marqué un tournant dans mon parcours photographique. Il m’a obligée à me rapprocher – c’était le but officieux – de mes semblables – quand bien même ceux-ci étaient en « représentation » – alors que j’aurais très bien pu continuer à errer dans ma zone de confort : le paysage, naturel ou urbain… C’est impressionnant, de s’approcher. Effrayant, forcément. Et passionnant bien évidemment. Je l’ai (re)découvert avec eux.

Cette scène-là, d’une infinie poésie, n’a pas passé l’épreuve du travail de recherche. Les répétitions et tâtonnements l’ont transformée en une matière bien plus brutale et frontale, faisant de cette photographie une trace, précieuse à mes yeux, de ce qui n’a été qu’une tentative, une idée voire même un rêve.

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La flèche du temps

En les voyant, je pense à ceux qu’ils sont aujourd’hui – un bébé apprenant à se tenir seul sur ses deux jambes, un jeune père fier et attentif – et ceux qu’ils seront demain – un jeune adulte fort et vertueux, un vieillard fatigué et heureux. Et je me dis que leurs ombres ont déjà compris tout ce qui allait se passer dans les années à venir…

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ça va de soi !

A certains moments de sa vie, on peut ressentir le besoin ou l’envie d’intégrer un groupe. Je ne parle pas ici de groupe de musique mais de personnes – ce qui, certes, inclut les groupes de musique – avec lesquelles on a des affinités, partage des idées, des idéaux, des sensibilités, des approches… et avec lesquelles on aimerait faire un petit bout de chemin. Pour le meilleur et pour le pire, pour ce que l’on imagine et ce que l’on découvre. Si intégrer ledit groupe, pré-existant donc, est une étape cruciale, joyeuse, excitante, perçue, à juste titre par le prétendant, comme une reconnaissance par ses pairs – ce qui fait toujours plaisir ! -, y trouver, a fortiori y forger, sa place est une aventure qui requiert écoute, patience, observation et flexibilité.

Car un groupe a rarement conscience des règles de conduite qui existent en son sein, se sont mises en place progressivement au contact des uns des autres, et sont de fait devenues totalement implicites et d’une certaine manière, invisibles de l’intérieur. L’arrivée d’un membre exogène dans ce micro-organisme autorégulé est justement l’occasion de révéler cet « allant de soi », ce fonctionnement interne, toutes ces règles non écrites mais tacites que le nouveau va mettre en lumière involontairement et sans arrière-pensée puisqu’il progresse en terre inconnue en proposant de faire ci, de procéder comme cela plutôt, d’aller là, de penser à ça, … parce qu’il estime, en toute honnêteté, que ce pourrait être une bonne idée. Il tente, il ose, il tâtonne. Il ne sait pas encore. Il faut alors être très attentif à la façon dont les autres réagissent à ses diverses initiatives et propositions pour déchiffrer le sous-texte, comprendre ce qu’ils ne disent pas, définir le règlement intérieur, et affiner, le cas échéant, son positionnement, son comportement. Parfois, cela réveille d’un coup, un peu comme lorsque l’on croque, sans le vouloir, dans une graine de cardamone égarée dans son assiette ! Et on s’interroge sur l’intérêt de toutes ces futures concessions. Parfois, cela glisse comme une cuillère de bon miel écossais, et on attend la suite avec impatience. Dans tous les cas, on apprend des autres, et donc de soi.

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Urgence !

Je serai brève et j’espère efficace, comme un slogan que l’on mémorise en deux deux et pour la vie : je propose que le temps de lecture soit retranché de l’écoulement naturel de la journée, en somme, des maigres 24h dont nous disposons chaque jour. La quantité de livres à dévorer et de connaissances à intégrer n’est en effet pas compatible avec la durée de vie moyenne de l’homme, quand bien même l’espérance de vie augmente toujours encore un peu… Techniquement, j’imagine cela très simplement : dès que vous ouvrez un livre, le défilement des minutes s’arrête, juste pour vous. Comme s’il ne comptait pas. Vous entrez alors dans une espèce de bulle hors du temps au cœur de laquelle vous êtes évidemment injoignable, indisponible, imperturbable et même invisible. Enfin, dès lors que vous fermez le livre, l’horloge reprend sa course et vous, votre vie au moment où vous l’aviez mise sur pause, à ceci près que vous êtes plus éclairé qu’avant ! Brillant non ?

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Y aller par 5 chemins

Ceci n’est pas un billet subliminal destiné à vous faire, un, penser à du chocolat, deux, manger du chocolat. Ceci dit, si vous faites l’un et/ou l’autre, je vous remercie de m’en informer, cela pourrait alimenter un nouveau billet sur la suggestion involontaire. Non, ceci est a priori (je sentais déjà que ça n’allait pas être aussi simple) un billet sur l’organisation de la pensée. Ou plutôt sur les différents plans d’organisation de la pensée. Une astuce apprise il y a quelques années pour gagner du temps, paraître intelligent, briller en société rapidement, et dont je ne me suis jamais servi. Ce qui ne signifie pas qu’elle est inutile pour autant. Ni que je n’en ai pas besoin pour faire vibrer mes paillettes…

L’idée ? Pouvoir aborder n’importe quel sujet assez promptement de façon argumentée et organisée donc, modulo une petite valise de culture générale quand même ou de curiosité, la première étant un corollaire de la seconde. Il y aurait ainsi cinq grandes approches (bien plus en réalité, mais dans le cas présent, il s’agit d’être efficace, de ne pas être pris au dépourvu dans une conversation de salon) pour développer une pensée : H, G, T, P et Z ! En clair Horloge, Global, Triangle, Pendule et Zoom. Au hasard – et pour assurer la continuité avec le billet d’hier (en fait, d’avant-avant-hier mais vous comprendrez plus tard) -, penchons nous sur les smartphones, téléphones intelligents,  mobiles multi-fonctions, terminaux de poche et autres ordiphones !

Horloge ! Facile : hier, aujourd’hui, demain ! Avant 1992 et l’IBM Simon, les smartphones n’existaient pas. Nous devions nous satisfaire de téléphones portables, qui étaient eux-mêmes révolutionnaires comparé au téléphone que nous appelons désormais fixe car il doit être relié en permanence à une prise pour être opérationnel. Par opposition au portable – victime de l’impitoyable progrès dès sa pré-adolescence comme s’il avait subitement déclaré l’équivalent électronique du syndrome de Hutchison-Gilford et, à cet égard, est considéré comme une antiquité sous nos latitudes, ce qu’il n’est pas en réalité à l’échelle de la planète – et au smartphone donc qui, lui, requiert d’avoir constamment une prise de courant à portée de main pour être rechargé, a fortiori, utile. Situation potentiellement dramatique qui a fait émerger des formules étranges comme « je peux te prendre du courant ? » voire « je peux me brancher ? », étant entendu que personne ne croit réellement que c’est vous, en personne, qui allez vous brancher : nous nous sommes progressivement auto-assimilés à nos machines… Bref, nous voilà prêts pour la posthumanité. Mais c’est encore un autre sujet !

Aujourd’hui, en 2018, il se vend 54 mobiles chaque seconde dans le monde. Effarant non ? Fin 2016, il y avait ainsi 5,7 milliards d’utilisateurs de mobile (oui, mobiles et smartphones confondus, ce qui ruine mon exemple je sais) sur la planète pour 7,5 milliards d’habitants dont 1 318 522 586 enfants de moins de 10 ans et 332 892 230 anciens de plus de 80 ans (je fais l’hypothèse naïve que les deux extrêmes de la population n’y ont pas ou plus accès), soit 1 651 414 816 personnes que l’on peut décemment sortir du scope. Une simple soustraction nous apprend donc que tous les autres ont des portables qui, en une poignée d’années, sont littéralement devenus nos auxiliaires de vie, des couteaux suisses qui ne coupent pas, d’effrayants doudous d’adultes, des outils qui, finalement, ne servent plus vraiment à appeler, ce qui relève pourtant de leur mission originelle…

Message de service : cela vous êtes totalement passé au-dessus de la tête, mais sachez que c’est la 3e fois que je m’attèle à ce billet en trois jours. A 1h du matin passées hier et avant-hier, voyant que je n’arriverai pas à le finir, j’ai changé mon sujet d’épaule donnant naissance à Fragile Equilibre d’une part et à Peak de rencontre d’autre part. Tout ce qui est en italique ci-dessus a ainsi été écrit aujourd’hui (ça aussi, mais je bascule en roman car on est repassé au présent…). Je ne sais pas ce qui m’a pris de vouloir faire un cours sur les plans d’organisation de la pensée alors qu’avant toute chose, il eut fallu en assurer un sur l’organisation tout court. Je vous livre donc sans développement ce qui m’a été récemment  conseillé pour l’optimiser. Lister tout ce que l’on a à faire et les ranger dans quatre catégories : urgent et important, pas urgent et important, urgent et pas important, pas urgent et pas important. Ceci étant établi et après avoir soldé le « urgent et important », tout est une question d’équilibre, en particulier entre le « urgent et pas important » qui, objectivement, squatte une bonne partie de notre quotidien et de notre énergie, et le « pas urgent et important » qui pourrait incarner des projets plus personnels, qui nous tiennent à cœur et qui nécessitent un engagement dans le temps non négligeable, de telle sorte que l’on peut avoir tendance à remettre à plus tard les moments où l’on pourrait s’y consacrer, nous donnant l’impression de ne pas avancer dans ces projets qui comptent vraiment pour nous. Je reste perplexe quant à la pertinence de la 4e catégorie : pourquoi persister à garder dans sa to do list des choses que l’on estime être ni urgentes ni importantes alors que l’on manque déjà cruellement de temps pour le reste ? Et enfin, existe-t-il un mode d’emploi pour hiérarchiser objectivement ses priorités ?

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Si j’ai déjà envisagé de suivre photographiquement une personne choisie au hasard dans la rue, je ne suis encore jamais passée à l’acte. Ah si, sur 150 mètres à Montréal en janvier 2011, sous la neige et par -17 °C. Ce n’était manifestement pas le bon moment. Six ans, trois mois et deux jours plus tard, je déambule dans les rues de Hong Kong et capte, avec une certaine délectation, une énième séance d’égo-trip – vous savez, cette nouvelle façon de voyager qui consiste à collectionner les photos de soi partout où on a posé les pieds mais pas forcément le regard. Tendance à la fois fascinante – quelle maîtrise de son image et de l’auto mise en scène à chaque fois ! – et déconcertante – de quoi cet autocentrisme est-il le symptôme alors même que leurs adeptes font l’effort d’aller vers l’ailleurs, ce qui n’est pas rien ? -.

Je poursuis mon chemin, sillonne les rues pentues du quartier de Wan Chai avant de filer, après quelques heures d’errance, vers Central, le coeur commercial et financier de la RAS, et en particulier, vers le point de départ du funiculaire historique – il a été inauguré en 1888 ! – qui me conduira, après un exercice de patience non négligeable et quelques secousses, au sommet de Victoria Peak. Comme 17 000 personnes chaque jour. C’est le point de ralliement préféré des vagabonds temporaires, offrant une vue imprenable sur la ville et la baie, sur son indescriptible densité, sur ses buildings grattant le ciel… Et assurément, un spot idéal pour une énième plus une séance d’égo-trip ! Et même si la probabilité que j’y retrouve ma sylphide dans une posture qui semble être son empreinte iconographique n’est certainement pas nulle, la surprise est de taille… Une question demeure : où est passé son sac en papier kraft ?

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Fragile équilibre

Nous regardons la vie avec les yeux que nous imposent les moeurs de notre époque. Et parfois, aveuglés par des automatismes trompeurs, nous la voyons de travers, ce qui lui ôte une part de son charme et de sa poésie naturels. Ainsi, non, cette femme quasi statufiée au pied de cette énigmatique formation rocheuse sculptée par la mer au fil des siècles n’est pas rivée à son téléphone. C’est tout le contraire même. Perdue dans un monde qui semble ne compter qu’elle, si elle lève ainsi délicatement sa main, c’est simplement pour rassembler ses cheveux anarchiquement balayés par les vents violents, imperceptibles dans cet univers minéral où rien ne s’agite à l’échelle du temps humain, et ainsi dégager son doux visage qui semble destiné à traverser les âges.

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Je suis sûre que cela vous est déjà arrivé à maintes reprises… Vous venez de passer une super soirée chez des amis, au théâtre, dans un parc, au ciné, sur la plage, au concert, autour d’un feu… Bref, hors de chez vous. Ceci dit, ce qui suit fonctionne aussi si ladite soirée s’est révélée désagréable, mais je préfère l’hypothèse optimiste. Poursuivons donc. Il fait nuit, il fait froid, vous êtes fatigué, vous n’avez pas vraiment envie de vous frotter aux transports en commun à cette heure tardive, vous lâchez à voix haute : « Si la téléportation existait, je me jetterais directement dans mon lit ». Fantasme auquel a minima une personne répond toujours : « Moi aussi ! ». Comme si, ce saut de puce, c’était la panacée. Personnellement, je me dois de vous dire que si la téléportation existait, même au faîte de ma fatigue post-bonne soirée, ce n’est pas dans mon lit que j’irais mais bien plus loin… Par exemple, là, sur les bords du Salar de Uyuni, en Bolivie, à l’aube, à admirer le lever de rideau bleu du jour naissant se reflétant dans l’eau du lac et, aux antipodes, l’arrivée solennelle de notre soleil éclairant de ses rais quelques monticules de sel aux allures d’iceberg… Je ne serais assurément pas reposée mais ce serait bien plus beau !

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