Photo-graphies et un peu plus…

Les gammes

Au même titre que les musiciens font les leurs – la majeure, la mineure, la chromatique, la tempérée, la décatonique, celle des physiciens et même de Pythagore pour ne citer que des occidentales, douces à nos oreilles facilement irritées par des accords de quarts de ton -, les photographes font aussi des gammes. Au sens propre, de petits exercices picturaux de proximité à répéter régulièrement et vers lesquels revenir de façon cyclique pour se forger un regard et des automatismes, pour affiner une technique et apprendre à anticiper, pour se tester et trouver sa voie, pour pratiquer et être prêt à grandir. Un peu comme les Chefs avec l’omelette – test liminaire et suprême de leur aptitude à ravir nos palais qui en ont vu d’autres avant de s’attaquer à des mets plus élaborés, sans pour autant dénigrer ladite cascade d’œufs. L’idée étant, pour le musicien, le photographe ou le Chef, une fois à l’aise avec ces basiques non moins fondamentaux, de les dépasser, voire de transgresser les règles qui les régissent  et se laisser ainsi porter par son imagination en toute quiétude. A cet égard, la photo de reflet(s) – de soi dans le miroir, des bâtiments dans les flaques, des bateaux dans l’eau, des fenêtres chez le voisin, des nénuphars dans le bassin, du soleil dans le rétro… -, dans laquelle, idéalement, on se perd à ne plus savoir ce qui est vrai ou faux, ce qui est ici ou là, se hisse dans le top 5 des gammes photographiques…

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VentilationLasse, assommée par cette chaleur anté-caniculaire, je vois des poumons fleurir partout, se gonfler et se contracter pour capter un maximum d’air… Le souffle court.

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La goutte et le vase

C’est l’histoire – courte – d’une goutte d’eau unique, monumentale – 20 mètres -, joliment galbée, sur le point de s’écraser dans un fracas proportionnel à sa taille sur le sol de la Bon Voyage Plaza pour se noyer dans la pellicule d’eau qui la recouvre et disparaître à jamais. Vibrant hommage à la nature pour ses créateurs, cette élégante goutte de 800 000 $ n’a pas échappé à la controverse, certains Vancouverois n’appréciant guère le coût de la boutade aqueuse dans cette ville parfois appelée Raincouver tant il y pleut. Comme s’ils avaient besoin ou envie qu’on leur rappelle ce qui est devenu l’emblème de leur ville ! En réalité, ils ont échappé au pire. Imaginez un peu ce qu’une telle commande artistique donnerait à Paris où déjections canines, mégots de cigarettes et autres épanchements urinaires sont de vraies plaies : une immense crotte délicatement déposée à Concorde, une montagne de mégots installée au Trocadéro et un jet jaune luminescent figé à Opéra…

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S'enflammer

Je pousse la lourde porte de bois dense sculpté et me heurte à ces frêles silhouettes dans la nuit profonde chargées d’un espoir à géométrie variable se consumant avec le souffle du temps…

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Le doux ton des rêves

Jusqu’à très récemment, je ne m’étais jamais interrogée sur la couleur de mes rêves, enfin, des rêves en général. Mais une question toute anodine – « Tu rêves en couleurs ou en noir et blanc, toi ? » -, posée sur un bout de trottoir, en plein milieu d’une conversation de coq à l’âne, et à laquelle j’ai machinalement répondu « En couleurs » pour ne pas avouer mon ignorance dont, tout d’un coup, j’avais un peu honte, a tout fait chavirer. Quel stupide réflexe par ailleurs que de se mentir à soi-même et aux autres pour une bête question d’orgueil ! Comment avais-je pu passer toutes ces années à côté de cette question-là, essentielle, alors même que je ne compte plus les interrogations inutiles, vaines et sans fondement qui peuplent mes pensées au quotidien ? Pour me rassurer, j’ai instantanément fait cette hypothèse, convoquant un léger raisonnement par l’absurde pour l’occasion : si j’avais rêvé en noir et blanc, cela m’aurait forcément sauté aux yeux – certes fermés – puisque j’ai la chance de ne souffrir d’aucune anomalie chromatique et donc de percevoir toutes les couleurs possibles – à quelques nuances d’appréciation personnelle près dès lors qu’ils sont ouverts. CQFD. Par ailleurs, une étrange impression m’a alors traversé l’esprit : rêver en couleurs me semblait plus valorisant que de se limiter au noir et blanc. Comme si on pouvait choisir ! Comme s’il suffisait de tourner le bouton « couleurs » avant de s’endormir. On pourrait alors imaginer d’avoir une batterie de filtres à disposition pour rêver en sépia, très contrasté, surex, sous-exposé, couleurs froides, façon sténopé ou plaque de verre… Quoi qu’il en soit, cette micro-analyse ne me permettait pas d’être catégorique quant à la tonalité de mes propres rêves.

J’ai alors essayé de m’en souvenir, non pas du contenu de mes rêves, mais de ce dont ils étaient visuellement constitués, de leur texture, de leurs teintes donc. A nouveau, la couleur s’est spontanément imposée à moi, et j’en tenais pour preuves des aquarelles justement tirées de mes fantasmagories nocturnes que je n’avais jamais eu l’idée de représenter en noir et blanc. Mais là encore, ma retranscription colorée pouvait être imaginaire et exclusivement orientée par ma vie éveillée. Au fond, le doute persistait. De fait, je me suis mise en tête d’y être particulièrement attentive à mon prochain rêve. Ce qui, je vous vois sourire, est une véritable gageure puisque rêver suppose d’avoir atteint un niveau d’inconscience incompatible avec le fait de mener une enquête consciemment et donc d’apporter une réponse claire, précise et indiscutable à la question liminaire. Peut-être, pour en découdre, devrais-je plutôt me concentrer sur cet état de semi-conscience précédant le réveil, où les dernières images construites par notre subconscient se mêlent aux premières sensations d’une nouvelle journée, ce moment où, justement, nos rêves ne se sont pas encore volatilisés, où le reboot matinal automatique s’initialise – je m’appelle Lou Camino, je suis dans mon lit, nous sommes samedi, il faut assez chaud, j’ai rendez-vous dans 2h à l’autre bout de Paris… -, suivi de la formalisation d’une série d’actions à entreprendre dans un ordre très précis pour arriver presque à l’heure ? Une chose est sûre, tout cela demeure un peu flou dans mon esprit…

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La carte du ciel

Les villes ont leur carte, les régions ont leur carte, les pays ont leur carte, les continents ont leur carte, la planète a sa carte. Même les étoiles ont leur carte. Alors, pourquoi les nuages n’auraient-ils pas la leur ? On se repèrerait quand même plus facilement dans le ciel…

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Le rocher

Dans quelles proportions les souvenirs se déforment-ils avec le temps ? Lorsque, exemple parmi d’autres, entré dans le monde adulte, nous retournons en des lieux visités ou habités ou aimés enfants, nous nous faisons souvent cette réflexion commune et quasi universelle : « c’était plus grand dans mon souvenir… ». Une simple phrase ou une phrase simple qui illustre la relativité des impressions, comme si elles étaient proportionnelles à notre taille, nous plonge dans les abîmes d’un monde à jamais envolé (au moins de façon temporelle), et nous force à douter de la réalité de tous ces autres souvenirs qui viennent, parfois, faire scintiller notre mémoire comme des lucioles éclairent la nuit.

Ainsi, en arrivant sur cette plage corse en fin de journée, face à cette mer calme habillée d’un camaïeu de bleu et à cette masse rocheuse à l’horizon, que la distance au rivage rend petite alors qu’elle est, contrairement aux souvenirs d’enfants, bien plus grande en vrai, ai-je décrêté que c’était celle vers laquelle nous nous étions élancés, avec quatre amis, un peu inconsciemment – jeunes quoi ! – quasiment 20 ans auparavant. Le soleil avait sans doute un peu trop chauffé nos têtes, pourtant raisonnablement bien cortiquées, pour que, non seulement, nous fomentions ce plan d’aller nager en pleine mer vers un îlot sans grand intérêt à quelques centaines de mètres du bord, mais surtout que nous ne nous arrêtions pas à l’idée de le faire. Car si l’atteindre semblait être l’objectif premier de ce défi que nous nous étions lancé à nous-mêmes, en revenir en était un autre que nous lancions à nos corps plus habitués aux allers-retours en piscine avec pause au pire tous les 50 mètres qu’à un long trajet sans répit possible dans des eaux dont nous ne voyions pas le fond…

Finalement, tout s’était bien passé, nous avions croisé quelques plaisanciers étonnés en chemin, nous demandant si nous avions besoin d’aide, nous avions fait plusieurs fois la planche pour nous reposer, nous nous étions agrippés tant bien que mal à une roche coupante ne se laissant pas aborder avant de refaire le chemin en sens inverse, et de débarquer sur la plage de sable blond, tels des explorateurs, pour nous allonger et faire une sieste bien méritée. Ou peut-être pas. Comme ce rocher, là, au fond, en est sans doute un autre. Mais qu’importe au final. Il sera désormais celui de nos exploits de jeunesse.

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Contrainte forte

Le panneau est on ne peut plus clair : ne peuvent monter dans ces taxis jaunes que des hommes chauves arrivant de profil à la portière. En plus d’être contraignant, c’est très sexiste et discriminatoire !

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FDM

Vous est-il déjà arrivé de penser à la fin du monde ? Statistiquement, la fin du monde – de ce monde incarné par notre planète bleue et de tout ce qui y vit – est assimilée à une catastrophe. A certains égards, c’en est effectivement une. Quant aux catastrophes, elles sont elles-mêmes associées à une iconographie purement imaginaire et conceptuelle très précise. J’insiste sur le « imaginaire ». Le contraire signifierait que la fin du monde a déjà eu lieu, que certains d’entre nous ont survécu, enfin, au moins moi qui écris ces lignes, qu’une connexion internet a miraculeusement résisté, mais que, comme Robert Neville dans I am a legend ou les héros père et fils de The Road, du roman de Cormac McCarthy, personne ne sait où sont les autres, combien ils sont et surtout, s’ils ne sont pas devenus complètement fous, barbares, zombies, cannibales, psychotiques, en résumé, totalement infréquentables.

Dans ces fins du monde là, les océans débordent, la Terre craque comme un puzzle jeté en l’air, les cieux sont plombés par de funestes nuages, des rafales de vent balayent tout sur leur passage, des murs de feu s’étendent sur des hectares, des déluges inondent les terres contaminées et s’abattent sur nous, petites choses vivantes totalement insignifiantes et désarmées face au déchaînement des 4 fantastiques – eau, terre, air, feu -, des super héros au sens propre puisque, assaisonnés d’un peu de poussières d’étoiles, ils sont à l’origine de toute vie sur Terre. Ce qui n’est pas une bagatelle, vous en conviendrez aisément ! Cette colère, nous l’avons peut-être déclenchée en nous mettant en sous-vêtement devant un volcan sacré, en épuisant les ressources naturelles de notre hôtesse, ou en étant incapable d’imaginer que tout cela – les oiseaux, les montagnes, la ligne 13 (parisian joke) – puisse vraiment avoir une fin parce que, nous avons beau passer notre temps à nous projeter dans le futur en permanence, nous vivons toujours comme si aujourd’hui était éternel…

Bref, voici donc les ingrédients classiques d’une fin du monde réussie. Je trouve cela un peu triste, banal et finalement assez prévisible. Me voilà donc à rêver d’une fin du monde ensoleillée, à déguster une boule de glace au sésame noir, en observant des coccinelles à 7 pois se poser sur des renoncules blanches. Personne ne s’y attendrait, personne n’aurait le temps d’avoir peur, la fin du monde passerait comme une lettre à la poste – ce qui n’est plus forcément une référence infaillible aujourd’hui, mais c’est un autre débat. Donc, soleil, sésame, coccinelles et renoncules. Et clap, fin du monde, ce serait fini ! Ni vu, ni connu !

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Dans la vie, il y a au moins deux postures – ce qui, en soi, est rassurant car cela signifie que nous avons le choix. La première : attendre, plus ou moins sagement, que ce que nous attendons, voire espérons, survienne. Cela ne signifie pas pour autant que nous attendions passivement. A nous, en effet, de créer les conditions d’une attente intelligente, favorisant la survenue de ce quelque chose, défini ou pas. En revanche, cette première posture requiert de s’armer, d’une part de patience car, comme le dernier souffle, impossible de savoir précisément quand cela arrivera, et, d’autre part, de son corollaire, la persévérance – certains attendent toute leur vie quelque chose qui, au final, ne se sera jamais présenté, mais pour autant auraient-ils agi autrement s’ils avaient su ? – voire l’optimisme – il faut y croire, parfois, vraiment y croire… Bien sûr, l’effort à fournir dépend de la nature du « quelque chose » espéré. Par exemple, attendre quelques minutes sur cet escalier en colimaçon à marches à pois qu’un être vivant passe pour humaniser l’ensemble et habiller l’arrière plan (et presque faire oublier la benne à ordure bleue – ah, vous ne l’aviez pas vue ? Et voilà, maintenant, vous ne verrez plus qu’elle -) n’exige pas du tout le même investissement que de vouloir être la première femme à poser le pied sur la Lune (seul Fritz Lang l’y a envoyée en 1929), si tant est qu’un tel voyage ait encore un intérêt.

Quant à la deuxième posture, d’aucuns l’estimeront plus efficace, plus rapide et plus proactive puisqu’il s’agit de provoquer les choses, ou sa chance, de se créer ses propres opportunités, d’être acteur de changement comme on dit dans le jargon policé des communicants. Patience, persévérance et optimisme sont alors moins utiles que confiance en soi, culot et inconscience. Par exemple, ne pas attendre fébrilement sur les marches à pois de cet escalier en colimaçon, un œil derrière le viseur, un autre dans le monde réel à repérer des silhouettes potentielles, à s’en déclencher une crampe à l’index et à en lasser définitivement notre nerf optique, mais descendre pour arrêter un passant plus ou moins au hasard et lui demander d’emprunter ce chemin de telle ou telle façon pour les besoins d’une très importante expérimentation artistique… Cette posture a l’avantage indéniable de laisser peu de place au doute, phagocyté avant même de prendre ses quartiers, sauf si toutes les personnes sollicitées déclinent l’étrange invitation… C’est possible mais peu probable car le spécimen de la deuxième posture est aussi très convaincant.

La question – enfin, juste une parce qu’il faut bien finir – est de savoir si tous les chemins mènent à Rome, et si, compte tenu de ce que nous sommes chacun, individuellement, nous avons vraiment le choix entre ces deux routes…

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